8C_916/2011 (f) du 08.01.2013 – Suicide par arme à feu – 37 al. 1 LAA / Médicaments – Paroxétine et Lexotanil / Capacité de discernement – 48 OLAA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_916/2011 (f) du 08.01.2013

 

Consultable ici : http://bit.ly/1nY26kL

 

Suicide par arme à feu – 37 al. 1 LAA

Médicaments – Paroxétine et Lexotanil

Capacité de discernement – 48 OLAA

 

Faits

D. travaillait comme « account manager » au service de la société X. AG. Le 16 mars 2006, se sentant anxieux, D. a consulté le docteur S., généraliste et médecin traitant, qui lui a prescrit deux médicaments (Paroxétine et Lexotanil) pour le calmer et le détendre. Le soir même puis le lendemain matin, l’intéressé a pris un comprimé de chacun de ces produits pharmaceutiques. Le 17 mars 2006, après que D. et son épouse se sont levés ensemble à six heures trente, celle-ci a près d’une heure plus tard emmené sa fille chez la maman de jour et son fils à l’école. A son retour, à huit heures trente, elle a découvert le corps de son époux, étendu sur le lit de la chambre à coucher; il s’était donné la mort au moyen d’une arme à feu.

L’assurance-accidents a pris des renseignements auprès des docteurs S., généraliste et médecin traitant, et O., spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie. Celui-ci avait suivi l’assuré à partir du 25 juin 2004, en lui administrant un traitement médicamenteux (Paroxétine) pendant plusieurs mois. Après avoir requis l’avis du médecin d’arrondissement, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie et médecin d’arrondissement, l’assurance-accidents a refusé d’allouer des prestations, à l’exception de l’indemnité pour frais funéraires, motif pris que le défunt s’était donné la mort volontairement (décision du 22 octobre 2007 et DSO du 12 mars 2008).

 

Procédure cantonale (ATAS/1024/2011 du 27.10.2011)

La veuve et ses enfants ont déféré cette décision au Tribunal cantonal des assurances sociales du canton de Genève. Dans son argumentation, la recourante insistait en particulier sur le fait que le suicide de son époux constituait un accident et que notamment la Paroxétine pouvait provoquer – et a effectivement provoqué par le passé – chez certains patients une perte totale de la capacité de discernement, les désinhibant jusqu’à tuer leurs proches et/ou à se suicider. Ont été déposés les avis d’un spécialiste FMH en médecine interne, spécialement pharmacologie clinique, et d’un médecin, consultant en pharmacologie clinique.

Par jugement du 27 octobre 2011, la Cour de justice genevoise a rejeté le recours.

 

Suicide

Au considérant 2.2 est fait le rappel des dispositions légales et de la jurisprudence des conditions dans lesquelles les suites d’un suicide sont prises en charge par l’assurance-accidents.

Le TF a examiné si, au moment où il s’est donné la mort, l’assuré était, sans faute de sa part, totalement incapable de se comporter raisonnablement. La question centrale est de savoir si l’assuré a agi, lors de son geste fatidique, dans un état d’incapacité totale de discernement, en particulier à la suite de l’absorption de la Paroxétine. Selon les recourants, l’assuré avait eu un comportement inexplicable (il n’avait aucune raison de se donner la mort et n’avait laissé aucun mot d’explication).

Selon le TF, il n’est pas possible de départager les évaluations contradictoires de la doctoresse L. (spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, de la division de médecine des accidents de l’assurance-accidents) et du docteur E. (consultant en pharmacologie clinique mandaté par les recourants) dont l’appréciation produite en instance cantonale n’a pas été évoquée dans le jugement entrepris.

Dans leurs rapports respectifs, qui revêtent une valeur probante équivalente et reposent sur des arguments circonstanciés de part et d’autre, l’experte administrative et l’expert privé se fondent, dans l’ensemble, sur les mêmes éléments de fait pour en donner une interprétation totalement opposée quant à la capacité de discernement de l’assuré au moment de son passage à l’acte fatal. A l’inverse de sa consoeur L., le docteur E. ne mentionne certes pas le fait que l’assuré avait déjà suivi avec succès un traitement par Paroxétine en 2004, et n’explique donc pas les raisons pour lesquelles une réaction totalement différente (et extrême) à la prise de médicament serait survenue moins de deux ans plus tard, selon la vraisemblance prépondérante. Son appréciation met cependant en doute celle de l’experte administrative, puisque le spécialiste en pharmacologie relève que sa consoeur a nié l’effet négatif de la médication sans prendre en considération l’agitation psychomotrice (soudaine et extraordinaire) que pouvait causer Paroxétine (associée à un tranquillisant) et en se référant à une étude médicale qu’il considérait comme non pertinente pour se prononcer sur le décès de l’assuré.

Par conséquent, en l’absence d’éléments objectifs indiscutables qui permettraient de choisir entre les deux avis en cause, il se justifie d’ordonner une expertise judiciaire dont la mise en œuvre sera assurée par la juridiction cantonale. Dans ce cadre, il pourrait se révéler utile de confier la réalisation de l’expertise à un médecin spécialiste en pharmacologie.

 

Conclusion

Jugement cantonal annulé et cause renvoyée à l’autorité judiciaire de première instance pour compléter l’instruction.

 

 

Arrêt 8C_916/2011 consultable ici : http://bit.ly/1nY26kL

 

 

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