9C_412/2020 (f) du 01.02.2021 – Droit aux prestations complémentaires – Revenus déterminants / Prise en compte de la rente de veuve italienne et conversion des monnaies

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_412/2020 (f) du 01.02.2021

 

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Droit aux prestations complémentaires – Revenus déterminants / 11 LPC

Prise en compte de la rente de veuve italienne et conversion des monnaies / 90 Règl. n° 987/2009

 

Assurée, née en 1939, au bénéfice d’une rente AVS depuis le 01.01.2003. Sollicitée à plusieurs reprises, la caisse de compensation a nié le droit de l’assurée à des prestations complémentaires au motif que ses revenus déterminants couvraient ses dépenses reconnues.

Après avoir découvert que l’assurée percevait une pension versée par l’Istituto Nazionale Previdenza Sociale de Rome (INPS), la caisse de compensation a procédé le 18.01.2018 à un nouveau calcul du droit de l’assurée à des prestations complémentaires à compter du 01.11.2014; elle a nié toute prétention. Le 05.12.2018, elle a reconsidéré la décision du 18.01.2018, constaté que l’assurée présentait un excédent de revenus et derechef nié son droit. Par décision sur opposition du 28.06.2019, la caisse de compensation a maintenu sa position, considérant que la pension versée par l’INPS devait être prise en compte dans les revenus de l’intéressée même si les pensions de décembre 2014 à septembre 2018 avaient été versées rétroactivement le 10.12.2018.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 28.05.2020, admission du recours par le tribunal cantonal, renvoyant la cause à la caisse de compensation pour procéder selon les considérants.

 

TF

Consid. 5.1
La décision litigieuse a été rendue après l’entrée en vigueur de l’Accord entre la Confédération suisse, d’une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d’autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP; RS 0.142.112.681), le 01.06.2002, et concerne une prétention postérieure à cette date.

Le litige doit ainsi être examiné, ratione temporis, à la lumière de l’ALCP, en particulier de son annexe II. Selon l’art. 1 al. 1 de l’annexe II à l’ALCP – intitulée « Coordination des systèmes de sécurité sociale », fondée sur l’art. 8 de l’accord et faisant partie intégrante de celui-ci (art. 15 ALCP) – en relation avec la section A de cette annexe (« Actes juridiques auxquels il est fait référence »), les parties contractantes appliquent entre elles en particulier le règlement (CE) n° 883/2004 (ci-après: le règlement n° 883/2004; RS 0.831.109.268.1), ainsi que le règlement (CE) n° 987/2009, tous deux en vigueur pour la Suisse depuis le 01.04.2012, et déterminant le contenu de ses annexes (ci-après: le règlement n° 987/2009).

En l’occurrence, en vertu de l’art. 2 par. 2 du règlement n° 883/2004, l’assurée, en sa qualité de veuve d’un ressortissant italien, entre dans le champ d’application personnel dudit règlement. Par ailleurs, les prestations complémentaires dont il est question en l’espèce relèvent du champ d’application matériel du règlement n° 883/2004 (ATF 143 V 81 consid. 7.1 p. 87 et les références).

Consid. 5.2
En ce qui concerne la conversion des monnaies, l’art. 90 du règlement n° 987/2009 prévoit qu’aux fins de l’application des dispositions du règlement de base et du règlement d’application, le taux de change entre deux monnaies est le taux de change de référence publié par la Banque centrale européenne; la date à prendre en compte pour établir les taux de change est fixée par la commission administrative.

A cet égard, selon l’annexe II ALCP, section B, point 8, les parties contractantes prennent en considération la décision H3 de la commission administrative pour la coordination des systèmes de sécurité sociale du 15 octobre 2009 relative à la date à prendre en compte pour établir les taux de change visée à l’art. 90 du règlement précité [ndr : la décision H3 est remplacée par la décision H12 dès le 28.02.2022]. En vertu des points 1 à 3 de cette décision, dans sa version en vigueur dès le 01.04.2012, la commission administrative a décidé:
1. Aux fins de la présente décision, on entend par « taux de change » le cours du jour publié par la Banque centrale européenne.
2. Sauf disposition contraire dans la présente décision, le taux de change est le taux publié le jour où l’institution exécute l’opération en question.
3. L’institution d’un État membre qui, aux fins de l’établissement d’un droit et du premier calcul d’une prestation, doit convertir un montant dans la monnaie d’un autre État membre, utilise:
a) lorsque, en application de la législation nationale concernée, l’institution doit tenir compte de montants, tels que des revenus ou des prestations, durant une certaine période précédant la date pour laquelle la prestation est calculée: le taux de change publié pour le dernier jour de la période concernée;
b) lorsque, en application de la législation nationale concernée, pour le calcul de la prestation, l’institution doit tenir compte d’un montant: le taux de change publié pour le premier jour du mois précédant immédiatement le mois au cours duquel la disposition doit s’appliquer.

Consid. 5.3
Selon la jurisprudence, lorsque les droits sont calculés sur le seul fondement des législations nationales, ni l’art. 90 du règlement n° 987/2009 ni la décision H3 ne peuvent recevoir application et les taux de conversion des monnaies demeurent déterminés par la législation interne (ATF 141 V 246 consid. 5.2.1 p. 251 et les références). Le Tribunal fédéral a ainsi jugé que la conversion en euros d’une rente AVS calculée uniquement selon le droit suisse en francs suisses doit s’effectuer en vertu du droit interne, soit (à l’époque) de l’ancien ch. marg. 5033 des directives de l’OFAS concernant l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité facultative (ATF 141 V 246 consid. 5.3 p. 252 et 6.2 p. 253).

En revanche, les dispositions sur la conversion des monnaies du règlement n° 987/2009 et de la décision H3 trouvent application lorsqu’il s’agit d’examiner des situations qui nécessitent une coordination (ATF 141 V 246 consid. 5.2.1 p. 251). Il s’agit en particulier des situations dans lesquelles une rente ou une pension versée par une institution de sécurité sociale d’un Etat membre de l’Union européenne doit être prise en compte dans le cadre de l’examen du droit à des prestations complémentaires à l’AVS ou à l’AI (arrêt 9C_377/2011 du 12 octobre 2011 consid. 3.3; ATF 141 V 246 consid. 5.2.1 p. 251).

Consid. 5.4
En l’espèce, la juridiction cantonale a méconnu le fait que la situation de l’assurée, qui perçoit une rente de veuve de l’INPS, relève du champ d’application des règlements nos 883/2004 et 987/2009 ainsi que de la décision H3. A cet égard, conformément à l’art. 90 du règlement n° 987/2009, en lien avec le point 2 de la décision H3, la caisse de compensation était tenue d’utiliser le taux de change publié par la Banque centrale européenne le jour où l’institution de la sécurité sociale italienne a exécuté l’opération bancaire en question (cf. ch. marg. 3452.01, 1ère phrase, DPC).

Aussi, selon le site http://www.ecb.europa.eu [ndr : Euro foreign exchange reference rates disponible ici], qui donne les taux officiels diffusés par la Banque centrale européenne, le cours de l’euro par rapport au franc suisse était, au 10 décembre 2018, de 1.1295. Dans son recours, la caisse de compensation se réfère d’ailleurs expressément à ce taux (et non plus à celui de 1.1695). En prenant en compte un taux de conversion des monnaies de 1.1119, la juridiction cantonale a par conséquent violé le droit fédéral. Le grief de la caisse de compensation doit être admis sur ce point.

On précisera que ce taux devra être appliqué au montant de 11’577 euros 37 versé par l’INPS à l’assurée en date du 10 décembre 2018, constaté par la juridiction cantonale (ATF 110 V 17 consid. 3 p. 21; arrêt 9C_831/2016 du 11 juillet 2017 consid. 5.1 et les références), et que la caisse de compensation ne discute pas.

Consid. 6
Comme le fait valoir ensuite la caisse de compensation, la juridiction cantonale s’est finalement écartée à tort du texte de la décision de l’INPS du 14 août 2018. L’INPS fait référence dans ce document au fait que l’assurée perçoit une rente AVS mensuelle suisse, versée douze fois l’an (« importi mensili delle quote estere in valuta per 12 mensilità »), mais ne se prononce pas sur le nombre de mensualités de la pension italienne. Dans sa réponse, l’assurée indique qu’elle perçoit effectivement « 13 versements par année ». Le grief de la caisse de compensation doit partant être admis sur ce point également.

Consid. 7
Ensuite des considérations qui précèdent, il convient de renvoyer la cause à la caisse de compensation pour qu’elle procède à un nouveau calcul des prestations complémentaires pour la période concernée.

 

Le TF admet le recours de la caisse de compensation, annule le jugement cantonal et la décision sur opposition, renvoyant la cause à la caisse cantonale pour nouvelle décision au sens des considérants.

 

Arrêt 9C_412/2020 consultable ici

 

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