8C_760/2014 (f) du 15.10.2015 – Revenu d’invalide selon l’ESS – Abattement sur le salaire statistique – 16 LPGA / Gain assuré pour la rente naissant plus de cinq ans après l’accident – 24 al. 2 OLAA / Adaptation du gain assuré dans le cas où la rente naît plus de cinq ans après l’accident / Gain assuré et allocations de repas – 22 al. 2 OLAA – 5 al. 2 LAVS

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2014 (f) du 15.10.2015

 

Consultable ici : http://bit.ly/1nPSesk

 

Appréciation médicale vs constatations lors d’un stage d’observation professionnelle

Revenu d’invalide selon l’ESS – Abattement sur le salaire statistique – 16 LPGA

Gain assuré pour la rente naissant plus de cinq ans après l’accident – 24 al. 2 OLAA / Adaptation du gain assuré dans le cas où la rente naît plus de cinq ans après l’accident

Gain assuré et allocations de repas – 22 al. 2 OLAA – 5 al. 2 LAVS

 

Assuré, travaillant comme maçon, est victime d’un accident le 21.06.2006, à la suite duquel il a subi une fracture-tassement D4, D5 et D6, ainsi que de multiples traumatismes ostéo-articulaires.

L’assureur-accidents a considéré, après opposition, que la capacité résiduelle de travail de l’assuré était de 72% dans une activité adaptée aux séquelles de l’accident, à savoir une occupation professionnelle de type industriel, sur sol plat, sans port de charges lourdes et en alternant les positions. Sur la base d’appréciations médicales, la durée d’activité a été considérée comme limitée à six heures par jour en raison des douleurs dorsales et thoraciques antérieures qui s’installent et augmentent progressivement durant la journée. L’assureur-accidents a reconnu le droit à une rente d’invalidité fondée sur un taux d’incapacité de gain de 40% et un gain assuré annuel de 66’547 fr. 85 (décision sur opposition du 12.12.2012).

 

Procédure cantonale

Par jugement du 09.09.2014, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Appréciation médicale vs constatations lors d’un stage d’observation professionnelle

La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 p. 261; 115 V 133 consid. 2 p. 134; 114 V 310 consid. 3c p. 314 s.). C’est pourquoi les appréciations des médecins l’emportent sur les constatations qui peuvent être faites à l’occasion d’un stage d’observation professionnelle et qui sont susceptibles d’être influencées par des éléments subjectifs liés au comportement de l’assuré pendant le stage (arrêts 9C_83/2013 du 9 juillet 2013 consid. 4.2; 8C_451/2012 du 28 mai 2013 consid. 4; 9C_631/2007 du 4 juillet 2008 consid. 4. 1). Au demeurant, le recourant ne fait pas état, entre les constatations médicales et les observations des organes d’observation professionnelle, de divergences d’une importance telle qu’elles nécessiteraient un complément d’instruction. Par ailleurs, ce n’est pas l’incapacité de travail en tant que telle qui ouvre droit à la rente d’invalidité mais la diminution permanente ou de longue durée, résultant d’une atteinte à la santé assurée, des possibilités de gain sur le marché du travail équilibré qui entre en ligne de compte pour l’assuré (cf. art. 8 al. 1 et 16 LPGA; ATF 130 V 343 consid. 3.3 p. 347; 116 V 246 consid. 1b p. 249 et les arrêts cités). Dans ces conditions, il importe peu que les possibilités de gain de l’intéressé soient réduites à la suite d’une diminution de rendement ou d’une limitation de la durée d’activité.

 

Revenu d’invalide selon l’ESS – Abattement sur le salaire statistique

En ce qui concerne le taux d’abattement, la mesure dans laquelle les salaires ressortant des statistiques doivent être réduits dépend de l’ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité/catégorie d’autorisation de séjour et taux d’occupation). Une déduction globale maximale de 25% sur le salaire statistique permet de tenir compte des différents éléments qui peuvent influencer le revenu d’une activité lucrative (cf. ATF 126 V 75 consid. 5b/aa-cc p. 79 s.). L’étendue de l’abattement (justifié dans un cas concret) constitue une question typique relevant du pouvoir d’appréciation, qui est soumise à l’examen du juge de dernière instance uniquement si la juridiction cantonale a exercé son pouvoir d’appréciation de manière contraire au droit, soit si elle a commis un excès positif ou négatif de son pouvoir d’appréciation ou a abusé de celui-ci (ATF 137 V 71 consid. 5.1 p. 72 s.; 132 V 393 consid. 3.3 p. 399). En l’espèce, un taux d’abattement de 10% a été retenu par la cour cantonale, sans commettre un excès positif ou négatif de son pouvoir d’appréciation ou en abusant de celui-ci.

 

Gain assuré pour la rente naissant plus de cinq ans après l’accident

Lorsque le droit à la rente naît plus de cinq ans après l’accident ou l’apparition de la maladie professionnelle, le salaire déterminant est celui que l’assuré aurait reçu, pendant l’année qui précède l’ouverture du droit à la rente, s’il n’avait pas été victime de l’accident ou de la maladie professionnelle, à condition toutefois que ce salaire soit plus élevé que celui qu’il touchait juste avant la survenance de l’accident ou l’apparition de la maladie professionnelle (art. 24 al. 2 OLAA).

L’assureur-accidents à 66’547 fr. 85 le montant annuel du gain assuré pour l’année précédent le début du droit à la rente, à savoir 2011. Il s’est référé aux données communiquées par l’employeur en ce qui concerne l’année précédent l’accident, soit un revenu annuel de 61’864 fr. 80 (treizième salaire inclus). Elle s’est fondée sur l’indice des salaires nominaux établi par l’OFS pour les hommes travaillant dans le domaine de la construction, l’indice de référence étant de 115.3 pour l’année 2006 et 122.8 pour l’année 2010, ainsi que sur l’évolution moyenne des salaires nominaux de 1% en 2011, ce qui donne un montant de 66’547 fr. 85. Par ailleurs, l’intimée n’a pas tenu compte dans ce montant des allocations forfaitaires pour frais de repas accordées par l’employeur l’année précédent l’accident, motif pris qu’elles ne relèvent pas du salaire déterminant au sens de la législation sur l’assurance-vieillesse et survivants.

 

Adaptation du gain assuré dans le cas où la rente naît plus de cinq ans après l’accident

Selon la jurisprudence (arrêt du Tribunal fédéral 8C_92/2011 du 29 septembre 2011 consid. 5.2, non publié in ATF 137 V 405; arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 79/06 du 19 septembre 2006, consid. 4, résumé à la RSAS 2007 p. 179), dans le cas où la rente naît plus de cinq ans après l’accident (art. 24 al. 2 OLAA), l’adaptation du gain assuré ne doit pas se faire concrètement selon l’évolution des salaires auprès du dernier employeur ni se fonder sur les données statistiques tous secteurs confondus. Il faut prendre en compte l’évolution des salaires nominaux dans le domaine d’activité antérieur.

L’art. 24 al. 2 OLAA a uniquement pour but d’éviter les inconvénients résultant pour l’assuré d’un report de la fixation du droit à la rente (ATF 127 V 165 consid. 3b p. 173). En revanche, il n’y a pas lieu de placer l’assuré dans la situation qui serait la sienne si l’accident était survenu immédiatement avant ce moment. La prise en compte, au moment de la fixation du droit à la rente, de l’évolution des salaires auprès du dernier employeur irait en substance au-delà du but réglementaire. Celui-ci consiste dans l’adaptation du gain assuré à l’évolution générale des salaires, c’est-à-dire à l’évolution normale du salaire dans le domaine d’activité habituelle. Aussi faut-il écarter tout autre changement dans les conditions salariales survenu depuis l’accident, comme une promotion professionnelle ou un changement d’employeur (ATF 127 V 165 consid. 3b p. 172; cf. également ATF 118 V 298 consid. 3b p. 303) et considérer avec retenue toute évolution du salaire dans l’entreprise qui pourrait être influencée par l’assuré ou dépendre de lui. Or, la prise en compte de l’évolution des salaires nominaux dans le domaine d’activité antérieur tient compte précisément de l’évolution intervenue, tout en écartant les facteurs étrangers au but visé à l’art. 24 al. 2 OLAA (arrêt U 79/06, déjà cité, consid. 4.2.1). C’est pourquoi elle est le mieux à même de mettre en œuvre cette disposition réglementaire, en conformité avec le principe de l’égalité de traitement.

A cela s’ajoute le fait que jusqu’au moment de la fixation du droit à la rente, l’assuré a droit à une indemnité journalière calculée en fonction de l’incapacité de travail découlant de l’accident (art. 16, art. 17 al. 1 et art. 19 al. 1 LAA). L’indemnité journalière et la rente d’invalidité reposent pour l’essentiel sur les mêmes bases de calcul (arrêt U 79/06, déjà cité, consid. 4.2.2 et les références). Pour une même atteinte à la santé, le taux de l’incapacité de travail est au moins aussi haut, voire plus élevé que le taux d’incapacité de gain déterminant pour la rente d’invalidité. C’est pourquoi, lorsque le processus de guérison se prolonge, ce qui signifie souvent une plus lente amélioration de la capacité de travail et de gain, et que le droit à la rente prend naissance plus tard, l’assuré bénéficie plus longtemps d’une indemnité journalière plus élevée. Cela a pour effet de relativiser l’importance de l’ouverture du droit à la rente (dans un délai de cinq ans après l’accident ou plus tard) en relation avec les bases de calcul du gain assuré.

 

Gain assuré et allocations de repas

Aux termes de l’art. 5 al. 2 LAVS, auquel renvoie l’art. 22 al. 2 OLAA, le salaire déterminant comprend toute rémunération pour un travail dépendant, fourni pour un temps déterminé ou indéterminé; il englobe les allocations de renchérissement et autres suppléments de salaire, les commissions, les gratifications, les prestations en nature, les indemnités de vacances ou pour jours fériés et autres prestations analogues, ainsi que les pourboires, s’ils représentent un élément important de la rémunération du travail. Selon l’art. 9 RAVS, les frais généraux sont les dépenses résultant pour le salarié de l’exécution de ses travaux; le dédommagement pour frais encourus n’est pas compris dans le salaire déterminant (al. 1); ne font pas partie des frais généraux les indemnités accordées régulièrement pour le déplacement du domicile au lieu de travail habituel et pour les repas courants pris au domicile ou au lieu de travail habituel; ces indemnités font en principe partie du salaire déterminant (al. 2).

En instance cantonale, l’assuré alléguait qu’en qualité de maçon, il travaille sur des chantiers extérieurs plus ou moins éloignés du lieu de travail habituel, ce qui ne permet pas de prendre les repas à domicile. En outre, il invoquait l’art. 60 al. 2 de la Convention nationale du secteur principal de la construction en Suisse, aux termes duquel l’employeur doit, dans la mesure du possible, veiller à la distribution de repas suffisante en lieu et place d’une indemnité en espèces; s’il n’est pas possible d’organiser une distribution de repas suffisante, ou si le travailleur ne peut pas retourner à son domicile lors de la pause de midi, il lui est dû une indemnité de repas de midi de 12 fr. au minimum. Or, s’il est vrai que l’art. 9 al. 2 RAVS ne fait pas de distinction entre l’indemnité pour frais de déplacement et celle pour repas, il apparaît néanmoins au regard de l’art. 60 al. 2 de la Convention (intitulé « remboursement des frais lors de déplacements, indemnités pour le repas de midi et de kilomètres ») que l’allocation pour repas versée par l’employeur constituait un dédommagement pour frais encourus au sens de l’art. 9 al. 1 RAVS et non une indemnité faisant partie du salaire déterminant au sens de l’art. 5 al. 2 LAVS.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_760/2014 consultable ici : http://bit.ly/1nPSesk

Pour le volet AI, cf. arrêt 8C_761/2014

 

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