9C_639/2014 (f) du 24.02.2015 – Dommage dentaire – Causalité adéquate

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_639/2014 (f) du 24.02.2015

 

Consultable ici : http://bit.ly/1ARUm1X

 

Droit d’être entendu – Dépôt de nouvelles observations – Délai / 29 al. 2 Cst. – 6 CEDH

Notion d’accident – Dommage dentaire – Causalité adéquate / 4 LPGA

 

Un assuré annonce à sa caisse-maladie (assurance obligatoire des soins en cas de maladie et d’accident) l’accident survenu le 06.07.2011 : alors qu’il était en train de manger des spaghettis bolognaise, un caillou s’était retrouvé sous sa 2ème prémolaire en haut à droite et que, sous la pression, la dent avait éclaté en deux.

Le médecin-dentiste de l’assuré a indiqué que la dent lésée (n° 15) était fracturée et proposé comme traitement une obturation provisoire avant la pose d’une couronne en céramique.

L’assuré a, à la demande de l’assureur, fourni les renseignements complémentaires suivants : en mangeant des spaghettis bolognaise, il avait mordu sur un petit caillou se trouvant dans la sauce pour une raison inconnue, et qu’il avait recraché ce corps étranger, dont il n’était plus en possession.

Par décision et décision sur opposition, l’assureur a refusé la prise en charge du cas, au motif que l’événement en question n’était pas en relation de causalité adéquate avec le bris de la dent, celle-ci présentant déjà une grosse obturation avant la survenance de celui-ci.

 

Procédure cantonale (AM 17/12 – 30/2014 – http://bit.ly/1EsnAZT)

L’assureur a produit un avis de leur médecin-dentiste conseil indiquant que la fracture de la dent n° 15 de l’assuré était liée directement à sa fragilité, antérieure à l’événement du 06.07.2011.

Par arrêt du 17.07.2014, la juridiction cantonale a rejeté le recours et confirmé la décision sur opposition.

 

TF

Droit d’être entendu

L’assuré fait valoir que le premier juge ne l’a pas invité à se déterminer sur les écritures de l’assureur, dans lesquelles l’assureur avait relevé des contradictions en ce qui concerne les indications relatives au corps étranger sur lequel l’assuré avait mordu.

Le TF rappelle (consid. 2.3) que, lorsque la partie est représentée par un avocat, la jurisprudence du Tribunal fédéral considère que le droit de répliquer n’impose pas à l’autorité judiciaire l’obligation de fixer un délai à la partie pour déposer de nouvelles observations. On peut attendre de l’avocat à qui une détermination ou une pièce est envoyée pour information qu’il connaisse la pratique selon laquelle, s’il entend prendre position, il le fasse directement ou demande à l’autorité de lui fixer un délai pour ce faire; sinon, il est réputé avoir renoncé à se prononcer (ATF 138 I 484 consid. 2.2 p. 486; 133 I 100 consid. 4.8 p. 105 et les références). Pour que le droit à la réplique soit garanti, il faut toutefois que le tribunal laisse un laps de temps suffisant à l’avocat, entre la remise des documents et le prononcé de sa décision, pour que le mandataire ait la possibilité de déposer des observations s’il l’estime nécessaire à la défense des intérêts de son client. Cette pratique peut certes engendrer une certaine incertitude, dès lors que la partie ignore de combien de temps elle dispose pour formuler une éventuelle prise de position. La CourEDH a toutefois admis la conformité de ce procédé avec l’art. 6 § 1 CEDH, dès lors qu’il suffit à la partie de demander à l’autorité de pouvoir prendre position et de requérir la fixation d’un délai (arrêt Joos c/Suisse, du 15 novembre 2012 [requête n° 43245/07], §§ 27 s., en particulier §§ 30-32).

L’avocat de l’assuré n’a pas directement pris position sur les écritures de l’assureur, ni demandé à la juridiction cantonale de lui fixer un délai pour ce faire. Celui-ci est ainsi réputé avoir renoncé à se prononcer sur ces écritures. Le TF considère comme infondé le grief de violation du droit d’être entendu.

 

Avis du médecin-dentiste conseil sur dossier

Le fait que le médecin-dentiste conseil, qui n’a pas vu l’assuré, s’est fondé sur le dossier radiologique de l’assuré du 07.07.2011 ne prête pas à la critique. Sur le vu des constatations du médecin-dentiste conseil, ses conclusions sont dûment motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 p. 232; 133 V 450 consid. 11.1.3 p. 469; 125 V 351 consid. 3a p. 352). Ainsi, le premier juge pouvait, sans violer le droit fédéral, accorder valeur probante à l’avis du médecin-dentiste conseil.

 

Notion d’accident – Dommage dentaire – Causalité adéquate

Le TF rappelle, au consid. 4.1, que le bris d’une dent lors d’une mastication normale est réputé accidentel lorsqu’il s’est produit au contact d’un élément dur extérieur à l’aliment consommé, de nature à causer la lésion incriminée. La dent ne doit pas nécessairement être parfaitement saine, il suffit qu’elle remplisse normalement sa fonction (ATF 114 V 169 consid. 3b p. 170; arrêt du TFA U 367/04 du 18 octobre 2005, consid. 3.2 in RAMA 2006 n° U 572 p. 85). Une lésion dentaire causée par un objet, qui normalement ne se trouve pas dans l’aliment consommé, est de nature accidentelle (arrêt du TFA U 246/96 du 22 octobre 1998, consid. 3c/cc in RAMA 1999 n° U 333 p. 199; ALEXANDRA RUMO-JUNGO/ANDRÉ PIERRE HOLZER, Bundesgesetz über die Unfallversicherung [UVG], 4ème éd. 2012, ad art. 6 al. 1, ch. 4 p. 37). La simple présomption que le dommage dentaire se soit produit après avoir mordu sur un corps étranger dur ne suffit pas pour admettre l’existence d’un facteur extérieur extraordinaire (arrêt du TFA U 64/02 du 26 février 2004, consid. 2.2 in RAMA 2004 n° U 515 p. 421 et la référence). Cette conclusion est valable non seulement lorsque la personne déclare avoir mordu sur «un corps étranger» ou «quelque chose de dur», mais encore lorsqu’elle croit avoir identifié l’objet. Lorsque les indications de la personne assurée ne permettent pas de décrire de manière précise et détaillée le «corpus delicti», l’autorité administrative (ou le juge, s’il y a eu un recours) n’est en effet pas en mesure de porter un jugement fiable sur la nature du facteur en cause, et encore moins sur le caractère extraordinaire de celui-ci (arrêt U 200/99 du 20 décembre 1999 consid. 2; Turtè Baer, Die Zahnschädigung als Unfall in der Sozialversicherung, in SJZ 1992 p. 324 et la référence aux arrêts du TFA K 60/91 du 16 novembre 1992 et U 37/90 du 21 novembre 1990).

La dent n° 15 était fragilisée et avait déjà été traitée auparavant. La dent en question avait été traitée par un composite mésio-occluso-distal en septembre 2009 à la suite d’une reprise de carie sous un composite mésio-occluso-distal déjà existant. Le médecin-dentiste traitant avait également affirmé que la dent était légèrement à moyennement fragilisée.

Selon le TF (consid. 5.2), il n’est pas critiquable de la part de la juridiction cantonale d’avoir laissé indécise la question du facteur extérieur extraordinaire (sur ce point, cf. arrêt du TFA U 236/98 du 3 janvier 2000, consid. 3b in RAMA 2000 n° U 377 p. 184 s.), dans la mesure où le lien de causalité adéquate entre l’événement du 06.07.2011 et le dommage subi devait être nié compte tenu de l’état antérieur de la dent lésée (à ce propos, voir l’arrêt du TFA K 69/02 du 21 juillet 2004, consid. 4 in SVR 2005 KV n° 12 p. 42 s.).

Le TF confirme le jugement cantonal et rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_639/2014 consultable ici : http://bit.ly/1ARUm1X

 

 

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