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8C_614/2024 (f) du 24.06.2025 – Prestations complémentaires – Revenu hypothétique de l’épouse de l’assuré selon ESS / Recours téméraires de l’assuré

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_614/2024 (f) du 24.06.2025

 

Consultable ici

 

Prestations complémentaires – Revenu hypothétique de l’épouse de l’assuré selon ESS / 11 LPC

Recours téméraires de l’assuré / 61 let. f bis LPGA

 

Résumé
Le Tribunal fédéral a confirmé la fixation du revenu hypothétique de l’épouse sur la base des salaires ESS, aucune circonstance personnelle – y compris l’âge, l’expérience, le travail à temps partiel ou le secteur du nettoyage – n’ayant justifié une réduction ni l’usage du quartile inférieur, d’autant que l’intéressée n’a pas entrepris d’efforts concrets pour accroître son activité. Les frais judiciaires (recours cantonal + fédéral) ont été mis à la charge de l’assuré, ses recours ayant été jugés téméraires.

 

Faits
Assuré touche depuis le 01.10.2019 des prestations complémentaires, qui ont été calculées en tenant compte d’un revenu hypothétique de son épouse travaillant déjà à temps partiel. Depuis lors, la caisse de compensation s’est prononcée à plusieurs reprises sur le droit de l’assuré aux prestations complémentaires, en prenant toujours en considération un revenu hypothétique de sa conjointe.

La caisse de compensation a, par décision du 07.04.2021 confirmée sur opposition le 24.08.2021, fixé les prestations complémentaires à 1’096 fr. dès le 01.01.2021 ; la cour cantonale a rejeté le recours et, le 25.09.2023, le Tribunal fédéral a rejeté le recours dirigé contre cet arrêt. Par décision du 23.12.2022, confirmée sur opposition le 03.02.2023, elle a fixé les prestations complémentaires à 1’100 fr. du 01.10.2022 au 31.12.2022, puis à 1’180 fr. dès le 01.01.2023 ; la cour cantonale a rejeté le recours. Par décision du 05.10.2023, confirmée sur opposition, la caisse de compensation a fixé le montant des prestations complémentaires à 1’180 fr. dès le 01.04.2023.

Le 22.12.2023, la caisse de compensation a refusé d’entrer en matière sur une demande de « révision » d’une décision du 05.12.2019. La cour cantonale a confirmé cette décision et le recours formé contre cet arrêt cantonal a été déclaré irrecevable par le Tribunal fédéral le 29.05.2024.

Par décision du 27.12.2023, confirmée sur opposition le 05.02.2024, la caisse de compensation a fixé le montant des prestations complémentaires à 1’106 fr. dès le 01.01.2024.

 

Procédure cantonale

Par jugements du 20.09.2024, rejet du recours par le tribunal cantonal, en mettant les frais de procédure à charge de l’assuré au motif que ses démarches étaient téméraires.

 

TF

Consid. 5.1 [résumé]
L’assuré soutient que les salaires statistiques de l’ESS ne tiennent pas compte du profil personnel et professionnel de son épouse. Il expose que son épouse a toujours travaillé à temps partiel pour des indépendants ou des micro-entreprises et qu’un second poste à temps partiel ne garantirait pas un salaire équivalent à un emploi à 100%. Se prévalant de l’âge proche de la retraite et de l’absence d’ancienneté de son épouse, il en conclut que les statistiques de l’ESS ne sont pas applicables telles quelles pour fixer le revenu hypothétique, à tout le moins sans abattement ou sans recourir au quartile inférieur.

Consid. 5.2
Selon les Directives concernant les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI (DPC), dont il est question dans les arrêts attaqués, le revenu hypothétique à prendre en compte est fixé sur la base des tables de l’ESS. Les DPC précisent que pour fixer le montant du revenu hypothétique, il convient de tenir compte des conditions personnelles telles que, notamment, l’âge, l’état de santé, les connaissances linguistiques, la formation professionnelle, les activités exercées précédemment ou encore les obligations familiales. Aussi, les DPC prévoient expressément qu’il sied de s’écarter des salaires statistiques figurant dans l’ESS lorsque la situation personnelle d’un assuré le justifie.

En l’espèce, la juridiction cantonale a, conformément aux DPC, examiné si, en raison de facteurs personnels propres à l’épouse de l’assuré, le salaire statistique ressortant de l’ESS devait être réduit. Cette manière de faire ne prête pas le flanc à la critique. Les juges cantonaux ont en outre souligné que l’utilisation par la caisse de compensation du calculateur « salarium » de l’ESS était plus favorable à l’assuré que le recours aux valeurs médianes de l’ESS, auxquelles il convenait en principe de se référer selon la jurisprudence, ce que ne conteste pas l’assuré. Ils ont par ailleurs relevé, sans que celui-ci ne formule d’objection à ce propos, que la prise en compte du quartile inférieur ne modifierait pas le montant des prestations complémentaires.

S’agissant d’éventuels facteurs de réduction du salaire statistique, l’assuré ne soutient toujours pas (cf. arrêt 8C_114/2024 du 31 juillet 2024 consid. 5.2) que la capacité de travail de sa conjointe serait diminuée en raison de son âge. Par ailleurs, on ne voit pas en quoi le fait que celle-ci ait uniquement travaillé à temps partiel pour des particuliers ou de petites entreprises pourrait impacter négativement son revenu. Rien n’indique qu’une employée dans le secteur du nettoyage serait mieux rémunérée dans une grande entreprise ou lorsqu’elle exerce une activité à temps complet auprès d’un même employeur plutôt que lorsqu’elle cumule plusieurs emplois à temps partiel. Au reste, rien n’empêche l’épouse de l’assuré de rechercher un emploi à 100% auprès d’une grande entreprise tout en conservant son activité actuelle à taux réduit. On rappellera que les tâches d’une employée dans le nettoyage ne nécessitent ni formation particulière ni bon usage du français à l’écrit (cf. ibidem et l’arrêt cité).

En définitive et en l’absence de tout effort de la conjointe de l’assuré visant à compléter ses revenus, ce dernier ne peut se prévaloir d’aucun élément entravant concrètement la réalisation d’un revenu hypothétique tel que fixé par la caisse de compensation et confirmé par le tribunal cantonal. Les critiques de l’assuré sont mal fondées.

Consid. 6.1 [résumé]
L’assuré s’oppose à la mise à sa charge des frais, estimant ses démarches non téméraires ; il affirme avoir invoqué des arguments nouveaux contre de nouvelles décisions et s’être plaint d’une violation du principe d’égalité entre hommes et femmes.

Consid. 6.2
Quoi qu’il en dise, l’assuré a réitéré pour l’essentiel des arguments déjà soulevés dans le cadre des nombreuses procédures antérieures – souvent menées jusqu’au Tribunal fédéral – portant sur le montant du revenu hypothétique de son épouse. Tel est notamment le cas des motifs allégués en vue de diminuer ce revenu, comme par exemple l’âge de celle-ci, ses compétences linguistiques ou encore les conditions de son travail à temps partiel dans le secteur du nettoyage, ainsi que des critiques du mode de calcul de ce revenu.

On ajoutera qu’au cours des procédures successives, l’assuré ne s’est jamais prévalu de recherches d’emploi infructueuses de son épouse. Rien n’indique que celle-ci ait cherché depuis 2019 à étendre son activité et augmenter ses revenus, ce qui rend inopérants les griefs de l’assuré en lien avec les difficultés de son épouse à trouver un emploi à temps complet. Les juges cantonaux ont également constaté à juste titre que l’assuré avait été averti, dans l’arrêt cantonal du 25 mars 2024, que ses démarches étaient à la limite de la témérité au sens de l’art. 61 let. f bis LPGA, et qu’en dépit de cet avertissement, il avait maintenu ses recours cantonaux.

Il découle de ce qui précède que les conditions pour mettre les frais de procédure à la charge de l’assuré étaient remplies (cf. arrêt 8C_529/2020 du 3 mai 2021 consid. 5.1 et les arrêts cités).

 

Le TF rejette le recours de l’assuré et met les frais judiciaires (1’000 fr.) à sa charge.

 

Arrêt 8C_614/2024 consultable ici

 

9C_652/2019 (f) du 06.12.2019 – Modèle alternatif d’assurance avec médecin de famille et liste de pharmacies agréées – Pas de droit à la substitution de la prestation – 41 LAMal / Recours téméraire – 61 lit. a LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_652/2019 (f) du 06.12.2019

 

Consultable ici

 

Modèle alternatif d’assurance avec médecin de famille et liste de pharmacies agréées – Pas de droit à la substitution de la prestation / 41 LAMal

Recours téméraire / 61 lit. a LPGA

 

Assuré, né en 1966, a adhéré à un modèle alternatif d’assurance avec médecin de famille et liste de pharmacies agréées (PharMed) auprès de son assurance obligatoire des soins.

Les 29.03.2018 et 16.04.2018, l’assuré a acheté des médicaments sur ordonnance auprès d’une pharmacie, pour des montants de 67 fr. et 83 fr. 15. Saisie d’une demande de remboursement de ces prestations, la caisse-maladie l’a rejetée par décision du 20.09.2018, confirmée sur opposition. En bref, l’assurance obligatoire des soins a considéré que les frais ne correspondaient pas aux conditions d’assurance du modèle PharMed, dès lors que la pharmacie ne figurait pas sur la liste des pharmacies agréées pour la ville de Fribourg.

 

Procédure cantonale (arrêt 608 2018 345 – consultable ici)

Par jugement du 12.09.2019, rejet du recours par le tribunal cantonal. Par ailleurs, la juridiction cantonale a considéré que le recours était téméraire et a mis à la charge du recourant des frais de justice de 400 fr.

 

TF

Modèle alternatif d’assurance

L’art. 41 al. 4 LAMal ne peut pas être interprété en ce sens qu’il garantit à l’assuré qui a opté pour un modèle d’assurance impliquant un choix restreint des fournisseurs de prestations, un droit à la substitution de la prestation, lorsqu’il se procure des prestations auprès d’un fournisseur qui ne fait pas partie des fournisseurs agréés conformément au modèle alternatif d’assurance qu’il a choisi.

L’art. 41 al. 4 LAMal offre à l’assuré la possibilité, en accord avec l’assureur, de limiter son choix aux fournisseurs de prestations que l’assureur désigne en fonction de leurs prestations plus avantageuses, l’assureur ne prenant alors en charge que les coûts des prestations prodiguées ou ordonnées par ces fournisseurs. L’assuré qui opte pour un modèle d’assurance impliquant une limitation du choix des fournisseurs de prestations s’acquitte en contrepartie de primes d’assurance-maladie réduites (art. 62 al. 1 et 3 LAMal).

On constate que le texte de l’art. 41 al. 4 LAMal est clair, y compris dans ses versions allemande et italienne. Il prévoit que lorsque l’assuré a opté pour un modèle d’assurance impliquant une limitation du choix des fournisseurs de prestations, « l’assureur ne prend en charge que les coûts des prestations prodiguées ou ordonnées par ces fournisseurs » (« Der Versicherer muss dann nur die Kosten für Leistungen übernehmen, die von diesen Leistungserbringern ausgeführt oder veranlasst werden », « L’assicuratore deve allora assumere solo i costi delle prestazioni effettuate o ordinate da questi fornitori di prestazioni »). Un droit au remboursement des prestations à hauteur des coûts que l’assureur aurait été tenu de prendre en charge si celles-ci avaient été prodiguées à l’assuré par un fournisseur de prestations autorisé ne peut pas être déduit de l’art. 41 al. 4 LAMal.

Dans l’arrêt 9C_471/2018 du 25 septembre 2018, la Haute Cour a jugé qu’il n’existait aucun droit à la substitution de la prestation lorsque l’assuré se procurait des médicaments auprès de son médecin de famille plutôt qu’auprès d’une pharmacie figurant sur la liste des pharmacies agréées conformément au modèle d’assurance impliquant un choix restreint des fournisseurs de prestations choisi. Elle a également rappelé la jurisprudence constante selon laquelle si le droit à la substitution de la prestation est une institution reconnue en matière d’assurance-maladie, il ne doit cependant pas aboutir à ce qu’une prestation obligatoirement à la charge de l’assurance soit remplacée par une prestation qui ne l’est pas (cf. ATF 133 V 218 consid. 6 p. 220 ss; 126 V 330 consid. 1b p. 332 s. et les références; arrêt 9C_471/2018 précité consid. 2.3). En l’espèce, un droit à la substitution de la prestation ne peut pas être reconnu à l’assuré compte tenu déjà de la jurisprudence selon laquelle lorsque l’assuré ne respecte pas ses obligations issues de la limitation du choix des fournisseurs de prestations, l’assureur n’a pas l’obligation de prendre en charge ces prestations (arrêt K 133/98 du 20 décembre 1999 consid. 2b, RAMA 2000 n° KV 108 p. 74; cf. aussi ATF 141 V 546 consid. 6.2.2). La restriction du choix des fournisseurs de prestations convenue entre les parties en application de l’art. 41 al. 4 LAMal a précisément pour effet d’exclure une prise en charge des prestations dispensées par un fournisseur autre que ceux prévus par le contrat d’assurance. Admettre le contraire reviendrait à vider l’art. 41 al. 4 LAMal de sa substance (arrêt K 133/98 précité consid. 2b).

 

Recours téméraire

L’acte de recours déposé le 21.12.2018 devant la juridiction cantonale était pour le moins sommaire, puisque l’assuré s’est limité à affirmer « qu’une lecture correcte de l’art. 41 al. 4 LAMal impos[ait] à [la caisse-maladie] de rembourser les montants qu’elle aurait dû payer si les médicaments avaient été achetés auprès de son fournisseur agréé ».

Par ailleurs, au vu du texte clair de l’art. 41 al. 4 LAMal et de la jurisprudence, l’assuré ne saurait valablement soutenir qu’il avait « de bons arguments en faveur de sa thèse et que la question litigieuse n’a pas encore été tranchée par la jurisprudence du Tribunal fédéral ». Il faut bien plutôt admettre que l’intéressé aurait subjectivement pu se rendre compte, avec l’attention et la réflexion que l’on pouvait attendre de lui, de l’absence de toutes chances de succès de sa démarche, ce d’autant plus qu’il dispose d’une formation d’avocat (sur la notion de témérité, cf. arrêt 9C_438/2014 du 23 décembre 2014 consid. 6.1 et les arrêts cités).

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_652/2019 consultable ici