8C_804/2014 (f) du 16.11.2015 – Causalité adéquate (115 V 133) niée entre troubles psychiques et accident de la circulation (collision auto-camion) – 6 LAA / Accident de gravité moyen

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_804/2014 (f) du 16.11.2015

 

Consultable ici : http://bit.ly/1PJ3O5n

 

Causalité adéquate (115 V 133) niée entre troubles psychiques et accident de la circulation (collision auto-camion) / 6 LAA

Accident de gravité moyen

 

Assuré, travaillant comme magasinier depuis le 18.08.2006, est victime d’un accident le 07.09.2006 : au croisement de deux routes, il a été percuté sur le flanc droit par un camion. Diagnostics principaux : pneumothorax droit drainé, contusion pulmonaire minime, fracture des côtes cervicales droites, « fracture-arrachement » de l’épine iliaque antéro-supérieure droite, plaie du conduit auditif externe droit et fracture du coude droit. Diagnostic secondaire : décompensation psychotique.

Décision du 05.05.2009 : indemnité pour atteinte à l’intégrité d’un taux de 7,5 %, pas de droit à une rente d’invalidité et lien de causalité adéquate nié entre les troubles psychogènes et l’accident du 07.09.2006.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 140/09 – 97/2014 – consultable ici : http://bit.ly/23wBtTO)

Après mise en œuvre d’une expertise judiciaire pluridisciplinaire mise en œuvre, le tribunal cantonal a, par arrêt du 29.09.2014, amis le recours, annulé la décision sur opposition et renvoyé la cause à l’assureur-accidents.

 

TF

Causalité adéquate

En vue de juger du caractère adéquat du lien de causalité entre un accident et une affection psychique additionnelle à une atteinte à la santé physique, il faut d’abord classer les accidents en trois catégories, en fonction de leur déroulement: les accidents insignifiants, ou de peu de gravité; les accidents de gravité moyenne et les accidents graves. Pour procéder à cette classification, il convient non pas de s’attacher à la manière dont l’assuré a ressenti et assumé le choc traumatique, mais bien plutôt de se fonder, d’un point de vue objectif, sur l’événement accidentel lui-même (ATF 115 V 133 consid. 6c/aa p. 140, 403 consid. 5c/aa p. 409).

L’accident a été classé dans la catégorie des accidents de gravité moyenne stricto sensu. Le Tribunal fédéral n’a pas de motif de revenir sur cette appréciation, au vu du déroulement de l’accident et des précédents jurisprudentiels (pour les cas concernant des accidents de la circulation voir arrêt 8C_398/2012 du 6 novembre 2012 consid. 5.2; cf. aussi Alexandra Rumo-Jungo/André Pierre Holzer, Bundesgesetz über die Unfallversicherung [UVG], 4 e éd. 2012, p. 64 ss).

En présence d’un accident de gravité moyenne, pour admettre le rapport de causalité adéquate entre l’accident et des troubles psychiques, il faut prendre en considération un certain nombre de critères, dont les plus importants sont les suivants (ATF 115 V 133 et 403 précités, ibidem) :

– les circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou le caractère particulièrement impressionnant de l’accident;

– la gravité ou la nature particulière des lésions physiques, compte tenu notamment du fait qu’elles sont propres, selon l’expérience, à entraîner des troubles psychiques;

– la durée anormalement longue du traitement médical;

– les douleurs physiques persistantes;

– les erreurs dans le traitement médical entraînant une aggravation notable des séquelles de l’accident;

– les difficultés apparues au cours de la guérison et des complications importantes;

– le degré et la durée de l’incapacité de travail due aux lésions physiques.

De manière générale, lorsque l’on se trouve en présence d’un accident de gravité moyenne, il faut un cumul de trois critères sur les sept ou au moins que l’un des critères retenus se soit manifesté de manière particulièrement marquante pour l’accident (arrêts 8C_897/2009 du 29 janvier 2010 consid. 4.5, in SVR 2010 UV n° 25 p. 100 ss.; 8C_510/2015 du 20 octobre 2015 consid. 6.2).

 

Caractère particulièrement impressionnant de l’accident

L’examen du critère des circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou du caractère particulièrement impressionnant de l’accident se fait sur la base d’une appréciation objective des circonstances de l’espèce. La survenance d’un accident de gravité moyenne présente toujours un certain caractère impressionnant pour la personne qui en est victime, ce qui ne suffit pas en soi à conduire à l’admission de ce critère. Par ailleurs, il convient d’accorder à ce critère une portée moindre lorsque la personne ne se souvient pas de l’accident (arrêt 8C_584/2010 du 11 mars 2011 consid. 4.3.2, in SVR 2011 UV n° 10 p. 35; voir également les arrêts 8C_434/2012 du 21 novembre 2012 consid. 7.2.3 et 8C_624/2010 du 3 décembre 2010 consid. 4.2.1).

In casu, l’assuré n’a pas respecté les règles de priorité et a coupé la route au camion arrivant sur la droite, lequel roulait à une vitesse de 60-70 km/h. Le conducteur du camion a effectué un freinage d’urgence avant la collision. Suite au choc, le véhicule de l’assuré a été traîné sur une cinquantaine de mètres, heurtant au passage un autre véhicule à l’arrêt. Seul l’assuré a été blessé et transporté par ambulance. Il a notamment déclaré à la police: « j’ai ressenti un violent choc à droite et tout est devenu noir […]. Depuis cet instant, je ne me souviens plus de rien ». Vu l’ensemble de ces circonstances, on ne saurait retenir que l’accident a eu un caractère particulièrement dramatique ou impressionnant, quand bien même les photos du véhicule attestent de la violence certaine du choc.

A titre de comparaison, ce critère a été reconnu en présence d’un accident de la circulation dans un tunnel sur l’autoroute impliquant un camion et une voiture avec plusieurs collisions contre le mur du tunnel (arrêt 8C_257/2008 du 4 septembre 2008, consid. 3.3.3), d’un carambolage de masse sur l’autoroute (8C_623/2007 du 22 août 2008 consid. 8.1), ou encore dans le cas d’une conductrice dont la voiture s’est encastrée contre un arbre entraînant le décès de la mère de celle-ci, qui occupait le siège passager (arrêt U 18/07 du 7 février 2008). En tout cas, même en admettant la réalisation de ce critère, il ne suffirait pas, à lui seul, pour admettre l’existence d’un lien de causalité entre l’accident et les troubles psychiques, faute de revêtir une intensité particulière.

 

Durée anormalement longue du traitement médical

Pour l’examen de ce critère, il faut uniquement prendre en compte le traitement thérapeutique nécessaire (arrêt U 369/05 du 23 novembre 2006 consid. 8.3.1). N’en font pas partie les mesures d’instruction médicale et les simples contrôles chez le médecin (arrêt U 393/05 du 27 avril 2006 consid. 8.2.4). En outre, l’aspect temporel n’est pas seul décisif; sont également à prendre en considération la nature et l’intensité du traitement, et si l’on peut en attendre une amélioration de l’état de santé de l’assuré. La prise de médicaments antalgiques et la prescription de traitements par manipulations même pendant une certaine durée ne suffisent pas à fonder ce critère (arrêt 8C_1007/2012 consid. 5.4.3 et les arrêts cités).

En l’espèce, l’assuré a été hospitalisé du 7 au 12 septembre 2006, à la suite de quoi il a bénéficié de séances de physiothérapie, associées à une médication antalgique, ce qui ne constitue pas un traitement particulièrement pénible et invasif. Il a séjourné à la Clinique D.__ du 29 août au 7 septembre 2007 pour un bilan pluridisciplinaire et a subi une intervention chirurgicale le 11 juin 2009, laquelle n’a toutefois pas nécessité une longue convalescence. Ces éléments ne suffisent pas pour conclure à une durée anormalement longue des soins médicaux. Le suivi médical psychique n’est pas décisif, dès lors que l’examen des critères applicables en cas de troubles psychiques consécutifs à un accident se fait précisément en excluant les aspects psychiques.

 

Degré et de la durée de l’incapacité de travail

Des éléments médicaux au dossier, on peut déduire que l’incapacité de travail attestée n’est pas uniquement due à des atteintes somatiques. Dans ces conditions, il n’est pas possible de retenir que le critère du degré et de la durée de l’incapacité de travail due aux seules lésions physiques est réalisé.

 

Douleurs physiques persistantes

Les douleurs physiques persistantes doivent être relativisées étant donné que les troubles psychiques ont exercé très tôt une influence prépondérante sur l’état de l’assuré. Même en admettant la réalisation de ce critère, il ne revêt pas à lui seul une intensité suffisante pour que l’événement accidentel, classé dans la catégorie des accidents de gravité moyenne, apparaisse propre à entraîner une atteinte psychique.

 

Les autres critères

On ne peut pas parler de lésions physiques d’une gravité ou d’une nature particulière telles qu’elles sont propres, selon l’expérience, à entraîner des troubles psychiques (pour un rappel de la casuistique où ce critère a été admis voir le consid. 6.2 de l’arrêt 8C_398/2012 précité). On ne voit pas non plus que le phénomène de boiterie et les douleurs aux genoux et au poignet résulteraient de complications importantes. Enfin, le fait que l’opération d’excision des fragments de verre n’est intervenue qu’en 2009 n’est pas l’indice d’une erreur médicale, comme le laisse entendre l’assuré.

 

Le TF rejette le recours de l’assureur-accidents, annule le jugement cantonal et renvoie la cause à la Cour des assurances du Tribunal cantonal vaudois.

 

 

Arrêt 8C_804/2014 consultable ici : http://bit.ly/1PJ3O5n

 

 

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