9C_629/2020 (f) du 06.07.2021 – Refus d’entrer en matière sur une nouvelle demande AI – Plausibilité d’une aggravation de l’état de santé / Un changement de jurisprudence ne constitue pas un motif suffisant pour entrer en matière sur une nouvelle demande

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_629/2020 (f) du 06.07.2021

 

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Refus d’entrer en matière sur une nouvelle demande AI – Plausibilité d’une aggravation de l’état de santé / 17 LPGA – 87 al. 2 et 3 RAI

Un changement de jurisprudence ne constitue pas un motif suffisant pour entrer en matière sur une nouvelle demande

 

Assuré, né en 1983, a déposé une demande de prestations de l’assurance-invalidité au mois de décembre 2009. Après avoir accordé à l’assuré différentes mesures d’intervention précoce et de réadaptation, l’office AI a nié son droit à une rente d’invalidité par décision du 01.03.2013 (taux d’invalidité de 18%).

Par la suite, l’assuré a présenté une nouvelle demande de prestations en avril 2013 que l’office AI a rejetée au terme de l’instruction, par décision du 25.11.2016. En bref, l’administration a considéré, en se fondant notamment sur une expertise d’un spécialiste en psychiatrie et psychothérapie (rapport du 14.07.2016), que l’assuré présentait une toxicomanie primaire et que la situation était inchangée depuis la décision du 01.03.2013, le taux d’invalidité étant toujours de 18%.

En juin 2017, l’assuré a déposé une troisième demande de prestations. L’office AI a refusé d’entrer en matière sur cette demande, considérant que l’assuré n’avait pas rendu plausible une aggravation de son état de santé (décision du 02.03.2018).

 

 

Procédure cantonale

Par jugement du 29.06.2020, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Plausibilité d’une aggravation de l’état de santé

On ne saurait reprocher aux juges cantonaux d’avoir examiné la plausibilité d’une aggravation de son état de santé propre à influencer ses droits en fonction de la situation prévalant à partir du 25.11.2016, et non depuis le 01.03.2013. La décision du 25.11.2016 est en effet la dernière décision entrée en force reposant sur un examen matériel du droit à la rente. Elle constitue donc le point de départ temporel pour examiner si l’assuré a rendu plausible une modification déterminante des faits influant sur le droit aux prestations en cas de nouvelle demande de prestations (ATF 133 V 108 consid. 5; 130 V 71 consid. 3).

Si l’assuré entendait contester les évaluations médicales sur lesquelles l’office AI s’était alors fondé pour rendre sa décision du 25.11.2016, il lui eût appartenu de faire valoir ses griefs en interjetant un recours dans les délais. A défaut, et compte tenu de la force de chose décidée du prononcé du 25.11.2016, les constatations de la juridiction cantonale, selon lesquelles l’office AI avait retenu l’absence de diagnostic psychiatrique incapacitant à cette époque lient le Tribunal fédéral.

Dans un litige portant sur le bien-fondé du refus d’entrer en matière sur une nouvelle demande, le juge doit examiner la situation d’après l’état de fait tel qu’il se présentait à l’administration au moment où celle-ci a statué, en l’espèce, le 02.03.2018, après avoir dûment laissé à l’assuré un délai pour compléter sa demande. Son examen est ainsi d’emblée limité au point de savoir si les pièces déposées en procédure administrative justifiaient ou non l’entrée en matière sur la nouvelle demande, sans prendre en considération les documents médicaux déposés ultérieurement à la décision administrative, notamment au cours de la procédure cantonale de recours (cf. ATF 130 V 64 consid. 5.2.5; arrêt 9C_959/2011 du 6 août 2012 consid. 1.3 et 4.3).

L’hospitalisation de l’assuré du 24.03.2017 au 05.04.2017 ne suffit ensuite pas pour rendre plausible une aggravation de son état de santé depuis novembre 2016. En effet, les diagnostics de schizophrénie sans précision (F20.9) et de troubles mentaux et du comportement liés à l’utilisation de sédatifs ou d’hypnotiques, syndrome de dépendance (F13.2), retenus lors de l’hospitalisation survenue au printemps 2017 avaient déjà été posés dans le cadre d’une précédente hospitalisation dans cet établissement, soit antérieurement à la décision du 25.11.2016 qui a acquis force de chose jugée. Quoi qu’en dise l’assuré, ces diagnostics avaient alors été discutés et exclus de manière motivée par le médecin au Service médical régional de l’AI (SMR), qui avait expliqué, pour nier le diagnostic de schizophrénie, que les symptômes psychotiques présentés par l’intéressé étaient induits par la consommation abusive de substances psychoactives et qu’ils s’étaient résorbés après un régime de substitution sous surveillance médicale (avis du 16.11.2016).

 

Changement de jurisprudence concernant le caractère invalidant des syndromes de dépendance

L’assuré reproche à la juridiction cantonale d’avoir violé le droit en refusant d’appliquer la nouvelle jurisprudence concernant le caractère invalidant des syndromes de dépendance (ATF 145 V 215) et de mettre en œuvre une nouvelle expertise psychiatrique satisfaisant aux exigences de la grille d’évaluation normative et structurée (selon l’ATF 141 V 281). Il fait en substance valoir que ce changement de jurisprudence constituerait un motif de révision (dite procédurale) de la décision du 25.11.2016 (au sens de l’art. 53 al. 1 LPGA).

 

Le grief de l’assuré est mal fondé. Dans un arrêt récent, le Tribunal fédéral a en effet jugé que le changement de jurisprudence selon l’ATF 145 V 215 ne constitue pas un motif suffisant pour déroger au principe selon lequel il n’y a pas à adapter une décision administrative entrée en force à une modification de jurisprudence ni à entrer en matière sur une nouvelle demande (arrêt 9C_132/2020 du 7 juin 2021 consid. 6 destiné à la publication; sur les motifs qui ont guidé le Tribunal fédéral, cf. arrêt précité, consid. 5). Dans ces circonstances, les griefs de l’assuré en relation avec le refus des juges cantonaux de mettre en œuvre de nouveaux moyens de preuve, notamment sous la forme d’une expertise psychiatrique en milieu stationnaire, tombent à faux.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_629/2020 consultable ici

 

 

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