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Analyse des passages de l’assurance-invalidité vers l’aide sociale

Analyse des passages de l’assurance-invalidité vers l’aide sociale

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 17.11.2020 consultable ici

 

D’un côté, la priorité accordée par l’AI à la réadaptation a eu l’effet souhaité : 58% des assurés ayant déposé une demande de prestations auprès de l’AI en 2014 exerçaient une activité lucrative et ne touchaient pas de rente AI quatre ans plus tard ; cette proportion n’était que de 50% parmi les personnes qui avaient déposé une telle demande en 2005. D’un autre côté, la proportion de personnes tributaires de l’aide sociale après que l’AI a refusé de leur octroyer une rente est passée de 11,6 à 14,5%. C’est ce que montre une nouvelle étude de l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS). Le développement continu de l’AI renforcera encore le travail de l’AI en faveur de la réadaptation, ce qui devrait réduire le nombre de transferts vers l’aide sociale. La réforme entrera vraisemblablement en vigueur en 2022.

Le travail de réadaptation fourni par l’AI a été considérablement renforcé à l’occasion de la 4e et surtout de la 5e révision de l’AI en 2004 et en 2008, mais aussi lors de la révision 6a en 2012. Un nombre plus élevé d’assurés ont ainsi bénéficié d’un soutien leur permettant de rester à leur poste ou assurant leur nouvelle réadaptation. Jusqu’à présent, il n’était pas possible de déterminer clairement si cet effort avait permis de maintenir durablement la capacité de gain de ces personnes ou s’il avait provoqué un transfert vers d’autres institutions de la sécurité sociale, en particulier vers l’aide sociale.

Afin de pouvoir répondre à ces questions, l’OFAS a constitué au cours des dix dernières années la base de données AS-AI-AC, qui permet d’analyser les passages entre l’aide sociale (AS), l’assurance-invalidité (AI) et l’assurance-chômage (AC). Cette base de données, actuellement gérée par l’Office fédéral de la statistique (OFS), couvre l’ensemble des personnes ayant déposé une demande de prestations auprès de l’AI entre 2005 et 2017. Elle s’étend désormais sur une période suffisamment longue pour rendre possibles des analyses de parcours. Le rapport de recherche « Évolution des passages de l’assurance-invalidité vers l’aide sociale », publié par l’OFAS, représente l’analyse la plus pertinente réalisée à ce jour sur cette base.

 

Davantage de demandes et de modifications de prestations de l’AI

L’étude met d’abord en évidence que le nombre de demandes de prestations déposées auprès de l’AI a augmenté d’environ un tiers entre 2005 et 2017, passant de 43 000 à 57 000. Environ un tiers des personnes ayant déposé une demande se sont vu octroyer des prestations de l’AI dans les quatre années suivantes. La nature des prestations accordées a fondamentalement changé : alors que le nombre de mesures externes de réadaptation a quasiment triplé, passant de 8% des assurés ayant déposé une demande en 2005 à 23% des assurés l’ayant fait en 2014, la part des rentes AI est quant à elle tombée, sur la même période, de 26 à 15%.

 

Davantage de personnes financièrement indépendantes

La part des personnes qui exerçaient une activité lucrative et ne touchaient pas de rente AI quatre ans après avoir déposé une demande de prestations à l’AI est passée de 50 à 58% au cours de la période considérée. Quant à la proportion de personnes tirant d’une activité lucrative un revenu supérieur à 3000 francs leur permettant de subvenir à leurs besoins, elle a progressé de 31 à 38% sur la même période. Davantage de personnes étaient ainsi financièrement indépendantes après avoir déposé une demande de prestations auprès de l’AI. Dans le même temps, la proportion de personnes ne touchant ni rente de l’AI, ni revenu d’une activité lucrative couvrant le minimum vital quatre ans après le dépôt d’une demande a, elle aussi, augmenté. De 40% parmi les assurés ayant déposé leur demande en 2006, elle a légèrement progressé pour atteindre 43% des demandes de prestations déposées en 2013.

 

Augmentation des transferts vers l’aide sociale

Dans de nombreux cas, les mesures de réadaptation de l’AI permettent aux assurés de maintenir ou de retrouver leur capacité de gain. Mais si ces assurés ne remplissent pas les conditions d’octroi d’une rente de l’AI, cela ne veut toutefois pas dire qu’ils retrouveront effectivement une place sur le marché du travail et qu’ils n’auront plus besoin d’aide. L’analyse des données AS-AI-AC met en évidence que de telles situations sont devenues plus fréquentes ces dernières années. Alors que 11,6% des assurés qui avaient déposé une demande AI en 2006 étaient tributaires de l’aide sociale quatre ans plus tard, cette proportion s’élevait à 14,5% en 2017, c’est-à-dire parmi les assurés ayant déposé une telle demande en 2013. Sur la base d’un modèle d’estimation qui élimine les facteurs externes à l’AI, on peut supposer que 5450 personnes touchaient l’aide sociale en 2017 parce qu’elles ne remplissaient plus les conditions d’octroi d’une rente AI, ceci en raison du recentrage sur la réadaptation opéré par les révisions de loi des dernières années. Ce chiffre représente environ 3% des cas d’aide sociale en 2017 ou 1,5% des 360 000 assurés ayant déposé une demande de prestations auprès de l’AI entre 2006 et 2013.

Par ailleurs, quelque 2000 personnes sont devenues tributaires de l’aide sociale au cours de la période considérée après que leur rente a été supprimée par l’AI. Cette situation pourrait toutefois s’expliquer par l’application d’une disposition de la révision 6a de l’AI qui a conduit à la révision de nombreuses rentes AI entre 2012 et 2014. Si c’est le cas, ces transferts de l’AI vers l’aide sociale représentent un phénomène uniquement temporaire. Une future analyse s’appuyant sur un ensemble encore plus large de données AS-AI-AC pourrait clarifier ce point.

 

Importance de l’évolution pour l’AI

Pour l’AI, les résultats de l’analyse montrent deux choses. Tout d’abord, la stratégie consistant à enregistrer le plus tôt possible les assurés confrontés à des problèmes de santé et à mettre en place des mesures ciblées pour maintenir leur poste de travail et leur capacité de gain s’avère juste et efficace. Ensuite, le soutien et les offres de réadaptation doivent être encore mieux conçus et mis en œuvre de façon ciblée pour réinsérer dans la vie active les assurés qui n’exercent pas (ou plus) d’activité lucrative. C’est précisément l’orientation générale adoptée pour le projet de développement continu de l’AI. Ce dernier propose de renforcer et d’étendre les mesures de réadaptation, en accordant une attention particulière aux jeunes assurés et aux assurés souffrant de troubles psychiques.

 

 

Interprétation des résultats et conclusion [extrait du Rapport de recherche OFAS 8/20]

Le nombre de personnes ayant déposé une première demande de prestations AI qui touchent l’aide sociale quatre ans plus tard a augmenté entre 2006 et 2013, tant en chiffres relatifs qu’en chiffres absolus. Du point de vue statistique, cette hausse ne s’explique ni par les changements intervenus dans la composition des demandeurs de prestations AI, ni par l’évolution des taux de chômage cantonaux. Toutes cohortes cumulées (2006-2013), quelque 36 520 personnes touchent l’aide sociale quatre ans après le dépôt de leur demande à l’AI ; on compte entre 3620 (2006) et 5720 (2013) personnes par cohorte. D’après les estimations proposées, environ un cinquième de ces bénéficiaires de l’aide sociale (21,2%, soit 7730 personnes) ne l’auraient pas perçue quatre ans après le dépôt de leur demande de prestations auprès de l’AI si le taux consolidé des rentes octroyées était resté le même qu’en 2006. Le pourcentage (maximal) de transfert calculé sur la base de ces estimations a augmenté au fil du temps : à partir de la cohorte 2009, le nombre estimé de cas de transfert par année est passé de 920 (2009 ; 20,3% de 4530) à 1650 (2013 ; 28,9% de 5720).

Le nombre de passages à l’aide sociale après une suppression de rente a également augmenté entre 2008 et 2015, donc au moins en partie avant l’entrée en vigueur, en 2012, de la 6e révision de l’AI. Statistiquement, cette hausse n’est pas liée aux changements intervenus dans la composition des personnes dont la rente a été supprimée ni à l’évolution du taux de chômage. Parmi les personnes dont la rente AI a été supprimée entre 2008 et 2015, quelque 2700 perçoivent l’aide sociale deux ans plus tard. Ici aussi, on observe une tendance à la hausse au fil des années, avec 240 cas en 2009 et environ 410 en 2015.

Une partie de ces transferts s’explique par le fait que la proportion de personnes qui se voient octroyer une rente AI et n’ont ainsi plus besoin de l’aide sociale est en diminution depuis 2010, comme l’ont montré les analyses réalisées à ce sujet. Faute de données suffisantes sur l’aide sociale datant d’avant 2010, de telles analyses ne sont possibles qu’à partir de cette année-là. L’autre partie du transfert s’explique par la hausse du nombre de nouveaux bénéficiaires de l’aide sociale au terme d’une procédure AI, qui ne peut également être observée qu’à partir de 2010.

Des calculs plus approfondis montrent en outre qu’une part proportionnellement élevée de personnes bénéficiant de l’aide sociale au terme d’une procédure AI continuent à la toucher pendant une longue période. Sur tous les nouveaux demandeurs de prestations AI de la cohorte 2006 qui perçoivent l’aide sociale en 2010, 59% en sont encore bénéficiaires pendant les quatre années suivantes, c’est-à-dire jusqu’en 2014. Pour les cohortes 2007, 2008 et 2009, cette proportion augmente légèrement, jusqu’à 61%. En comparaison, selon les indicateurs de l’aide sociale dans les villes suisses (Initiative des villes 2019, données de 14 villes), 40 à 50% des personnes dont le cas a été clôturé en 2018 ont touché l’aide sociale pendant moins d’un an, et 20 à 30% d’entre elles pendant trois ans ou plus, ces chiffres variant d’une ville à l’autre.

Pour conclure, changeons à présent de perspective pour pouvoir mieux classer les chiffres présentés selon leur signification pour l’aide sociale. Quittons le niveau des cohortes AI et passons à une vue transversale, en considérant les 175 240 unités d’assistance qui ont eu recours à l’aide sociale en 2017 selon la statistique de l’aide sociale. La question examinée est celle de savoir dans combien d’unités d’assistance pour lesquelles l’aide sociale a été perçue en 2017 se trouvent des personnes qui ont déposé une demande de prestations à l’AI entre 2006 et 2013 ou dont la rente a été supprimée entre 2008 et 2015. Du côté de l’AI, l’analyse prend en compte les quelque 279 000 personnes ayant déposé une demande entre 2006 et 2013. Environ 27 710 d’entre elles ont bénéficié de l’aide sociale en 2017, parmi lesquelles 2000 couples en ménage commun dont les deux membres ont déposé une demande auprès de l’AI. Comme l’unité d’assistance constitue l’unité de base de l’aide sociale, ces couples ne doivent être comptés qu’une seule fois ; en supprimant le double comptage des couples, il reste ainsi environ 25 710 bénéficiaires de l’aide sociale ayant déposé une demande auprès de l’AI par le passé. Près de 14,7% des 175 240 unités d’assistance qui ont touché l’aide sociale en 2017 incluaient par conséquent des personnes ayant déposé une demande auprès de l’AI entre 2006 et 2013. Outre ces personnes, on dénombre en 2017 plus de 2000 bénéficiaires de l’aide sociale dont la rente a été supprimée entre 2008 et 2015. Ce chiffre correspond à 1,1% des 175 240 unités d’assistance. Près d’une de ces unités d’assistance sur six (15,8%) correspond ainsi à des personnes soit qui ont déposé une demande de prestations auprès de l’AI auparavant (14,7%), soit dont la rente a été supprimée pendant la période mentionnée (1,1%).

En appliquant le pourcentage moyen de transfert de 21,2%, obtenu par une estimation statistique, aux 25 710 personnes qui, en 2017, touchaient l’aide sociale alors qu’elles avaient précédemment déposé une demande de prestations auprès de l’AI (en comptant les couples comme une seule personne), on arrive à 5450 personnes, soit 3,1% de l’ensemble des dossiers d’aide sociale de l’année 2017. Par ailleurs, si les suppressions de rentes intervenues entre 2008 et 2015 ayant débouché sur une perception de l’aide sociale en 2017 sont toutes assimilées à des transferts de l’AI vers l’aide sociale, soit 1,1% supplémentaires, cela représente, avec le nombre estimé de cas de transfert, un total de 4,2% des dossiers d’aide sociale pour l’année 2017.

 

Développement d’un système d’indicateurs AS-AI-AC

Sur la base des résultats des analyses mettant l’accent sur l’AI et des conclusions qui en ont été tirées, des recommandations générales sont formulées dans un rapport distinct concernant le développement du système AS-AI-AC et la création d’un système d’indicateurs destiné à surveiller la situation dans ce domaine. Ce rapport est disponible en allemand sous forme électronique sur le site de l’Office fédéral des assurances sociales :

https://www.bsv.admin.ch/bsv/home.webcode.html?webcode=D353.E059.de

 

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 17.11.2020 consultable ici

Rapport de recherche OFAS 8/20 « Empfehlungen zur Weiterentwicklung Indikatorensystem « SHIVALV » mit Fokus auf Entwicklung von Übertritten zwischen IV, ALV und Sozialhilfe » consultable ici (rapport en allemand, avec résumé en français, en italien et en anglais).

 

 

Publication du rapport de recherche : « Evaluation des mesures de réinsertion préparant à la réadaptation professionnelle »

Publication du rapport de recherche : « Evaluation des mesures de réinsertion préparant à la réadaptation professionnelle »

Rapport « Evaluation der Integrationsmassnahmen zur Vorbereitung auf die berufliche Eingliederung » consultable ici

 

Les mesures de réinsertion ont été introduites avec la 5e révision de l’AI et visent à préparer l’assuré à suivre des mesures d’ordre professionnel ou à réintégrer le monde du travail. L’évaluation analyse l’évolution des mesures de réinsertion depuis 2012 ainsi que celle des groupes cibles, de la mise en œuvre, des coûts et des résultats visés.

 

Avant-propos de l’Office fédéral des assurances sociales

Entrée en vigueur le 1er janvier 2008, la 5e révision de la loi sur l’assurance-invalidité a introduit, conformément au principe selon lequel la réadaptation prime la rente, deux nouveaux instruments de réadaptation professionnelle : les mesures d’intervention précoce et les mesures de réinsertion. Alors que les évaluations réalisées ces dernières années ont mis l’accent sur l’analyse de la mise en œuvre et de l’efficacité des diverses mesures de réadaptation professionnelle, le présent rapport est consacré exclusivement, et ce pour la première fois, aux mesures de réinsertion. Il analyse en détail la demande, les coûts, les caractéristiques des bénéficiaires de mesures, les contextes dans lesquels elles sont adoptées et, naturellement, les effets des mesures de réinsertion, ainsi que les facteurs de succès et les obstacles.

Comme on pouvait s’y attendre, le nombre de mesures octroyées a fortement augmenté depuis l’introduction de ces mesures et les coûts ont suivi une tendance similaire. Les résultats montrent également que le taux de succès a nettement augmenté ces dernières années. Alors qu’en 2012, quelque 52% des assurés ont achevé leur mesure de réinsertion avec succès, atteignant une capacité de travail d’au moins 50%, ce taux est passé à 65% en 2017. Ce résultat réjouissant pourra certainement encore s’améliorer grâce à l’optimisation constante des mesures de réinsertion. L’examen des effets à long terme des mesures de réinsertion montre enfin que près de 40% des assurés exercent une activité professionnelle trois ans après avoir achevé la mesure de réinsertion, la plupart réalisant un revenu qui couvre le minimum vital.

Quant aux facteurs de succès d’une réadaptation professionnelle durable, le présent rapport de recherche dresse le même tableau que nombre d’évaluations de la réadaptation professionnelle : moins il s’est écoulé de temps depuis la dernière activité professionnelle d’une personne, plus ses chances sont grandes de retrouver un emploi à l’achèvement d’une mesure de réinsertion. Les résultats montrent également que les mesures de réinsertion sont plus efficaces si au moins une partie de la mesure se déroule sur le marché primaire du travail.

Les résultats, les enseignements et les recommandations de l’étude renforcent l’orientation du Développement continu de l’assurance-invalidité et valident l’élargissement prévu des mesures telles que l’extension des mesures de réinsertion aux jeunes, l’abandon de l’impossibilité de renouveler les mesures de réinsertion au-delà d’un an ou de deux ans durant toute la vie de l’assuré et le soutien financier à de nouveaux employeurs pour des mesures de réinsertion. Les résultats du présent rapport seront repris dans les travaux en cours dans le cadre du Développement continu de l’assurance-invalidité.

 

Résumé [extraits]

La 5e révision de l’AI, en 2008, a introduit le principe des mesures de réinsertion, qui visent avant tout à préparer les personnes présentant des troubles psychiques à la réadaptation professionnelle. Les personnes assurées sont préparées petit à petit aux exigences du marché et retrouvent une capacité de travail équivalant à 50% au moins d’un temps plein. La présente évaluation analyse l’évolution des mesures de réinsertion depuis 2012 ainsi que celle des groupes cibles, de la mise en œuvre, des coûts et des résultats visés.

En 2018, 4172 assurés ont bénéficié d’une nouvelle mesure de réinsertion visant à les préparer à la réadaptation professionnelle, soit une augmentation de 68,8% par rapport à 2012. Par ailleurs, il s’agit maintenant plus fréquemment de « mesures de réinsertion proche de l’économie avec soutien sur le lieu de travail » (REST).

 

Utilisation et évolution différenciées des mesures de réinsertion en fonction des offices AI

Après une phase introductive de quatre ans, les mesures de réinsertion ont été appliquées dans l’ensemble des offices AI à partir de 2012. On constate toutefois des différences sur les plans de l’évolution et de l’utilisation des mesures : certains offices essaient de délivrer une décision de principe aussi rapidement que possible et utilisent activement les mesures de réinsertion afin d’identifier et d’accompagner les assurés assez tôt dans le processus de maladie. D’autres ont une interprétation très stricte des mesures de réinsertion et les proposent en premier lieu aux assurés ayant quitté le marché du travail depuis plus longtemps. Ils utilisent ces mesures pour déterminer le degré d’endurance et la capacité de travail des assurés et ont ensuite recours à d’autres types de mesures, notamment des mesures d’ordre professionnel, afin de réinsérer les assurés sur le marché du travail.

Par rapport à l’ensemble des nouvelles demandes à l’AI, plus de la moitié des offices AI (14) ont recours plus fréquemment que la moyenne aux mesures de réinsertion. Dans neuf offices, ce taux a fortement augmenté depuis 2012. Ces offices se distinguent par les points suivants :

  • Une part relativement élevée des mesures de réinsertion se déroulent sur le marché ordinaire du travail (>= 25%).
  • Les taux de succès sont largement supérieurs à la moyenne : plus de 70% des assurés bénéficiant de ces mesures atteignent une capacité de réadaptation professionnelle équivalant à 50% au moins d’un temps complet.
  • Depuis 2012, les coûts ont soit diminué, soit très légèrement augmenté.
  • En outre, les offices AI présentant une hausse de mesures de réinsertion nouvellement octroyées plus élevée que la moyenne (hausse de 100% ou plus) ont partiellement modifié leur pratique d’octroi et/ou introduit des mesures de promotion en la matière.

 

Mise en œuvre des mesures de réinsertion

En moyenne (médiane), il s’écoule 10 mois entre la (nouvelle) demande à l’AI et le premier recours à une mesure de réinsertion (hors bénéficiaires de rentes AI). Les assurés qui avaient encore une activité professionnelle ou étaient inscrits au chômage un an avant l’octroi des mesures de réinsertion reçoivent une décision de l’office AI après huit ou neuf mois. Cette procédure se comprend, puisque les mesures sont d’autant plus efficaces que l’intervalle de temps par rapport à la dernière activité professionnelle est court. Par contre, les personnes sans activité professionnelle, percevant des indemnités journalières de l’assurance-maladie ou l’aide sociale doivent attendre en moyenne six mois de plus entre la demande d’AI et le début des mesures de réinsertion. Or, chaque semestre supplémentaire divise par deux la probabilité de succès de ces mesures, compte tenu des autres facteurs d’influence.2 Il semble que les offices AI aient reconnu l’importance d’allouer aussi rapidement que possible, dans le cours de la maladie, des mesures de réinsertion aux assurés. La part des assurés bénéficiant déjà de ces mesures lors de la phase d’intervention précoce (IP) a nettement augmenté depuis 2016. Dans le même temps, la part des rentiers bénéficiant de mesures de réinsertion diminue sans cesse. Cependant, ces tendances varient en fonction des offices AI.

Depuis 2016, les offices AI tendent à allouer davantage de mesures de réinsertion. En moyenne, ils octroient deux mesures (sans prolongation) par assuré. Jusqu’à trois mesures, chaque mesure supplémentaire augmente la probabilité de succès, mais à partir de quatre, la hausse n’est plus significative. Combiner des mesures de réinsertion, dont la dernière sur le marché ordinaire du travail, et faire accompagner l’assuré par un coach en milieu de travail jusqu’à son retour sur ce marché offre les meilleures chances de succès.

La durée passée dans les mesures de réinsertion augmente proportionnellement au nombre de mesures. La combinaison « classique » d’entraînement à l’endurance suivi d’un entraînement progressif dure en moyenne plus de neuf mois. Lorsque les mesures de réinsertion débutent durant la phase d’IP, les assurés ont en général recours aux mesures pendant près d’un an. Chaque mois supplémentaire augmente les chances de succès d’un facteur de 1,01. Toutefois, cette progression se stabilise ou ralentit après douze mois.

 

Les interruptions surviennent principalement durant l’entraînement à l’endurance

Près d’un cinquième des mesures de réinsertion sont interrompues. En général, les assurés abandonnent déjà au cours de l’entraînement à l’endurance. Ce type de mesure est le plus fréquent à se terminer sur un échec, à savoir le fait qu’il n’est suivi par aucune autre mesure de réadaptation. L’abandon est nettement plus rare lorsque la mesure prend la forme d’une réinsertion proche de l’économie avec un soutien sur le lieu de travail. L’écart parfois important des taux d’interruption constaté entre les cinq offices AI analysés dépend notamment de la composition des groupes cibles. Les offices AI présentant une part plus élevée d’assurés ayant cessé toute activité professionnelle depuis un certain temps ont des taux plus hauts. Les mesures de réinsertion sont avant tout interrompues en raison d’une dégradation de l’état de santé, d’une absence de progrès ou d’un manque de coopération et de motivation des assurés.

 

Les mesures de réinsertion sont plus fructueuses lorsqu’elles se déroulent sur le marché ordinaire du travail

La possibilité de mettre en œuvre les mesures de réinsertion dans l’économie libre a gagné en importance ces dernières années dans les offices AI. On observe que ces derniers exercent une certaine pression sur les prestataires afin de permettre l’embauche dans l’économie libre et de soutenir les personnes bénéficiant de mesures de réinsertion dans leur recherche d’une place de travail adaptée. Mais pour réussir ce passage sur le marché ordinaire du travail, les assurés doivent d’abord être suffisamment stabilisés. Cette stabilité est atteinte en développant progressivement leur endurance dans un cadre institutionnel. Ceci fait, il semble important pour les assurés de se confronter à la réalité. Les chances de succès du retour au travail sont donc optimales lorsque les mesures de réinsertion sont mises en œuvre au plus proche de l’économie. Comme le montrent les analyses approfondies réalisées sur les cinq études de cas, l’approche des offices AI est très variable. Ces écarts s’expliquent par une interprétation plus ou moins stricte de l’objectif des mesures. Par ailleurs, la taille du territoire ou la topographie d’un canton jouent un rôle dans le fait que les mesures de réinsertion soient mises en œuvre dans une institution ou sur le marché ordinaire du travail. Les cantons plutôt urbains ou ceux présentant un taux de chômage relativement élevé privilégient les institutions ou le marché secondaire du travail. La diversité des conditions-cadres n’est toutefois pas la seule explication. Au cours des dernières années, certains offices AI ont intensifié leurs contacts avec les employeurs et développé leur réseau.

 

Hausse des dépenses corrélée à la hausse du nombre de cas

Les dépenses des mesures de réinsertion augmentent sans cesse depuis 2012, ce qui s’explique avant tout par le fait que le nombre d’assurés bénéficiant de ces mesures augmente au même rythme. Toutefois, cette corrélation linéaire n’est pas vraie pour tous les offices AI. Malgré l’augmentation du nombre de cas constatée jusqu’en 2018, certains ont réduit leurs dépenses. Il s’avère qu’ils ont recours aux mesures de réinsertion plus rapidement dans le cours de la maladie et que ces mesures se déroulent plus fréquemment sur le marché ordinaire du travail, sous la forme d’une REST.

L’augmentation des coûts varie également en fonction des offices AI. Ces coûts englobent l’ensemble des prestations spécifiques octroyées tout au long des mesures de réinsertion. Leur montant est étroitement lié à la durée et au nombre de mesures effectuées. Les offices AI où la durée moyenne des mesures a nettement augmenté au cours des dernières années présentent en général aussi une augmentation des coûts supérieure à la moyenne. Le passage des forfaits journaliers aux forfaits mensuels n’a aucune influence significative, en termes statistiques, sur la variance de l’évolution des coûts, même si, avec les forfaits mensuels, les offices AI assument un certain risque d’absence. Les forfaits journaliers, de par leur flexibilité, sont surtout utilisés dans les cas complexes comportant de nombreuses absences. Selon les gestionnaires de contrat interrogés, la hausse des coûts s’explique également par l’absence d’alternative à l’entraînement progressif, qui pourrait remplacer les mesures de réinsertion lorsque la personne a atteint une capacité de travail de 50% mais que sa performance doit être encore renforcée.

 

Solutions transitoires et passage sur le marché ordinaire de l’emploi

Depuis 2013, le taux de succès des mesures de réinsertion a augmenté de 9 points de pourcentage pour s’établir à 65% en 2017. Après avoir achevé une mesure de réinsertion, 46% des assurés atteignant une capacité de réadaptation professionnelle d’au moins 50% passent ensuite à une mesure d’ordre professionnel, et 1% à un travail de transition. Depuis 2013, la part des personnes trouvant un emploi, au moins à temps partiel, à l’issue d’une mesure de réinsertion est restée stable. Toutefois, la part des assurés s’inscrivant à l’AC après avoir complété une mesure de réinsertion (24%) a augmenté de 7%. Dans le même temps, la part des assurés percevant une rente AI entière ou partielle (sans activité professionnelle) par rapport à tous les assurés en mesure de réinsertion a diminué de 6% en 2017 pour s’établir à 12%.

Le nombre d’assurés bénéficiant d’une mesure d’ordre professionnel à l’issue d’une mesure de réinsertion est nettement plus élevé dans les cantons présentant un taux de chômage supérieur à la moyenne. La manière dont les offices AI conçoivent les mesures de réinsertion influence également le choix de la solution transitoire. Les offices utilisant ces mesures pour déterminer l’endurance et développer la capacité de travail (jusqu’à 50%) passent ensuite aux mesures d’ordre professionnel dans l’optique de renforcer cette capacité.

Le succès du retour en emploi dans l’économie libre dépend avant tout de deux facteurs : d’une part, les personnes sans activité professionnelle pendant moins d’un an avant l’octroi des mesures de réinsertion se réinsèrent plus facilement. D’autre part, les personnes ayant effectué leur dernière mesure de réinsertion sur le marché ordinaire du travail ont plus de chances de retrouver un poste.

 

Solution transitoire de la rente AI

Parmi les cohortes 2012-2017 étudiées, en moyenne 17,7% des assurés percevaient encore une rente AI au cours de l’année pendant laquelle ils ont complété une mesure de réinsertion. Pour près de 70% d’entre eux, il s’agissait d’une rente complète. En outre, environ 40% étaient des nouvelles rentes (allouées pour la première fois). La part des nouvelles rentes AI par rapport à tous les rentiers percevant encore une rente au cours de l’année de complétion d’une mesure de réinsertion a nettement augmenté ces dernières années. Cette évolution s’explique en premier lieu par le recul du nombre de rentiers bénéficiant d’une mesure de réadaptation. Il faut donc en conclure que, s’agissant des mesures de réinsertion, les offices AI privilégient de plus en plus les personnes récemment inscrites au détriment des rentiers.

 

Efficacité à moyen terme des mesures de réinsertion

Un regard sur la question de la durabilité de l’intégration au marché du travail des personnes ayant effectué une mesure de réinsertion montre que trois ans après la dernière mesure, 37% sont sur le marché du travail. La plupart disposent d’un revenu mensuel de 3000 francs ou plus. Un quart des assurés ayant complété ou interrompu une mesure trois ans auparavant perçoivent une rente AI entière, et 16% une rente partielle. En outre, 2% sont inscrits au chômage et 9% perçoivent l’aide sociale. Trois ans après avoir effectué une mesure de réinsertion, une personne sur dix n’a pas de revenu provenant d’une activité professionnelle ou des contributions du système de sécurité sociale.

 

Facteurs de succès et recommandations

Le taux de succès de la préparation des assurés à un objectif de réadaptation de 50% de la capacité de travail dépend du profil des assurés et des modalités de mise en œuvre. De plus, le type de mise en œuvre influence dans une large mesure les coûts des mesures de réinsertion. Toutefois, des facteurs « mous » tels que la collaboration des acteurs, la formulation des objectifs, le choix de la mesure de réinsertion, le suivi des assurés et l’aspect social (milieu familial, etc.) jouent également un grand rôle dans le déroulement des mesures. Les recommandations d’amélioration se fondent sur les résultats de l’évaluation et les bases légales en vigueur au moment de la rédaction du rapport. Les conditions de succès et les recommandations qui en sont issues sont résumées ci-après.

 

Profil des assurés

Les caractéristiques sociodémographiques, l’état de santé et la situation professionnelle avant l’octroi des mesures de réinsertion ont une influence déterminante sur le succès de ces dernières. Dans le même temps, les mesures devraient débuter aussi vite que possible après la (première) demande d’AI. En effet, lorsqu’il s’écoule plus de six mois entre cette demande et le début des mesures, les chances de succès sont divisées par deux. De plus, la stabilité de l’état de santé est cruciale à chaque étape des mesures de réinsertion.

Recommandation :

  1. Mettre en œuvre les mesures de réinsertion aussi rapidement que possible, en tenant compte de la stabilité de l’état de santé et des informations correspondantes (d’entente avec le médecin traitant, par ex.), avant que la personne n’ait pris trop de distance avec la vie professionnelle.
  2. Si des mesures de réinsertion sont mises en œuvre dans le cadre de la réadaptation de rentiers AI, il convient au préalable d’établir rigoureusement s’il existe réellement une chance pour ces derniers de retourner sur le marché ordinaire du travail. On utilisera pour ce faire d’autres instruments d’évaluation que les mesures de réinsertion.
  3. Les spécialistes de la réadaptation définiront les objectifs en collaboration avec les prestataires, les assurés et, si nécessaire, avec les médecins traitants, dans l’optique d’une gestion de cas globale et coordonnée. Les spécialistes de la réadaptation sont responsables de déterminer les objectifs des diverses mesures. Les objectifs sont adaptés aux besoins et à la situation des personnes concernées.

 

Modalités de mise en œuvre et durée des mesures de réinsertion

Les mesures ont les meilleures chances d’aboutir lorsqu’au moins une partie d’entre elles se déroulent sur le marché ordinaire du travail et que l’assuré est suivi par un coach en milieu de travail. La durée des mesures joue également un rôle : jusqu’à un an, chaque mois supplémentaire augmente les chances de succès de 1%. Ensuite, ces chances se stabilisent ou ralentissent nettement. De plus, il est important de préparer les assurés de manière ciblée à leur retour sur le marché du travail dès que leur état de santé est suffisamment stable. Recommandation :

  1. La préparation à la réadaptation professionnelle dans le cadre d’une mesure de réinsertion se fera par étapes, à savoir que le travail est découpé en phases et que les divers types de mesures de réinsertion sont combinés de manière réfléchie. Une partie au moins des mesures de réinsertion se dérouleront sur le marché ordinaire du travail.
  2. Les mesures de réinsertion seront organisées selon des modèles flexibles permettant aussi d’alterner entre institutions et marché du travail ou promouvant des formes intermédiaires entre institution et employeurs du marché ordinaire, et garantissant un suivi étroit des assurés et des employeurs.
  3. Si l’objectif est d’atteindre une capacité de travail de 100%, les mesures permettant de renforcer la capacité de travail à l’issue de la mesure de réinsertion font actuellement défaut. Il convient donc de les mettre sur pied, dans le cadre des mesures de réinsertion ou d’occupation.

 

Contact avec les employeurs

Les contacts personnels s’avèrent précieux quand il s’agit de présenter les possibilités de l’AI aux employeurs, d’expliquer le processus et de réduire les freins à l’embauche de personnes atteintes de maladies psychiques. Ces dernières années, quelques offices AI, notamment dans les cantons ruraux, ont pris contact avec les employeurs et développé un réseau.

Recommandation :

  1. Intensifier le contact avec les employeurs et le soutien proactif de ces derniers (échanges réguliers, information transparente ou manifestations de réseautage, etc.). Les offices AI des cantons ruraux peuvent servir de modèles de bonnes pratiques.

 

Prise en compte des facteurs non liés à l’AI

Le succès ou l’échec d’une mesure de réinsertion ne dépend pas exclusivement de la gestion du spécialiste de la réadaptation ou du prestataire : l’environnement social et la situation économique des assurés ont aussi un rôle prépondérant. Certains offices AI engagent un spécialiste du coaching en milieu de travail pour s’occuper des facteurs « non liés à l’AI ». À l’avenir, la complexité des cas continuera de croître. La nécessité d’une collaboration interinstitutionnelle augmentera donc en conséquence.

Recommandation :

  1. Les offices AI renforceront la clarification globale de la situation et tiendront compte des facteurs non liés à l’AI ou se coordonneront et entretiendront des contacts réguliers avec les services compétents pour ces problèmes.

 

Passage sur le marché ordinaire de l’emploi

Lorsque les mesures de réinsertion se déroulent en institution, le choix du prestataire est crucial ; il est, par exemple, important que les places d’entraînement au travail soient proches du marché primaire du travail. De plus, le prestataire devrait faire montre d’un certain engagement à soutenir les assurés dans leur recherche d’un poste. Les offices AI peuvent obliger les institutions à davantage axer leur offre sur le passage au marché ordinaire de l’emploi. Il est donc important que l’institution collabore avec un spécialiste de la réadaptation qui sera présent sur place. Mais garder le même interlocuteur s’avère également crucial pour un retour réussi sur le marché du travail.

Recommandation :

  1. S’agissant de la gestion des cas, il faudra s’efforcer de conserver le même interlocuteur, y compris après les mesures de réinsertion. En outre, on veillera particulièrement à proposer des places de travail adaptées aux besoins qui correspondent aux capacités ou possibilités des assurés.
  2. Il convient également de réfléchir à la meilleure manière, pour l’AI, de soutenir et d’accompagner l’assuré sur le marché ordinaire du travail à l’issue des mesures de réinsertion, par exemple pendant le temps d’essai.

 

 

Rapport n° 17/20 « Evaluation der Integrationsmassnahmen zur Vorbereitung auf die berufliche Eingliederung » consultable ici (rapport en allemand avec des résumés en français, italien et anglais)