Arrêt du Tribunal fédéral 8C_495/2024 (f) du 07.01.2025
Restitution de prestations complémentaires indûment versées / 25 LPGA – 4 OPGA
Demande de remise rejetée – Bonne foi niée – Bien immobilier à l’étranger non déclaré
Par décision sur opposition du 15.02.2019, la caisse de compensation AVS (ci-après: la caisse) a requis de l’assurée la restitution d’un montant de 6’218 fr. pour des prestations complémentaires indûment versées entre le 01.09.2012 et le 31.03.2018. Cette décision faisait suite à un nouveau calcul (rétroactif) des prestations complémentaires, qui tenait compte de la valeur locative d’un bien immobilier à l’étranger dont l’assurée était propriétaire depuis plus de 40 ans, sans en avoir annoncé l’existence à la caisse avant 2017. Après un premier jugement annulant cette décision, la caisse a émis une nouvelle décision réclamant 32’968 fr.
Les parties ont conclu une transaction en juillet 2021, validée par le tribunal cantonal le 24.09.2021. Cette transaction prévoyait que la caisse renonçait à l’augmentation du montant réclamé, que la décision initiale de 6’218 fr. était considérée comme entrée en force, et que l’assurée pouvait demander une remise de dette.
L’assurée a demandé la remise de sa dette de 6’218 fr. en invoquant sa bonne foi et sa situation financière précaire. La caisse a rejeté cette demande de remise par décision du 20.12.2021, confirmée sur opposition.
Procédure cantonale (arrêt PC 31/22 – 33/2024)
Par jugement du 04.07.2024, rejet du recours par le tribunal cantonal.
TF
Consid. 4 [résumé]
La juge cantonale a rejeté l’argument de bonne foi de l’assurée, qui affirmait avoir cru, sur les conseils d’une ancienne assistante sociale, que son modeste appartement à l’étranger n’affecterait pas ses prestations complémentaires. À cet égard, elle a retenu qu’il n’appartenait pas à l’assurée d’estimer si elle devait ou non annoncer son bien immobilier compte tenu de sa valeur fiscale et/ou locative. L’instance cantonale a estimé que l’assurée ne pouvait ignorer l’importance de déclarer un tel bien, ayant explicitement coché « non » sur un formulaire demandant si elle possédait un bien immobilier à l’étranger. Cette omission a été jugée comme une négligence suffisamment grave pour exclure la bonne foi.
La cour cantonale a considéré que ni la méconnaissance du français, ni le manque de connaissances juridiques, ni l’âge ou l’état de santé de l’assurée ne justifiaient cette omission. La signature du formulaire impliquait une compréhension de son contenu et des obligations associées.
Les arguments de l’assurée concernant un montant à restituer trop élevé et l’absence de dommage pour la caisse ont été écartés. La cour cantonale a également refusé, par appréciation anticipée des preuves, la demande d’audition de l’assurée et de témoins, notamment l’ancienne assistante sociale mentionnée.
Consid. 6.1
L’assurée soutient qu’en application de l’art. 25 al. 2 LPGA, la créance en restitution de la caisse de compensation serait périmée, de sorte qu’elle ne serait plus débitrice du montant litigieux.
Consid. 6.2
Cette critique est mal fondée. L’art. 25 al. 2 LPGA règle exclusivement l’extinction du droit de demander la restitution de prestations indûment perçues. Cette disposition ne concerne pas l’exécution de la décision en restitution, pour laquelle est prévu un délai de péremption de cinq ans dès l’entrée en force de celle-ci, ce délai ne commençant à courir, lorsqu’une demande de remise est déposée, que lorsque la décision de rejet est entrée en force (arrêt 8C_129/2015 du 13 juillet 2015 consid. 2.2 et les arrêts cités). En l’espèce, la décision de restitution du 15.02.2019 est entrée en force, de sorte que le point de savoir si la caisse de compensation a exigé la restitution des prestations en respectant les délais (relatif et absolu) de l’art. 25 al. 2 LPGA ne peut plus être examiné dans le cadre du présent litige, qui porte uniquement sur la remise de l’obligation de restituer. Par ailleurs, le délai de péremption de cinq ans pour exécuter la décision de restitution n’a pas encore commencé à courir, la décision de rejet de la remise n’étant pas encore entrée en force.
Consid. 7.1 [résumé]
L’assurée soutient que sa bonne foi s’opposerait à la restitution des prestations qu’elle a indûment touchées. Elle expose n’avoir eu à l’époque aucune raison de mettre en doute les explications fournies par une assistante sociale à la retraite qui, de par son métier, s’était fréquemment occupée de personnes percevant des prestations complémentaires. Cette ancienne assistante sociale, pour laquelle elle avait effectué quelques travaux de ménage, lui aurait dit qu’en raison de la faible valeur de l’appartement sis à l’étranger, l’annonce de ce bien n’aurait eu aucune incidence sur la décision en matière de prestations complémentaires. Elle-même ne parlant pas bien le français, étant âgée et ne disposant d’aucune connaissance juridique, elle n’aurait pas pu se rendre compte que l’omission d’annoncer le bien en question pouvait conduire à la restitution de prestations.
Consid. 7.2
À raison, l’assurée ne soutient pas que les informations qu’elle a obtenues d’une assistante sociale à la retraite seraient assimilables à des renseignements ou des conseils de l’autorité ou d’un assureur au sens de l’art. 27 LPGA. Elle ne peut donc pas se prévaloir de la jurisprudence selon laquelle un renseignement erroné de l’autorité ou de l’assureur peut, sous certaines conditions, l’obliger à consentir à un administré un avantage auquel il n’aurait pas pu prétendre, en vertu du principe de la protection de la bonne foi (cf. ATF 143 V 341 consid. 5.2.1; 131 V 472 consid. 5). En tout état de cause, l’assurée ne s’est pas contentée de taire par omission, jusqu’en 2017, qu’elle était propriétaire d’un bien immobilier à l’étranger; à deux reprises, en 2012 puis en 2016, elle a complété un questionnaire de manière inexacte, en indiquant qu’elle ne détenait pas d’immeubles, de biens-fonds ou de parts de copropriété à l’étranger. Ce faisant, elle a commis une négligence grave excluant sa bonne foi. Son âge, ses difficultés en français et son manque de connaissances juridiques ne permettent pas de retenir une violation légère de son obligation de renseigner. Malgré ces facteurs, elle ne conteste pas avoir en toute conscience et volonté fait une fausse déclaration en certifiant ne pas posséder de bien immobilier à l’étranger, en répondant aux questionnaires en 2012 et 2016. Pour le reste, il convient de renvoyer à la motivation convaincante développée par la juge unique. Le grief de l’assurée s’avère mal fondé.
En considérant que la condition de la bonne foi n’était pas remplie, la juridiction cantonale n’a pas non plus violé l’interdiction de formalisme excessif (sur cette notion, cf. arrêt 8C_622/2023 du 27 mai 2024 consid. 8.2 et les arrêts cités), comme le soutient l’assurée. L’art. 25 al. 1 LPGA et l’art. 4 al. 1 OPGA, qui définissent les conditions matérielles pour que la remise de l’obligation de restituer puisse être accordée, ne sont pas des règles de procédure dont la stricte application peut, selon les cas, constituer un formalisme excessif.
Consid. 8
Il s’ensuit que le recours, manifestement mal fondé, doit être rejeté selon la procédure simplifiée prévue à l’art. 109 al. 2 LTF. L’assurée, qui succombe, a demandé à bénéficier de l’assistance judiciaire gratuite. Une partie ne remplit les conditions de l’assistance judiciaire que si elle ne dispose pas de ressources suffisantes et si ses conclusions ne paraissent pas vouées à l’échec (art. 64 al. 1 LTF; ATF 140 V 521 consid. 9.1). Au regard des motifs avancés dans le mémoire de recours, celui-ci apparaissait d’emblée dénué de chances de succès et la requête d’assistance judiciaire doit dès lors être rejetée. L’assurée doit par conséquent payer les frais judiciaires (cf. art. 66 al. 1 LTF) et ne peut pas prétendre à la prise en charge des honoraires de son avocate.
Le TF rejette le recours de l’assurée.
Arrêt 8C_495/2024 consultable ici