9C_61/2025 (f) du 17.06.2025 – Allocation pour impotent (API) pour mineurs et supplément pour soins intenses (SSI) / Surcroît de temps pour l’acte « aller aux toilettes »

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_61/2025 (f) du 17.06.2025

 

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Allocation pour impotent (API) pour mineurs et supplément pour soins intenses (SSI) / 42ter LAI – 39 RAI

Surcroît de temps pour l’acte « aller aux toilettes »

 

Résumé
Assurée mineure née en 2015 et atteinte d’une trisomie 21 avec troubles visuels, a bénéficié d’une API de degré moyen dès le 01.11.2021. Saisi d’un recours contre le jugement cantonal qui avait retenu un degré grave et un supplément pour soins intenses fondé sur un besoin quotidien de 362 minutes dès le 1er mars 2023, l’examen s’est limité au montant du supplément. Le Tribunal fédéral a rappelé que la Circulaire sur l’impotence (CSI) fixe une limite maximale de 40 minutes pour l’acte « aller aux toilettes ». En rectifiant l’imputation du temps pour « aller aux toilettes » (70 minutes et non 100), le besoin d’aide quotidien a été arrêté à 332 minutes (5 h 32), ouvrant le droit au supplément pour soins intenses.

 

Faits
Assurée, née en 2015, est atteinte d’une trisomie 21, associée notamment à des troubles visuels importants. Elle a bénéficié de différentes prestations de l’AI lorsqu’elle a sollicité l’octroi d’une allocation pour impotent en novembre 2022, par l’intermédiaire de ses parents. Après avoir notamment mis en œuvre une enquête à domicile (07.02.2022), l’office AI a reconnu le droit de l’assurée à une allocation d’impotence pour mineurs de degré moyen à compter du 01.11.2021 (décision du 20 avril 2023).

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/1019/2024 – consultable ici)

Par jugement du 17.12.2024, admission du recours par le tribunal cantonal. La cour cantonale a (annulé la décision et) renvoyé la cause à l’office AI pour nouvelle décision au sens des considérants (octroi à l’assurée d’une allocation d’impotence pour mineurs de degré grave et d’un supplément pour soins intenses correspondant à un besoin de 6 heures [362 minutes] par jour depuis le 01.03.2023).

 

TF

Consid. 3.3
On rappellera qu’un supplément pour soins intenses peut être ajouté à l’allocation pour impotent lorsque celle-ci est servie à un mineur qui a en outre besoin d’un surcroît de soins dont l’accomplissement atteint le seuil minimum quotidien de 4 heures (cf. art. 42ter al. 3 LAI et 39 al. 1 RAI). Le montant mensuel de ce supplément s’élève à 100% du montant maximum de la rente de vieillesse au sens de l’art. 34 al. 3 et 5 LAVS, lorsque le besoin de soins découlant de l’invalidité est de 8 heures par jour au moins, à 70% de ce montant maximum lorsque le besoin est de 6 heures par jour au moins, et à 40% de ce montant maximum lorsque le besoin est de 4 heures par jour au moins (art. 42ter al. 3, 2e phrase, LAI).

Le point de savoir si l’impotent mineur a droit à un supplément pour soins intenses, tout comme le montant de cette prestation, reposent sur une appréciation temporelle de la situation (cf. arrêt 9C_666/2013 du 25 février 2014 consid 8.2 in: SVR 2014 IV n° 14 p. 55) dans laquelle il convient d’évaluer le surcroît de temps consacré au traitement et aux soins de base par rapport au temps ordinairement consacré auxdits traitements et soins pour un mineur du même âge en bonne santé (cf. art. 39 al. 2 RAI). Bien que ni la loi ni le règlement sur l’assurance-invalidité ne fassent expressément référence à l’ordonnance du 29 septembre 1995 sur les prestations dans l’assurance obligatoire des soins en cas de maladie (OPAS; RS 832.112.31), les soins de base évoqués à l’art. 39 al. 2 RAI sont bien ceux figurant à l’art. 7 al. 2 let. c de cette ordonnance (cf. arrêt 9C_350/2014 du 11 septembre 2014 consid. 4.2.3). Ils consistent notamment en « bander les jambes du patient, lui mettre des bas de compression, refaire son lit, l’installer, lui faire faire des exercices, le mobiliser, prévenir les escarres, prévenir et soigner les lésions de la peau consécutives à un traitement; aider aux soins d’hygiène corporelle et de la bouche; aider le patient à s’habiller et à se dévêtir ainsi qu’à s’alimenter » (art. 7 al. 2 let. c ch. 1 OPAS).

Consid. 4.1
La juridiction cantonale a constaté que le surcroît de temps à prendre en considération dans le cas de l’assurée s’élevait au total à 362 minutes par jours (6 heures et 2 minutes), à savoir: 235 minutes pour les actes ordinaires de la vie (soit 50 minutes pour l’acte « se lever/s’asseoir/se coucher », 30 minutes pour l’acte « se vêtir/se dévêtir », 30 minutes pour l’acte « manger », 25 minutes pour l’acte « faire sa toilette » et 100 minutes pour l’acte « aller aux toilettes »), 7 minutes pour les visites médicales et 120 minutes pour la surveillance personnelle permanente.

Consid. 5
On rappellera, à la suite des juges cantonaux, que pour évaluer l’impotence des assurés mineurs, on applique par analogie les règles valables pour l’impotence des adultes selon les art. 9 LPGA et 37 RAI. Toutefois, l’application par analogie de ces dispositions n’exclut pas la prise en considération de circonstances spéciales, telles qu’elles peuvent apparaître chez les enfants et les jeunes gens. En vertu de l’art. 37 al. 4 RAI, seul est pris en considération dans le cas des mineurs le surcroît d’aide et de surveillance que le mineur handicapé nécessite par rapport à un mineur du même âge et en bonne santé. Cette disposition spéciale s’explique par le fait que plus l’âge d’un enfant est bas, plus il a besoin d’une aide conséquente et d’une certaine surveillance, même s’il est en parfaite santé (ATF 137 V 424 consid. 3.3.3.2 et les références; cf. aussi arrêt 8C_535/2022 du 1er juin 2023 consid. 2.2).

Afin de faciliter l’évaluation de l’impotence déterminante des mineurs, l’OFAS a adopté des lignes directrices (Circulaire sur l’invalidité et l’impotence dans l’assurance-invalidité [CIIAI] valable à partir du 1er janvier 2015, à laquelle a succédé la Circulaire sur l’impotence [CSI] avec effet au 1er janvier 2022). Celles-ci détaillent l’âge à partir duquel, en moyenne, un enfant en bonne santé n’a plus besoin d’une aide régulière et importante pour chacun des actes ordinaires de la vie, ainsi que les valeurs maximales à prendre en compte en termes de temps nécessaire à l’aide apportée en fonction de l’âge de l’enfant (cf. Annexes III et IV de la CIIAI, respectivement Annexes 2 et 3 de la CSI).

Consid. 6.1 [résumé]
S’agissant du surcroît de temps à prendre en compte pour l’acte « aller aux toilettes », il ressort des constatations cantonales, non contestées, que l’assurée porte des couches, souffre de troubles intestinaux et n’est pas autonome, à la différence des enfants de son âge. L’enquêtrice avait retenu 6 passages quotidiens, avec accompagnement par un adulte et absence de selles à nettoyer à chaque fois, l’enfant sachant monter et descendre sa couche. La mère avait exposé 12 passages par jour en raison de diarrhées et de constipations, une aide pour tout, y compris une toilette complète en cas de débordements, sans comportement récalcitrant mais avec un surcroît de temps lié à l’aide importante. Au vu de l’âge (8 ans en mars 2023) et des changements fréquents, la juridiction cantonale a considéré un surcroît de 100 minutes (40 minutes de base + 60 minutes pour 12 changes [12 × 5 minutes]), les premiers juges ayant exposé qu’il paraissait inconvenable de ne retenir que 30 minutes, l’acte impliquant l’accompagnement répété d’une jeune enfant avec retard et troubles gastro-intestinaux et des lavages réguliers.

Consid. 6.2
Comme le fait valoir l’office recourant, le supplément temporaire à prendre en compte en l’espèce pour l’acte « aller aux toilettes » s’élève à 70 minutes au total, à savoir un surcroît de temps de 40 minutes auquel s’ajoutent 30 minutes pour le changement des couches. Il ressort en effet tant de l’annexe 3 de la CSI que de l’annexe IV de la CIIAI que jusqu’à 10 ans, une limite maximale de 40 minutes a été fixée pour l’acte « aller aux toilettes » (se rendre aux toilettes, se rhabiller, hygiène corporelle, vérification de la propreté) et qu’un surcroît de temps de 5 minutes lié au changement fréquent des couches ou à l’accompagnement répété aux toilettes (à partir de 6 fois par jour) doit être pris en considération par intervention. Partant, c’est en vain que l’assurée affirme que la motivation de l’instance cantonale n’est pas arbitraire et ne « s’écarte même pas de la circulaire ». Quoi qu’elle en dise, les lignes directrices de l’administration s’opposent à la prise en compte d’un surcroît de temps additionnel de 5 minutes à partir du premier passage aux toilettes de la journée.

Dans ce contexte, on peine par ailleurs à suivre l’assurée lorsqu’elle affirme de manière péremptoire que la prise en considération de la charge supplémentaire des parents uniquement à partir du septième passage aux toilettes de la journée ne serait pas justifiable et serait contraire à la loi. Outre que l’assurée n’étaie aucunement son point de vue, on rappellera que bien que les directives administratives ne lient en principe pas le juge, celui-ci est néanmoins tenu de les considérer dans son jugement, pour autant qu’elles permettent une interprétation des normes juridiques qui soit adaptée au cas d’espèce et équitable. Ainsi, si les directives administratives constituent une concrétisation convaincante des dispositions légales, le tribunal ne s’en départit pas sans motif pertinent. Dans cette mesure, il tient compte du but de l’administration tendant à garantir une application égale du droit (ATF 148 V 102 consid. 4.2; 146 V 224 consid. 4.4. et l’arrêt cité). Or en l’occurrence, l’office recourant a expliqué de manière convaincante que les 6 premiers passages aux toilettes de la journée sont compris dans la limite maximale journalière de 40 minutes à prendre en compte (cf. annexe 3 de la CSI et l’annexe IV de la CIIAI).

Consid. 6.3 [résumé]
Il faut ainsi soustraire du total de 362 minutes (6 h 02) retenu par le Tribunal cantonal les 30 minutes indûment comptées pour « aller aux toilettes » (6 × 5 minutes pour les 6 premiers passages), ce qui aboutit à 332 minutes (5 h 32). Ce besoin ouvre le droit à un supplément pour soins intenses au sens de l’art. 39 RAI correspondant à un besoin de soins découlant de l’invalidité d’au moins 4 heures par jour selon l’art. 42ter al. 3 LAI (consid. 3.3). Il convient dès lors de réformer l’arrêt attaqué en ce sens; il n’y a pas lieu d’examiner plus avant le grief relatif à l’acte « manger ».

Le TF admet le recours de l’office AI.

 

Arrêt 9C_61/2025 consultable ici

 

 

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