Archives de catégorie : Jurisprudence

4A_574/2014 (f) du 15.01.2015 – Indemnités journalières LCA – Obligation de restreindre le dommage – Prétention frauduleuse

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_574/2014 (f) du 15.01.2015

 

Consultable ici : http://bit.ly/1L6oy4j

Indemnités journalières LCA – Obligation de restreindre le dommage – Prétention frauduleuse niée par le TF / 40 LCA – 61 LCA

 

Un assuré, né en 1950, travaille comme mécanicien de précision depuis le 05.10.1998. Son employeur bénéficie de la couverture pour perte de gain en cas de maladie (80% du salaire du 61e au 780e jour de maladie). A partir du 10.02.2011, l’assuré est en incapacité de travail totale en raison d’un état dépressif et de lombalgies récidivantes. Sur la base de rapports médicaux, l’assureur lui a versé des indemnités perte de gain s’élevant à 192 fr.47 par jour.

Après expertise, les médecins-experts ont conclu, d’une part, que l’incapacité de travail de l’assuré dans sa fonction habituelle était totale et définitive et, d’autre part, que l’assuré, dans une activité adaptée, avait une capacité de travail totale dès le 09.11.2011.

L’assurance perte de gain maladie a, par courrier du 23.01.2012, admis que l’activité de mécanicien de précision n’était plus adaptée à l’état de santé de l’assuré, tout en observant que celui-ci disposait d’une capacité de travail à 100 % dans un poste respectant ses limitations fonctionnelles; elle demandait à l’assuré de mettre en valeur sa pleine capacité de travail dans une activité adaptée et lui octroyait un délai au 30.04.2012 pour chercher un emploi.

 

Procédure cantonale (ATAS/938/2014 – http://bit.ly/1CbRZMN)

En cours de procédure cantonal, il est apparu qu’entre les 10.02.2011 et 24.01.2013, l’assuré avait siégé à 21 reprises en qualité de président de tribunal de la juridiction des prud’hommes, activité qui lui rapportait environ 350 fr. par mois. De 2008 à 2011, il était par ailleurs conseiller municipal de la commune de X.________ (membre du parlement communal).

Par arrêt du 27.08.2014, la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice du canton de Genève a admis la demande et condamné l’assureur à payer à la somme de 54’853 fr.95 avec intérêts à 5% dès le 01.10.2012. La cour cantonale a relevé que les experts s’étaient limités à affirmer que l’assuré avait une capacité de travail totale dans une activité adaptée, sans fournir d’indication sur ses chances concrètes de pouvoir exercer une telle activité et sans mentionner quelle activité serait envisageable. Quant à l’assureur, il se serait fondé exclusivement sur cette appréciation médico-théorique. Il n’aurait pas démontré les chances réelles de l’assuré de trouver un emploi tenant compte de ses limitations fonctionnelles; il n’aurait pas établi non plus qu’un tel changement d’activité pouvait réellement être exigé de l’assuré. En ce qui concerne les activités exercées comme président des prud’hommes et conseiller municipal, les juges genevois rappellent que l’assureur devait couvrir l’inaptitude de l’assuré à accomplir son travail dans sa profession de mécanicien de précision; or, cette inaptitude ne pouvait pas être mise en doute par le simple fait que le demandeur avait poursuivi ses activités accessoires, puisque l’exercice occasionnel de celles-ci n’était pas entravé par les limitations fonctionnelles constatées par les experts.

 

TF

S’agissant de l’obligation de restreindre le dommage (art. 61 LCA), le TF relève que les chances, pour un mécanicien de 62 ans atteint dans sa santé physique, de trouver un emploi régulier dans une activité très différente de celle exercée jusqu’alors et pour laquelle il n’a pas de formation particulière, paraissent objectivement très réduites (consid. 4.2).

Les activités judiciaires et politiques exercées par l’assuré montrent certes que ce dernier était en état d’accomplir certaines tâches non manuelles, à tout le moins à titre occasionnel. Mais on ne peut rien en déduire quant à ses chances de trouver un emploi régulier.

Le TF rejette le grief quant à la fausse application de l’art. 40 LCA (prétention frauduleuse ; consid. 5). Les activités judiciaires et politiques de l’assuré n’étaient pas déterminantes pour juger de ses chances de trouver un emploi régulier dans une fonction adaptée à son état de santé. L’absence de communication de sa part à ce sujet est dès lors un fait dénué de toute pertinence. Ces activités étaient également sans pertinence pour fixer le montant des indemnités journalières. L’assuré étant bénéficiant de la couverture contre la perte du gain obtenu chez son employeur, l’indemnité sert à compenser la perte de ce revenu professionnel. L’assuré n’avait pas à se laisser imputer la rétribution obtenue pour des activités accessoires déjà exercées durant son activité professionnelle

 

Arrêt 4A_574/2014 consultable ici : http://bit.ly/1L6oy4j

 

 

Des frontaliers suisses peuvent rejoindre la LAMal (arrêt du 29.01.2015, ATAS/58/2015)

Un arrêt de la Cour de justice genevoise permet à une habitante de Saint-Genis de réintégrer la couverture maladie suisse

Arrêt du 29 janvier 2015, ATAS/58/2015, Chambre des assurances sociales, consultable icihttp://bit.ly/1A58w04

 

Article paru dans Tribune de Genève, 06.03.2015, 20h39 : http://bit.ly/1Exm49I

 

Cet arrêt de la Chambre des assurances-maladie promet de faire du bruit de Genève à Paris. En substance, la Cour de justice genevoise autorise une Suissesse habitant Saint-Genis-Pouilly à réintégrer la LAMal. S’appuyant sur cette jurisprudence, des milliers de Suisses résidant en France voisine pourraient suivre le mouvement.

Revenons au point de départ: l’exercice du droit d’option. Pour s’assurer, le frontalier a le choix entre le régime français et le régime suisse. Jusqu’au 1er mai 2014, il pouvait même choisir une assurance privée française. Or, cette dernière option a pris fin et a entraîné le basculement obligatoire des frontaliers assurés dans le privé vers la Sécurité sociale française. Considérant que le droit d’option n’est en principe possible qu’une seule fois et qu’il est irrévocable, il s’avérait impossible pour les frontaliers de réintégrer la LAMal. Jusqu’à ce jour…

Refus de passer à la Sécu

Refusant de passer à la Sécu et désireuse de continuer à se faire soigner à Genève, une Suissesse du Pays de Gex a donc fait recours contre le Service de l’assurance-maladie (SAM) de Genève qui refusait a priori de la réintégrer. Son argumentation étant en substance la suivante: «Je n’ai jamais exercé ce droit d’option.» Le conseiller d’Etat chargé du Département de l’emploi, des affaires sociales et de la santé (DEAS), Mauro Poggia, résume: «La Cour devait se prononcer sur la question suivante: prendre une assurance privée française signifie-t-il de facto que l’on a exercé son droit d’option? La Chambre administrative a dit non.»

Résultat, tous les Suisses devenus frontaliers avant l’entrée en vigueur des bilatérales en 2002 et qui n’ont donc pas fait de déclaration au SAM pourraient demander à réintégrer la LAMal. «Le fait qu’ils aient souscrit une assurance privée en France ne peut plus leur être opposé», stipule Mauro Poggia. D’autres pourraient suivre.

Pour l’Etat de Genève, qui était en droit de faire recours contre un jugement lui donnant tort, le résultat est en vérité positif. «Cette décision rejoint notre intérêt», confirme Mauro Poggia. Celui qui, en tant que député au Grand Conseil et au Conseil national, s’était battu en faveur de la réouverture du droit d’option, sourit face à ce revirement de situation. Pour cause: des milliers de Suisses frontaliers pourraient revenir à la LAMal. Un gain humain et financier! En raison du retour des primes payées par lesdits frontaliers. Mais aussi grâce au retour de cette patientèle auprès des spécialistes genevois ou dans les établissements de soins. «La perte était estimée pour les HUG entre 20 et 25 millions de francs», rappelle Mauro Poggia.

Selon le conseiller d’Etat, au-delà des conséquences financières, c’est l’accès aux soins qui remporte ici une bataille. «Dans certains secteurs, l’absence de spécialistes ou l’éloignement des hôpitaux est tel qu’il paraît logique que les habitants aient accès à des soins à Genève.» A noter, les frontaliers assurés à la Sécu sont en droit de demander le remboursement de certains soins effectués en Suisse. «Mais au prix d’un long cheminement administratif», précise Mauro Poggia.

Réactions françaises?

C’est d’ailleurs ce point qui pourrait inciter les Suisses frontaliers à revenir vers la LAMal. Mais aussi, pour certains d’entre eux, le montant de leur prime. La cotisation à la Sécu s’élève à 8% du revenu fiscal de référence. Contre une prime allant de 350 à 900 francs par mois pour la LAMal, avec une franchise obligatoire de 300 francs. Pour les gros salaires, le calcul peut valoir la peine.

Le conseiller d’Etat va plus loin: «Il n’était pas logique de fermer la porte de nos hôpitaux, de nos assurances, qui plus est à des ressortissants suisses, sous prétexte qu’ils s’étaient installés de l’autre côté de la frontière. D’autant que nombre d’entre eux ont fait ce choix par défaut, parce qu’ils n’ont pas trouvé à se loger à Genève.» Et d’ajouter: «On parle beaucoup de cette région. Et même si je viens d’un parti qui pense que l’on doit d’abord regarder ce qui se passe chez nous, on ne peut pas nier l’existence de cette région et tout à coup ériger des murs!»

Reste à savoir comment le gouvernement français réagira à cet arrêt. «J’espère que cela ne tournera pas au conflit de compétences», insiste Mauro Poggia, rappelant que «la règle de base des accords bilatéraux est d’être assuré sur son lieu de travail». (TDG)

 

8C_605/2014 (d) du 06.02.2015 – proposé à la publication – Entreprise téméraire absolue

Pas de prestations en espèces de l’assurance-accidents après une prise d’otages par les Talibans

 

Un homme se voit refuser des prestations en espèces de l’assurance-accidents pour un état de stress post-traumatique subi après une prise d’otages de huit mois aux mains des Talibans. Son voyage sans escorte armée à travers les territoires du nord du Pakistan, au cours duquel lui et sa compagne ont été enlevés en 2011, doit être considéré comme un acte téméraire absolu dans un cas particulièrement grave.

 

En 2011, l’homme s’était rendu en Inde en bus VW, accompagné de son amie. Sur le chemin du retour, ils ont traversé le Pakistan par la route du Nord. A Loralai le couple a continué son voyage en renonçant au dernier moment à une escorte armée et a été pris en otage durant huit mois par les Talibans. À son retour en Suisse, l’homme a présenté un état de stress post-traumatique. Son assureur-accidents lui a dénié le droit à des prestations en espèces (notamment une indemnité journalière) au motif que dans ses conseils aux voyageurs, publiés sur son site internet, le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) déconseillait depuis 2008 les voyages au Pakistan en raison du risque élevé d’enlèvements et d’attaques. Pour l’assureur-accidents, la capture était ainsi la conséquence d’un acte téméraire absolu dans un cas particulièrement grave, ce qui justifiait le refus complet de prestations d’assurance. Le Tribunal des assurances du canton de Soleure a confirmé cette décision.

Le Tribunal fédéral rejette le recours formé par l’assuré. Bien que connaissant la situation particulièrement dangereuse signalée par le DFAE dans ses mises en garde explicites, l’intéressé a choisi de traverser le Pakistan par voie terrestre avec sa compagne en se faisant escorter par des groupes paramilitaires. Ainsi, il était prêt à accepter sciemment les dangers inhérents à la situation et l’existence d’un acte téméraire absolu doit être admise, cela d’autant que le risque pour l’intégrité et la vie ne pouvait être limité dans une mesure raisonnable ni grâce aux dispositions prises pour le voyage ni en raison des compétences particulières des intéressés en tant que policiers. Etant donné que la traversée du Pakistan a continué après Loralai en l’absence de relève de l’escorte armée, le cas apparaît particulièrement grave, ce qui justifie le refus de l’assureur-accidents d’allouer des prestations en espèces en vertu de l’art. 50 de l’ordonnance sur l’assurance-accidents.

 

Arrêt, en allemand : http://bit.ly/1Fd21Mn

Communiqué de presse du TF, en français : http://bit.ly/1DPajHQ

Communiqué de presse du TF, en allemand : http://bit.ly/1M9SKZC