9C_411/2024 (f) du 11.02.2025 – Notification de la décision à la personne assurée sans copie au mandataire – Tardiveté du recours

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_411/2024 (f) du 11.02.2025

 

Consultable ici

 

Notification de la décision à la personne assurée sans copie au mandataire – Tardiveté du recours / 37 LPGA – 49 al. 3 LPGA – 56 LPGA – 60 al. 1 LPGA

Versement par l’office AI de l’arrérage des rentes peu après l’envoi de la décision – Principe de la bonne foi

 

Invoquant les suites incapacitantes d’une chute survenue le 19 octobre 2012, l’assurée, née en 1976, infirmière à temps partiel, a sollicité l’octroi de prestations de l’assurance-invalidité le 13 mars 2014. Au terme de son instruction, l’office AI a informé l’assurée qu’il allait lui accorder trois quarts de rente pour la période limitée comprise entre le 01.09.2014 et le 31.01.2015 par projet de décision du 30.08.2021.

L’assurée a contesté ce projet et demandé plusieurs prolongations de délai pour compléter son argumentation. Si l’office AI a accepté la première demande, il a rejeté les suivantes et informé l’assurée le 31 janvier 2022 que la décision serait prochainement notifiée. Par décision du 18.02.2022, adressée directement à l’assurée (et non à son mandataire), l’office AI a confirmé l’octroi des trois quarts de rente pour la période limitée précitée. En réponse à des demandes – la première datée du 27.06.2022 – l’invitant à notifier sans délai la décision attendue, l’office AI a transmis une copie de cette décision au mandataire de l’assurée par lettre du 05.09.2022. Il a aussi admis l’irrégularité de la notification mais a nié la nécessité de procéder à une nouvelle notification par lettre du 29.09.2022.

 

Procédure cantonale (arrêt AI 260/22 – 195/2024 – consultable ici)

Par jugement du 24.06.2024, le tribunal cantonal a déclaré le recours irrecevable pour cause de tardiveté.

 

TF

Consid. 4 [résumé]
Le tribunal cantonal a reconnu l’irrégularité de la notification de la décision administrative à l’assurée. Cependant, il a estimé que plusieurs éléments auraient dû alerter l’assurée et son mandataire. Premièrement, la décision avait été envoyée au domicile de l’assurée, qui avait également reçu un versement de CHF 7’225 dans les dix jours qui avaient suivi le prononcé de la décision. Le tribunal cantonal a jugé que l’assurée aurait dû en informer son mandataire dans un délai raisonnable. Deuxièmement, compte tenu de son expérience en matière de procédure et de pratique administrative, le mandataire n’aurait pas dû attendre jusqu’en juin 2022 pour s’enquérir de la notification, annoncée à trois reprises entre novembre 2021 et janvier 2022. La cour cantonale a considéré que cette attente n’était pas conforme à une bonne gestion du mandat. Par conséquent, la transmission d’une copie de la décision au mandataire le 05.09.2022 ne pouvait être considérée comme une nouvelle notification marquant le début du délai de recours. Le tribunal a donc conclu que le recours déposé le 06.10.2022 était tardif et, par conséquent, irrecevable.

Consid. 6
Manifestement infondé, au sens de l’art. 109 al. 2 let. a LTF, le recours de l’assurée doit être rejeté selon la procédure simplifiée prévue à l’art. 109 al. 3 LTF.

Il importe effectivement peu en l’occurrence de savoir si l’assurée a concrètement reçu – ou pas – la décision du 18.02.2022, comme elle le laisse entendre, ni d’examiner si la connaissance de la procédure et de la pratique administrative auraient dû faire réagir le mandataire bien avant la transmission de la copie de la décision, ou même du mois de juin 2022. En effet, le versement par l’office AI des CHF 7’225, correspondant aux trois quarts de rente d’invalidité accordés pour la période courant du 01.09.2014 au 31.01.2015, permet de trancher le litige.

Selon les constatations cantonales, l’assurée a reçu les CHF 7’225 dans les dix jours suivant le prononcé de la décision administrative. La cour cantonale a en l’espèce considéré que l’assurée aurait dû chercher à déterminer les raisons et la provenance de ce versement en se renseignant auprès de son représentant. L’assurée n’admet ni ne conteste avoir reçu le montant en question. Dans la mesure où l’assurée ne prend pas position sur ce qui s’apparente à une motivation alternative de la part de la juridiction cantonale, on pourrait se poser la question de la recevabilité du recours (cf. ATF 138 I 197 consid. 4.1.4 et les références). Cette question peut cependant rester ouverte parce qu’il est manifeste que le versement de l’office AI était un élément qui permettait de soupçonner l’existence de la décision dans la mesure où le projet de décision annonçait à l’assurée le versement de trois quarts de rente pour la période du 01.09.2014 au 31.01.2015. Or, selon la jurisprudence citée par les juges cantonaux (cf. ATF 139 IV 228 consid. 1.3 et les références), en vertu du principe de la bonne foi, qui limite l’invocation d’une notification irrégulière, l’intéressée est tenue de se renseigner sur l’existence et le contenu de la décision dès qu’elle peut en soupçonner l’existence sous peine de se voir opposer l’irrecevabilité d’un éventuel recours pour cause de tardiveté.

Dans ces circonstances, l’assurée ne peut pas invoquer la notification irrégulière pour justifier la date du dépôt de son recours. Dans la mesure où les CHF 7’225 ont été versés dans les dix jours qui ont suivi le 18.02.2022, le recours interjeté le 06.10.2022 était largement tardif car l’assurée aurait pu et dû réagir dès le mois de mars 2022.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée dans la mesure où il est recevable.

 

Arrêt 9C_411/2024 consultable ici

 

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