Arrêt du Tribunal fédéral 8C_677/2021+8C_687/2021 (d) du 31.01.2022
NB: traduction personnelle, seul l’arrêt fait foi
Revenu sans invalidité – Parallélisation des revenus à comparer / 16 LPGA
Pas de parallélisation en présence d’une CCT
Assurée, née en 1993, employée depuis mars 2014 en tant que collaboratrice de cuisine à la boulangerie B.__ AG. Le 20.03.2016, elle a été renversée par une voiture alors qu’elle marchait sur le trottoir. Elle a subi des blessures à la colonne vertébrale cervicale et thoracique ainsi qu’une fracture de la jambe gauche. Cette dernière a été opérée à l’hôpital C.__ et a provoqué par la suite des douleurs persistantes ainsi qu’un trouble de la marche. Par la suite, des troubles psychiques sont également apparus. Après un séjour à la clinique de réadaptation en octobre 2017, l’assurance-invalidité a accordé des mesures professionnelles. L’assurée s’est d’abord soumise à un entraînement à l’endurance et a ensuite effectué un essai de travail dans une boulangerie. Après un examen final par le médecin-conseil le 17.10.2019, l’assurance-accidents a accordé une indemnité pour atteinte à l’intégrité de 20% au total (cheville gauche : 15% ; colonne cervicale et thoracique : 5%). L’assurance a toutefois refusé de reconnaître le droit à une rente d’invalidité.
Procédure cantonale
Par jugement du 02.09.2021, admission du recours par le tribunal cantonal, reconnaissant le droit de l’assurée à une rente d’invalidité à partir du 01.01.2020 fondée sur un taux d’invalidité de 10%.
TF
Consid. 4.2.1
En ce qui concerne la détermination du degré d’invalidité selon la méthode de comparaison des revenus (art. 16 LPGA), il convient de souligner que le revenu que l’assuré aurait pu obtenir s’il n’était pas devenu invalide (revenu sans invalidité) doit en règle générale être calculé sur la base du dernier salaire obtenu, adapté si nécessaire au renchérissement et à l’évolution du revenu, car l’expérience montre que l’activité exercée jusqu’alors aurait été poursuivie en l’absence d’atteinte à la santé (ATF 144 I 103 consid. 5.3 ; 135 V 58 consid. 3.1 ; cf. aussi ATF 135 V 297 consid. 5.1 ; 134 V 322 consid. 4.1). La jurisprudence a déjà pris en compte à plusieurs reprises les salaires dus en vertu d’une convention collective de travail pour déterminer le revenu sans invalidité (arrêt 8C_134/2021 du 8 septembre 2021 consid. 5.4 et les références).
Consid. 4.2.2
Si, pour des raisons étrangères à l’invalidité (p. ex. faible niveau de formation scolaire, absence de formation professionnelle, connaissances insuffisantes de l’allemand, possibilités d’emploi limitées en raison du statut de saisonnier), une personne assurée percevait un revenu nettement inférieur à la moyenne, il convient de tenir compte de cette circonstance lors de l’évaluation de l’invalidité selon l’art. 16 LPGA (ce que l’on appelle la parallélisation des revenus à comparer ; ATF 125 V 146 consid. 5c/bb ; arrêt I 696/01 du 4 avril 2002 consid. 4). Il faut en tenir compte, pour autant que rien n’indique qu’elle ne désire pas s’en contenter délibérément.
Ce n’est qu’ainsi que le principe selon lequel la perte de gain due à des facteurs étrangers à l’invalidité ne doit pas être prises en compte du tout, ou alors de manière égale pour les deux revenus comparés, est respecté (ATF 129 V 222 consid. 4.4). Le raisonnement de base de cette jurisprudence est le suivant : Lorsqu’une personne assurée obtient un salaire nettement inférieur à la moyenne dans l’activité qu’elle exerçait en bonne santé, parce que ses caractéristiques personnelles (notamment le manque de formation ou de connaissances linguistiques, le statut de droit des étrangers) l’empêchent d’obtenir un salaire moyen, il ne faut pas admettre qu’elle pourrait obtenir un salaire moyen (proportionnel) en raison d’une atteinte à la santé (ATF 134 V 322 consid. 4.1 ; 135 V 58 consid. 3.4.3 ; 135 V 297 consid. 5.1 ; arrêt 8C_721/2017 du 26 septembre 2018 consid. 3.4.1). Une parallélisation n’a lieu que dans le taux minimal déterminant de 5% est dépassé (ATF 135 V 297).
Lors de l’examen du caractère inférieur à la moyenne du revenu sans invalidité, il convient de comparer en premier lieu le revenu statistique usuel de la branche selon l’ESS (ATF 141 V 1 consid. 5.6). Si le salaire de base correspond au salaire minimum prévu par une convention collective de travail (CCT) déclarée de force obligatoire par le Conseil fédéral dans la branche professionnelle concernée, il ne peut pas être qualifié d’inférieur à la moyenne, car les revenus usuels de la branche y sont représentés de manière plus précise que dans l’ESS. Une parallélisation des revenus à comparer n’entre donc pas en ligne de compte dans un tel cas, conformément à la jurisprudence (arrêts 8C_310/2020 du 23 juillet 2020 consid. 2 et 3 ; 8C_88/2020 du 14 avril 2020 consid. 3.2.2 ; 8C_141/2016 du 17 mai 2016 consid. 5.2.2).
Consid. 5.1
L’instance cantonale a déterminé le revenu d’invalide sur la base de l’ESS et a retenu un abattement de 10%. Quant au revenu sans invalidité, le tribunal cantonal s’est basé sur le même salaire [sans abattement], car il a estimé qu’il n’existait pas d’indices permettant de penser que l’assurée aurait voulu se contenter délibérément d’un revenu inférieur effectivement obtenu, soit 44’772 francs. Le taux d’invalidité est ainsi de 10%.
Consid. 6.3.1
En ce qui concerne le revenu sans invalidité, l’assurance-accidents fait valoir que l’instance cantonale a utilisé à tort, pour le calculer, la valeur statistique [ligne « Total »] pour les activités d’aide simple (55’222 francs) au lieu du revenu antérieur, bien que ce dernier, avec 44’772 francs, ait même été légèrement plus élevé que le salaire annuel minimum selon la CCT de 44’655 francs (3435 francs x 13).
Contrairement aux objections de l’assurée, on ne voit pas en quoi le salaire minimum prévu à partir du 1er janvier 2019 par la CCT déclarée de force obligatoire par le Conseil fédéral (FF 2018 7107 ss) pour les travailleurs sans diplôme professionnel ne devrait pas être pris en compte comme valeur de référence (dont le montant n’est pas contesté) au moment de l’entrée en vigueur de la rente en janvier 2020. Comme le montant correspondant est inférieur à la valeur que l’instance précédente a constatée pour l’année 2019 sur la base des indications de l’employeuse, on ne peut pas considérer ici, conformément à la pratique, qu’il s’agit d’une valeur inférieure à la moyenne. Il convient au contraire de retenir le salaire de 44’772 francs comme revenu sans invalidité.
Le TF admet le recours de l’assurance-accidents (8C_677/2021) et rejette le recours de l’assurée (8C_687/2021)
Arrêt 8C_677/2021+8C_687/2021 consultable ici
Proposition de citation : 8C_677/2021+8C_687/2021 (d) du 31.01.2022 – Revenu sans invalidité – Parallélisation des revenus à comparer, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2021/09/8c_677-2021)