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8C_6/2025 (f) du 07.05.2025 – Montant de la prestation complémentaire – Dépenses reconnues / Partage obligatoire du loyer – Contrat de sous-location et ménage commun entre les assurés et leur fille et ses enfants

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_6/2025 (f) du 07.05.2025

 

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Montant de la prestation complémentaire – Dépenses reconnues / 10 LPC

Partage obligatoire du loyer – Contrat de sous-location et ménage commun entre les assurés et leur fille et ses enfants / 16c OPC-AVS/AI

 

Résumé
S’agissant du calcul des dépenses de logement reconnues pour l’octroi de prestations complémentaires à des bénéficiaires vivant en sous-location auprès de leur fille, le Tribunal fédéral confirme qu’en vertu de l’art. 16c OPC-AVS/AI, le loyer doit être réparti à parts égales entre toutes les personnes cohabitant dans le logement, dès lors que certaines d’entre elles ne sont pas incluses dans le calcul des prestations, sauf exceptions. Il rejette l’assimilation de la fille des assurés à un propriétaire ainsi que toute dérogation fondée sur une obligation d’entretien envers ses enfants, au motif qu’admettre une répartition contractuelle libre du loyer reviendrait à faire supporter aux prestations complémentaires la charge d’entretien de tiers exclus du calcul.

 

Faits
Les époux A.__ (née en 1949) et B.__ (né en 1947), bénéficiaires d’une rente AVS, vivaient avec leur fille et les deux enfants de celle-ci dans une villa individuelle de six pièces. Leur fille, locataire du bien pour un loyer mensuel brut de 2’800 fr., avait conclu avec eux un contrat de sous-location fixant un sous-loyer mensuel de 1’500 fr., frais accessoires inclus.

En août 2023, les époux ont déposé une demande de prestations complémentaires. Par du 06.12.2023, la caisse de compensation leur a accordé des prestations complémentaires mensuelles de 694 fr. 30 par personne dès le 01.08.2023 (correspondant à 16’651 fr. par an pour les deux époux), en tenant notamment compte de frais de logement mensuels de 1’120 fr. au titre des dépenses reconnues. Par décision du 05.01.2024, les prestations ont été portées à 707 fr. 30 par époux à compter du 01.01.2024 (soit 16’963 fr. par an pour les deux époux). Ces décisions ont été confirmées sur opposition.

 

Procédure cantonale (arrêt 608 2024 97 – consultable ici)

Par jugement du 14.11.2024, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 4.1
Le montant de la prestation complémentaire annuelle correspond à la part des dépenses reconnues qui excède les revenus déterminants (art. 9 al. 1 LPC). Sont notamment reconnues comme dépenses, pour les personnes vivant à domicile, le loyer d’un appartement et les frais accessoires y relatifs (art. 10 al. 1 let. b LPC).

Consid. 4.2
Sous le titre marginal « partage obligatoire du loyer », l’art. 16c OPC-AVS/AI prévoit que lorsque des appartements ou des maisons familiales sont aussi occupés par des personnes non comprises dans le calcul des PC, le loyer doit être réparti entre toutes les personnes. Les parts de loyer des personnes non comprises dans le calcul des PC ne sont pas prises en compte lors du calcul de la prestation complémentaire annuelle (al. 1). En principe, le montant du loyer est réparti à parts égales entre toutes les personnes (al. 2).

Consid. 4.2.1 [résumé]
Avant l’entrée en vigueur de l’art. 16c OPC-AVS/AI le 01.01.1998, la jurisprudence suivait une pratique administrative imposant une répartition du loyer à parts égales entre toutes les personnes cohabitant dans un logement, indépendamment du nom du locataire contractuel ou du payeur du loyer (arrêt du TFA du 15 juillet 1974, in RCC 1974 p. 510). Des exceptions, admises avec retenue pour prévenir les abus, étaient possibles lorsque des motifs juridiques ou moraux justifiaient qu’une personne supporte seule le loyer.

La jurisprudence avait ainsi admis une dérogation au partage du loyer dans le cas où la bénéficiaire des prestations complémentaires vivait avec son petit-fils âgé d’un peu plus de six mois au moment où elle l’avait accueilli chez elle. Selon le Tribunal fédéral, il ne pouvait être raisonnablement question d’une location commune d’un appartement, voire d’un rapport de location payant entre l’assurée et son petit-fils (arrêt P 21/90 du 16 novembre 1990). Ce cas a conduit à l’adaptation du ch. 3023 des Directives concernant les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI (DPC), édictées par l’OFAS, dans leur version en vigueur à partir du 01.01.1992 (jusqu’au 31.12.1997).

Consid. 4.2.2
L’art. 16c al. 1 OPC-AVS/AI, introduit le 01.01.1998, a été adopté pour ancrer dans la réglementation d’exécution les principes de la pratique administrative en matière de répartition du loyer. Toutefois, selon cette disposition, la répartition du loyer ne présuppose pas que l’appartement ou la maison familiale soit loué en commun; il suffit que les personnes vivent ensemble (ménage commun). Dans l’ATF 127 V 10, le Tribunal fédéral des assurances a qualifié l’art. 16c OPC-AVS/AI de conforme à la loi, puisque son but était d’empêcher le financement indirect par les prestations complémentaires de personnes non comprises dans le calcul des PC. Selon la lettre de cette disposition, le terme « aussi occupés par » justifie à lui seul déjà un partage du loyer, indépendamment du point de savoir si le logement est loué en commun (arrêt 9C_326/2022 du 23 novembre 2022 consid. 3.2 et les arrêt cités; VSI 2001 p. 236).

Consid. 4.2.3
Le Tribunal fédéral a néanmoins considéré que même après l’entrée en vigueur de l’art. 16c OPC-AVS/AI, la vie commune sous le même toit ne conduit pas dans tous les cas à la répartition du loyer. D’une part, selon la lettre de cette disposition, le partage ne doit être effectué que si les personnes qui vivent sous le même toit ne sont pas incluses dans le calcul des PC. D’autre part, la jurisprudence rendue jusque-là en matière de répartition du loyer n’a pas perdu toute sa signification, de sorte que des exceptions restent possibles. Notamment, le fait que la cohabitation est dictée par un devoir (d’entretien) juridique ou moral peut conduire à une autre répartition du loyer, voire – exceptionnellement – à une renonciation à toute répartition du loyer. La jurisprudence rendue sous l’ancien droit reste d’actualité sous l’empire de l’art. 16c OPC-AVS/AI (ATF 142 V 299 consid. 3.2.1; arrêts 9C_153/2022 du 26 avril 2023 consid. 7.2.2; 9C_326/2022 du 23 novembre 2022 consid. 3.2.1).

Consid. 4.2.4
Le ch. 3231.06 DPC (devenu le ch. 3231.07 à partir du 1er janvier 2025; ci-après: ch. 3231.07 DPC) prévoit que lorsque le bénéficiaire de PC partage un logement avec le propriétaire de celui-ci et qu’un contrat de bail a été passé entre eux, c’est en principe ce contrat de bail et le loyer prévu qui sont déterminants pour le calcul de la PC (jusqu’au montant maximal admissible), pour autant que le loyer convenu soit effectivement payé et qu’il ne soit pas manifestement excessif. Lorsqu’aucun loyer n’a été convenu ou payé, ou si le loyer est manifestement excessif, c’est le montant de la valeur locative du logement, auquel s’ajoute le forfait pour frais accessoires, qui est déterminant, moyennant une répartition par tête.

Consid. 5 [résumé]
La cour cantonale a retenu que le ch. 3231.07 DPC ne permettait pas de déroger à la répartition du loyer par tête dans un cas de sous-location. Une telle dérogation pouvait être envisagée uniquement lorsque le propriétaire du logement cohabitait avec le bénéficiaire de PC, ce qui n’était pas le cas en l’espèce. L’arrêt 9C_153/2022 du 26 avril 2023 invoqué par les assurés ne leur était pas applicable, car une exception à la répartition à parts égales suppose une cohabitation fondée sur un devoir d’entretien juridique ou moral, ce qui n’était pas établi à l’égard de leur fille ou de leurs petits-enfants. Les juges cantonaux ont constaté que cinq personnes vivaient dans le logement, de sorte que le loyer mensuel de 2’800 fr., accessoires compris, devait être réparti en cinq parts égales. Aucun élément du dossier ne permettait de conclure qu’un des membres du foyer faisait un usage disproportionné du logement. C’était donc à juste titre que la caisse de compensation avait pris en compte un montant mensuel de 1’120 fr. (ou annuel de 13’440 fr.) à titre de dépenses reconnues.

Consid. 6.2
Les assurés font une analogie entre le contrat de sous-location signé le 30.06.2023 et le contrat de bail principal du 03.10.2019, en ce sens que la position de leur fille serait assimilable à celle de propriétaire. Or tel n’est pas le cas.

Il est établi – et non contesté – que la fille n’est pas propriétaire du logement mais la titulaire du contrat de bail. Elle occupe, avec ses deux enfants, la villa de 6 pièces qu’elle partage avec les assurés, mettant ainsi à leur disposition une partie de la maison moyennant une part du loyer principal. Le contrat de sous-location, conclu entre les assurés et leur fille, prévoit un loyer mensuel de 1’500 fr. (frais accessoires inclus); il en résulte un solde de 1’300 fr., soit une part moindre du loyer pour la fille et ses deux enfants alors même qu’il est probable qu’ils occupent à eux trois plus de la moitié du logement. Les assurés ne soutiennent d’ailleurs pas qu’ils bénéficieraient d’une plus grande part du logement en vertu d’une répartition particulière des locaux (cf. ATF 105 V 271 et ch. 3231.04 DPC). Cela étant, il convient de respecter l’objectif poursuivi par l’art. 16c OPC-AVS/AI, qui est d’éviter que les prestations complémentaires ne doivent également couvrir les parts de loyer de personnes qui ne sont pas incluses dans le calcul des PC (consid. 4.2.2 supra). Le raisonnement des juges cantonaux – selon lequel il résulterait un risque d’abus inadmissible si l’on admettait, sous l’angle des prestations complémentaires, que les locataires et sous-locataires d’un logement puissent, par contrat, ventiler à leur guise la charge commune du loyer convenu avec le tiers propriétaire – ne revient pas à créer une inégalité de traitement entre les bénéficiaires de prestations complémentaires. Comme l’ont exposé à juste titre les juges cantonaux, le propriétaire ne paie pas un loyer correspondant à l’usage du logement mais des charges hypothécaires, dont le montant peut varier fortement et ne pas correspondre au loyer usuel qui pourrait être convenu avec les locataires cohabitant avec lui. On ajoutera que le ch. 3231.03 DPC prévoit, dans le contexte de la répartition du montant du loyer à parts égales, qu’il soit également procédé à une répartition du loyer en cas de sous-location. Il s’ensuit que les assurés ne peuvent se prévaloir du ch. 3231.07 DPC pour prétendre à une dérogation au partage du loyer à parts égales.

Consid. 7 [résumé]
Les assurés ont, à titre subsidiaire, soutenu qu’il convenait de déroger à la répartition du loyer à parts égales prévue à l’art. 16c al. 2 OPC-AVS/AI. Tout en admettant ne pas avoir eux-mêmes une obligation d’entretien envers leurs petits-enfants, ils ont invoqué celle de leur fille à l’égard de ces derniers, estimant que cela justifierait, selon la jurisprudence (arrêt 9C_153/2022 précité), l’exclusion des enfants du calcul des prestations complémentaires. Les assurés ne soutiennent toutefois pas que leur fille aurait elle-même droit à des prestations complémentaires. Admettre leur raisonnement reviendrait à faire financer indirectement, par les prestations complémentaires perçues par les assurés, une partie de la contribution d’entretien incombant à leur fille.

 

Le TF rejette le recours des assurés.

 

Arrêt 8C_6/2025 consultable ici

 

8C_563/2024 (f) du 14.02.2025 – Prestations complémentaires – Montant des pensions alimentaires reconnu comme dépenses / Convention ratifiée par un juge étranger et conventions ultérieures passées sous seing privé

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_563/2024 (f) du 14.02.2025

 

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Prestations complémentaires – Montant des pensions alimentaires reconnu comme dépenses / 10 al. 3 let. e LPC

Convention ratifiée par un juge étranger et conventions ultérieures passées sous seing privé

 

Assuré, né en 1958 et de nationalité suisse, s’est installé en Grèce en 1995, où il a épousé B.__, née en 1970. Ils ont eu une fille en 2000. Depuis 2013, il est à nouveau domicilié à Genève. Par décision du 19.03.2019, le Tribunal de première instance d’Athènes a prononcé la dissolution de leur mariage, ratifiant une convention privée du 20.10.2017 prévoyant des pensions alimentaires de EUR 1’000 pour leur fille (pendant deux ans) et de EUR 300 pour l’ex-épouse.

Le 05.04.2023, l’assuré a atteint l’âge légal de la retraite et, dès le 01.05.2023, il a perçu des rentes mensuelles de l’AVS (CHF 1’589) et de la prévoyance professionnelle (CHF 621.05). Le 14.04.2023, il a demandé des prestations complémentaires, déclarant verser des pensions alimentaires de EUR 500 pour sa fille et de EUR 1’000 pour son ex-épouse.

Par décision du 12.10.2023, confirmée sur opposition le 30.11.2023, le service des PC a calculé les prestations dès le 01.05.2023. Il a reconnu une pension alimentaire en faveur de l’ex-épouse uniquement pour les mois de mai à juillet 2023. Les PC fédérales ont été fixées à CHF 1’532 pour mai, à CHF 1’367 pour juin et juillet, à CHF 544 d’août à octobre, puis à CHF 1’133.90 dès novembre. Les PC cantonales ont été établies à CHF 554 par mois depuis mai.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/646/2024 – consultable ici)

Par jugement du 27.08.2024, admission partielle du recours par le tribunal cantonal. À l’inverse du service des prestations complémentaires, les juges cantonaux ont considéré qu’une contribution d’entretien de EUR 300 en faveur de l’ex-femme de l’assuré devait être prise en considération dans le calcul des prestations complémentaires dès le 01.08.2023.

 

TF

Consid. 3.1
Selon l’art. 9 al. 1 LPC, le montant de la prestation complémentaire annuelle correspond à la part des dépenses reconnues qui excède les revenus déterminants, mais au moins au plus élevé des montants suivants: la réduction des primes la plus élevée prévue par le canton pour les personnes ne bénéficiant ni de prestations complémentaires ni de prestations d’aide sociale (let. a); 60% du montant forfaitaire annuel pour l’assurance obligatoire des soins au sens de l’art. 10 al. 3 let. d (let. b). En vertu de l’art. 10 al. 3 let. e LPC, sont notamment reconnues comme dépenses, pour toutes les personnes, les pensions alimentaires versées en vertu du droit de la famille.

Consid. 3.2
Selon la jurisprudence afférente à l’art. 10 al. 3 let. e LPC, cette disposition a pour but de compenser des besoins vitaux accrus en raison d’obligations alimentaires (ATF 147 V 441 consid. 4.3.3). Les organes des prestations complémentaires sont liés par les décisions ayant force de chose jugée que le juge civil a rendues en matière de contributions d’entretien, que ce soit en homologuant une convention ou en fixant lui-même les contributions (ATF 147 V 441 consid. 3.3.1; arrêts 9C_396/2018 du 20 décembre 2018 consid. 5.1; 9C_740/2014 du 9 mars 2015 consid. 4.1). Toutefois, si l’administration parvient, après un examen approprié, à la conclusion que le bénéficiaire de prestations complémentaires doit payer des contributions trop élevées par rapport à ses possibilités financières, elle doit lui fixer un délai approprié pour introduire une demande en modification du jugement civil (arrêt 9C_396/2018 précité consid. 5.1; cf. aussi MICHEL VALTERIO, Commentaire de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI, 2015, n° 66 ad art. 10 LPC). Selon le ch. 3271.02 des directives de l’OFAS concernant les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI (DPC), qui sont conformes au droit fédéral (cf. arrêt 9C_396/2018 précité consid. 5.2), si la situation financière du bénéficiaire de PC vient à se péjorer de manière conséquente et durable, l’organe PC doit exiger de celui-ci qu’il sollicite une modification du jugement de divorce ou de la convention conclue entre les parties; le bénéficiaire de PC doit être averti par écrit des conséquences indiquées au ch. 3271.03. Le ch. 3271.03 DPC prévoit que si l’assuré ne se conforme pas à cette exigence dans les trois mois, l’organe PC prend une décision sur la base du dossier existant; il est en droit de prévoir un montant correspondant de zéro franc.

Consid. 4.1 [résumé]
La juridiction cantonale a constaté que le jugement de divorce prononcé en Grèce le 19.03.2019 avait validé une convention conclue entre l’assuré et son ex-épouse le 20.10.2017. Cette convention prévoyait notamment une pension alimentaire de EUR 1’000 par mois pour leur fille, limitée à deux ans, avec possibilité de révision « d’un commun accord en fonction des besoins du moment de l’enfant » à partir du 20.10.2019, ainsi qu’une pension de EUR 300 par mois pour l’ex-épouse, sans limitation de durée. En validant cette convention, le juge civil grec avait fixé la contribution d’entretien en faveur de l’ex-épouse à EUR 300 mensuels pour une durée indéterminée.

L’assuré ne pouvait se prévaloir des conventions ultérieures passées sous seing privé, non validées par un tribunal, qui prévoyaient une augmentation de la pension versée à son ex-épouse (EUR 1’000 dès janvier 2021, puis EUR 800 dès juin 2023). Les motifs avancés par l’assuré pour justifier ces augmentations, tels que l’absence de partage de son deuxième pilier, étaient déjà connus des parties lors de la ratification de la convention initiale par le juge grec et ne pouvaient donc être pris en considération.

Consid. 4.2 [résumé]
Les juges cantonaux ont estimé que l’assuré pouvait, de bonne foi, penser avoir satisfait aux exigences du service des prestations complémentaires en obtenant une réduction de la pension alimentaire de EUR 1’000 à EUR 800. Le service des PC ne lui avait pas clairement indiqué qu’il devait modifier la convention de 2017 ratifiée par le juge grec, et non celle en vigueur depuis février 2023. Dès lors, il ne pouvait lui être reproché de ne pas avoir saisi la justice grecque, et la contribution d’entretien de EUR 300 par mois fixée par le jugement de 2019 ne pouvait être écartée sans examen.

Les juges cantonaux ont relevé qu’au moment de la convention de 2017, l’assuré percevait une indemnité de chômage de CHF 3’706 par mois, tandis que son ex-épouse travaillait à mi-temps. Depuis sa retraite en avril 2023, ses revenus avaient diminué à CHF 2’210 (rentes AVS et LPP). Toutefois, il n’était pas probable qu’une demande auprès du juge grec aurait permis de réduire ou supprimer la pension de EUR 300, compte tenu notamment de la durée du mariage, de la répartition des rôles durant la vie commune, des efforts de l’ex-épouse qui travaillait désormais à plein temps pour un salaire modeste (EUR 829.25), et de la réduction importante de la pension versée à leur fille sans emploi, qui vivait encore avec sa mère.

Enfin, l’absence de partage des avoirs de prévoyance professionnelle avait favorisé l’assuré au détriment de son ex-épouse, qui n’avait pas pu se constituer une telle prévoyance. Dans ces circonstances, la pension de EUR 300 restait adaptée et devait être prise en compte dans le calcul des prestations complémentaires dès le 01.08.2023.

Consid. 5.2.1
Il ressort des faits constatés par la cour cantonale qu’à l’appui de sa demande de prestations du 14.04.2023, l’assuré a produit la convention du 20.10.2017, la décision du tribunal grec du 19.03.2019 prononçant la dissolution du mariage, ainsi que les conventions sous seing privé des 04.01.2021 et 10.02.2023, qui prévoyaient toutes deux des contributions d’entretien mensuelles de EUR 1’000 en faveur de son ex-femme.

En réponse à cette demande, le service des PC a, par pli du 03.05.2023, requis de l’assuré la transmission de plusieurs documents, en particulier la « copie intégrale du jugement de divorce ou la convention de divorce modifiée », au motif que sa situation financière s’était péjorée, en précisant que s’il ne s’y conformait pas dans un délai de trois mois, un montant de 0 fr. pourrait être retenu.

Le 31.05.2023, l’assuré a répondu en expliquant avoir en vain cherché à savoir quel montant pouvait être admis au titre de contribution d’entretien pour son ex-épouse, l’Hospice général ayant évoqué une somme de CHF 833. Il précisait avoir demandé par téléphone au service des PC s’il pouvait signer une nouvelle convention sous seing privé, mais on lui avait répondu qu’il devait produire un jugement d’un tribunal suisse.

Le 07.06.2023, le service des PC s’est contenté de lui adresser un rappel, en mentionnant n’avoir pas reçu la copie intégrale du jugement de divorce ou de la convention modifiée, sans préciser que le montant de la contribution d’entretien évoqué par l’Hospice général était supérieur à celui ratifié par le juge grec et qu’il était nécessaire de diminuer la première pension convenue.

Le 15.06.2023, l’assuré a fait parvenir au recourant une nouvelle convention datée du 14.06.2023 prévoyant une contribution d’entretien de CHF 833 (EUR 800).

Le 17.07.2023, le service des PC a sollicité la production d’un document bancaire, sans référence à la contribution d’entretien.

Consid. 5.2.2
Sur la base de cette correspondance, les juges cantonaux ont retenu que le service des PC n’avait pas indiqué clairement à l’assuré qu’il devait modifier la convention de 2017 ratifiée par le juge du divorce, et non pas celle en vigueur depuis le 10.02.2023. Le service des PC ne critique pas, à raison, cet établissement des faits. Alors que l’assuré lui avait transmis, en sus de la convention d’octobre 2017 ratifiée par la justice grecque, deux conventions ultérieures prévoyant une contribution d’entretien plus importante, le service des PC s’est en effet contenté d’exiger une copie du jugement de divorce ou de la « convention de divorce modifiée », sans préciser à quelle convention il se référait et, surtout, sans attirer l’attention de l’assuré sur la nécessité de saisir le juge grec d’une demande en modification du jugement de divorce du 19.03.2019, en vue de diminuer ou de supprimer la contribution d’entretien de EUR 300 ratifiée par ce juge. Par la suite, tandis que l’assuré cherchait à diminuer la pension de EUR 1’000 qu’il versait depuis 2021, le service des PC n’a pas clarifié la situation, pas même après réception de la nouvelle convention du 14.06.2023, qui abaissait la pension à EUR 800.

Dans ces circonstances, le service des PC ne pouvait pas calculer le droit aux prestations complémentaires fédérales dès le 01.08.2023 sans prendre en compte, au titre de dépense reconnue, la contribution d’entretien de EUR 300 dont l’assuré est toujours légalement tenu de s’acquitter. Le point de savoir si ce dernier aurait eu de bonnes chances ou non d’obtenir de la justice grecque la réduction ou la suppression de cette contribution peut rester indécis; en l’absence d’une communication claire et complète de ce qui était attendu de lui, le service des PC n’était pas en droit d’écarter cette dépense sur la base du dossier existant, en se livrant à un examen préjudiciel du droit de l’ex-femme à une contribution d’entretien. Il s’ensuit que le recours doit être rejeté.

 

Le TF rejette le recours du service des PC.

 

Arrêt 8C_563/2024 consultable ici