8C_125/2022 (f) du 20.09.2022 – Droit au traitement médical après la fixation de la rente – 19 LAA – 21 LAA / Supports plantaires – Moyens auxiliaires destinés à compenser un dommage corporel ou la perte d’une fonction

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_125/2022 (f) du 20.09.2022

 

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Droit au traitement médical après la fixation de la rente / 19 LAA – 21 LAA

Supports plantaires – Moyens auxiliaires destinés à compenser un dommage corporel ou la perte d’une fonction / OMAA

 

Assurée victime, le 05.10.2012, d’un accident de la circulation routière, au cours duquel elle a subi un polytraumatisme touchant notamment le rachis, les membres inférieurs ainsi que la cheville gauche.

Expertise médicale confiée à un spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur, ayant rendu son rapport le 31.05.2019 ainsi qu’un rapport complémentaire le 08.08.2019.

Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a mis un terme au versement des indemnités journalières avec effet au 31.10.2019 ainsi qu’à la prise en charge des frais de traitement à la même date, sous réserve de l’art. 21 LAA, et a reconnu à l’assurée le droit à une rente d’invalidité transitoire fondée sur un taux de 35% ainsi qu’à une indemnité pour atteinte à l’intégrité de 30%. Elle a relevé que selon les conclusions du médecin-expert, il n’y avait plus de traitement médical susceptible d’influencer la capacité de travail, si bien qu’un tel traitement était à la charge de l’assurance-maladie obligatoire.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 58/20 – 4/2022 – consultable ici)

Par jugement du 03.01.2022, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.1
L’assuré a droit au traitement médical approprié des lésions résultant de l’accident (art. 10 al. 1 LAA). Le droit au traitement médical et aux indemnités journalières cesse dès la naissance du droit à la rente, soit lorsqu’il n’y a plus lieu d’attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l’état de santé de l’assuré et que les éventuelles mesures de réadaptation de l’assurance-invalidité ont été menées à terme (art. 19 al. 1 LAA). Le principe de la cessation de la prise en charge du traitement médical est toutefois relativisé par l’art. 21 al. 1 LAA, qui prévoit qu’au-delà de la fixation de la rente, le traitement médical est accordé à son bénéficiaire dans les cas énumérés aux lettres a à d, soit notamment lorsque le bénéficiaire a besoin de manière durable d’un traitement et de soins pour conserver sa capacité résiduelle de gain (let. c).

Consid. 3.2
Les moyens auxiliaires peuvent faire partie d’un traitement médical (art. 10 let. e LAA) ou être destinés à compenser un dommage corporel ou la perte d’une fonction (art. 11 al. 1, 1re phrase, LAA). Ils apparaissent comme un complément du traitement médical selon l’art. 10 LAA (ATF 141 V 30 consid. 3.2.5 et les références citées). Toutefois, contrairement au traitement médical, les prestations prévues aux art. 11 à 13 LAA ne tombent pas sous le champ d’application de l’art. 19 al. 1 LAA; elles peuvent être allouées avant la fixation de la rente ou naître postérieurement à celle-ci, pour autant que les conditions énumérées de l’art. 21 al. 1 LAA soient remplies (ATF 143 V 148 consid. 5.2 et 5.3; arrêt 8C_776/2016 du 23 mai 2017 consid. 5.3 publié in SVR 2017 UV n° 42 p. 145).

Consid. 3.3
Pour les moyens auxiliaires qui sont destinés à compenser un dommage corporel ou la perte d’une fonction, le Conseil fédéral a été chargé d’établir une liste (art. 11 al. 1 LAA), ce qu’il a délégué au Département fédéral de l’intérieur (art. 19 OLAA). Ce département a édicté l’ordonnance du 18 octobre 1984 sur la remise de moyens auxiliaires par l’assurance-accidents (OMAA) avec, en annexe, la liste des moyens auxiliaires. Dans la catégorie des chaussures orthopédiques, l’annexe à l’OMAA comprend notamment des supports plantaires (ch. 4.03).

 

Consid. 4.2
L’assurée ne fait que proposer sa propre interprétation des conclusions du médecin-expert. On ne voit pas – et l’assurée n’explique pas – en quoi une activité essentiellement assise, avec déplacements occasionnels et port de charge occasionnel d’un maximum de 5 kilos, nécessiterait une bonne mobilité des pieds. Il sied en effet de relever que c’est précisément pour les troubles à la cheville et au pied gauches qu’une activité principalement assise, telle qu’une activité de bureau, a été considérée comme exigible à plein temps, avec une baisse de rendement de 30% en raison notamment de la gêne au déplacement, ce que l’assurée ne conteste pas. […] La cour cantonale n’est pas tombée dans l’arbitraire en considérant que l’état de santé de l’assurée avait été considéré comme stabilisé en été 2018, tous les médecins consultés s’entendant sur le fait qu’il n’existait pas, pour les différentes atteintes, de mesures médicales de nature à améliorer notablement l’état de santé de l’assurée. C’est aussi à bon droit que les juges cantonaux ont considéré, pour ce qui concernait la période postérieure à la fixation de la rente, que les mesures préconisées par le médecin-expert n’étaient pas propres à améliorer de manière notable la capacité de gain de l’assurée. En effet, bien que le médecin-expert ait indiqué qu’une péjoration future de la cheville gauche était à craindre (30% à 50% de probabilité une arthrose grave de la sustalienne nécessitant une prothèse de la cheville d’ici 20 à 30 ans), il n’a cependant fait état d’aucun traitement médical ni de soins dont l’assurée aurait besoin de manière durable et qui seraient susceptibles de conserver sa capacité résiduelle de gain.

Consid. 5.1
Dans un deuxième grief, l’assurée reproche à la cour cantonale d’avoir traité la question du chaussage adapté sous l’angle de traitement médical, alors qu’il s’agirait d’un moyen auxiliaire (art. 11 LAA) destiné à faciliter la marche. Par ailleurs, la constatation de la cour cantonale selon laquelle « (…) les supports plantaires devraient être envisagés d’ici dix à vingt ans, à raison d’une à deux paires par année » ne serait pas documentée et ne ressortirait pas du rapport d’expertise du 31.05.2019 ni de son complément du 08.08.2019.

Consid. 5.2
En l’espèce, les supports plantaires sont destinés à compenser un dommage corporel et constituent donc des moyens auxiliaires au sens de l’art. 11 LAA (cf. arrêt 8C_126/2017 du 5 septembre 2017 consid. 3 et 3.3.2). Si l’on peut donner acte à l’assurée que les juges cantonaux ont traité son droit à un chaussage adapté sous l’angle du traitement médical, force est de constater qu’ils se sont néanmoins fondés sur la bonne base légale, soit l’art. 21 al. 1 let. c LAA, qui s’applique tant au traitement médical (art. 10 LAA) qu’aux moyens auxiliaires (art. 11 LAA) après la fixation de la rente. Aussi, en se référant à l’avis complémentaire du médecin-expert, la juridiction cantonale a constaté sans arbitraire que, s’agissant du pied gauche, des supports plantaires devraient être envisagés d’ici dix à vingt ans, à raison d’une à deux paires par année, de sorte que de tels supports ne sauraient en l’état être pris en charge par l’assurance-accidents.

Par conséquent, l’arrêt attaqué ne viole pas le droit fédéral dans son résultat et doit être confirmé en tant qu’il nie, en l’état actuel, le droit de l’assurée à des supports plantaires.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 8C_125/2022 consultable ici

 

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