Arrêt du Tribunal fédéral 8C_160/2025 (f) du 27.10.2025
Nouvelle demande AI après un précédant refus / 87 RAI – 17 LPGA
Evaluation de l’invalidité – Limitations fonctionnelles similaires – Valeur probante de l’avis du SMR rendu sans examen médical / 16 LPGA
Résumé
L’assuré, qui avait déjà vu une première demande de prestations AI rejetée, a sollicité à nouveau ces prestations après une seconde opération du genou droit. L’OAIE et le TAF ont considéré que son état de santé s’était stabilisé et qu’il disposait d’une pleine capacité de travail dans une activité adaptée. Le Tribunal fédéral a confirmé le rejet de cette demande, retenant que son état s’était stabilisé et que les limitations fonctionnelles restaient similaires à celles constatées lors de la première demande, permettant toujours une activité professionnelle adaptée à plein temps.
Faits
Assuré, né en 1985, a exercé la profession de centraliste béton pour des agences de placement. À la suite d’un accident survenu en juillet 2018 (chute sur le genou droit avec lésion méniscale interne), il a déposé le 25 janvier 2019 une demande AI. Par décision du 28.02.2020, l’office AI a rejeté la demande, considérant qu’il existait une incapacité totale dans l’activité habituelle, mais une pleine capacité de travail dans une activité adaptée, ce qui correspondait à un taux d’invalidité de 12.75%, insuffisant pour ouvrir droit à une rente.
Depuis le 29.09.2021, l’assuré a été à nouveau en arrêt de travail et a déposé une nouvelle demande de prestations le 20.10.2023. Selon les rapports du chirurgien orthopédiste traitant, l’assuré avait subi une torsion du genou le 29.09.2021, suivie d’une méniscectomie partielle le 03.11.2021 en raison du lâchage d’une suture effectuée en 2018. Le médecin généraliste traitant a retenu une capacité de travail de 50% dans une activité sédentaire et un risque d’aggravation nécessitant une prothèse du genou. Par décision du 24.04.2024, l’office AI a rejeté cette seconde demande, estimant que l’état de santé n’avait pas évolué de manière significative depuis la précédente décision.
Procédure au TAF (arrêt C-3327/2024 – consultable ici)
Par jugement du 11.02.2025, rejet du recours par le tribunal cantonal.
TF
Consid. 4 [résumé]
La juridiction précédente (TAF) a retenu que la nouvelle demande se fondait sur une aggravation de l’état de santé de l’assuré en septembre 2021, en lien avec l’accident de juillet 2018, ayant conduit à une méniscectomie interne partielle le 03.11.2021. Elle a toutefois constaté, sur la base du dossier médical, qu’aucune modification significative de l’état de santé n’était survenue depuis la décision du 28.02.2020 justifiant une rente dès octobre 2023. Le médecin-conseil de l’assureur-accidents avait admis une stabilisation au 06.09.2023 et une pleine capacité de travail dans une activité adaptée aux mêmes limitations que celles retenues en 2019. Selon l’avis du SMR, les documents médicaux ne démontraient pas d’aggravation de l’état de santé lors du dépôt de la nouvelle demande. Le TAF a relevé l’absence de rapport médical probant confirmant une dégradation et a jugé les conclusions du médecin généraliste traitant, fondées sur un simple « risque d’évolution péjorative », dénuées de fondement objectif, relevé que ni le chirurgien traitant ni le médecin-conseil de l’assureur-accidents n’avaient évoqué un tel risque. Enfin, considérant que l’activité habituelle n’était plus adaptée depuis 2018, le TAF a estimé que le marché du travail équilibré offrait un large éventail d’activités légères et répétitives compatibles avec la capacité de travail entière de l’assuré.
Consid. 5.1 [résumé]
L’assuré invoque une violation des art. 28 LAI et 48 LPGA. Il reproche au TAF de s’être fondé sur l’avis du médecin du SMR., rendu sans examen clinique, et de ne pas avoir reconnu l’aggravation de son état de santé attestée par son médecin traitant. Selon lui, le médecin généraliste traitant avait décrit des douleurs et limitations incompatibles avec une activité supérieure à 50%, toute reprise risquant d’entraîner une détérioration du genou et la nécessité d’une prothèse. Il soutient qu’une méniscectomie devrait influer sur le taux d’invalidité, initialement fixé à 13%, et qu’il est désormais totalement incapable d’exercer son métier de centraliste béton, seule activité pour laquelle il était formé et qu’il sache pratiquer.
Consid. 5.2
Premièrement, le fait que le médecin du SMR n’a pas examiné l’assuré ne suffit pas pour considérer que son rapport est dépourvu de valeur probante. On rappellera à ce propos que le médecin du SMR n’a pas l’obligation de procéder lui-même à un examen médical sur la personne de l’assuré (cf. art. 49 al. 2 RAI) mais peut, selon les circonstances, fonder son avis en évaluant les éléments médicaux au dossier. Cette appréciation en l’absence d’examen n’est pas dénuée d’emblée de toute valeur probante et est soumise aux mêmes exigences en matière de preuve que les autres rapports médicaux (ATF 136 V 376 consid. 4.1; arrêt 9C_25/2015 du 1er mai 2015 consid. 4.1). En l’espèce, les premiers juges ont privilégié les conclusions du médecin du SMR, du fait que son avis reposait sur les éléments médicaux ressortant de la nouvelle demande et les rapports figurant au dossier de l’assurance-accidents. Ils ont considéré en particulier que ce médecin se référait à l’examen du 1er mars 2023 et aux appréciations subséquentes du médecin-conseil de l’assureur-accidents, lesquelles satisfaisaient aux exigences jurisprudentielles en matière de valeur probante. L’assuré ne prétend pas avoir contesté la valeur probante des appréciations du médecin de l’assureur-accidents.
Ensuite, en soutenant que son état de santé s’est aggravé après la période de convalescence relative à la seconde opération ou encore que cette opération doit avoir des conséquences sur sa capacité de gain, l’assuré ne convainc pas. Le médecin-conseil de l’assureur-accidents a conclu, au regard de l’IRM du genou droit du 12.05.2023, qu’il n’y avait pas d’anomalie expliquant les douleurs, en particulier pas de liquide, pas d’anomalie morphologique ou de signal du ménisque restant, ni d’anomalie des cartilages. L’état de santé était stabilisé et les limitations fonctionnelles étaient identiques à celles énoncées lors de l’examen de 2019 (pas de travail à genoux ni en position accroupie de façon prolongée, limitation de la montée et descente d’escaliers et d’échelles, mouvements rapides et fréquents accroupis ou en relèvement, port de charge limité à 20-25 kilos). En 2019 comme en 2023, les médecins-conseil de l’assureur-accidents ont conclu à une incapacité de travail totale de l’assuré dans son activité habituelle et à une capacité de travail de 100% dans une activité adaptée respectant les limitations fonctionnelles. Selon le médecin du SMR, ces éléments médicaux démontraient certes une aggravation de l’état de santé en septembre 2021, en raison de la lésion méniscale ayant nécessité une nouvelle méniscectomie partielle, avec dans un premier temps une totale incapacité de travail dans toute activité professionnelle. Toutefois, dès le 06.09.2023, soit au moment de l’appréciation du médecin-conseil de l’assureur-accidents, une reprise de travail dans une activité adaptée était possible à 100%, de sorte que l’aggravation de l’état de santé de l’assuré au jour du dépôt de la nouvelle demande en octobre 2023 n’était pas établie. Comme l’a retenu la juridiction précédente, aucun indice ne permet de confirmer les allégations de l’assuré en lien avec l’aggravation de son état de santé au moment du dépôt de sa nouvelle demande. En particulier, le médecin généraliste traitant ne fournissait aucun élément médical objectif laissant penser que la lésion méniscale allait inéluctablement s’aggraver. L’implantation d’une prothèse du genou apparaissait purement hypothétique et n’était par ailleurs mentionnée par aucun des spécialistes en orthopédie ayant examiné l’assuré. En soutenant que l’ablation totale du ménisque (recte: méniscectomie partielle) a forcément des conséquences sur l’évaluation de son invalidité, l’assuré procède à sa propre appréciation de la situation médicale sans s’appuyer sur un avis médical probant au dossier concluant à une aggravation durable de son état de santé pour ce motif. Par ailleurs, il est établi depuis 2019 – et non contesté – que l’assuré présente une totale incapacité à travailler dans son ancienne activité, ce qui ne suffit pas à lui ouvrir le droit à une rente d’invalidité.
Consid. 5.3
L’assuré reproche encore à l’office AI d’avoir constaté les faits de façon sommaire et à la juridiction précédente de s’en être accommodée. Selon lui, l’absence d’examen complémentaire ensuite du second accident (sic) et l’absence de certificat médical à jour auraient dû mener le Tribunal administratif fédéral à ordonner une expertise, comme il l’aurait fait dans un autre arrêt.
Ce grief est mal fondé. D’une part, il ne suffit pas de citer un arrêt de l’autorité précédente, portant sur un état de fait qui paraîtrait vaguement similaire (rechute d’un accident de travail, nouvelle opération en lien avec une lésion méniscale du genou droit) et renvoyant la cause à l’assureur, pour prétendre dans le cas d’espèce à une appréciation lacunaire des preuves par les premiers juges. D’autre part, en tant que la nouvelle demande a été déposée le 20.10.2023 et que l’office AI s’est prononcé au regard des rapports médicaux recueillis dans le cadre de cette demande, on peine à saisir en quoi ces rapports ne seraient pas « à jour ».
Consid. 6
Vu ce qui précède, l’assuré ne fait état d’aucun élément de nature à mettre en cause les conclusions médicales suivies par les premiers juges, ni de motifs propres à établir le caractère arbitraire de leur appréciation. Il s’ensuit que le recours doit être rejeté.
L’assuré, qui succombe, a demandé à bénéficier de l’assistance judiciaire gratuite. Une partie ne remplit les conditions de l’assistance judiciaire que si elle ne dispose pas de ressources suffisantes et si ses conclusions ne paraissent pas vouées à l’échec (art. 64 al. 1 LTF; ATF 140 V 521 consid. 9.1). Au regard des motifs avancés dans le mémoire de recours, celui-ci paraissait d’emblée dénué de chances de succès et la requête d’assistance judiciaire doit dès lors être rejetée. L’assuré doit par conséquent payer les frais judiciaires (cf. art. 66 al. 1 LTF) et ne peut pas prétendre à la prise en charge des honoraires de son avocate.
Le TF rejette le recours de l’assuré.
Arrêt 8C_160/2025 consultable ici