Archives par mot-clé : Gain présumé perdu

9C_272/2022 (f) du 20.04.2023 – Surindemnisation – 34a al. 1 LPP – 24 al. 1 OPP 2 / Détermination du revenu exigible comme invalide / Adaptation du gain présumé perdu / Restitution par l’assurée de la prestation de sortie – 3 LFLP

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_272/2022 (f) du 20.04.2023

 

Consultable ici

 

Surindemnisation / 34a al. 1 LPP – 24 al. 1 OPP 2

Détermination du revenu exigible comme invalide

Adaptation du gain présumé perdu

Restitution par l’assurée de la prestation de sortie / 3 LFLP

 

Assurée, mariée et mère d’un enfant (né en 2012), a travaillé à plein temps du 01.07.2003 au 31.01.2009. L’assurée a subi plusieurs périodes d’incapacité de travail dès le 04.07.2006, avant d’être en arrêt total de travail dès le 08.03.2007. A la demande de l’employeur, la caisse de prévoyance a indiqué à l’assurée qu’elle n’avait pas droit à une pension d’invalidité de la prévoyance professionnelle (correspondance du 20.06.2008).

En se fondant sur un projet de décision de l’office AI du 15.03.2013, l’assurée a demandé à la caisse de prévoyance un nouvel examen de sa situation le 03.04.2013. Dans une précédente procédure, le tribunal cantonal a accordé à l’assurée – sous réserve d’une éventuelle surindemnisation – une pension d’invalidité statutaire de 100%, une pension d’indexation et une pension supplémentaire d’invalidité pour invalide complet dès le 27.08. 2009, ainsi qu’une pension complémentaire pour enfant d’invalide dès le 01.05.2012. La cour cantonale a par ailleurs invité la caisse de prévoyance à calculer les prestations dues, avec intérêts à 5% l’an dès le 29.08.2014, et dit que le calcul de surindemnisation prendra en compte un éventuel revenu raisonnablement exigible de l’assurée au plus tôt dès le 23.07.2012, dans le sens des considérants.

Le 20.06.2017, la caisse de prévoyance a indiqué à l’assurée qu’elle était en situation de surassurance pour l’année 2009 et les années 2012 à 2017, de sorte qu’après compensation, elle avait droit à un montant de 150’199 fr. 40 (pour la période du 01.09.2009 au 30.06.2017).

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/329/2022 – consultable ici)

Par jugement du 12.04.2022, admission partielle du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.1
Selon l’art. 34a al. 1 LPP, dans sa version en vigueur du 01.01.2003 au 31.12.2016, le Conseil fédéral édicte des dispositions afin d’empêcher que le cumul de prestations ne procure un avantage injustifié à l’assuré ou à ses survivants. D’après l’art. 24 al. 1 OPP 2, dans sa version en vigueur sur la même période, l’institution de prévoyance peut réduire les prestations d’invalidité et de survivants dans la mesure où, ajoutées à d’autres revenus à prendre en compte, elles dépassent 90% du gain annuel dont on peut présumer que l’intéressé est privé.

Consid. 3.2
L’art. 57 al. 1, 2 et 6 des Statuts de la caisse de prévoyance, dans sa version applicable au moment où se pose pour la première fois la question de la réduction des prestations LPP (août 2009), a la teneur suivante: « 1. En cas d’invalidité ou de décès, dans la mesure où les prestations de la Caisse, ajoutées à d’autres revenus à prendre en compte, dépassent 90% du salaire annuel de base, y compris le 13ème salaire, dont l’intéressé est privé, la Caisse réduit ses prestations. 2. Sont considérées comme des revenus à prendre en compte, les prestations d’un type et d’un but analogues qui sont accordées à l’ayant droit en raison de l’événement dommageable, telles que: a. les rentes ou les prestations en capital prises à leur valeur de rentes selon les bases techniques de la Caisse, provenant d’assurances sociales ou d’institutions de prévoyance suisses et étrangères; b. d’éventuels paiements de salaire de l’employeur ou d’indemnités qui en tiennent lieu; c. le revenu de remplacement ou le revenu de remplacement que l’assuré pourrait encore raisonnablement réaliser.

6. Le montant de la réduction est revu chaque année compte tenu de l’évolution des prestations, de la perte, ou de l’ouverture du droit à une prestation. Le revenu dont on peut supposer que l’assuré est privé et qui a été établi au début du versement des prestations est chaque année adapté à l’indice genevois des prix à la consommation. »

 

Consid. 5.1
Dans un premier grief, l’assurée conteste la manière dont la juridiction cantonale a fixé le revenu qu’elle pourrait encore raisonnablement réaliser. Elle fait valoir que les données statistiques de la table TA1_skill_level de l’Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS) sur lesquelles repose le raisonnement des premiers juges ne tiennent pas compte des différences salariales intercantonales et de variables autres que le sexe et le niveau de compétence. Elle affirme que la table TA17 permettrait de mieux tenir compte de son âge ainsi que des salaires « réalisables » dans le canton du Valais, où elle est domiciliée.

Consid. 5.2.1
Il existe entre les premier et deuxième piliers (assurance-invalidité et prévoyance professionnelle) un lien qui permet d’assurer d’une part une coordination matérielle étendue entre ces deux piliers et de libérer d’autre part les caisses de pensions chargées de mettre en application la LPP obligatoire de démarches importantes et coûteuses concernant les conditions, l’étendue et le début du droit aux prestations d’invalidité du deuxième pilier (cf., p. ex., ATF 140 V 399 consid. 5.2.1; 134 V 64 consid. 4.1.3). Dans ce contexte, le Tribunal fédéral a établi une correspondance ou une équivalence de principe (« Kongruenz » ou « Grundsatz der Kongruenz ») entre d’une part le revenu sans invalidité et le revenu dont on peut présumer que l’intéressé est privé et d’autre part le revenu d’invalide et le revenu que l’assuré pourrait encore raisonnablement réaliser. Les revenus déterminants pour l’assurance-invalidité doivent être pris en considération dans le calcul de la surindemnisation de la prévoyance professionnelle. La correspondance ou l’équivalence entre ces revenus doit cependant être comprise dans le sens d’une présomption (ATF 144 V 166 consid. 3.2.2; 143 V 91 consid. 3.2 et les références) qui, par définition, peut être renversée selon les circonstances (arrêt 9C_853/2018 du 27 mai 2019 consid. 3.3.1 et la référence).

En particulier, dans la procédure de l’assurance-invalidité, les organes d’exécution sont tenus de prendre en considération une mise en valeur réaliste de la capacité de travail résiduelle lors de l’évaluation du revenu avec invalidité. Dans le contexte de la surindemnisation, l’examen de l’institution de prévoyance (ou du juge) n’a plus à porter sur les aspects de l’exigibilité de la capacité résiduelle de travail ou le caractère réaliste de la mise en valeur de celle-ci sur le plan économique. Elle doit se limiter à vérifier, au regard des éléments que fait valoir l’assuré à l’encontre de la présomption d’équivalence, si le marché du travail entrant concrètement en considération pour l’intéressé comprend des postes de travail adaptés à sa situation. Il en découle que l’assuré ne peut pas invoquer, au titre de « circonstances personnelles » dont il y a lieu de tenir compte sous l’angle de l’exigibilité d’un revenu résiduel, des éléments qui ont déjà été pris en considération par les organes de l’assurance-invalidité pour déterminer l’exigibilité de la capacité de travail résiduelle et son étendue (arrêt 9C_346/2021 du 14 mars 2022 consid. 4.3 et les références).

Consid. 5.2.2
Dans le domaine de l’assurance-invalidité, il convient de se fonder, en règle générale, sur les salaires mensuels indiqués dans la table TA1 de l’ESS, à la ligne « total secteur privé »; on se réfère alors à la statistique des salaires bruts standardisés, en se fondant toujours sur la valeur médiane ou centrale (ATF 124 V 321 consid. 3b), étant précisé que, depuis l’ESS 2012, il y a lieu d’appliquer le tableau TA1_skill_ level (ATF 142 V 178). Lorsque les circonstances du cas concret le justifient, on peut s’écarter de la table TA1 pour se référer à la table TA7 (salaire mensuel brut [valeur centrale] selon le domaine d’activité dans les secteurs privé et public ensemble), si cela permet de fixer plus précisément le revenu d’invalide et que le secteur en question est adapté et exigible (arrêt 8C_66/2020 du 14 avril 2020 consid. 4.2.2 et les arrêts cités).

Les tables TA1_tirage_skill_level, T1_tirage_skill_level et T17 des ESS publiées depuis 2012 correspondent respectivement aux tables TA1, T1 et TA7 des ESS publiées jusqu’en 2010 (voir l’Annexe de la lettre circulaire AI n° 328 du 22 octobre 2014).

Consid. 5.3
En l’espèce, comme l’a relevé à juste titre la juridiction cantonale, l’assurée n’expose aucun élément qui justifierait de s’écarter du revenu avec invalidité fixé par l’office AI. Contrairement à ce que soutient l’assurée, le principe constitutionnel de l’égalité de traitement commande tout d’abord de recourir dans le domaine de l’assurance-invalidité aux données statistiques ressortant de l’ESS pour déterminer son revenu avec invalidité, sans tenir compte de données salariales régionales, et à plus forte raison cantonales (arrêts 9C_535/2019 du 31 octobre 2019 consid. 4; 8C_744/2011 du 25 avril 2012 consid. 5.2 et les références, in SVR 2012 UV n° 26 p. 93). Quant au choix de la table applicable, elle ne met en évidence aucun élément qui justifierait de s’écarter de la table TA1_tirage_skill_level (ATF 142 V 178). L’assurée a en effet interrompu les mesures de réadaptation professionnelle mises en place par l’assurance-invalidité et n’a donc pas mené à terme son reclassement. Dans ces circonstances, le salaire de référence était celui auquel pouvaient prétendre les femmes effectuant des tâches physiques ou manuelles simples de la table TA1_tirage_skill_level. Enfin, lorsqu’ils ont déterminé l’activité raisonnablement exigible sur le marché équilibré du travail et le revenu avec invalidité, les organes de l’assurance-invalidité ont déjà tenu compte des circonstances personnelles dont se prévaut l’assurée. En tant que facteur étranger à l’invalidité, il n’y avait pas lieu de tenir compte du fait que l’âge de la personne assurée peut avoir une influence négative sur la recherche d’emploi (arrêt 8C_808/2013 du 14 février 2014 consid. 7.3).

 

Consid. 6.2
Par « gain annuel dont on peut présumer que l’intéressé est privé » (au sens de l’art. 24 al. 1 aOPP 2), il faut entendre le salaire hypothétique que l’assurée réaliserait sans invalidité, au moment où doit s’effectuer le calcul de surindemnisation, soit au moment où se pose la question de la réduction des prestations LPP (ATF 143 V 91 consid. 3.2; 137 V 20 consid. 5.2.3.1). Une fois déterminé, ce revenu n’est réexaminé que s’il existe des raisons suffisantes de penser que la situation s’est modifiée de manière importante au sens de l’art. 24 al. 5 aOPP 2 (ATF 143 V 91 consid. 4.1). Aussi, dans le domaine de la prévoyance professionnelle obligatoire, l’institution de prévoyance est tenue d’opérer un nouveau calcul, dans la mesure où les bases de calcul de la surindemnisation, dont fait partie le revenu hypothétique réalisable sans invalidité, se modifient de manière importante après la fixation de la rente (ATF 125 V 164 consid. 3b); il y a modification importante s’il en résulte une adaptation des prestations de 10% au moins (ATF 144 V 166 consid. 3.3 et les références).

Pour ce qui est de la prévoyance plus étendue, les institutions de prévoyance sont libres d’adopter un régime de surindemnisation différent de celui de l’OPP 2 (arrêt B 56/98 du 12 novembre 1999 consid. 4a, in SVR 2000 BVG n° 6 p. 31). Elles peuvent édicter des dispositions statutaires ou réglementaires plus restrictives que la loi, en particulier en ce qui concerne la limite de surindemnisation, mais de telles dispositions ne s’appliquent qu’à la prévoyance professionnelle plus étendue (ATF 147 V 146 consid. 5.2.1 et la référence).

Consid. 6.3
En l’espèce, à l’inverse de ce que soutient l’assurée, le droit fédéral ne garantit pas dans le domaine de la prévoyance professionnelle obligatoire une adaptation automatique du gain annuel dont on peut présumer que l’intéressé est privé à l’évolution des salaires réels (cf. ATF 123 V 193 consid. 5d; MARC HÜRZELER, in Schneider/Geiser/Gächter, LPP et LFLP, 2 e éd. 2020, art. 34a LPP n° 28 et 79; HANS-ULRICH STAUFFER, Berufliche Vorsorge, 3 e éd. 2019, p. 389 n° 1200). Par ailleurs, l’assurée ne prétend pas que le règlement de prévoyance prévoirait une telle adaptation dans le domaine de la prévoyance plus étendue. Au demeurant, comme l’a rappelé à juste titre la juridiction cantonale, l’art. 57 al. 6, 2e phrase, des Statuts prévoit uniquement une adaptation du revenu dont on peut supposer que l’assuré est privé et qui a été établi au début du versement des prestations à l’indice genevois des prix à la consommation. Aussi, en se limitant à renvoyer à la « liste des salaires dont elle aurait bénéficié au fil des ans » et à prétendre que ceux-ci seraient supérieurs au revenu retenu par la juridiction cantonale, l’assurée ne présente aucun montant concret à l’appui de ses allégations. Elle n’établit dès lors pas que son gain annuel se serait modifié de manière importante après la fixation de son droit à une rente de la prévoyance professionnelle pour la période courant à partir d’août 2009 (au sens de l’art. 24 al. 5 aOPP 2), soit qu’il en résulterait une adaptation des prestations de 10% au moins. Mal fondé, le grief doit être rejeté.

 

Consid. 7.2.1
La LFLP réglemente notamment le maintien de la prévoyance professionnelle acquise en cas de libre passage. Selon l’art. 2 al. 1 LFLP, si l’assuré quitte l’institution de prévoyance avant la survenance d’un cas de prévoyance (cas de libre passage), il a droit à une prestation de sortie. Celle-ci est exigible lorsque l’assuré quitte l’institution de prévoyance (art. 2 al. 3 LFLP; ATF 142 V 358 consid. 5.2 et la référence).

Aux termes de l’art. 3 LFLP, si l’assuré entre dans une nouvelle institution de prévoyance, l’ancienne institution de prévoyance doit verser la prestation de sortie à cette nouvelle institution (al. 1). Si l’ancienne institution de prévoyance a l’obligation de verser des prestations pour survivants et des prestations d’invalidité après qu’elle a transféré la prestation de sortie à la nouvelle institution de prévoyance, cette dernière prestation doit lui être restituée dans la mesure où la restitution est nécessaire pour accorder le paiement de prestations d’invalidité ou pour survivants (al. 2). Les prestations pour survivants ou les prestations d’invalidité de l’ancienne institution de prévoyance peuvent être réduites pour autant qu’il n’y ait pas de restitution (al. 3).

Consid. 7.2.2
Selon la jurisprudence, l’art. 3 al. 2 LFLP n’indique pas clairement qui doit restituer la prestation de sortie (ATF 135 V 13 consid. 3.6.3). En principe, la prestation de sortie est restituée par l’institution de prévoyance qui l’a reçue, c’est-à-dire par la nouvelle institution de prévoyance (art. 3 al. 1 LFLP), voire par l’institution supplétive (art. 4 al. 2 LFLP; art. 60 LPP) ou par une institution de libre passage (art. 4 al. 1 LFLP; art. 10 OLP). La restitution peut également être effectuée par d’autres personnes, notamment par l’assuré lui-même (ATF 141 V 197 consid. 5.3 et la référence).

Par ailleurs, l’art. 3 al. 2 LFLP doit être compris en ce sens que l’ancienne institution de prévoyance ne peut ni ne doit imposer la restitution de la prestation de sortie. En revanche, pour autant qu’il n’y ait pas de restitution, l’ancienne institution de prévoyance peut réduire les prestations pour survivants ou les prestations d’invalidité (art. 3 al. 3 LFLP; ATF 141 V 197 consid. 5.3; HERMANN WALSER, LPP et LFLP, op. cit., art. 3 LFLP n° 11; ISABELLE VETTER-SCHREIBER, BVG/FZG Kommentar, Berufliche Vorsorge, 4 e éd. 2021, art. 3 LFLP n° 8).

Consid. 7.3
Conformément au système prévu par l’art. 3 LFLP, la caisse de prévoyance ne pouvait ni ne devait imposer la restitution de la prestation de sortie. Elle était en droit de réduire les prestations d’invalidité au sens de l’art. 3 al. 3 LFLP, pour autant qu’il n’y ait pas de restitution, sans que les délais de prescription, absolu et relatif, de l’art. 35a al. 2 aLPP ne lui soient opposables (BETTINA KAHIL-WOLFF HUMMER, LPP et LFLP, op. cit., art. 35a LPP n° 4). Dans l’ATF 142 V 358 cité par l’assurée, le Tribunal fédéral a précisé que le système prévu par l’art. 3 LFLP constitue une réglementation spéciale (ATF 142 V 358 consid. 5.5). Le grief doit être rejeté, étant précisé qu’en dehors de la question de la prescription, l’assurée ne conteste pas les modalités de la restitution en tant que telles, en particulier le fait que le montant de la prestation de sortie a été déduite des prestations qui lui étaient dues.

 

Consid. 8
En ce qui concerne les prestations à verser pour la période de septembre 2014 à mars 2017, c’est finalement en vain que l’assurée affirme qu’un intérêt moratoire était dû à partir du 01.12.2015 (date moyenne). Selon les constatations cantonales, qui ne sont pas remises en cause, l’assurée n’a pas entrepris les démarches préparatoires en septembre 2017 pour que la caisse de pension lui verse les prestations auxquelles elle avait droit. L’institution de prévoyance a en effet offert à l’assurée de lui verser la somme de 150’199 fr. 40 dès le 20.06.2017, mais l’assurée ne lui a pas communiqué les données nécessaires, notamment ses coordonnées bancaires, afin que le versement puisse être effectué. A défaut d’être en demeure (sur cette notion, ATF 143 II 37 consid. 5.2; 130 V 414 consid. 5.1), la caisse de pension n’avait pas à verser des intérêts moratoires.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 9C_272/2022 consultable ici

 

9C_630/2020 (f) du 08.09.2021 – Surindemnisation pour une assurée avec un statut mixte (statut d’active et de ménagère) – 34a LPP – 24 OPP2 / Institution de prévoyance «enveloppante» – Interprétation de la notion de gain présumé perdu

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_630/2020 (f) du 08.09.2021

 

Consultable ici

 

Surindemnisation pour une assurée avec un statut mixte (statut d’active et de ménagère) / 34a LPP – 24 OPP2

Institution de prévoyance de droit public cantonal vs de droit privé – Règles d’interprétation de la loi vs en matière contractuelle

Institution de prévoyance «enveloppante» – Interprétation de la notion de gain présumé perdu – Evolution salariale qui aurait eu lieu en l’absence d’invalidité mais sans changement du taux d’activité

 

Assurée, née en 1980, mère de deux enfants (nés en 2010 et 2012), a travaillé en tant qu’agent de police depuis 2002, d’abord à 100%, puis à 50% dès le 01.05.2011. A ce titre, elle a été assurée auprès de la Caisse de pensions depuis le 14.01.2002. Par décision du 13.02.2018, l’office AI lui a reconnu le droit à un quart de rente d’invalidité (taux d’invalidité de 40%), assorti de deux rentes pour enfant, dès le 01.10.2017, puis à trois quarts de rente à partir du 01.01.2018 (taux d’invalidité de 61%). En bref, il a considéré qu’à compter du 29.05.2015, seule une capacité de travail de 25% d’un plein temps était encore exigible de l’assurée et que celle-ci avait un statut d’active et de ménagère (d’abord à raison de 50/50%, puis de 60/40% dès août 2016, et de 80/20% dès le mois d’août 2017).

Entre-temps, depuis le 29.08.2017, la Caisse de pensions a reconnu le droit de l’assurée à une rente d’invalidité de la prévoyance professionnelle d’un montant mensuel de 1427 fr. 95.

Le 18.12.2017, après avoir été informée par l’office AI du droit de l’assurée à des prestations de l’assurance-invalidité (projet d’acception de rente), la Caisse de pensions a indiqué à l’intéressée qu’elle allait réduire le montant des prestations de la prévoyance professionnelle, en application de la clause de surassurance figurant à l’art. 30 de son règlement de prévoyance, à compter du 01.10.2017. L’assurée ayant fait part de son désaccord quant au calcul de surindemnisation. En se fondant sur un traitement annuel brut sans invalidité correspondant à une activité exercée à un taux de 50%, et compte tenu d’une limite de surindemnisation fixée à 90% de ce traitement, la Caisse de pensions allait réduire le montant de la rente d’invalidité de la prévoyance professionnelle due à l’assurée à 1160 fr. 25 du 01.10.2017 au 31.12.2017, puis à 512 fr. 40 dès le 01.01.2018, ce dernier montant correspondant à celui des prestations minimales de la prévoyance professionnelle obligatoire. L’assurée a indiqué à la Caisse de pensions qu’il n’y avait pas lieu de prendre en compte l’augmentation des prestations versées par l’assurance-invalidité en lien avec la hausse hypothétique de son activité professionnelle si la limite de surindemnisation n’était pas augmentée en parallèle. Il en résultait, selon elle, un droit à une rente d’invalidité de la prévoyance professionnelle de 1’427 fr. 65 du 01.10.2017 au 31.12.2017, puis de 1’383 fr. 40 dès le 01.01.2018. Le 08.08.2018, la Caisse de pensions a maintenu sa position.

 

Procédure cantonale

La juridiction cantonale a procédé à l’interprétation de la disposition réglementaire litigieuse. Elle a considéré que la notion de « traitement que réaliserait l’intéressé s’il était resté en activité » selon l’art. 30 al. 1 du règlement de prévoyance de la Caisse de pensions n’implique pas, en raison de la seule utilisation du conditionnel, la prise en compte d’une évolution du traitement déterminant consécutive à un changement de statut de l’assuré. Selon les juges cantonaux, dans la mesure où l’emploi du conditionnel paraît simplement de mise parce que l’on se réfère à une situation hypothétique dans laquelle l’assuré n’aurait pas été invalide et aurait ainsi pu continuer à exercer son activité professionnelle, la prise en considération du taux d’activité au moment de la survenance de l’invalidité afin de fixer la limite de surindemnisation n’est aucunement incompatible avec la notion de « traitement que réaliserait l’intéressé s’il était resté en activité » au sens de la disposition réglementaire précitée. En conséquence, la juridiction de première instance a confirmé que la Caisse de pensions était en droit de réduire le montant de ses prestations d’invalidité dès le mois d’octobre 2017, à 1160 fr. 25 jusqu’au 31.12.2017, puis à 512 fr. 40 dès le 01.01.2018.

Par jugement du 07.09.2020, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Surindemnisation – 34a LPP – 24 OPP2

Selon l’art. 34a al. 1 LPP, l’institution de prévoyance peut réduire les prestations de survivants et d’invalidité dans la mesure où celles-ci, ajoutées à d’autres prestations d’un type et d’un but analogues ainsi qu’à d’autres revenus à prendre en compte, dépassent 90% du gain annuel dont on peut présumer que l’intéressé est privé. Par « gain annuel dont on peut présumer que l’intéressé est privé » (« mutmasslich entgangenen Verdienst » resp. « guadagno presumibilmente perso dall’assicurato » selon les versions allemande et italienne de la loi), la jurisprudence a précisé qu’il faut entendre, le salaire hypothétique que l’assuré réaliserait sans invalidité, au moment où doit s’effectuer le calcul de surindemnisation (si le cas de prévoyance ne s’était pas produit), soit au moment où se pose la question de la réduction des prestations LPP. Il ne correspond pas forcément au gain effectivement obtenu avant la survenance du cas de prévoyance (ATF 125 V 163 consid. 3b; 122 V 151 consid. 3c; arrêt 9C_853/2018 du 27 mai 2019 consid. 3.3.1 et les références). Le statut de l’affilié dans l’assurance-invalidité a donc des incidences sur le calcul de la surindemnisation en matière de prévoyance professionnelle, tout comme un changement dudit statut. Par exemple, s’il existe des éléments concrets permettant d’admettre qu’un assuré travaillant jusqu’alors à temps partiel aurait repris, en l’absence d’invalidité, une activité à plein temps, la limite de surindemnisation dans la prévoyance professionnelle doit être adaptée en conséquence (ATF 142 V 75 consid. 6.3.1 et les références citées).

L’art. 30 al. 1 du règlement de prévoyance de la Caisse de pensions (dans sa teneur en vigueur dès le 01.01.2012, applicable en l’espèce) prévoit que: « Les prestations selon le présent règlement sont réduites dans la mesure où, additionnées à d’autres revenus imputables, elles dépassent 90% du traitement annuel brut que réaliserait l’intéressé s’il était resté en activité ».

 

Règles d’interprétation

La Caisse de pensions intimée est une institution de prévoyance de droit public cantonal (cf. art. 2 al. 1 de la loi valaisanne du 14 décembre 2018 régissant la Caisse de prévoyance du Canton du Valais [CPVAL; LCPVAL; RS/VS 172.51], et non de droit privé, comme l’a retenu à tort la juridiction cantonale. En conséquence, il convient d’interpréter l’art. 30 du règlement de prévoyance en fonction uniquement des règles d’interprétation de la loi (ATF 139 V 66 consid. 2.1 et les références), et non des règles d’interprétation en matière contractuelle, auxquelles les juges cantonaux ont eu recours.

Le fait que le règlement de prévoyance a été édicté par la Caisse de pensions (en conformité avec l’art. 11 al. 1 let. c LCPVAL) et ne figure pas dans la loi cantonale n’y change rien (arrêts 9C_426/2008 du 23 décembre 2008 consid. 2.1; B 33/04 du 18 mai 2005 consid. 5.2). On rappellera à ce propos que la loi s’interprète en premier lieu selon sa lettre. Il n’y a lieu de déroger au sens littéral d’un texte clair par voie d’interprétation que lorsque des raisons objectives permettent de penser que ce texte ne restitue pas le sens véritable de la disposition en cause. Si le texte n’est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, il convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux préparatoires, du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose ou encore de sa relation avec d’autres dispositions légales. Le Tribunal fédéral ne privilégie aucune méthode d’interprétation, mais s’inspire d’un pluralisme pragmatique pour rechercher le sens véritable de la norme; en particulier, il ne se fonde sur la compréhension littérale du texte que s’il en découle sans ambiguïté une solution matériellement juste (ATF 146 V 95 consid. 4.3.1; 139 V 250 consid. 4.1 et les références; arrêt 9C_886/2018 du 4 juillet 2019 consid. 3.4).

En l’espèce, le texte de l’art. 30 al. 1 du règlement de prévoyance de la Caisse de pensions n’est pas clair dans la mesure où les termes de « traitement annuel brut que réaliserait l’intéressé s’il était resté en activité » laissent place à une certaine interprétation. En particulier, il n’est pas d’emblée clair si ces termes comprennent une évolution hypothétique du taux d’occupation. Il convient dès lors de rechercher quelle est la portée de la disposition réglementaire.

 

Gain présumé perdu

Au regard du sens littéral de l’art. 30 al. 1 du règlement de prévoyance, il apparaît que la notion de « traitement annuel brut que réaliserait l’intéressé s’il était resté en activité » est évolutive et implique de tenir compte de l’évolution du salaire jusqu’au moment du calcul de surindemnisation. La notion de « traitement annuel » comprend en effet les éléments énumérés de manière exhaustive à l’art. 7 al. 1 du règlement de prévoyance, soit, pour les assurés rémunérés au mois, le traitement de base, les parts d’expérience, les augmentations progressives liées à la prestation et la prime de performance limitée à 5%. Le caractère évolutif des termes utilisés à l’art. 30 al. 1 du règlement de prévoyance s’agissant de l’évolution salariale n’est du reste pas contesté par la Caisse de pensions, qui a exposé à cet égard, devant la juridiction cantonale, que le recours au conditionnel est destiné à permettre une dynamisation de la limite de surindemnisation en tenant compte de l’évolution salariale qui aurait eu lieu en l’absence d’invalidité, en particulier des parts d’expérience. Cette solution est corroborée par la jurisprudence, selon laquelle ce n’est en effet que lorsqu’une institution de prévoyance recourt à des termes qui ne font pas appel à une notion variable ou hypothétique (telles les expressions « salaire présumé perdu » ou « salaire hypothétique qu’aurait perçu l’assuré »), mais qui se rapportent au revenu brut effectivement réalisé par l’assuré, comme par exemple, les termes de « traitement brut », que l’évolution du salaire jusqu’au moment du calcul de surindemnisation n’a pas à être prise en considération (voir arrêt 9C_48/2007 du 20 août 2007 consid. 6.2).

La Caisse de pensions conteste en revanche le caractère évolutif de la notion de « traitement annuel brut que réaliserait l’intéressé s’il était resté en activité » quant à une éventuelle modification du taux d’activité de la personne assurée, c’est-à-dire quant à d’éventuels changements de statut de l’assuré dans l’assurance-invalidité. Le point de vue de la Caisse de pensions est confirmé par l’interprétation littérale de l’art. 30 al. 1 de son règlement de prévoyance. En effet, le terme de « traitement » s’apparente aux notions de gain et de salaire et ne se rapporte pas directement au taux d’occupation professionnelle de l’assuré. Sous l’angle également de l’interprétation historique, si l’on ne dispose certes pas des travaux préparatoires usuels dans une procédure législative (qui a concerné l’adoption de la LCPVAL), la Caisse de pensions a fait valoir, devant l’instance cantonale, que selon sa pratique constante, le « traitement annuel brut que réaliserait l’intéressé s’il était resté en activité » est obtenu en se fondant sur le taux d’activité lors de la survenance de l’incapacité de gain. L’assurée ne prétend du reste pas que la pratique de la Caisse de pensions aurait changé dans le temps.

C’est en vain que l’assurée se réfère à la notion de « gain annuel dont on peut présumer que l’intéressé est privé » au sens de l’art. 34a al. 1 LPP. Si certes, cette notion est évolutive et comprend l’évolution hypothétique du statut de la personne assurée, l’art. 34a al. 1 LPP n’est pas déterminant en l’espèce. Selon la jurisprudence dûment rappelée par les juges cantonaux, dans le domaine de la prévoyance plus étendue, les institutions de prévoyance peuvent en effet prévoir une réglementation plus restrictive que celle de l’art. 34a al. 1 LPP. Il n’est en l’occurrence pas contesté que l’institution de prévoyance est une institution de prévoyance dite « enveloppante » qui a décidé d’étendre la prévoyance au-delà des exigences minimales légales (prévoyance surobligatoire ou plus étendue) et qu’elle est par conséquent libre de définir dans les limites des dispositions expressément réservées à l’art. 49 al. 2 LPP le régime de prestations, le mode de financement et l’organisation qui lui convient pour autant qu’elle respecte les principes d’égalité de traitement et de proportionnalité ainsi que l’interdiction de l’arbitraire (ATF 140 V 145 consid 3.1 et les références).

Au-delà du sens commun, dont il ressort que la notion de « traitement » recouvre le salaire ou gain perçu par l’assuré pour l’exercice d’une activité lucrative, sans référence directe au taux auquel cette activité est exercée, l’art. 30 du règlement de prévoyance s’insère dans le système de la surindemnisation prévu par la loi. On rappellera à cet égard que lorsque le règlement de prévoyance fixe une limite de surindemnisation plus restrictive que celle prévue par l’art. 34a al. 1 LPP, l’institution de prévoyance doit procéder à un calcul comparatif entre les prestations selon la LPP (sur la base du compte-témoin que les institutions de prévoyance doivent tenir afin de contrôler le respect des exigences minimales de la LPP [Alterskonto; art. 11 al. 1 OPP 2]) et les prestations réglementaires (Schattenrechnung; cf. ATF 136 V 65 consid. 3.7 et les références). Cette comparaison permet de s’assurer que les prestations réglementaires respectent les exigences minimales de la LPP, autrement dit que la personne assurée bénéficie au moins des prestations minimales légales selon la LPP (art. 49 al. 1 LPP en corrélation avec l’art. 6 LPP). Une institution de prévoyance doit en effet verser les prestations légales lorsque celles-ci sont supérieures à celles calculées conformément à son règlement. En l’occurrence, l’assurée ne conteste ni le calcul comparatif auquel la Caisse de pensions a procédé, ni le montant des prestations minimales de la prévoyance professionnelle obligatoire.

 

Compte tenu de ce qui précède, c’est bien le taux d’activité au moment de la survenance de l’invalidité qu’il convient de prendre en compte afin de fixer la limite de surindemnisation en application de l’art. 30 al. 1 du règlement de prévoyance de la Caisse de pensions. En conséquence, c’est à bon droit que la juridiction cantonale a confirmé la réduction du montant des prestations d’invalidité opérée par la Caisse de pensions, prestations dont le calcul n’est pas remis en cause en tant que tel par l’assurée, dès le mois d’octobre 2017.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 9C_630/2020 consultable ici

 

 

9C_672/2020 (f) du 05.08.2021 – Rente d’invalidité LPP – Surindemnisation – Gain présumé perdu – 34a al. 1 LPP – 24 OPP2

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_672/2020 (f) du 05.08.2021

 

Consultable ici

 

Rente d’invalidité LPP – Surindemnisation – Gain présumé perdu / 34a al. 1 LPP – 24 OPP2

Revenus déterminants pour l’AI à prendre en considération dans le calcul de la surindemnisation de la prévoyance professionnelle – Présomption qui peut être renversée selon les circonstances

 

Assurée, née en 1958, a travaillé en qualité d’employée d’administration depuis 1990, d’abord à temps partiel, puis à plein temps dès juillet 1994. A ce titre, elle a été assurée pour la prévoyance professionnelle auprès de la Caisse de pensions depuis le 01.07.1990.

A la suite d’un accident de la circulation survenu en mars 2007, l’office AI a reconnu le droit de l’assurée à une demi-rente d’invalidité depuis le 01.03.2008 par décisions des 30.11.2009 et 14.01.2010 (taux d’invalidité de 50%). Dans l’intervalle, à partir de mai 2009, l’assurée a diminué son taux de travail à 50%, puis à 30% dès le 01.11.2010. Le droit de l’assurée à une demi-rente de l’assurance-invalidité a ensuite été supprimé par décision du 13.09.2012, dès le premier jour du deuxième mois suivant la notification de la décision administrative. Par décisions des 03.10.2018 et 24.10.2018, faisant suite à une nouvelle demande de prestations déposée par l’assurée en mars 2016, l’office AI lui a accordé une rente entière d’invalidité dès le 01.01.2017 fondée sur un taux d’invalidité de 100%. Entre autres éléments de calcul pour déterminer le taux d’invalidité, l’office AI a fixé un revenu sans invalidité de 88’660 fr. 60.

Entre-temps, en septembre 2016, A.__ s’est adressée à la Caisse de pensions afin de solliciter des prestations de préretraite à partir du 01.01.2017. La Caisse de pensions lui a accordé une pension mensuelle de retraite de la prévoyance professionnelle de 632 fr. 70 et une avance AVS de 924 fr. 35 dès cette date. Après que la première décision de l’office AI du 03.10.2018 lui a été notifiée, la CPPEF a informé l’assurée notamment qu’elle mettait fin au versement de la pension de retraite au 30.09.2018 et qu’elle allait désormais lui allouer des prestations d’invalidité. Le 12.03.2019, la CPPEF a ensuite fixé le montant de la rente d’invalidité à 698 fr. 40, tout en précisant qu’aucune pension ne serait versée, étant donné que le 90% du revenu sans invalidité de l’assurée (qu’elle a fixé à 25’998 fr. 70 en se fondant sur le salaire perçu par l’intéressée en dernier lieu pour son activité à 30%) était déjà couvert par la rente de l’assurance-invalidité (qui s’élevait à 24’558 fr. par année). Après que l’assurée a contesté le calcul de surindemnisation, puis requis le versement d’une rente mensuelle d’invalidité de 698 fr. 40 (correspondances des 29 mai et 3 juillet 2019), la Caisse de pensions a maintenu sa position, en invoquant notamment ne pas être liée par « les chiffres de l’Office AI » pour la surindemnisation.

 

Procédure cantonale (arrêt 608 2019 282 – consultable ici)

Par jugement du 22.09.2020, admission par le tribunal cantonal de l’action ouverte par l’assurée contre la Caisse de pensions, condamnant l’institution de prévoyance à verser à l’assurée une rente d’invalidité (d’un montant mensuel) de 698 fr. 40 dès le 01.01.2017.

 

TF

S’agissant de la réduction des prestations de la prévoyance professionnelle en cas de surindemnisation, que selon la jurisprudence, le gain annuel dont on peut présumer que l’intéressé est privé au sens de l’art. 34a al. 1 LPP est le salaire hypothétique que l’assuré réaliserait sans invalidité (si le cas de prévoyance ne s’était pas produit) au moment où se pose la question de la réduction des prestations LPP. Il ne correspond pas forcément au gain effectivement obtenu avant la survenance du cas de prévoyance (ATF 122 V 151 consid. 3c; 122 V 316 consid. 2a; cf. également HÜRZELER, in Commentaire LPP et LFLP, 2e éd., 2020, no 18 ad art. 34a LPP; arrêt 9C_853/2018 du 27 mai 2019 consid. 3.3.1 et les références). Par ailleurs, il existe entre les premier et deuxième piliers (assurance-invalidité et prévoyance professionnelle) un lien qui permet d’assurer d’une part une coordination matérielle étendue entre ces deux piliers et de libérer d’autre part les caisses de pensions chargées de mettre en application la LPP obligatoire de démarches importantes et coûteuses concernant les conditions, l’étendue et le début du droit aux prestations d’invalidité du deuxième pilier (cf., p. ex., ATF 140 V 399 consid. 5.2.1; 134 V 64 consid. 4.1.3). Dans ce contexte, le Tribunal fédéral a établi une correspondance ou une équivalence de principe (« Kongruenz » ou « Grundsatz der Kongruenz ») entre d’une part le revenu sans invalidité et le revenu dont on peut présumer que l’intéressé est privé (prévu par l’art. 34a al. 1 LPP) et d’autre part le revenu d’invalide et le revenu que l’assuré pourrait encore raisonnablement réaliser (prévu par l’art. 24 al. 1 let. d OPP 2). Les revenus déterminants pour l’assurance-invalidité doivent être pris en considération dans le calcul de la surindemnisation de la prévoyance professionnelle. La correspondance ou l’équivalence entre ces revenus doit cependant être comprise dans le sens d’une présomption (ATF 144 V 166 consid. 3.2.2; 143 V 91 consid. 3.2 et les références) qui, par définition, peut être renversée selon les circonstances (arrêt 9C_853/2018 précité consid. 3.3.1 et la référence).

 

La Caisse de pensions recourante fait valoir que l’assurée présentait une capacité de travail de 100% avec une diminution de rendement de 20% et que c’est par convenance personnelle et sans aucun motif lié à une atteinte à la santé qu’elle a travaillé à 30% depuis le 01.11.2010. En conséquence, la Caisse de pensions considère qu’elle n’a pas à « compenser » le refus de l’assurée d’exploiter sa capacité de travail en procédant au calcul de surindemnisation en se fondant sur un gain annuel présumé perdu de 88’660 fr. 60, correspondant au revenu hypothétique sans invalidité retenu par l’office AI. Selon elle, le gain annuel présumé perdu au sens de l’art. 34a al. 1 LPP est le salaire assuré pour l’activité professionnelle exercée par l’assurée en dernier lieu à 30%, à savoir un montant annuel de 25’998 fr. 70.

Selon le Tribunal fédéral (consid. 4.1.), pour parvenir à la conclusion que la Caisse de pensions avait échoué à renverser la présomption selon laquelle le gain annuel présumé perdu au sens de l’art. 34a al. 1 LPP correspond au revenu sans invalidité fixé par les organes de l’assurance-invalidité, la juridiction cantonale a d’abord constaté que les décisions rendues par l’office AI les 03.10.2018 et 24.10.2018 lui avaient été dûment notifiées et que son règlement reprenait la définition de l’invalidité prévalant dans l’assurance-invalidité. Les juges cantonaux ont donc admis que la Caisse de pensions était en principe liée par la position de l’office AI, selon laquelle l’assurée aurait exercé une activité lucrative à plein temps si elle n’avait pas été atteinte dans sa santé, et ont examiné si cette position était manifestement insoutenable. Ils ont considéré que tel n’était pas le cas, au regard des sérieux indices permettant d’admettre que si l’assurée n’avait pas repris son activité professionnelle à 100% à la suite de l’accident dont elle avait été victime en mars 2007, c’était en raison de ses problèmes de santé, et en tous les cas pas par convenance personnelle. En conséquence, la juridiction cantonale a considéré qu’il convenait de procéder au calcul de la surindemnisation en se fondant sur le gain présumé perdu de 88’660 fr. 60, correspondant au revenu hypothétique de valide retenu par l’office AI, et qu’il n’y avait pas de surindemnisation, si bien que la Caisse de pensions devait verser à l’assurée une rente d’invalidité de la prévoyance professionnelle d’un montant mensuel de 698 fr. 40.

 

La Caisse de pensions ne conteste pas les constatations de la juridiction cantonale selon lesquelles l’atteinte à la santé de l’assurée qui a entraîné une incapacité de travail déterminante est survenue ensuite de l’accident de la circulation en mars 2007. Elle ne remet pas non plus en cause que c’est à la suite de cet événement que l’assurée a été tenue de réduire son temps de travail pour des raisons de santé, de sorte que sans l’accident et l’atteinte à la santé qu’il a provoquée, le taux d’activité professionnelle n’aurait pas diminué.

En ce qui concerne la situation postérieure, à partir du moment de l’amélioration de l’état de santé de l’assurée qui a conduit à la suppression de la rente de l’assurance-invalidité à la fin de l’année 2012, on ne saurait admettre que « l’assurée n’était pas atteinte dans sa santé au point qu’une incapacité de travail ait été retenue par un assureur social (assurance-invalidité ou assurance-accidents) « . Du dossier, il ressort en effet que la capacité de travail de l’assurée est restée réduite, puisqu’elle subissait une incapacité de travail de 20% (capacité de travail de 100% avec perte de rendement de 20%) dans la profession qu’elle a continué à exercer, et que l’assurance-invalidité a reconnu un taux d’invalidité de 20% (insuffisant pour maintenir le droit à une rente d’invalidité). A cet égard, le fait que l’assurée n’a pas exploité complètement sa capacité résiduelle de travail, puisqu’elle n’a travaillé qu’à un taux de 30% de 2010 à 2016, alors qu’elle disposait d’une capacité de travail de 80% ne permet pas d’admettre que le revenu effectif réalisé à un taux d’activité de 30% doit être pris en compte pour établir la limite de surindemnisation. Comme l’a expliqué de manière circonstanciée la juridiction cantonale, le calcul de la rente d’invalidité de l’assurée auquel la CPPEF a procédé tient compte de cette circonstance. Le fait que l’assurée avait travaillé à 30% durant les dernières années précédant la naissance du droit à une rente d’invalidité de la prévoyance professionnelle a en effet pour conséquence que le montant de cette prestation est moins élevé, au regard des cotisations versées, que pour une activité à plein temps. L’argumentation de la Caisse de pensions selon laquelle la prise en considération d’un gain annuel présumé perdu de 88’660 fr. 60 pour fixer la limite de surindemnisation a pour conséquence de lui faire « compenser » le refus de l’assurée d’exploiter sa capacité de travail est dès lors mal fondée. D’autre part, le fait que l’assurée n’a pas complètement mis à profit sa capacité résiduelle de travail pendant une certaine période est une circonstance insuffisante pour retenir qu’elle n’aurait pas maintenu une activité à plein temps sans l’atteinte à la santé subie en mars 2007. Comme elle continuait – quoi qu’en dise la Caisse de pensions – à présenter une incapacité de travail au-delà de 2012, son choix de ne pas augmenter son taux d’activité était vraisemblablement influencé par l’atteinte à la santé. Il ne correspond dès lors pas à ce que l’assurée aurait prévu de faire sur le plan professionnel dans l’hypothèse où elle n’aurait pas subi d’atteinte à la santé. Il joue cependant un rôle – non déterminant en l’espèce – en ce qui concerne la prise en considération d’un revenu hypothétique de remplacement (au sens de l’art. 24 al. 1 let. d OPP 2) dans le calcul de surindemnisation.

Compte tenu de ce qui précède, il n’y a pas lieu de s’écarter des considérations des juges cantonaux selon lesquelles les décisions de l’office AI d’octobre 2018 n’étaient pas insoutenables et liaient la Caisse de pensions, celle-ci n’étant pas parvenue à renverser la présomption selon laquelle le gain annuel présumé perdu au sens de l’art. 34a al. 1 LPP correspond au revenu sans invalidité fixé par les organes de l’assurance-invalidité. Partant, c’est à bon droit qu’ils ont procédé au calcul de la surindemnisation en se fondant sur le gain annuel présumé perdu de 88’660 fr. 60.

 

Le TF rejette le recours de la Caisse de pensions.

 

 

Arrêt 9C_672/2020 consultable ici