9C_155/2023 (f) du 19.06.2023 – Recours irrecevable – Conclusions « aberrantes » – Pas d’intérêt juridiquement protégé pour les justiciables à obtenir l’avis des tribunaux sur des questions théoriques

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_155/2023 (f) du 19.06.2023

 

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Rente d’invalidité extraordinaire

Recours irrecevable – Conclusions « aberrantes » (porter le taux d’invalidité de 75% à 80%)

Pas d’intérêt juridiquement protégé pour les justiciables à obtenir l’avis des tribunaux sur des questions théoriques

Publication des arrêts du Tribunal fédéral – Principe de la transparence / 27 LTF – 59 RTF

 

Assurée, née en 1975, présente une atteinte à la santé depuis l’âge de 17 ans. Elle a déposé une demande de prestations de l’assurance-invalidité le 21.12.2020. Par décision du 11.04.2022, l’office AI lui a octroyé une rente extraordinaire de l’assurance-invalidité dès le 01.06.2021, en fonction d’un degré d’invalidité de 75%.

 

Procédure cantonale

L’assurée a interjeté recours contre cette décision, demandant notamment à ce qu’il soit répondu à ses questions et à ce que son degré d’invalidité soit porté à 80%.

Statuant le 04.01.2023, le Tribunal cantonal a déclaré le recours irrecevable. Il a rappelé tout d’abord que le droit à une rente entière de l’assurance-invalidité existait à partir d’un degré d’invalidité de 70%, de sorte que l’intéressée n’avait aucun intérêt digne de protection à contester le degré d’invalidité fixé à 75%. De plus, sauf à desservir totalement ses intérêts, l’intéressée ne disposait également d’aucun intérêt actuel digne de protection à se voir accorder une rente ordinaire de l’assurance-invalidité (d’un montant mensuel de 1’195 fr.) en lieu et place d’une rente extraordinaire (d’un montant mensuel de 1’593 fr.).

 

TF

Consid. 6.2
Destinataire de l’arrêt attaqué refusant d’entrer en matière pour des motifs de procédure sur son recours cantonal, la recourante a en principe un intérêt digne de protection à en demander l’annulation, cela indépendamment et sans préjudice du motif d’irrecevabilité retenu par l’autorité précédente, qui constitue l’objet de la contestation devant le Tribunal fédéral (ATF 145 II 168 consid. 2 et les références). En vertu de l’art. 42 al. 1 et 2 LTF, la partie recourante doit cependant motiver son recours en exposant succinctement en quoi la décision attaquée viole le droit. En particulier, la motivation doit se rapporter à l’objet du litige tel qu’il est circonscrit par la décision litigieuse (ATF 133 IV 119 consid. 6.4). Lorsque le recours cantonal a été déclaré irrecevable, les motifs développés dans le mémoire de recours devant le Tribunal fédéral doivent porter exclusivement sur la question de la recevabilité traitée par l’instance précédente à l’exclusion du fond du litige (ATF 144 II 184 consid. 1.1; 135 II 145 consid. 3.1). Les griefs de violation des droits fondamentaux sont en outre soumis à des exigences de motivation accrues au sens de l’art. 106 al. 2 LTF, la partie recourante devant alors citer les principes constitutionnels qui n’auraient pas été respectés et expliquer de manière claire et précise en quoi ces principes auraient été violés (ATF 146 I 62 consid. 3).

 

Consid. 6.3
En l’occurrence, comme l’a rappelé la juridiction cantonale, l’office AI a déjà alloué à la recourante une rente extraordinaire de l’assurance-invalidité, qui s’élève selon la loi à 133 1/3% du montant minimum de la rente ordinaire complète correspondante (art. 40 al. 3 LAI). Aussi, en demandant à la juridiction cantonale de porter son taux d’invalidité de 75% à 80%, soit dans les deux cas un degré d’invalidité déjà supérieur au seuil de 70% ouvrant droit à une rente entière (art. 28b al. 3 LAI), la recourante a pris des conclusions que la doctrine qualifie d’ « aberrantes » (voir p. ex. GRÉGORY BOVET, Commentaire de la LTF, 3 e éd. 2022, n° 41 ad art. 76 LTF), car elles ne correspondent nullement à un intérêt personnel juridiquement protégé ou digne de protection. En outre, la loi ne confère pas un intérêt juridiquement protégé pour les justiciables à obtenir l’avis des tribunaux sur des questions théoriques et qui ne sont pour ce motif pas déterminantes pour l’issue d’un litige. De plus, en l’absence d’éléments précis indiquant une date d’adoption prochaine de nouvelles prescriptions fixant un seuil plus élevé que celui de 70% pour l’octroi d’une rente entière de l’assurance-invalidité, il n’appartient pas non plus aux tribunaux de tenir compte des craintes de la recourante quant à d’éventuelles futures modifications législatives pour fonder sa qualité pour recourir (ATF 129 II 497 consid. 5.3.3). Aussi, en se limitant à répéter devant le Tribunal fédéral son insatisfaction de ne pas trouver dans l’arrêt attaqué une réponse à la question de savoir pourquoi son degré d’invalidité a été fixé par l’office AI à 75%, et non pas à 80%, la recourante n’expose pas de manière conforme aux exigences d’un recours devant le Tribunal fédéral (art. 42 al. 2 LTF) les éléments propres à établir la recevabilité de son recours devant le Tribunal fédéral.

 

Consid. 8
La recourante demande enfin que le présent arrêt ne soit pas publié, ce qui ne saurait être agréé. La publication des arrêts est conforme à la loi, qui prescrit – selon le principe de la transparence – que tous les arrêts du Tribunal fédéral sont publiés et ce sans exception (art. 27 LTF et 59 al. 1 let. b du règlement du 20 novembre 2006 du Tribunal fédéral [RTF]; arrêt 5A_354/2018 du 21 septembre 2018 consid. 2.1 et les références).

La protection des données et de la personnalité limite toutefois le contenu de la publication: l’art. 27 al. 2 LTF prévoit dans cette optique que les décisions sont « en principe » publiées sous forme anonyme.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

Arrêt 9C_155/2023 consultable ici

 

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