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9C_528/2023 (f) du 09.10.2024 – Reconsidération de décomptes de prestations / 51 LPGA – 53 al. 2 LPGA / Allocation Covid-19 pour une personne au bénéfice d’une rente vieillesse ordinaire de l’AVS

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_528/2023 (f) du 09.10.2024

 

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Reconsidération de décomptes de prestations / 51 LPGA – 53 al. 2 LPGA

Allocation Covid-19 pour une personne au bénéfice d’une rente vieillesse ordinaire de l’AVS / Ordonnance sur la perte de gain COVID-19 – 11 LAPG

Revenu moyen de l’activité lucrative obtenu avant le début du droit à l’allocation – Déduction de la franchise pour rentiers

 

Assurée, née en décembre 1955, exploite à titre indépendant l’entreprise individuelle « Hôtel B.__ ». Depuis le 01.01.2020, elle bénéficie d’une rente ordinaire de l’assurance-vieillesse.

À la suite des mesures officielles prises pour endiguer la propagation de la pandémie de coronavirus (COVID-19) en mars 2020, l’assurée a dû fermer temporairement son hôtel. À sa demande, elle a perçu une allocation pour perte de gain en cas de coronavirus destinée aux personnes exerçant une activité indépendante du 17.03.2020 au 16.09.2020. Les 01.03.2021 et 03.03.2021, la caisse de compensation a rectifié les décomptes de prestations, au motif qu’elle avait omis de déduire la franchise de revenu pour les retraités actifs. Par décision, confirmée sur opposition le 30.11.2021, elle a réclamé à l’assurée la restitution de la somme de 7’250 fr. 80 pour la période du 17.03.2020 au 16.09.2020.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 10.08.2023, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.1
Selon la jurisprudence, les décomptes de prestations adressées sous la forme simplifiée de l’art. 51 al. 1 LPGA peuvent produire les mêmes effets qu’une décision entrée en force. En particulier, l’administration ne peut demander la répétition des prestations allouées selon la procédure simplifiée après un laps de temps correspondant au délai de recours qu’aux conditions de la reconsidération ou de la révision procédurale (ATF 129 V 110 consid. 1.2). À l’échéance de ce délai, le décompte de prestations non contesté produit pour l’administration les mêmes effets qu’une décision entrée en force (s’agissant de la situation de la personne assurée, voir ATF 134 V 145 consid. 5.2), étant précisé que l’entrée en force s’étend également au montant du gain assuré figurant sur le décompte (cf. arrêt 8C_82/2020 du 12 mars 2021 consid. 5.3 et la référence).

Consid. 3.2
Le principe et les conditions de la reconsidération d’une décision entrée en force sont prévus à l’art. 53 al. 2 LPGA, aux termes duquel l’assureur peut revenir sur les décisions ou les décisions sur opposition formellement passées en force lorsqu’elles sont manifestement erronées et que leur rectification revêt une importance notable. Dès lors, la reconsidération est soumise à deux conditions: l’importance notable de la rectification et l’existence d’une erreur manifeste. L’erreur manifeste signifie qu’il n’existe aucun doute raisonnable sur l’irrégularité initiale de la décision, cette conclusion étant la seule envisageable (ATF 148 V 195 consid. 5.3; 138 V 324 consid. 3.3). Le vice peut résulter de l’application des mauvaises bases légales, de la non-application ou de la mauvaise application des normes déterminantes (ATF 147 V 167 consid. 4.2; 144 I 103 consid. 2.2; 140 V 77 consid. 3.1). Pour juger s’il est admissible de reconsidérer une décision pour le motif qu’elle est manifestement erronée (art. 53 al. 2 LPGA), il faut se fonder sur les faits et la situation juridique existant au moment où cette décision a été rendue, compte tenu de la pratique en vigueur à l’époque (ATF 141 V 405 consid. 5.2 et la référence).

Consid. 5.1
Dans le cadre des mesures destinées à lutter contre le coronavirus, l’indemnité journalière est égale à 80% du revenu moyen de l’activité lucrative obtenu avant le début du droit à l’allocation (art. 5 al. 1 de l’ordonnance sur la perte de gain COVID-19). Pour déterminer le montant du revenu, la caisse de compensation doit partir du revenu communiqué par les autorités fiscales, tel qu’il ressort de la clôture du dernier exercice comptable. Selon les directives de l’OFAS sur les cotisations des travailleurs indépendants et des personnes sans activité lucrative dans l’AVS, AI et APG (DIN) du 1er janvier 2008, dans leur version en vigueur du 1er janvier 2020 au 31 décembre 2020, elle doit considérer le revenu communiqué par l’autorité fiscale comme un revenu net après déduction des cotisations (n° 1170.2 DIN). Elle ne peut déroger à cette règle que lorsqu’il ressort clairement, expressément et sans réserve des indications données par les autorités fiscales qu’aucune déduction n’a été ou ne sera opérée. Dans ce cas, aucun rajout en pour-cent ne doit être effectué (n° 1170.3 DIN).

Ensuite, pour fixer le revenu déterminant, les caisses de compensation rajoutent les cotisations AVS/AI/APG au revenu communiqué et apuré de l’intérêt sur le capital propre investi dans l’entreprise selon les n° 1172 ss (art. 9 al. 4 LAVS) et de l’éventuelle franchise pour rentiers selon le n° 3006.2 de la Circulaire de l’OFAS concernant les cotisations dues à l’AVS, AI et APG par les personnes exerçant une activité lucrative qui ont atteint l’âge ouvrant le droit à une rente de vieillesse (CAR; n° 1170 DIN).

Consid. 5.2
En l’espèce, l’assurée a sollicité le versement de prestations du 17.03.2020 au 16.09.2020. La caisse de compensation devait dès lors prendre en compte la situation de fait prévalant durant cette période. Le revenu moyen de l’activité lucrative de l’assurée a certes été déterminé sur la base des données fiscales d’un exercice comptable antérieur (en l’espèce celui de l’année 2017). En se fondant sur les données fiscales disponibles (de 2017), la caisse de compensation a toutefois fixé le revenu censé avoir été perçu par l’assurée immédiatement avant l’interruption de son activité lucrative indépendante en mars 2020. Pour évaluer le revenu déterminant, la caisse de compensation aurait donc dû constater que l’assurée avait déjà atteint l’âge de retraite de référence fixé à l’ancien art. 21 al. 1 LAVS (64 ans révolus pour les femmes). Dès lors, elle aurait dû déduire du montant communiqué par les autorités fiscales la franchise pour rentiers (16’600 fr; art. 4 al. 2 let. b LAVS et 6quater RAVS; arrêt 9C_37/2021 du 23 juin 2021 consid. 4.2), puis ajouter les cotisations AVS/AI/APG (n os 1170 DIN et 3006.2 CAR). Le raisonnement de l’autorité cantonale, confirmant que la caisse était en droit de corriger le revenu déterminant 2020 en conséquence, ne prête pas le flanc à la critique. Partant, le grief, mal fondé, doit être rejeté.

Consid. 6
C’est finalement en vain que l’assurée soutient que les conditions de la reconsidération (au sens de l’art. 53 al. 2 LPGA) n’étaient pas réunies, parce que la caisse aurait appliqué correctement les art. 5 de l’ordonnance sur la perte de gain COVID-19 et 11 al. 1 LAPG. Au moment des décomptes de prestations, il n’existait en effet aucun doute sur le fait que la franchise pour rentiers aurait dû être déduite. Dès lors, le vice est manifeste, car il résulte d’une non-application d’une disposition univoque (art. 6quater RAVS, en lien avec les nos 1170 DIN et 3006.2 CAR). L’assurée ne présente par ailleurs aucun argument concret pour étayer son affirmation selon laquelle la caisse de compensation aurait changé de pratique en 2021. Elle ne prétend en particulier pas que la caisse de compensation lui aurait garanti en 2020 qu’elle ne procéderait pas à la déduction de la franchise pour rentiers (à ce sujet, cf. ATF 138 V 258 consid. 6).

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 9C_528/2023 consultable ici

 

9C_623/2023 (f) du 08.04.2024 – Allocation pour perte de gain COVID-19 – Dépôt tardif des demandes d’indemnisation / Pas de violation du devoir de renseigner de la caisse de compensation

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_623/2023 (f) du 08.04.2024

 

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Allocation pour perte de gain COVID-19 – Dépôt tardif des demandes d’indemnisation

Pas de violation du devoir de renseigner de la caisse de compensation / 27 LPGA

 

A.__ exploite une entreprise de conseil. Il a déposé des demandes d’allocation pour perte de gain COVID-19 auprès de la caisse cantonale de compensation le 31.12.2022. Il motivait ses demandes par la limitation significative de son activité au cours des mois d’octobre 2020 à janvier 2021 et de mars 2021 à avril 2022.

La caisse de compensation a considéré que les demandes de l’assuré étaient tardives et les a déclarées irrecevables par décision du 05.01.2023, confirmée sur opposition le 20.04.2023.

 

Procédure cantonale

Le tribunal cantonal a retenu que le droit à l’allocation pour perte de gain COVID-19, fondé sur la limitation significative de l’activité lucrative indépendante au sens de l’art. 2 al. 3bis de l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19, avait été supprimé avec effet au 16.02.2022 (en réalité, modifié en ce sens qu’il ne s’appliquait plus qu’aux personnes exerçant une activité lucrative indépendante dans le domaine de l’événementiel). Par ailleurs, il a considéré que l’art. 6 de l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19, introduit le 16.02.2022 par le point 3 de l’annexe de l’ordonnance COVID-19 situation particulière, prévoyait, en dérogation à l’art. 24 al. 1 LPGA, l’extinction du droit aux prestations non perçues à la fin du troisième mois suivant la date à laquelle la disposition sur laquelle il se fondait cessait de produire effet. En application de cette norme, il a confirmé le point de vue de la caisse de compensation selon lequel le droit à l’allocation pour perte de gain avait pris fin le 16.02.2022, de sorte que les demandes d’allocation pour perte de gain COVID-19 (pour les mois d’octobre 2020 à janvier 2021 et de mars 2021 à avril 2022) déposées par l’assuré le 31.12.2022 étaient tardives. Il a également exclu que la caisse de compensation ait violé son devoir d’information concernant la durée ou l’échéance du délai pour déposer une demande d’allocation, dans la mesure où la modification du délai avait été introduite postérieurement à l’échange de courriels entre la caisse de compensation et l’assuré entre les 31.12.2021 et 10.01.2022; l’extinction du droit aux prestations initialement fixée au 31.03.2023 avait été ramenée, le 16.02.2022 (RO 2022 97), à la fin du troisième mois suivant la date à laquelle la disposition sur laquelle il se fondait cessait de produire effet. La cour cantonale a par ailleurs retenu qu’aucune des conditions de protection de la bonne foi n’était réalisée.

Par jugement du 22.08.2023, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 5
Le recourant reproche uniquement à la juridiction cantonale d’avoir nié la violation du devoir d’informer par la caisse de compensation. Il soutient en substance qu’étant donné les courriels échangés avec l’administration en janvier 2022 à propos des conditions d’octroi d’une allocation pour perte de gain COVID-19, celle-ci aurait dû lui annoncer la modification du délai lorsqu’elle s’était rendue compte qu’il n’avait pas encore déposé ses demandes d’allocation au moment du changement de délai en février 2022.

Consid. 6
Le recours de l’assuré, manifestement infondé, doit être rejeté selon la procédure simplifiée de l’art. 109 al. 2 let. a LTF. En effet, comme l’ont relevé les juges cantonaux, le devoir de renseignement et de conseil de l’administration s’étend non seulement aux circonstances de fait déterminantes mais aussi aux circonstances de nature juridique et son contenu dépend de la situation concrète et reconnaissable dans laquelle se trouve l’assuré (arrêt 8C_419/2022 du 6 avril 2023 consid. 4.2 et les références in: SVR 2023 UV n° 36 p. 124). On ne saurait en l’occurrence admettre que la caisse de compensation a manqué à son devoir de renseignement en omettant le 10.01.2022 de fournir des informations sur la durée d’un délai qui n’avait pas encore été modifié. Par ailleurs, à ce moment-là, l’administration ne pouvait pas savoir que l’assuré n’allait pas entreprendre rapidement les démarches pour lesquelles il avait sollicité des informations le 31.12.2021 (droit à une aide en relation avec le Covid), qu’il n’a effectuées que le 31.12.2022. Quoi qu’en dise le recourant, la caisse de compensation n’avait pas à vérifier postérieurement au 16.02.2022 s’il avait déposé une demande d’allocation ni à le relancer à cet égard en l’informant des modifications législatives quant au nouveau délai pour déposer sa requête, l’assuré ne l’ayant pas sollicité pour des renseignements supplémentaires. Le devoir de renseignement n’est en effet pas illimité et ne comprend pas l’obligation de s’assurer auprès de tous les administrés susceptibles de se voir appliquer le nouveau délai qu’ils sont conscients des implications du changement de celui-ci. Le recourant ne démontre par ailleurs pas en quoi les conditions de la protection de sa bonne foi seraient remplies.

 

Le TF rejette le recours de A.__.

 

 

Arrêt 9C_623/2023 consultable ici