8C_440/2015 (f) du 14.04.2016 – Lien de causalité adéquate nié entre des troubles psychiques et un accident de la circulation – ATF 115 V 133 – 6 LAA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_440/2015 (f) du 14.04.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/1Nel3uO

 

Lien de causalité adéquate nié entre des troubles psychiques et un accident de la circulation – ATF 115 V 133 – 6 LAA

Minibus qui dévale un talus, qui aurait fait un tonneau et assuré n’ayant pas pu être dégagé rapidement du véhicule

 

Assuré, né en 1959, travailleur saisonnier en qualité de régleur au service, victime d’un accident de la circulation le 30.11.2001. Alors qu’il voyageait en qualité de passager d’un minibus, celui-ci a quitté la route dans un virage. Les circonstances précises de l’accident ne sont pas clairement établies. On sait que le minibus a basculé sur le côté après avoir dévalé le talus bordant la route mais il reste un doute sur le point de savoir s’il a fait un tonneau et si l’assuré a dû attendre un certain temps avant d’être dégagé du véhicule.

Lésions diagnostiquées initialement : fracture fermée de la clavicule gauche, traumatisme thoracique extérieur gauche, traumatisme crânien.

Travail repris à 50% dès le 19.03.2002. Le contrat de travailleur saisonnier ayant pris fin le 12.12.2002, l’assuré a repris son activité le 23.01.2003 bien qu’il ressentît encore des douleurs. Par courrier du 06.06.2003, l’assureur-accident a reconnu le droit à une indemnité journalière fondée sur une incapacité de travail de 30% dès le 10.02.2003. Le 14.01.2005, l’employeur a informé l’assureur-accidents que l’assuré ne faisait plus partie de son personnel depuis le 15.12.2004, date à laquelle son permis L était échu.

Décision du 02.07.2010, confirmée sur opposition le 29.07.2011 : rente d’invalidité de 24%, à partir du 1 er juillet 2010, et IPAI de 5%. Il n’a été tenu compte exclusivement des séquelles organiques de l’accident. En ce qui concerne les affections psychiques, l’assureur-accidents a nié l’existence d’un lien de causalité adéquate entre ces troubles et l’événement du 30.11.2001.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 89/11 – 48/2015  – consultable ici : http://bit.ly/1SGq8sx)

Par jugement du 18.05.2015, la cour cantonale a annulé la décision sur opposition et a renvoyé la cause à l’assureur-accidents pour nouvelle décision, au sens des considérants. Elle a reconnu l’existence d’un lien de causalité adéquate entre l’accident et les troubles de nature psychique.

 

TF

Lien de causalité adéquate et classification de l’accident – point de vue objectif

Il convient, aux fins de procéder à une classification des accidents entraînant des troubles psychiques, non pas de s’attacher à la manière dont l’assuré a ressenti et assumé le choc traumatique, mais bien plutôt de se fonder, d’un point de vue objectif, sur l’événement accidentel lui-même (ATF 115 V 133 consid. 6 p. 139, 115 V 403 consid. 5 p. 407 s.).

En l’occurrence, il faut faire abstraction des circonstances dénuées d’impact sur les forces biomécaniques, qui sont de nature à exercer exclusivement une influence sur le ressenti de la victime, à savoir les réactions de panique des autres passagers – singulièrement les pleurs et les hurlements d’un enfant en bas âge – ou le « ballet d’ambulances » occasionné par la présence de plusieurs blessés.

Les circonstances de l’accident ne sont pas très précisément établies. Compte tenu de ces incertitudes, il n’est pas aisé de se prononcer sur le point de vue de la cour cantonale selon lequel l’accident, qui doit effectivement être qualifié d’accident de gravité moyenne, se situe ou non à la limite de la catégorie des accidents graves. Cette question peut toutefois rester indécise sur le vu des considérations qui suivent.

 

Caractère particulièrement impressionnant de l’accident

La cour cantonale a admis ce critère en raison du fait que le véhicule a fait un tonneau, que les lésions subies par l’assuré – en particulier la plaie au scalp qui saignait abondamment -, la circonstance que l’intéressé a eu son bras gauche coincé et les réactions de panique des autres passagers.

Le critère relatif aux circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou au caractère particulièrement impressionnant de l’accident doit être examiné d’une manière objective et non pas en fonction du ressenti subjectif de l’assuré, en particulier de son sentiment d’angoisse. Il faut en effet observer qu’à tout accident de gravité moyenne est associé un certain caractère impressionnant, lequel ne suffit pas pour admettre l’existence du critère en question (RAMA 1999 n° U 335 p. 207, U 287/97, consid. 3b/cc; arrêts 8C_1020/2008 du 8 avril 2009 consid. 5.2; U 56/07 du 25 janvier 2008 consid. 6.1).

In casu, les circonstances concomitantes n’étaient pas particulièrement dramatiques et l’accident n’était pas particulièrement impressionnant (comp. arrêt U 18/07 du 7 février 2008 consid. 3.3.1).

 

Durée anormalement longue du traitement médical

La fracture de la clavicule gauche a été traitée d’abord conservativement avant de faire l’objet, le 26.04.2004, d’une intervention consistant en une ostéotomie, ainsi qu’en une ostéosynthèse. L’ablation du matériel d’ostéosynthèse a eu lieu le 13.09.2005. Pour le reste, l’assuré a reçu, sur le plan physique, un traitement à base d’antalgiques. Assez tôt, l’évolution a été favorable au point que seule une discrète limitation fonctionnelle et quelques douleurs résiduelles aux efforts ont persisté. Par la suite, les symptômes observés ont consisté exclusivement en des plaintes douloureuses attribuées à une thymie abaissée.

Cela étant, le traitement médical nécessité par les lésions physiques n’apparaît pas de nature, d’après le cours ordinaire des choses et l’expérience de la vie, à entraîner une incapacité de gain d’origine psychique (cf. ATF 115 V 133 consid. 6c/aa p. 140, 115 V 403 consid. 5c/aa p. 409) et le caractère anormalement long du traitement médical est nié.

 

Douleurs physiques persistantes

Les plaintes douloureuses concernant en particulier le membre supérieur gauche n’ont pu être attribuées à un substrat organique par les différents médecins qui se sont exprimés sur le cas. Ceux-ci relèvent bien plutôt une discordance entre la situation objective et les plaintes, discordance qui a mené les experts judiciaires à conclure à l’existence d’un trouble somatoforme douloureux persistant.

C’est pourquoi, compte tenu du fait que l’état de santé de l’assuré a été assez tôt influencé par l’apparition de troubles psychiques, force est d’admettre que le critère des douleurs physiques persistantes n’est pas réalisé.

 

Erreur dans le traitement médical

Le traitement des séquelles physiques de l’accident a été administré de façon correcte et a conduit à une évolution favorable. Même si elle n’a pas eu les effets escomptés, la décision de pratiquer une ostéotomie ne constitue en aucun cas une erreur médicale à l’origine d’une aggravation des séquelles de l’accident.

 

L’existence d’un lien de causalité adéquate entre les troubles psychiques et l’accident est niée. Le TF admet le recours de l’assureur-accidents, annule le jugement cantonal et confirme la décision sur opposition.

 

 

Arrêt 8C_440/2015 consultable ici : http://bit.ly/1Nel3uO

 

 

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