Arrêt du Tribunal fédéral 9C_275/2025 (f) du 07.08.2025
Affiliation à l’assurance-maladie obligatoire d’un pensionné AVS domicilié en France – Droit d’option / 2 al. 6 OAMal – 11 Règl. n° 883/2004 – 24 Règl. n° 883/2004
Devoir d’information relatif au droit d’option
Résumé
Un rentier AVS de nationalité suisse domicilié en France a demandé son exemption de l’assurance-maladie obligatoire en Suisse plusieurs années après son départ. L’Institution commune LAMal a refusé sa demande au motif qu’il n’avait pas exercé son droit d’option dans le délai de trois mois prévu et qu’aucun défaut d’information ne pouvait être reproché à l’assureur, l’assuré n’ayant pas signalé son changement de domicile. Les griefs formulés contre les organismes français sont sans pertinence, le devoir d’information sur le droit d’option relevant uniquement des assureurs et des cantons suisses. Le Tribunal fédéral a confirmé ce refus et rejeté le recours.
Faits
Au bénéfice d’une rente de vieillesse de l’AVS suisse depuis le mois de mai 2009, l’assuré ressortissant suisse né en 1943, a sollicité la résiliation de son contrat d’assurance-maladie suisse, le 13 juillet 2020, pour la fin de ce mois. Il faisait en substance valoir qu’il était désormais affilié au système général d’assurance-maladie français, indiquant une adresse en France.
Le 10.08.2020, la caisse-maladie a répondu à son assuré, qu’en sa qualité de bénéficiaire d’une rente de l’AVS suisse, il était soumis à l’obligation d’assurance en Suisse, mais qu’il avait la possibilité de faire usage du « droit d’option » afin de s’affilier au système de sécurité sociale de son pays de résidence (la France). La caisse-maladie a joint à son courrier une demande d’exemption à l’assurance-maladie suisse, ainsi que le formulaire « Choix du système d’assurance-maladie ». Elle a précisé que ces documents devaient être adressés à l’Institution commune LAMal (ci-après: l’institution commune), accompagnés d’une preuve de l’affiliation en France, et que la résiliation du contrat d’assurance deviendrait effective dès réception de l’exemption de l’obligation de s’assurer en Suisse délivrée par l’institution commune.
Le 09.09.2020, l’assuré a déposé une telle demande auprès de l’institution commune. Le 02.11.2020, il a complété son dossier, sans toutefois fournir le formulaire requis, expliquant l’avoir envoyé à la Caisse primaire d’assurance-maladie (CPAM) le 04.09.2020 sans retour. Entre novembre 2020 et mars 2021, l’institution commune l’a relancé à plusieurs reprises en l’invitant à transmettre le formulaire signé et timbré par la CPAM, en l’avertissant qu’à défaut, sa demande serait considérée comme sans objet et qu’il demeurerait affilié à l’assurance obligatoire suisse.
Faute d’avoir produit le document requis dans le délai imparti, l’institution commune a, par décision du 21.06.2021, confirmée sur opposition le 18.08.2021, rejeté la demande d’exemption pour dossier incomplet.
Procédure au TAF (arrêt C-4364/2021 – consultable ici)
Par jugement du 17.03.2025, rejet du recours par le Tribunal administratif fédéral.
TF
Consid. 2.2
Au regard du caractère transfrontalier des faits déterminants, il est incontesté que le litige doit être résolu à la lumière des dispositions de droit européen auxquelles renvoie l’annexe II de l’Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d’une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d’autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP), à savoir en particulier le Règlement (CE) n° 883/2004 (ci-après: règlement n° 883/2004).
Consid. 2.3
L’arrêt entrepris expose de manière complète les dispositions de droit européen nécessaires à la résolution du litige, en particulier celles sur la détermination de la législation nationale applicable (art. 11 du règlement n° 883/2004), ainsi que les dispositions particulières en matière de prestations de maladie, de maternité et de paternité assimilées applicables aux titulaires de pension (art. 23 s. du règlement n° 883/2004; cf. aussi ATF 146 V 290 consid. 3).
Consid. 2.4
On rappellera, à la suite des juges précédents, que l’Annexe XI du règlement n° 883/2004 (Suisse, ch. 3, let. a, sous ii et let. b) prévoit que les personnes pour lesquelles la Suisse assumera la charge des prestations en vertu des art. 24, 25 et 26 du règlement n° 883/2004 peuvent, à leur demande, être exemptées de l’assurance obligatoire tant qu’elles résident dans l’un des États suivants et qu’elles prouvent qu’elles y bénéficient d’une couverture en cas de maladie: l’Allemagne, l’Autriche, la France et l’Italie. Cette demande – appelée « droit d’option » – doit être déposée dans les trois mois qui suivent la prise de domicile à l’étranger (cf. aussi art. 2 al. 6 de l’OAMal, en relation avec les art. 3 al. 3 LAMal et 1 al. 2 let. d OAMal; ATF 147 V 402 consid. 4.1 à 4.3).
Si le « droit d’option » ne peut en principe pas être exercé au-delà du délai de trois mois suivant le départ à l’étranger, l’Annexe XI du règlement n° 883/2004 prévoit néanmoins que dans certains « cas justifiés », le « droit d’option » peut être exercé au-delà de ce délai (Suisse, ch. 3, let. b, sous aa). Selon la jurisprudence, tel est le cas notamment lorsque l’assuré a été empêché de faire valoir son « droit d’option » en raison d’un manque d’information (ATF 136 V 295 consid. 5.8-5.10), l’assuré devant être informé de l’existence du « droit d’option » et des modalités de son exercice (cf. arrêt 9C_531/2019 du 17 février 2020 consid. 6.2). L’obligation d’informer l’assuré sur son « droit d’option » incombe aux assureurs et aux cantons (cf. art. 6a al. 1 let. c LAMal et art. 7b OAMal; cf. également arrêt 9C_531/2019 précité consid. 6.2).
Consid. 3.1 [résumé]
Le Tribunal administratif fédéral a retenu que l’assuré, domicilié en France depuis le 01.01.2017, demeurait soumis à l’assurance-maladie obligatoire suisse conformément à l’art. 24 par. 1 et par. 2 let. a du règlement n° 883/2004, puisqu’il percevait exclusivement une rente AVS suisse. Il a constaté que l’intéressé n’avait pas exercé son droit d’option dans le délai de trois mois prévu, arrivé à échéance le 31.03.2017, dès lors qu’il n’avait déposé sa demande d’exemption qu’en septembre 2020. Le refus de l’institution commune d’exempter l’assuré était ainsi justifié. Le Tribunal administratif fédéral a en outre écarté l’existence d’un « cas justifié » fondé sur un défaut d’information : l’assureur ne pouvait se voir reprocher une telle omission, l’assuré n’ayant signalé son départ à sa caisse-maladie qu’en juillet 2020, soit plus de trois ans après son installation en France. L’assureur avait par ailleurs correctement informé l’assuré, le 10.08.2020, des démarches à suivre pour exercer le droit d’option conformément à l’ALCP et aux règlements européens applicables.
Consid. 3.2
À l’appui de son recours, l’assuré fait en substance valoir qu’il est domicilié en France depuis le 18.04.2018 et qu’il ne peut pas lui être reproché de n’avoir pas respecté le délai de trois mois suivant sa prise de domicile en France pour exercer son « droit d’option » au vu « du manque d’informations et de la lenteur des services concernés ».
Consid. 4.1 [résumé]
C’est en vain, d’abord, que l’assuré se réfère à un arrêt rendu le 14 mai 2019 par la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud, qui selon lui aurait « mis en évidence » qu’il était domicilié en Suisse en 2016 et 2017. À l’inverse de ce qu’affirme l’assuré, la juridiction cantonale a constaté qu’il était domicilié en France, à tout le moins déjà depuis le 1er janvier 2015 (cf. consid. 3c de cet arrêt cantonal [cause AM 43/17 – 20/2019]). Faute d’avoir exercé son droit d’option, l’intéressé restait ainsi soumis à l’assurance-maladie obligatoire suisse (cf. consid. 5d et 6 de l’arrêt cantonal précité).
Consid. 4.2 [résumé]
L’assuré ne peut invoquer un défaut d’information de l’assureur ou de l’institution commune. Il n’a pas entrepris de démarches dans le délai de trois mois suivant son installation en France, soit avant le 01.04.2017, et n’avait informé sa caisse-maladie de son départ qu’en 2019. Son argumentation, essentiellement appellatoire et dirigée contre la décision de l’institution commune du 18.08.2021, ne satisfaisait pas aux exigences de motivation de l’art. 105 al. 2 LTF. Dès lors, aucune violation du devoir d’informer ne pouvait être reprochée à l’assureur tant que le départ et l’intention de résiliation n’avaient pas été communiqués.
Quant aux démarches que l’assuré allègue avoir entreprises dès 2017 auprès de compagnies d’assurance françaises, en leur reprochant une méconnaissance de la réglementation et un manque d’informations et de conseils, elles ne lui sont d’aucun secours. Le devoir d’information relatif au « droit d’option » et aux modalités d’exercice de celui-ci incombe en effet aux assureurs et aux cantons suisses (consid. 2.4 supra), comme l’ont dûment rappelé les premiers juges.
Le TF rejette le recours de l’assuré.
Arrêt 9C_275/2025 consultable ici