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9C_741/2014 (f) du 13.03.2015 – PC AVS-AI – Décès du bénéficiaire avant décision d’octroi – Versement en mains du Service social

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_741/2014 (f) du 13.03.2015, proposé à la publication

 

Consultable ici : http://bit.ly/1F2dZXu

 

Prestations complémentaires AVS-AI – Décès du bénéficiaire avant la décision d’octroi – Versement en mains du Service social ayant consenti des avances / 22 al. 4 OPC-AVS/AI et 22 al. 2 LPGA

 

Assuré soutenu financièrement par le Service de l’aide sociale de la Ville de Fribourg (ci-après: le Service social) depuis le 01.12.2008. Dépôt demande AI le 24.12.2008. Demande de prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI (ci-après : prestations complémentaires) auprès de la Caisse de compensation du canton de Fribourg (ci-après: la Caisse) le 15.06.2011. Jointe à la demande de prestations complémentaire, une demande de versement de rente à un tiers ou à une autorité qualifiée, signée le 10.06.2011, en faveur du Service social.

L’assuré est décédé le 15.06.2011.

Octroi rétroactif d’une demi-rente AI dès le 01.07.2009, puis d’une rente entière du 01.02.2010 au 30.08.2011.

La Caisse de compensation a reconnu, le 10.07.2012, le droit à des prestations complémentaires du 01.07.2009 au 30.06.2011. Du montant total de 25’458 fr., elle a déduit 8’200 fr. 20 à titre de compensation pour des réductions de primes d’assurance-maladie et versé le solde de 17’257 fr. 80 à l’Office cantonal des faillites. Contestation de la décision par le Service social, motif pris que le montant de 17’257 fr. 80 aurait dû lui être versé directement, en remboursement des avances d’aide sociale qu’il avait consenties à l’intéressé durant la période où un droit à des prestations complémentaires lui avait été reconnu. Opposition rejetée par la Caisse par décision du 22.10.2012.

 

Procédure cantonale

Les premiers juges ont retenu qu’en vertu des art. 22 al. 4 OPC-AVS/AI et 22 al. 2 LPGA, en corrélation avec l’art. 29 al. 4 de la loi [du canton de Fribourg] du 14.11.1991 sur l’aide sociale (RSF 831.0.1), le Service social a été subrogé dans les droits que l’assuré pouvait faire valoir à l’égard de la Caisse, à concurrence des avances consenties à celui-ci, en raison d’une cession légale.

Le décès du prénommé après le dépôt de sa demande de prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI n’avait pas eu d’effet sur la validité de la subrogation. Celle-ci était intervenue alors que l’intéressé était encore en vie et à un moment où l’obligation de prester de l’assureur social avait déjà pris naissance, singulièrement lorsque les besoins vitaux de l’assuré auraient dû, de son vivant, être couverts par les prestations complémentaires. Le fait que le droit à ces prestations n’avait été reconnu que postérieurement au décès de l’ayant droit n’y changeait rien : la subrogation était intervenue du vivant du bénéficiaire, mais n’avait pu être soumise à exécution qu’au moment de la reconnaissance du droit aux prestations complémentaires. Aussi, l’ayant droit n’était-il plus titulaire de la créance litigieuse au moment de son décès, de sorte qu’elle n’était pas tombée dans la masse en faillite. Le Service social pouvait dès lors s’en prévaloir dans le but de compenser les avances qu’il avait consenties avec les prestations complémentaires accordées par la Caisse, la concordance matérielle et temporelle entre les prestations complémentaires et celles de l’aide sociale étant réalisée.

Recours admis, par jugement du 11.09.2014, condamnant la Caisse à verser la somme de 17’257 fr. 80 au Service social.

 

TF

À teneur de l’art. 22 al. 4 OPC-AVS/AI, lorsqu’une autorité d’assistance, publique ou privée, a consenti des avances à un assuré, en attendant qu’il soit statué sur ses droits aux prestations complémentaires, l’autorité en question peut être directement remboursée au moment du versement des prestations complémentaires accordées rétroactivement. La jurisprudence a précisé que cette disposition, destinée en premier lieu à éviter la perception à double de prestations au préjudice de la même collectivité publique, constituait une base légale suffisante pour permettre le versement des arriérés de prestations complémentaires en mains des institutions d’aide sociale ayant consenti des avances. Lorsqu’une autorité d’assistance a consenti, au cours de la période concernée par le versement rétroactif, des avances destinées à la couverture des besoins vitaux « en attendant qu’il soit statué sur ses droits aux prestations complémentaires », elle dispose en vertu de l’art. 22 al. 4 OPC-AVS/AI d’un droit direct au remboursement; le versement en mains de tiers des arriérés de prestations n’est alors pas subordonné au consentement préalable de la personne bénéficiaire des prestations complémentaires (ATF 132 V 113 consid. 3.2.1 p. 115 et les arrêts cités). Par « avances consenties à un assuré » au sens de l’art. 22 al. 4 OPC-AVS/AI, il convient d’entendre en principe toutes les formes de soutien économique accordées par l’autorité d’assistance au cours de la période concernée par le versement rétroactif de prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI (ATF 132 V 113 consid. 3.2.3 p. 117).

Conformément à l’art. 22 al. 2 let. a LPGA, les prestations accordées rétroactivement par l’assureur social peuvent être cédées à l’employeur ou à une institution d’aide sociale publique ou privée dans la mesure où ceux-ci ont consenti des avances. La jurisprudence a précisé que cette disposition, entrée en vigueur le 1 er janvier 2003, n’avait apporté aucune modification du droit en vigueur jusqu’alors en matière de versement des arriérés de prestations complémentaires en mains des institutions d’aide sociale ayant consenti des avances. Ainsi, le versement direct des arriérés en mains des autorités d’assistance demeurait possible, sans qu’une déclaration de cession ne soit nécessaire, lorsque le tiers destinataire des versements arriérés disposait d’un droit au remboursement en vertu de la loi, tel que celui consacré à l’art. 22 al. 4 OPC-AVS/AI (voir également l’art. 10 al. 2 de la loi fédérale du 19 juin 1992 sur l’assurance militaire [LAM; RS 833.1]); ATF 132 V 113 consid. 3.3 p. 119).

Le décès de l’assuré après le dépôt de sa demande de prestations complémentaires, mais avant la date de la décision d’octroi de ces prestations, ne modifie pas la prétention en remboursement du Service social ni n’en empêche l’exécution. Le droit de l’intéressé aux prestations complémentaires a pris naissance à compter du 01.07.2009, soit à partir du moment où toutes les conditions du droit étaient réalisées. Dans la mesure où l’intéressé a requis personnellement l’allocation de prestations complémentaires et le versement de celles-ci en mains de tiers, le Service social était en droit d’obtenir l’exécution en ses mains de la créance relative aux prestations complémentaires dues à partir du 01.07.2009, bien que l’intéressé fût décédé avant que la décision ne fût rendue.

Le Service social disposait, en vertu de l’art. 22 al. 4 OPC-AVS/AI, d’un droit direct d’exiger le versement en ses mains des prestations en cause. Au moment où la décision d’octroi a été rendue (le 10.07.2012), ces prestations ne pouvaient donc pas entrer dans le patrimoine du défunt, respectivement dans la masse successorale, de sorte que la Caisse de compensation n’était pas en droit de les remettre à l’Office cantonal des faillites.

Le TF confirme le jugement cantonal et rejette le recours de la Caisse de compensation.

 

Arrêt 9C_741/2014 consultable ici : http://bit.ly/1F2dZXu

 

 

9C_668/2014 (f) du 17.03.2015 – Expertise médicale – Mise en demeure – OAI statue en l’état du dossier

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_668/2014 (f) du 17.03.2015

 

Consultable ici : http://bit.ly/1G4Xsrj

 

Expertise médicale – Mise en demeure – OAI statue en l’état du dossier / 43 al. 3 LPGA

 

Assurée, ressortissante portugaise née en 1957, ayant travaillé en Suisse, réside au Portugal en 1998, n’exerçant plus d’activité lucrative depuis lors. Demande du 15.11.2005, reçue le 08.05.2007 à l’Office de l’assurance-invalidité pour les assurés résidant à l’étranger. Taux d’empêchements de 40% dans la tenue du ménage ; allocation d’un quart de rente d’invalidité à compter du 02.02.2005, par décision du 20.08.2008. Cette décision, ainsi qu’une seconde décision du 21.12.2010 de teneur identique, ont été annulées sur recours successifs de l’assurée par le Tribunal administratif fédéral (ci-après : TAF), par jugements des 18.05.2009, respectivement 06.03.2012. Dans ce dernier, la cause a été renvoyée à l’office AI afin qu’il mette une expertise psychiatrique en œuvre.

Mise en œuvre d’une première expertise auprès d’un spécialiste en psychiatrie et psychothérapie. L’assurée ne s’est pas présentée chez l’expert, arguant du fait qu’elle était dans l’incapacité de se rendre en Suisse. L’office AI a invité l’assurée à produire un certificat médical détaillé attestant l’impossibilité de se déplacer. L’assurée a déclaré à l’office AI qu’elle refusait de se rendre chez un médecin afin d’obtenir un certificat attestant qu’elle ne pouvait se rendre en Suisse.

L’office AI a fait savoir à l’assurée que l’expertise pouvait avoir lieu au Portugal ; l’office AI a invité l’assurée à se présenter auprès du docteur D., convocation à laquelle l’assurée n’a pas non plus donné suite.

Le 20.12.2012, mise en demeure de l’assurée par l’AI de produire dans les 30 jours une attestation médicale pouvant justifier sa réticence et toutes autres informations utiles, à défaut de quoi il rendrait une décision en l’état du dossier. L’époux de l’assurée a répondu qu’elle persistait dans son refus de se rendre chez un psychiatre; il s’est référé au jugement du TAF qui ordonnait la mise en œuvre d’une expertise psychiatrique et a reproché à l’office AI de ne pas s’y conformer. Me Mathey, mandataire de l’assurée, a allégué qu’il était impossible de fournir un certificat médical justifiant l’attitude de sa cliente, dès lors qu’elle refusait de se rendre chez un médecin; il a requis de l’office AI qu’il délègue un médecin à son domicile afin de fixer l’incidence des troubles psychiatriques dans les activités quotidiennes et domestiques, une autre solution ne pouvant être envisagée.

Projet de décision du 05.03.2013 : confirmation de l’octroi d’un quart de rente d’invalidité à compter du 02.02.2005. Opposition du 26.03.2013, rappelant qu’une expertise s’imposait à teneur du jugement du 06.03.2012. Le SMR de l’office AI ne voyait pas de raisons médicales qui empêchaient l’assurée de se déplacer. Décision du 15.05.2013 : l’office AI a statué en l’état du dossier, l’assurée ayant refusé de se soumettre à l’examen psychiatrique. Octroi d’un quart de rente à partir du 2 février 2005, compte tenu d’un empêchement d’accomplir les travaux habituels de 40%.

 

Tribunal administratif fédéral (C-3524/2013 – http://bit.ly/19Jkbe7)

Le TAF a constaté que l’assurée n’avait pas donné suite à la sommation du 20.12.2012. Il a également retenu que l’assurée avait persisté dans son refus de se rendre chez un médecin, sans expliquer les raisons pour lesquelles elle n’aurait pas été en mesure de faire venir un médecin à son domicile et qu’elle n’avait pas produit le certificat médical requis attestant de son impossibilité de se déplacer. L’autorité de recours a constaté que le rapport du docteur E. du 03.06.2013, déposé bien après le délai de 30 jours fixé par l’Office AI, n’était pas de nature à justifier le refus de l’assurée de se présenter à l’expertise psychiatrique. En outre, l’assurée avait pu quitter son domicile pour consulter d’autres médecins, en février 2014.

Recours rejeté par arrêt du 25.07.2014.

 

TF

L’assureur examine les demandes, prend d’office les mesures d’instruction nécessaires et recueille les renseignements dont il a besoin (art. 43 al. 1 LPGA, première phrase); en matière d’assurance-invalidité, cette tâche est dévolue à l’office AI (cf. art. 69 RAI). L’assuré doit se soumettre à des examens médicaux ou techniques si ceux-ci sont nécessaires à l’appréciation du cas et qu’ils peuvent être raisonnablement exigés (art. 43 al. 2 LPGA). Si l’assuré ou d’autres requérants refusent de manière inexcusable de se conformer à leur obligation de renseigner ou de collaborer à l’instruction, l’assureur peut se prononcer en l’état du dossier ou clore l’instruction et décider de ne pas entrer en matière. Il doit leur avoir adressé une mise en demeure écrite les avertissant des conséquences juridiques et leur impartissant un délai de réflexion convenable (art. 43 al. 3 LPGA).

Suivant la mise en demeure du 20.12.2012, établie conformément à l’art. 43 al. 3 LPGA, il incombait à l’assurée d’apporter un motif excusable en raison duquel elle n’était pas en mesure de se rendre chez le docteur D. le 27.11.2012, où l’expertise psychiatrique devait avoir lieu. Au lieu de se conformer à l’injonction de l’Office AI et déposer le moyen de preuve sollicité, l’assurée a réitéré ne pas pouvoir se déplacer et a requis de l’Office AI, qu’il délègue un médecin à son domicile afin de fixer l’incidence de ses troubles psychiatriques dans les activités quotidiennes et domestiques; elle a allégué qu’une autre solution ne pouvait être envisagée compte tenu de l’arrêt du TAF du 06.03.2012.

A défaut de s’être conformée à la mise en demeure, l’assurée n’a pas apporté la preuve de son empêchement, ses affirmations à ce sujet étant insuffisantes.

Quant au moyen tiré de l’absence de capacité de discernement que l’assurée soulève devant le Tribunal fédéral, il ne lui est d’aucun secours, puisqu’une telle absence n’était ni démontrée ni même rendue vraisemblable au moment où la décision administrative du 15 mai 2013 avait été rendue.

Confronté au refus de l’assurée et ayant correctement appliqué la procédure de mise en demeure, l’Office AI était donc fondé à se prononcer en l’état du dossier, conformément à la loi (art. 43 al. 3 LPGA), ce que le Tribunal administratif fédéral a confirmé à juste titre.

 

 

Arrêt 9C_668/2014 consultable ici : http://bit.ly/1G4Xsrj

 

 

4F_15/2014 (d) du 25.03.2015 – Indemnisation des victimes de l’amiante: suspension de la procédure de révision

Indemnisation des victimes de l’amiante: suspension de la procédure de révision

Ordonnance du 25 mars 2015 (4F_15/2014 ; http://bit.ly/1G4W0oM)

Une procédure de révision est en cours concernant les prétentions en dommages-intérêts et indemnité des filles d’une victime de l’amiante; le Tribunal fédéral décide de la suspendre en attendant que le Parlement se prononce sur la motion demandant la création d’un fonds pour une indemnisation juste des victimes de l’amiante. Si les personnes concernées pouvaient être indemnisées par ce fonds ou dans le cadre d’une solution résultant de la «table ronde pour l’amiante», la révision de l’arrêt du Tribunal fédéral de 2010 ne serait peut-être plus nécessaire. L’an passé, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la Suisse en raison de la problématique de la prescription dans les cas d’amiante.

 

Le père de deux filles est mort en 2005 d’un cancer de la plèvre. Sa maladie pourrait être la conséquence d’une exposition à l’amiante, subie à son poste de travail et dans les années antérieures à 1995. Avant son décès, l’homme a entrepris de réclamer en justice 213’000 fr. de dommages-intérêts et indemnité à l’entreprise qui a succédé à son employeuse. Les deux filles lui ont succédé dans le procès. En 2009, le Tribunal de prud’hommes de Baden a rejeté l’action en raison de la prescription. La Cour suprême du canton d’Argovie et le Tribunal fédéral ont confirmé ce jugement en 2010. Par arrêt du 11 mars 2014, la Cour européenne des droits de l’homme (CourEDH) a constaté la violation du droit des personnes concernées d’obtenir une décision judiciaire conformément à l’art. 6 par. 1 CEDH. En substance, la Cour parvient à cette conclusion parce que selon le droit suisse, la prescription absolue arrive à échéance dix ans après l’événement dommageable alors que les maladies résultant de l’amiante peuvent ne sedéclarer que plusieurs dizaines d’années après l’exposition aux fibres d’amiante.

A la suite de cet arrêt, les filles de la victime ont introduit une demande de révision devant le Tribunal fédéral. Le 25 mars 2015, celui-ci a décidé de suspendre la procédure de révision. La révision d’un arrêt par suite d’une violation de la CEDH suppose notamment que la révision soit nécessaire pour remédier à la violation (art. 122 let. c LTF). La révision pourrait donc se révéler superflue si les personnes concernées obtenaient d’être indemnisées par une autre voie. Le Conseil National est actuellement saisi d’une motion demandant au Conseil fédéral la création d’un fonds pour une indemnisation juste des victimes de l’amiante. La motion n’est provisoirement pas traitée parce que le Conseil fédéral a réuni une table ronde consacrée à l’amiante, destinée à la recherche d’améliorations en faveur des personnes malades de l’amiante et de leurs proches. La table ronde est dirigée par l’ancien conseiller fédéral Moritz Leuenberger; elle comprend des représentants de l’économie, des syndicats, de l’association des victimes de l’amiante et des autorités. Cela montre que l’on reconnaît une grande importance au problème et que des solutions devraient être trouvées dans des délais convenables. Il est prévisible que le Conseil National se prononcera sur la motion dès que les résultats de la table ronde seront connus. La procédure de révision, devant le Tribunal fédéral, doit dès lors être suspendue jusqu’au moment où l’on saura clairement si la motion est transmise et comment le fonds et la procédure d’indemnisation doivent être mis en place.

 

Communiqué de presse du Tribunal fédéral, 01.04.2015 : http://bit.ly/1IPSY5Y

 

Arrêt 4F_15/2014 (d) du 25.03.2015 : http://bit.ly/1G4W0oM

 

 

C-503/13 CJUE – Responsabilité du fait des produits – Produit médical posé dans le corps humain

Arrêt dans les affaires jointes C-503/13 et C-504/13

Boston Scientific Medizintechnik GmbH c/AOK Sachsen-Anhalt – Die Gesundheitskasse (C503/13) et Betriebskrankenkasse RWE (C-504/13).

 

Arrêt de la CJUE du 05.03.2015 consultable ici : http://bit.ly/1Hf45o6

Conclusions de l’avocat général, présentées le 21.10.2014, consultables ici : http://bit.ly/1GGXNQ0

 

Responsabilité du fait des produits défectueux / Produit médical posé dans le corps humain

 

La directive sur les produits défectueux [Directive 85/374/CEE du Conseil, du 25 juillet 1985, (JO L 210, p. 29)] prévoit que le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit.

Une entreprise commercialise en Allemagne des stimulateurs cardiaques ainsi que des défibrillateurs automatiques implantables. Des contrôles de qualité effectués ultérieurement par l’entreprise ont démontré que ces produits pouvaient être défectueux et constituer un danger pour la santé des patients. Face à cette situation, le producteur a recommandé aux médecins de remplacer les stimulateurs implantés dans le corps des patients par d’autres stimulateurs mis gratuitement à disposition. Parallèlement à cela, le fabricant a recommandé aux médecins traitants de désactiver un interrupteur dans les défibrillateurs.

Les assureurs des personnes dont le stimulateur ou le défibrillateur a été remplacé réclament au fabricant le remboursement des coûts liés aux interventions.

Saisi du litige entre les assureurs et l’entreprise commercialisant ces dispositifs médicaux et afin de pouvoir trancher le litige au principal, le Bundesgerichtshof (Cour fédérale d’Allemagne) pose préalablement deux questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) : les stimulateurs cardiaques et le défibrillateur automatique qui ont remplacés et implantés dans l’organisme des assurés concernés, ne peuvent-ils pas être également considérés comme défectueux du fait que ces appareils appartiennent à un groupe de produits qui présentaient un risque de défaillance, alors qu’il n’a pas été constaté de défaut des appareils mais seulement un risque potentiel de défaillance ?

Si la réponse à cette question est oui, alors les coûts de l’opération de retrait du produit et de pose d’un appareil de remplacement constituent-ils un dommage causé par lésion corporelle ?

Dans son arrêt du 05.03.2015, la Cour constate que, eu égard à leur fonction et à la vulnérabilité des patients qui les utilisent, les dispositifs médicaux en cause sont soumis à des exigences de sécurité particulièrement élevées. À cet égard, la Cour souligne que le défaut potentiel de sécurité de ces produits, qui engage la responsabilité du producteur, réside dans la potentialité anormale du dommage qu’ils peuvent causer à la personne.

Dans ces conditions, la Cour juge que le constat d’un défaut potentiel d’un appareil médical permet de qualifier de défectueux tous les produits du même modèle, sans qu’il soit besoin de démontrer le défaut du produit dans chaque cas.

Par ailleurs, la Cour déclare que, s’agissant du remplacement des stimulateurs cardiaques effectué suite aux recommandations mêmes du producteur, les coûts liés à ce remplacement constituent un dommage dont le fabricant est responsable en vertu de la directive.

S’agissant des défibrillateurs automatiques implantables à l’égard desquels le producteur n’a recommandé que la désactivation d’un interrupteur, la Cour constate qu’il appartient à la juridiction allemande de vérifier si une telle désactivation est propre à éliminer le défaut des produits ou bien si leur remplacement est nécessaire à cette fin.

 

Décision de la CJUE :

1) L’article 6, paragraphe 1, de la directive 85/374/CEE, doit être interprété en ce sens que le constat d’un défaut potentiel des produits appartenant au même groupe ou relevant de la même série de la production, tels que les stimulateurs cardiaques et les défibrillateurs automatiques implantables, permet de qualifier de défectueux un tel produit sans qu’il soit besoin de constater dans ce produit ledit défaut.

2) Les articles 1er et 9, premier alinéa, sous a), de la directive 85/374 doivent être interprétés en ce sens que le dommage causé par une opération chirurgicale de remplacement d’un produit défectueux, tel qu’un stimulateur cardiaque ou un défibrillateur automatique implantable, constitue un «dommage causé par la mort ou par des lésions corporelles», dont le producteur est responsable, lorsque cette opération est nécessaire pour éliminer le défaut du produit considéré. Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si cette condition est remplie dans les affaires au principal.

 

 

Communiqué de presse n° 31/15 du 05.03.2015 : http://bit.ly/18nuIuX

 

Pour une analyse de l’arrêt de la CJUE, je renvoie le lecteur à l’article de Philippe Fuchs paru dans la jusletter du 30.03.2015 (« Erhöhtes Ausfallrisiko als Produktfehler ? », accessible ici : http://bit.ly/1NujfYy ; accessible aux abonnés). La contribution se penche sur cet arrêt et explique les conséquences éventuelles dans le domaine des dispositifs médicaux pour le droit suisse sur la responsabilité du fait des produits.

 

 

9C_591/2014 (f) du 15.10.2014 – Enregistrement vidéo de l’entretien d’expertise médicale refusé par le TF

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_591/2014 (f) du 15.10.2014

 

Consultable ici : http://bit.ly/1I0Fao8

 

Expertise médicale ordonnée par décision incidente – Récusation / 44 LPGA

Enregistrement vidéo de l’entretien d’expertise refusé par le TF

 

Mise en œuvre, par l’Office AI d’une expertise médicale pluridisciplinaire, confiée au Centre d’expertise médicale (ci-après: CEMed), et lui a transmis le nom des médecins qui effectueraient l’expertise.

L’assuré a requis la récusation des médecins désignés pour effectuer l’expertise, au motif que le CEMed s’était déjà exprimé sur son cas dans une précédente expertise dont les conclusions étaient contestées et que les experts œuvrant au sein du CEMed présentaient dès lors une apparence de prévention, l’office AI étant invité à désigner un autre centre d’expertises et à autoriser l’assurée à enregistrer par vidéo l’entretien d’expertise.

Par décision incidente du 30.10.2013, l’office AI a rejeté les requêtes de récusation et d’enregistrement vidéo et confirmé que l’expertise serait effectuée auprès des experts désignés dans sa précédente communication.

 

Procédure cantonale (AI 289/13 – 89/2014 – http://bit.ly/1a0ELYE)

Recours rejeté par arrêt du 28.04.2014.

 

TF

Le rejet de la demande de récusation par la cour cantonale n’est pas litigieux. Les médecins appelés à effectuer l’expertise, même s’ils collaboraient au CEMed, n’avaient pas examiné l’assurée lors de la dernière expertise de 2011 ; ils ne sauraient être récusés pour le seul motif d’une collaboration dans le même centre d’expertises que les médecins qui l’avaient examinée deux ans plus tôt.

La juridiction cantonale a considéré que contraindre l’examinateur à procéder à un enregistrement vidéo de son examen clinique pouvait influencer le déroulement de l’examen, contrainte qui apparaissait inappropriée, le fait pour l’expert d’utiliser de sa propre volonté son dictaphone ne pouvant être comparé au fait de se voir imposer une caméra vidéo.

L’assurée, comme son conseil, pourraient prendre connaissance du rapport qui serait établi et se déterminer sur celui-ci. Son droit d’être entendu était ainsi garanti. Au demeurant, elle pourrait le cas échéant solliciter une séance de mise en œuvre qui lui permettrait d’exposer sa problématique.

L’assurée fait valoir que le refus de l’autoriser à procéder à l’enregistrement vidéo de l’expertise est de nature à causer un préjudice irréparable. Selon la jurisprudence constante, le préjudice irréparable dont il est question à l’art. 93 al. 1 let. a LTF doit être de nature juridique et ne pas pouvoir être réparé ultérieurement par une décision finale favorable au recourant (ATF 138 III 46 consid. 1.2 p. 47; 137 V 314 consid. 2.2.1 p. 317 et les arrêts cités).

Le jugement entrepris rejette le recours contre la décision incidente concernant la mise en œuvre d’une expertise médicale pluridisciplinaire, à effectuer par le CEMed. L’administration de cette preuve n’est manifestement pas susceptible de provoquer un préjudice juridique irréparable.

Le TF considère le recours comme irrecevable.

 

Arrêt 9C_591/2014 consultable ici : http://bit.ly/1I0Fao8

 

 

8C_249/2014 (f) du 25.02.2015 – Rachat d’une rente de survivants / 35 LAA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_249/2014 (f) du 25.02.2015

 

Consultable ici : http://bit.ly/1BAWk88

 

Rachat d’une rente de survivants / 35 LAA

 

Veuve au bénéfice depuis le 01.12.1993 d’une rente complémentaire de survivant à la suite du décès de son époux. Le montant mensuel s’élève à 1219 fr. depuis le 01.01.2009, y compris une allocation de renchérissement de 165 fr.

Première demande de rachat de la rente déposée par l’assurée. Refus de l’assureur-accidents par courrier, en raison du faible revenu dont disposait l’assurée. La demande pourrait toutefois être réexaminée si l’assurée établissait que ses intérêts à long terme étaient sauvegardés.

Nouvelle demande de l’assurée, expliquant son projet d’exploiter un magasin d’alimentation spécialisé dans les produits albanais, ce qui lui permettrait d’améliorer sa situation financière. Nouveau refus de l’assureur-accidents.

L’assurée a informé l’assureur-accidents de son intention de retourner vivre au Kosovo, pays dans lequel son projet professionnel serait économiquement viable, étant donné qu’elle était au bénéfice d’un diplôme obtenu dans ce pays, l’autorisant à exploiter un magasin. Nouveau refus de l’assureur-accidents.

Après un nouvel échange de correspondance, l’assureur-accidents a rendu une décision le 30.01.2013, confirmée sur opposition le 22.05.2013, rejetant la demande de rachat de la rente complémentaire de survivant, motif pris qu’il n’était pas patent que les intérêts de l’assurée seraient sauvegardés à long terme en cas de rachat.

 

Procédure cantonale (AA 66/13 – 18/2014 – http://bit.ly/19qE89B)

Recours rejeté par arrêt du 11.02.2014.

 

TF

L’art. 35 al. 1 LAA distingue deux hypothèses. Lorsque le montant mensuel de la rente n’atteint pas la moitié du gain journalier maximum assuré, soit actuellement 173 fr. (art. 22 al. 1 OLAA), l’assureur peut opérer le rachat sans l’accord de l’assuré et même contre sa volonté. Lorsque le montant de la rente est plus important, il peut la racheter, mais seulement avec l’accord de l’intéressé et s’il est patent que les intérêts de celui-ci sont sauvegardés à long terme.

Le rachat de la rente ne constitue pas un droit, mais une simple faculté laissée à l’appréciation de l’assureur, limitée uniquement par le respect des principes constitutionnels qui régissent l’activité administrative, notamment de l’égalité de traitement. Aussi un juge ne saurait-il en principe imposer le rachat d’une rente à un assureur qui s’y oppose (arrêt 8C_275/2007 du 17 juillet 2007, consid. 1.2; arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 417/05 du 28 septembre 2006, consid. 2.2; GHÉLEW/RAMELET/RITTER, Commentaire de la loi sur l’assurance-accidents, 1992, p. 138 s.; MAURER, Schweizerisches Unfallversicherungsrecht, 1985, p. 455).

Dans son message à l’appui d’un projet de loi fédérale sur l’assurance-accidents du 18 août 1976, le Conseil fédéral a invité les assureurs à faire preuve de retenue pour racheter des rentes d’un montant élevé, en ne procédant au rachat que si les intérêts à long terme de l’assuré étaient sauvegardés et s’il paraissait garanti que la somme de rachat serait utilisée de manière profitable (FF 1976 III 199).

De tout temps, la CNA a adopté une pratique restrictive, considérant que le versement mensuel d’une rente d’invalidité non négligeable, adaptée au renchérissement, sauvegardait mieux les intérêts du bénéficiaire que l’octroi d’un capital, soumis aux aléas de la gestion privée et de la conjoncture économique (cf. arrêt 8C_275/2007, déjà cité, consid. 1.3).

Dans le cas d’espèce, il n’est pas démontrer que l’assureur-accidents a fait un usage excessif ou abusif du large pouvoir d’appréciation dont il dispose, en considérant que le versement d’une rente complémentaire de survivant, dont le montant mensuel s’élevait à 1219 fr. au moment de la décision litigieuse, préservait de manière plus appropriée les intérêts à long terme de l’assurée que le rachat de ladite rente. Aussi ne peut-on reprocher à la cour cantonale d’avoir confirmé la décision de l’intimée. Il n’est pas patent qu’en cas de rachat de la rente, ses intérêts seraient sauvegardés à satisfaction de droit par l’exercice de l’activité indépendante envisagée, même si celle-ci n’est pas dénuée de chances de succès.

Le TF confirme le jugement cantonal et rejette le recours de l’assurée.

 

Arrêt 8C_249/2014 consultable ici : http://bit.ly/1BAWk88

 

 

8C_251/2014 (f) du 11.03.2015 – Légitimation active / Remboursement de prestations de la caisse-maladie à l’assureur-accidents

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_251/2014 (f) du 11.03.2015

 

Consultable ici : http://bit.ly/1EJI9P1

 

Légitimation active de la caisse-maladie / 49 al. 4 LPGA

Remboursement de prestations de la caisse-maladie à l’assureur-accidents

 

Assuré victime d’un accident le 29.10.2011. Décision le 09.04.2013, mettant fin aux prestations d’assurance avec effet rétroactif au 31.07.2012, après expertise médicale (rapport du 22.02.2013). En ce qui concerne les frais médicaux, l’assureur-accidents a indiqué qu’’il demanderait à la caisse-maladie le remboursement des frais payés à tort après cette date. En revanche, l’assureur-accidents a renoncé au remboursement des indemnités journalières allouées postérieurement au 31.07.2012. L’assureur-accidents a notifié cette décision à la caisse-maladie en l’avertissant que cette communication avait valeur de décision à son égard et en la rendant attentive aux voies de droit prévues par la loi.

Oppositions de l’assuré et de la caisse-maladie rejetées par décision sur opposition du 09.07.2013.

 

Procédure cantonale

La caisse-maladie a recouru à l’instance supérieure, concluant à ce qu’elle n’était pas tenue de restituer à l’assureur-accidents les prestations allouées au-delà du 31.07.2012. L’assuré n’a pas recouru contre la décision sur opposition. La cour cantonale a déclaré le recours irrecevable au motif que la caisse-maladie n’avait pas d’intérêt à recourir contre la décision sur opposition.

 

TF

L’assureur qui rend une décision touchant l’obligation d’un autre assureur d’allouer des prestations est tenu de lui en communiquer un exemplaire; cet autre assureur dispose des mêmes voies de droit que l’assuré (art. 49 al. 4 LPGA). Les termes « touchant l’obligation d’un autre assureur » sont assimilables à l’intérêt digne d’être protégé (à l’annulation ou la modification de la décision attaquée) au sens de l’art. 59 LPGA (ATF 133 V 539 consid. 3 p. 551; 132 V 74 consid. 3.1 p. 77 et les références; arrêt 8C_606/2007 du 27 août 2008 consid. 5.2; consid. 3.2 non publié de l’arrêt ATF 134 V 153).

Dans son recours devant la cour cantonale, la caisse-maladie n’a pas contesté la décision sur opposition du 09.07.2013 en tant que l’assureur-accidents avait refusé de prendre en charge les suites de l’événement du 29.10.2011 au-delà du 31.07.2012, bien que ce refus eût des conséquences en ce qui concerne l’obligation de l’assureur-maladie obligatoire de prendre en charge le cas à compter de cette date, dans les limites de ses obligations légales (sur cette question, cf. ATF 134 V 153 consid. 4.1 p. 154 s.).

La caisse-maladie a attaqué la décision sur opposition en cause uniquement en tant qu’elle confirmait la décision du 09.04.2013, laquelle contenait l’indication suivante:

« Nous (…) demanderons à votre caisse-maladie le remboursement des factures réglées à tort ».

La caisse-maladie alléguait que le rapport d’expertise n’établissait pas de faits nouveaux autorisant l’assureur-accidents à procéder à la révision (procédurale) d’une décision entrée force au sens de l’art. 53 al. 1 LPGA ni, partant, à lui réclamer le remboursement des prestations allouées à l’assuré. La caisse-maladie croit – à tort – que l’assureur-accidents serait habilité à lui réclamer le remboursement des prestations allouées si la décision sur opposition litigieuse acquerrait force de chose décidée.

Sur la base de la simple déclaration d’intention mentionnée dans la décision du 09.04.2013, confirmée par décision sur opposition, l’assureur-accidents ne peut pas, en effet, réclamer à l’assureur-maladie le remboursement de prestations dont le montant, par ailleurs, n’est même pas mentionné.

En l’espèce, la caisse-maladie n’est dès lors pas « touchée » dans son obligation d’allouer des prestations, au sens de l’art. 49 al. 4 en liaison avec l’art. 59 LPGA.

Le TF estime qu’il n’est pas nécessaire de trancher les points laissés indécis à l’arrêt 8C_512/2008, notamment celui de savoir si, en vertu de l’art. 25 al. 1, première phrase, LPGA en liaison avec l’art. 2 al. 3 OPGA, un assureur-accidents peut, par la voie d’une décision, réclamer à un assureur maladie des prestations allouées à un assuré.

Le TF confirme le jugement cantonal et rejette le recours de la caisse-maladie.

 

Arrêt 8C_251/2014 consultable ici : http://bit.ly/1EJI9P1

 

 

9C_340/2014 (f) du 14.11.2014 – Rente complémentaire pour les enfants recueillis par un assuré invalide

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_340/2014 (f) du 14.11.2014

 

Consultable ici : http://bit.ly/193nmNI

 

LPP / Rente complémentaire pour les enfants recueillis par un assuré invalide

(Art. 20 et 25 LPP, 35 LAI, 22ter et 25 LAVS, 49 RAVS)

 

Sur la base du règlement de la caisse de pensions qui reprend l’art. 49 RAVS, le TF a admis le droit de l’assuré invalide à une rente complémentaire pour les enfants qu’il a recueillis.

 

Le TF devait se prononcer sur la question de savoir si l’assuré invalide était en droit de bénéficier d’une rente complémentaire pour les enfants qu’il a recueillis.

Le TF a laissé ouverte la question de savoir si, à la différence du 1er pilier, l’art. 20 LPP pose comme exigence l’existence d’une obligation légale ou contractuelle d’entretien en ce qui concerne les enfants recueillis. Le TF a retenu que le règlement de l’institution de prévoyance a la même teneur que celle de l’art. 49 al. 1 RAVS, si bien qu’il convient d’admettre que ledit règlement prévoit un régime identique à celui du 1er pilier, plus large que les dispositions de la prévoyance professionnelle obligatoire (voir arrêt B 14/04 du 19 septembre 2005 consid. 4). Pour l’interprétation du règlement, le TF s’est donc basé sur les critères applicables dans le 1er pilier. Or, d’après l’art. 49, al. 1, RAVS (en relation avec les art. 35, al. 1, LAI, 22ter, al. 1, et 25, al. 3, LAVS), les enfants recueillis ont droit à une rente d’orphelin au décès des parents nourriciers si ceux-ci ont assumé gratuitement et de manière durable les frais d’entretien et d’éducation. Du point de vue du droit des assurances sociales, l’élément essentiel du statut d’enfant recueilli réside dans le fait que les charges et les obligations d’entretien et d’éducation qui incombent habituellement aux parents naturels sont transférées de façon effective aux parents nourriciers. Les raisons de ce transfert n’ont en revanche pas d’importance; ils fourniront tout au plus un indice sur la nature des relations entre parents nourriciers et enfant recueilli, notamment sur leur caractère de permanence et de gratuité (ATFA 1965 p. 245 consid. 2a).

Le TF a reconnu à l’assuré le droit de pouvoir bénéficier d’une rente complémentaire pour les enfants de son épouse restés en Thaïlande et relève que, malgré l’éloignement géographique, l’assuré pourvoit à l’entretien quotidien des enfants et veille à leur assurer un environnement convenable et un cadre éducatif le plus favorable possible. Le TF considère que l’ensemble de ces éléments est suffisant pour faire passer l’absence de vie commune permanente à l’arrière-plan, tant les indices plaident en faveur de l’existence d’un lien nourricier concret et d’une communauté domestique.

 

Paru in : Bulletin de la prévoyance professionnelle n° 138, ch. 916, OFAS, 16.03.2015

Le jugement cantonal (ATAS/305/2014) du 17.03.2014 est consultable ici : http://bit.ly/193nJI7

 

Arrêt du TF 9C_340/2014 consultable ici : http://bit.ly/193nmNI

 

 

8C_541/2014 (f) du 17.02.2015 – Expertise médicale / 44 LPGA – Récusation et décision incidente

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_541/2014 (f) du 17.02.2015

 

Consultable ici : http://bit.ly/1BqyzyD

 

Expertise médicale / 44 LPGA – Demande de récusation – Décision incidente

Irrecevabilité du recours au TF

 

Evénement le 19.09.2007 : l’assurée a fait un faux pas en traversant une zone en travaux et s’est tordu la cheville.

Par missive du 10.06.2013, l’assureur-accidents LAA a accepté, à bien plaire, de prendre les frais de traitement 31.12.2012 mais pas au-delà, motif pris que le traitement prodigué n’était pas économique ni de nature à améliorer son état de santé.

En raison du désaccord exprimé par l’assurée, l’assureur-accidents a désiré mettre en œuvre une expertise médicale. L’assureur a proposé trois noms d’expert. L’assurée a répondu que ses problèmes de santé ne lui permettaient pas de se déplacer à Y.________, qu’un litige l’opposait au docteur C.________ et, enfin, que le docteur D.________ lui avait été déconseillé au moment où elle avait dû choisir un médecin traitant. Elle a proposé le nom de trois autres médecins.

Par décision incidente du 02.09.2013, l’assureur-accidents LAA a estimé qu’il n’existait aucun motif de récusation valable contre le docteur D.________ et a désigné celui-ci en qualité d’expert.

 

Procédure cantonale (AA 96/13 – 59/2014 – http://bit.ly/19l9q1z)

La Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal vaudois a rejeté le recours par jugement du 19.05.2014.

 

TF

Selon les premiers juges, l’assurée n’avait fait valoir aucun motif de récusation formel à l’encontre du docteur D.________. Le seul fait qu’on lui avait vivement déconseillé de le choisir comme médecin traitant, sans autres précisions sur ce qu’elle reprochait à ce médecin, ne constituait pas un motif valable de récusation.

La circonstance que celui-ci fonctionnait habituellement comme médecin-conseil des assureurs n’était pas non plus un motif suffisant, selon la jurisprudence, pour conclure à la partialité de l’expert.

En l’absence de motifs objectifs de récusation, l’assurée ne pouvait prétendre à ce que le docteur D.________ soit écarté ou remplacé par un autre médecin dont elle avait proposé le nom.

Les premiers juges ont relevé que les correctifs apportés par l’ATF 137 V 210 en ce qui concerne la procédure de mise en œuvre d’une expertise par l’administration n’imposaient à la juridiction cantonale, en cas de désaccord entre les parties, de procéder elle-même à la désignation d’un expert, ni même à tenter de les concilier sur le choix de l’expert.

L’assurée a été invitée à formuler des propositions quant au choix de l’expert. A cet égard, l’assurée ne dispose pas d’un droit de veto. En cas de désaccord, une décision incidente doit être rendue et il appartient à l’autorité judiciaire de première instance, saisie d’un recours, d’examiner les griefs (notamment d’ordre matériel) soulevés par la partie recourante (ATF 139 V 349 consid. 5.2.2.3 p. 356). C’est précisément ce qu’a fait l’autorité précédente (consid. 4.1 du jugement attaqué). La question de savoir si sa décision se fonde ou non sur des motifs pertinents pourra être examinée par le Tribunal fédéral en cas de recours contre la décision finale.

Le TF considère le recours de l’assurée comme irrecevable (rappel des conditions de recevabilité au consid. 1).

 

Arrêt 8C_541/2014  consultable ici : http://bit.ly/1BqyzyD

 

 

9C_812/2014 (f) du 16.02.2015 – Expertise médicale / 44 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_812/2014 (f) du 16.02.2015

 

Consultable ici : http://bit.ly/19l5lua

 

Expertise médicale / 44 LPGA – Contestation sur la forme niée par le TF

 

Expertise psychiatrique mise en œuvre par l’Office AI auprès d’une spécialiste en psychiatrie et psychothérapie. Sur la base d’un avis de son Service médical régional (SMR) entérinant les conclusions de l’expertise, l’administration a supprimé la rente entière d’invalidité avec effet au 01.05.2014 (décision du 07.03.2014), malgré les observations formulées par l’assurée contre le projet de décision du 22.01.2014.

 

TF (consid. 4.1)

Sur le plan formel, l’experte ne s’est pas uniquement fondée sur les pièces figurant au dossier. Elle s’est également entretenue longuement avec l’assurée. Cette dernière a eu la possibilité de s’exprimer librement sur sa vie, sa situation familiale et sur ses antécédents personnels, ce qui a permis au médecin-expert d’établir un status psychiatrique précis sur lequel repose aussi l’expertise.

Dans ce contexte, la durée de l’audition de l’intéressée, en l’occurrence 2h40, ne saurait en soi être considérée comme brève ou insuffisante et importe de toute façon peu dans la mesure où le rôle de l’expert consiste à se faire une idée sur l’état de santé du patient dans un délai relativement bref (arrêts 9C_386/2010 du 15 novembre 2010 consid. 3.2 et I 1084/06 du 26 novembre 2007 consid. 4).

L’expert jouit d’une large autonomie dans la manière de conduire son expertise, s’agissant notamment des modalités de l’examen clinique et du choix des examens complémentaires à effectuer et qu’il n’appartient pas au juge mais au praticien de décider s’il convient ou non de mettre en œuvre de tels examens (arrêt 9C_715/2013 du 4 février 2014 consid. 4.1.3 et la référence).

Le TF confirme le jugement cantonal et rejette le recours de l’assurée.

 

Arrêt 9C_812/2014  consultable ici : http://bit.ly/19l5lua