Arrêt du Tribunal fédéral 8C_252/2012 (f) du 30.11.2012
Consultable ici : http://bit.ly/1UYeFql
Accident en état d’ébriété, avec drogues (cannabis, lidocaïne, atropine et midazolam), sans ceinture de sécurité, vitesse inadaptée
Assuré décédé – réduction pour délits – 37 al. 3 LAA
Taux d’alcoolémie moyen à retenir – Rappel de la jurisprudence
Réduction prestations survivants conforme au droit international
Faits
Assuré victime d’un accident de la circulation le 17.04.2010, placé dans un coma médicamenteux. En raison de la mort cérébrale du patient, les médecins ont coupé le soutien ventilatoire de l’assuré qui est décédé le 05.05.2010.
Du rapport de police, il ressort que l’assuré circulait en état d’ébriété, seul à bord de son automobile sur une route sèche, sans avoir attaché sa ceinture de sécurité. Il a perdu la maîtrise de son véhicule qui roulait à une vitesse inadaptée au tracé de la route. Une expertise toxicologique des échantillons d’urine et de sang prélevés le jour même a révélé la présence de cannabis et d’éthanol (taux compris entre 1,05 et 2,22 g pour mille au moment de l’événement). En outre, des substances telles que la lidocaïne, l’atropine et le midazolam ont été mises également en évidence dans les échantillons biologiques. Dans un rapport complémentaire du 04.06.2010, la gendarmerie a conclu à une faute dans la conduite d’un véhicule automobile, au motif que le conducteur était incapable de conduire en raison de la consommation de stupéfiants.
L’assureur LAA rend une décision le 25.06.2010, tenant compte d’une réduciton de 50% en raison de la gravité des infractions commises par l’assuré (conduite en état d’ébriété, défaut du port de la ceinture de sécurité et vitesse inadaptée aux circonstances, ainsi qu’aux conditions de la route, de la circulation et de la visibilité).
Par jugement du 09.02.2012, la juridiction genevoise a partiellement admis le recours et a fixé à 40% la réduction des prestations allouées aux survivants. Taux de réduction confirmé par le TF.
Art. 37 al. 3 LAA et 21 LPGA
L’art. 37 al. 3 LAA contient une double dérogation à l’art. 21 LPGA. En premier lieu, la LAA permet une réduction des prestations allouées à l’assuré ou aux survivants en cas de crime ou de délit non intentionnel. En second lieu, quand l’assuré décédé a lui-même commis un crime ou un délit, les prestations en espèces pour les survivants peuvent être réduites de moitié au plus (voir ATF 134 V 277 consid. 2.4 p. 280). Ces dérogations à la LPGA ont été voulues par le législateur, qui entendait maintenir le régime des sanctions instauré par l’ancien art. 37 al. 3 LAA. Par ces dérogations, il avait en vue, principalement, les accidents causés par un conducteur pris de boisson. Cette intention ressort de manière non équivoque du rapport de la Commission du Conseil national de la sécurité sociale et de la santé du 26 mars 1999 (FF 1999 p. 4168). A ce sujet, en effet, la commission s’est exprimée en ces termes (p. 4346; cf. aussi ATF 134 V 277 consid. 3.3 p. 282):
« L’art. 37, al. 3, LAA règle la réduction en cas d’accident en relation avec la commission d’un délit ou d’une infraction. Cette disposition s’écarte de plusieurs manières de l’art. 27 LPGA: d’une part, elle couvre également les cas survenant en présence d’un délit commis par négligence et, d’autre part, les réductions prévues touchent également les proches. Le principal cas d’application est la conduite en état d’ébriété » (cf. aussi ATF 134 V 277 consid. 3.3 p. 282).
Taux de réduction en cas d’alcoolémie
Avant l’entrée en vigueur (le 01.01.2005) du nouvel art. 91 al. 1 LCR, l’ancien Tribunal fédéral des assurances avait maintes fois confirmé la pratique des assureurs-accidents, notamment la Caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accidents, qui faisait dépendre le taux de réduction du degré d’alcoolémie selon l’échelle suivante: entre 0,8 et 1,2‰, la réduction est de 20% ; elle augmente de 10% pour chaque 0,4‰ d’alcoolémie supplémentaire (ATF 120 V 224 consid. 4c p. 231; RAMA 1996, no U 263 p. 284 consid. 4, 1995 no U 208 p. 24 consid 3a). L’abaissement du taux limite d’alcoolémie à 0,5 gramme pour mille n’a pas modifié cette pratique et la jurisprudence rendue à son propos reste donc valable (Jean-Maurice Frésard/Margit Moser-Szeless, L’assurance-accidents obligatoire, in: Soziale Sicherheit, SBVR. vol. XIV, n° 314 p. 935).
Réduction selon 37 al. 3 LAA et conventions internationales
S’agissant d’un accident non professionnel, les conventions internationales ne sont pas applicables (Convention OIT n° 128 et Code Européen de Sécurité sociale).
Réduction des prestations de survivants selon 37 al. 3 LAA
Une sévérité moindre ne se justifie pas. Si l’assuré doit pourvoir à l’entretien de proches auxquels son décès ouvrirait droit à une rente de survivant ou s’il décède des suites de l’accident, les prestations ne peuvent être réduites que de moitié au plus. Il s’agit d’un privilège dit « pour proches » en ce sens que la réduction ne peut dépasser la moitié, lors même que la gravité de la faute aurait justifié un refus de prestations ou une réduction supérieure à ce taux (Ghélew/Ramelet/Ritter, Commentaire de la loi sur l’assurance-accidents [LAA], Lausanne 1992, p. 147 s.). Sous cet angle, il est déjà tenu compte du fait que les survivants ne sont pas à l’origine du comportement délictueux.
Taux d’alcoolémie – prise en compte du taux moyen
L’existence d’un écart entre l’alcoolémie minimale et maximale est inhérent au système, la prise de sang ne pouvant forcément qu’être effectuée un certain temps après le moment déterminant. Selon la jurisprudence rendue en matière pénale, lorsque l’analyse de sang a pu être effectuée à satisfaction scientifique, le juge ne saurait s’en écarter. En particulier, il est tenu de respecter le cadre défini par l’analyse, autrement dit les valeurs minimale et maximale d’alcoolémie qu’elle fixe. En revanche, aucune disposition légale n’impose en elle-même au juge de retenir l’alcoolémie la plus faible mentionnée dans l’analyse (cf. ATF 129 IV 290 consid. 2.7 p. 295). Quand il s’agit de fixer le taux d’alcoolémie de l’assuré en matière de réduction des prestations il est admissible de se fonder sur un taux moyen, en l’absence d’indications plus précises, notamment d’éléments de fait ressortant d’un jugement pénal (cf. arrêt U 394/05 du 10 novembre 2006 consid. 3.3).
Arrêt 8C_252/2012 consultable ici : http://bit.ly/1UYeFql