8C_562/2023 (d) du 29.05.2024 – Revenu sans invalidité d’un assuré au chômage au moment de l’accident déterminé sur la base de la CCT et non de l’ESS – 16 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_562/2023 (d) du 29.05.2024

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle, seul l’arrêt fait foi

 

Revenu sans invalidité d’un assuré au chômage au moment de l’accident déterminé sur la base de la CCT et non de l’ESS / 16 LPGA

Refus du parallélisme pour un assuré travaillant depuis longtemps ou presque exclusivement de manière temporaire

Valeur probante du rapport du médecin-conseil

 

Assuré, né en 1963, aide plâtrier, était inscrit au chômage depuis le 22.12.2017. Le 17.02.2019, il a glissé sur une route verglacée et s’est blessé au métacarpe gauche. Le 20.06.2019, l’assurance-accidents a communiqué la fin du versement des indemnités journalières dès le 01.07.2019, l’assuré ayant retrouvé sa pleine capacité de travail. L’assuré a été opéré le 17.10.2019 (ablation du matériel d’ostéosynthèse). Les 14.05.2020 et 12.01.2021, l’assurance-accidents a considéré que l’assuré était à nouveau apte à travailler à 100% dans son activité habituelle, arrêtant le versement des prestations au 31.05.2020.

Le 30.05.2020, l’assuré a été victime d’un nouvel accident, entraînant fracture du radius distal intra-articulaire à plusieurs fragments du côté droit. L’assurance-accidents a octroyé les prestations, sous forme de traitement médical et d’indemnités journalières, pour ce nouvel événement. Par pli du 24.05.2022, l’assurance-accidents a considéré que l’état de santé en lien avec l’accident du 30.05.2020 était stabilisé, sur la base de l’avis de son médecin-conseil.

Par décision du 10.06.2022, confirmée sur opposition le 30.09.2022, l’assurance-accidents a nié le droit de l’assuré à une rente d’invalidité et a octroyé une IPAI de 15%.

 

Procédure cantonale (arrêt UV.2022.00207 – consultable ici)

Par jugement du 18.07.2023, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.1
L’instance cantonale a considéré que l’avis du médecin-conseil était probant. Selon cette évaluation, l’assuré ne peut plus exercer son activité d’aide plâtrier ou de peintre en raison notamment des séquelles de l’accident du 30.05.2020. Une activité professionnelle à plein temps sans utilisation de la force de la main droite est exigible. Ont été retenues les limitations fonctionnelles suivantes : pas de soulèvement et de port de charges, jusqu’à hauteur du bassin, de plus de 5 kg, pas d’exposition au froid et aux vibrations, pas de travaux dans un milieu humide ou mouillé ou dans une chaleur excessive, pas d’activités nécessitant des poussées et tractions, pas de travaux sur des échelles et des échafaudages, pas de travaux en hauteur avec un déploiement de force. Etaient encore possibles la manipulation d’outils légers (motricité fine, clavier). La posture et la locomotion n’étaient pas limitées.

Consid. 3.2
Les juges cantonaux ont confirmé le revenu sans invalide déterminé par l’assurance-accidents sur la base de la convention collective de travail (CCT) pour le secteur de la plâtrerie de la ville de Zurich en vigueur à partir du 01.04.2020. Avec un salaire minimum pour l’année 2022 pour les ouvriers professionnels semi-qualifiés (âge 61 ; à partir de 5 ans de service) de CHF 5’046.95 par mois, soit un revenu annuel de CHF 65’610.35. Le salaire minimum pour le secteur de la plâtrerie de la ville de Zurich est ainsi supérieur à la CCT pour l’industrie de la peinture et de la plâtrerie de Suisse alémanique et du Tessin (sans la ville de Zurich) de CHF 4’691, valable à partir du 01.04.2021.

La cour cantonale a fixé le revenu d’invalide sur la base de l’ESS 2020 (tableau TA1_tirage_skill_level, secteur privé, total, niveau de compétence 1, hommes). Après prise en compte de la durée hebdomadaire de travail usuelle dans l’entreprise et de l’évolution du salaire nominal, le revenu d’invalide s’élevait à CHF 66’016 francs pour l’année 2022. Les juges cantonaux ont confirmé l’abattement de 10% en raison des limitations fonctionnelles. Il résultait de la comparaison du revenu d’invalide de CHF 59’414.05 avec le revenu sans invalidité de CHF 65’610.35 un taux d’invalidité de 9.44%, excluant le droit à une rente d’invalidité LAA.

 

Consid. 4.1.1 (revenu sans invalidité)
L’assuré fait valoir que le revenu sans invalidité ne doit pas être calculé sur la base des prescriptions minimales de la CCT, mais sur la base des valeurs statistiques de l’ESS. Il n’est pas contesté que l’assuré était au chômage au moment de l’accident, raison pour laquelle on ne peut pas se baser sur le dernier gain réalisé.

Consid. 4.1.2
Contrairement à l’avis de l’assuré, les objectifs des salaires minimaux minimum d’une CCT déclarée de force obligatoire par le Conseil fédéral dans la branche professionnelle correspondante ne sont pas utilisés uniquement pour examiner le caractère inférieur à la moyenne d’un revenu effectivement réalisé (cf. SVR 2022 UV Nr. 32 p. 130, 8C_541/2021 consid. 4.2.2, SVR 2022 UV Nr. 43 p. 172, 8C_528/2021 consid. 8.3 s.). Au contraire, la jurisprudence a, à diverses reprises, pris en compte les salaires dus en vertu de conventions collectives de travail pour déterminer le revenu sans invalidité, comme l’a déjà reconnu à juste titre l’instance cantonale (arrêts 8C_677/2021 du 31 janvier 2022 consid. 4.2.1 ; 8C_134/2021 du 8 septembre 2021 consid. 5.4 et les références).

Consid. 4.1.3
Le revenu qu’il obtiendrait hypothétiquement en bonne santé (revenu sans invalidité) doit être fixé aussi concrètement que possible (ATF 144 I 103 consid. 5.3; 135 V 58 consid. 3.1; cf. aussi ATF 135 V 297 consid. 5.1; 134 V 322 consid. 4.1). L’objection selon laquelle le salaire minimal selon la CCT ne correspond pas au revenu usuel de la branche n’est pas pertinente, car les revenus spécifiques à la branche y sont représentés de manière plus précise que dans l’ESS (au lieu de : arrêt 8C_756/2022 14 décembre 2023 consid. 5.1.2). En outre, l’instance cantonale et l’assurance-accidents ont souligné à juste titre que l’assuré n’avait jamais perçu un revenu aussi élevé avant son accident (cf. extrait du CI). L’assuré ne fait d’ailleurs pas valoir de tels arguments.

Consid. 4.1.4
Dans la mesure où la question du caractère inférieur à la moyenne du revenu effectivement réalisé se pose, il n’est certes pas admissible d’imputer à la personne assurée un revenu sans invalidité fictif à hauteur d’un salaire minimum CCT pour nier sur cette base le caractère inférieur à la moyenne du revenu (SVR 2022 UV Nr. 43 p. 172, 8C_528/2021 consid. 8.3.3). Comme dans le cas cité supra, l’assuré travaillait depuis longtemps ou, en l’occurrence, presque exclusivement de manière temporaire, raison pour laquelle il existe de sérieux indices qu’il s’est contenté de son plein gré d’un bas revenu. Il n’y a donc pas lieu de procéder à un parallélisme des revenus à comparer (ATF 134 V 322 consid. 4.1). Rien d’autre ne ressort de l’ATF 148 V 174, invoqué dans le recours, qui traite de l’évaluation du revenu d’invalide sur la base de l’ESS. Il n’y a donc pas lieu de reconnaître une violation du droit fédéral dans la procédure de l’instance cantonale.

 

Consid. 4.2.1 à 4.2.4 (revenu d’invalide ; résumé)
L’assuré conteste l’évaluation de sa capacité de travail dans une activité adaptée, remettant en question la valeur probante de l’exigibilité par le médecin-conseil. L’instance cantonale a écarté tout doute quant à cette évaluation, qui concordait avec le diagnostic non contesté et les limitations indiquées par le chirurgien traitant. L’appréciation du médecin de famille concernant l’impossibilité d’augmenter le taux d’occupation n’a pas été jugée suffisamment motivée pour être prise en compte.

Le rapport du chirurgien traitant, sur lequel s’est basé le médecin-conseil, a été jugé trop succinct et dépourvu d’évaluation quantitative de la capacité de travail. L’évaluation du médecin-conseil a été considérée comme sommaire, d’autant plus qu’il n’y a pas eu d’examen clinique personnel. L’assuré se plaignait de douleurs au poignet, mais l’avis du médecin-conseil ne précise pas comment et dans quelles circonstances ces douleurs se manifestent, se contentant de mentionner des « douleurs au poignet ». Il n’y a donc pas de discussion détaillée sur la description des douleurs, rendant les conclusions peu convaincantes.

Le Tribunal fédéral a estimé que les juges cantonaux ont violé le droit fédéral en procédant à une appréciation définitive des preuves sans investigations supplémentaires, compte tenu des doutes subsistants. En conséquence, le jugement du tribunal cantonal et la décision sur opposition sont annulés, et l’affaire est renvoyée à l’assurance-accidents pour qu’elle mette en œuvre une expertise médicale (art. 44 LPGA) avant de statuer à nouveau sur le droit aux prestations de l’assuré.

Le TF admet partiellement le recours de l’assuré.

 

Arrêt 8C_562/2023 consultable ici

 

Proposition de citation : 8C_562/2023 (d) du 29.05.2024, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2024/07/8c_562-2023)

 

 

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