9C_849/2016 (f) du 19.07.2017 – proposé à la publication – Condition d’assurance – 9 LAI / Suppression par la voie de révision – 17 LPGA – de l’allocation pour impotent, du supplément pour soins intenses et des mesures médicales

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_849/2016 (f) du 19.07.2017

 

Consultable ici : http://bit.ly/2yfDeLu

 

Condition d’assurance / 9 LAI

Suppression par la voie de révision – 17 LPGA – de l’allocation pour impotent, du supplément pour soins intenses et des mesures médicales

 

Assurée, ressortissante d’un Etat membre de l’Union européenne, domiciliée dans le canton de Vaud, présentant un trouble du spectre autistique. L’office AI lui a octroyé une allocation pour impotent mineur à partir du 01.01.2013, ainsi qu’un supplément pour soins intenses dès le 01.11.2013. Il a également pris en charge les coûts du traitement de son infirmité congénitale pour la période courant du 27.01.2012 au 30.09.2014.

En octobre 2014, l’office AI a appris que les parents de l’enfant travaillaient désormais tous les deux comme fonctionnaires internationaux et n’étaient pour ce motif plus assujettis à l’AVS/AI (depuis 2005 pour le père et depuis juin 2014 pour la mère). L’office AI a, en premier lieu, mis un terme au versement de l’allocation pour impotent et au supplément pour soins intenses avec effet au 30.09.2014 et, en second lieu, nié le droit de l’assurée à des mesures médicales sur le plan pédopsychiatrique au-delà du 30.09.2014.

 

Procédure cantonale (arrêt AI 281/15 – 300/2016 – consultable ici : http://bit.ly/2yGIc6G)

La juridiction cantonale a constaté que l’assurée, dont les deux parents étaient exemptés de l’assujettissement à l’AVS/AI depuis le 02.06.2014, réalisait les conditions d’assurance définies à l’art. 9 al. 3 LAI au moment de la survenance de l’invalidité. Pour les premiers juges, la seule condition que l’assurée doit respecter afin de continuer à bénéficier des prestations de l’assurance-invalidité est de conserver son domicile et sa résidence habituelle en Suisse ; cette condition étant réalisée, l’office AI n’était pas en droit de mettre un terme aux prestations qu’il avait allouées.

Par jugement du 11.11.2016, admission du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Condition d’assurance

Selon l’art. 6 al. 2 LAI, les étrangers ont droit aux prestations de l’assurance-invalidité, sous réserve de l’art. 9 al. 3 LAI, aussi longtemps qu’ils conservent leur domicile et leur résidence habituelle (art. 13 LPGA) en Suisse, mais seulement s’ils comptent, lors de la survenance de l’invalidité, au moins une année entière de cotisations ou dix ans de résidence ininterrompue en Suisse. Aucune prestation n’est allouée aux proches de ces étrangers s’ils sont domiciliés hors de Suisse.

S’agissant des prestations de la LAI relatif notamment aux mesures de réadaptation – dont font partie les mesures médicales au sens de l’art. 13 LAI (art. 8 al. 3 let. a LAI), il y a lieu de se référer à l’art. 9 al. 1bis à 3 LAI.

Aux termes de l’art. 42bis al. 2 LAI, les étrangers mineurs ont également droit à l’allocation pour impotent s’ils remplissent les conditions prévues à l’art. 9 al. 3 LAI.

Selon l’art. 35 RAI, le droit à l’allocation pour impotent prend naissance le premier jour du mois au cours duquel toutes les conditions de ce droit sont remplies (al. 1). Lorsque, par la suite, le degré d’impotence subit une modification importante, les art. 87 à 88 bis sont applicables. Le droit à l’allocation s’éteint à la fois du mois au cours duquel l’une des autres conditions de ce droit n’est plus remplie ou au cours duquel le bénéficiaire du droit est décédé.

En lui-même, le texte de l’art. 9 al. 3 let. a LAI ne prête pas à discussion : pour fonder le droit d’un ressortissant étranger âgé de moins de 20 ans ayant son domicile et sa résidence habituelle en Suisse à des mesures de réadaptation, il suffit que son père ou sa mère, s’il s’agit d’une personne étrangère, compte au moins une année entière de cotisations ou une résidence ininterrompue de dix ans en Suisse lorsque survient l’invalidité. La disposition ne prévoit pas que le père ou la mère doive être assuré au moment de la survenance de l’invalidité.

Cela étant, à l’inverse de ce qu’a retenu la juridiction cantonale, l’exigence d’un lien d’assurance entre l’enfant ou l’un de ses parents et l’AVS/AI ou, en d’autres termes, le maintien de la qualité d’assuré pendant la durée de perception des prestations de l’assurance-invalidité en cause résulte de l’art. 9 LAI et de sa systématique.

Il ressort tant de l’art. 8 al. 1 LAI, selon lequel « les assurés invalides ou menacés d’une invalidité ont droit à des mesures de réadaptation » aux conditions énumérées, que de l’art. 9 al. 1bis LAI qu’une personne doit en principe être assurée pour prétendre des mesures de réadaptation (cf. ATF 132 V 244 consid. 6.3.2 p. 254; arrêt I 169/03 du 12 janvier 2005 consid. 5.1.3 in fine, in SVR 2005 IV n° 34 p. 125). Conformément à cette seconde disposition, dès que la personne concernée n’est plus couverte par l’assurance obligatoire ou facultative, son droit aux prestations s’éteint; elle perd donc son droit aux mesures de réadaptation en même temps qu’elle cesse d’être assurée (au sens de l’art. 1b LAI en relation avec les art. 1a et 2 LAVS). En d’autres termes, la condition d’assurance doit être réalisée dès et aussi longtemps que la personne concernée entend bénéficier de mesures de réadaptation (MEYER/REICHMUTH, Bundesgesetz über die Invalidenversicherung [IVG], 3 ème éd., ad art. 9 p. 126 N 8); la qualité d’assuré ne doit en revanche (pas forcément) avoir existé au moment de la survenance de l’invalidité (plus, depuis la suppression de la clause d’assurance au 1er janvier 2001, à l’art. 6 aLAI [modification de la LAVS du 23 juin 2000; RO 2000 2677, 2683]; sur ce point, arrêt I 169/03 cité consid. 5.1.3).

A l’occasion des modifications de la LAI du 6 octobre 2006 (5 e révision de l’AI), entrées en vigueur le 1er janvier 2008, le législateur a introduit l’art. 9 al. 1bis LAI afin d’inscrire dans la loi les conditions d’assurance qui figuraient jusqu’alors à l’art. 22quater al. 1 aRAI.

En dehors des situations dans lesquelles une norme du droit conventionnel de la sécurité sociale permet de faire exception au principe de l’assurance (pour des exemples, SILVIA BUCHER, Eingliederungsrecht der Invalidenversicherung, 2011, p. 39 s. N 67 ss), l’art. 9 al. 2 LAI prévoit les cas dans lesquels il est fait abstraction de la condition d’assurance de l’ayant droit (« une personne qui n’est pas ou n’est plus assujettie à l’assurance ») parce que l’un de ses parents est assuré facultativement ou obligatoirement conformément aux dispositions mentionnées de la LAVS ou d’une convention internationale. Cette norme règle les exceptions à l’art. 9 al. 1bis LAI (ATF 137 V 167 consid. 4.3 p. 172) et reprend, dans une formulation plus étendue, l’art. 22quater al. 2 aRAI (en vigueur du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2007; Message du 22 juin 2005 concernant la modification de la loi fédérale sur l’assurance-invalidité [5 e révision de l’AI], FF 2005 4215, ch. 2.1, p. 4316). La disposition réglementaire avait été introduite pour tenir compte, en tant qu’exception au principe de l’assujettissement, des enfants qui, contrairement à leurs parents, étaient dans l’impossibilité d’adhérer à l’assurance facultative (Commentaire de l’OFAS concernant les modifications du RAI du 4 décembre 2000, p. 2).

Comme l’art. 9 al. 2 LAI, l’al. 3 de la disposition fait dépendre le droit aux mesures de réadaptation non pas exclusivement du statut de l’ayant droit au regard de l’AVS/AI, mais également et, cas échéant, seulement de celui de l’un au moins de ses parents (dans ce sens, EVA SLAVIK, IV-Leistungen: Eingliederung [ohne Hilfsmittel] und Taggelder, in Recht der Sozialen Sicherheit, 2014, p. 688 s. N 20.6). Il prévoit des conditions particulières pour les ressortissants étrangers qui n’ont pas atteint l’âge de vingt ans révolus, par rapport à celles de l’art. 6 al. 2 LAI. Cet alinéa a pour but d’éviter que les enfants invalides de ressortissants étrangers ne bénéficient de mesures de réadaptation plusieurs années seulement après la survenance de l’atteinte à la santé, ce qui compromettrait gravement le succès de ces mesures (ATF 115 V 11 consid. 3b/aa p. 14). Avec l’introduction de l’art. 9 al. 3 LAI (initialement, art. 9 al. 4), « les conditions de durée de cotisations et d’assurance dev[aient] être considérées comme remplies par les enfants invalides d’étrangers et d’apatrides dont les parents rempliss[ai]ent eux-mêmes ces conditions » (Message du 24 octobre 1958 relatif à un projet de loi sur l’assurance-invalidité ainsi qu’à un projet de loi modifiant celle sur l’assurance-vieillesse et survivants, FF 1958 II 1161, sous 2e partie, E.I.3f, p. 1195 s.). Comme l’a retenu la juridiction cantonale en se référant à l’ATF 115 V 11, l’art. 9 al. 3 LAI constitue une norme spéciale, dans la mesure où, dans un système légal qui ignore en principe la notion d’assurance familiale, il fait résulter le droit aux prestations directement du lien de filiation, et non de l’assujettissement de l’ayant droit lui-même à l’AVS/AI.

Toutefois, le fait que c’est le statut des parents dans l’AVS/AI qui constitue le critère décisif, et non pas celui de l’ayant droit, ne permet pas d’ignorer la condition d’assurance prévue par l’art. 9 al. 1bis LAI et la seule exception à celle-ci prévue par l’art. 9 al. 2 LAI. Si pour l’ouverture du droit aux mesures de réadaptation, il suffit que l’un des parents ait cotisé au moins une année ou résidé de manière ininterrompue en Suisse pendant dix ans, il faut encore pour la naissance et le maintien du droit qu’il existe un lien d’assurance de l’ayant droit lui-même ou, conformément à l’art. 9 al. 2 LAI, de l’un de ses parents pendant la durée du versement des prestations. La condition d’assurance est dès lors réalisée si au moins l’un des parents est assujetti à l’AVS/AI, même si l’ayant droit ne l’est pas lui-même. En d’autres termes, le droit aux mesures de réadaptation au sens de l’art. 9 al. 3 LAI s’éteint – en vertu de l’art. 9 al. 1bis LAI – si l’assujettissement du (seul) parent assuré prend fin et que les conditions de l’art. 9 al. 2 LAI ne sont partant pas réalisées. En conclusion, compte tenu de la systématique de l’art. 9 LAI, il doit exister un lien d’assujettissement de l’ayant droit ou de l’un au moins de ses parents pendant la durée de l’allocation des prestations en cause également lorsque le droit à ces prestations est fondé sur l’art. 9 al. 3 LAI.

Le TF admet le recours de l’office AI et renvoie la cause à la juridiction cantonale pour qu’elle examine le statut de l’assurée au regard de l’assujettissement à l’AVS/AI. Dans l’hypothèse où l’assurée réaliserait elle-même les conditions d’assujettissement à l’AVS/AI conformément à l’art. 9 al. 1bis LAI, le droit aux prestations litigieuses pourrait être maintenu.

 

 

Arrêt 9C_849/2016 consultable ici : http://bit.ly/2yfDeLu

 

 

Print Friendly, PDF & Email

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.