8C_317/2014 (f) du 27.04.2015 – Entreprise téméraire confirmée – assuré qui chute d’un balcon situé au 3ème étage

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_317/2014 (f) du 27.04.2015

 

Consultable ici : http://bit.ly/1BSrg4g

 

Entreprise téméraire confirmée / 39 LAA – 50 OLAA

Assuré qui chute d’un balcon situé au 3ème étage

 

Le 16.01.2013, après 23h00, un assuré, né en 1973, a chuté du balcon d’un appartement situé au troisième étage d’un immeuble, d’une hauteur d’environ six à neuf mètres. Il a subi un polytraumatisme sévère avec des fractures multiples et un traumatisme cranio-cérébral.

De ses premières déclaration écrites, puis orales, l’assuré a déclaré ne pas connaître les raisons de sa chute et expliqué qu’il était seul sur le balcon lorsqu’il est tombé. L’assuré n’a pas pu être questionné immédiatement par les agents de police.

La personne habitant l’appartement du balcon duquel l’assuré avait chuté a été interrogée par le gestionnaire du dossier LAA le 12.06.2013. Cette personne a indiqué que le soir des faits, elle travaillait au café situé au rez-de-chaussée de son immeuble, que Dame E. était présente et qu’à son arrivée au café, l’assuré avait demandé à cette dernière à pouvoir lui parler dans un endroit plus tranquille. La personne interrogée leur avait alors proposé de se rendre dans son appartement situé au-dessus de l’établissement, au 3ème étage. A la fin de son service, elle les avait rejoints et avait voulu leur offrir un verre mais avait eu le sentiment que l’assuré était contrarié par sa présence. Rapidement, ce dernier avait annoncé qu’il partait. Il s’était levé et après un bref instant, elle s’était rendu compte qu’il n’avait pas pris la direction de la porte d’entrée mais était passé par la cuisine. Lorsqu’elle s’y était elle-même rendue, elle s’était aperçue qu’il avait pris le chemin du balcon où elle l’avait trouvé suspendu à l’extérieur, les deux pieds dans le vide (des photos du balcon indiquant la position des mains du recourant sous la partie supérieure de la rambarde étaient annexées au rapport de l’assureur LAA). Avec Dame E., elle avait essayé en vain de le hisser mais il était tombé sur la terrasse du café.

D’un nouvel entretien avec le gestionnaire de dossier du 04.07.2013, l’assuré a déclaré être incapable d’expliquer comment il s’était retrouvé suspendu à l’extérieur du balcon avec les deux pieds dans le vide, ni les raisons l’ayant poussé à le faire. Il a admis avoir été sous l’influence de l’alcool le soir des faits mais certainement pas au point de n’avoir pas conscience de ses actes parce qu’il se souvenait avoir bu en compagnie de Dame E. une bouteille et deux ou trois bières avant d’arriver sur les lieux.

Décision du 30.07.2013, confirmée sur opposition le 10.10.2013 : réduction des prestations en espèces de 50% en raison du caractère téméraire de l’entreprise à l’origine de l’accident.

 

Procédure cantonale

L’intervention d’un tiers ayant été exclue après enquête, les juges cantonaux ont retenu que le recourant avait forcément dû franchir par lui-même la rambarde de sécurité du balcon dès lors qu’il n’était pas plausible, ni d’ailleurs possible, contrairement à ce qu’il soutenait, qu’il ait basculé par-dessus la balustrade à la suite d’un bref malaise, vu la hauteur de celle-ci. A supposer qu’il ait perdu conscience, même un bref instant, on ne voyait pas comment le recourant aurait pu se raccrocher au parapet, juste en-dessous de la partie supérieure de la rambarde.

Par jugement du 21.03.2014, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Fondé sur la norme de délégation de compétence de l’art. 39 LAA, l’art. 50 OLAA prévoit qu’en cas d’accidents non professionnels dus à une entreprise téméraire, les prestations en espèces sont réduites de moitié; elles sont refusées dans les cas particulièrement graves (al. 1); les entreprises téméraires sont celles par lesquelles l’assuré s’expose à un danger particulièrement grave sans prendre de mesures destinées à ramener celui-ci à des proportions raisonnables ou sans pouvoir prendre de telles mesures; toutefois, le sauvetage d’une personne est couvert par l’assurance même s’il peut être considéré comme une entreprise téméraire (al. 2).

La jurisprudence qualifie d’entreprises téméraires absolues celles qui, indépendamment de l’instruction, de la préparation, de l’équipement et des aptitudes de l’assuré, comportent des risques particulièrement importants, même si elles sont pratiquées dans les conditions les moins défavorables. Il en va de même des activités risquées dont la pratique ne répond à aucun intérêt digne de protection (ATF 138 V 522 consid. 3.1 p. 524; SVR 2007 UV n° 4 p. 10 [U 122/06] consid. 2.1). Tel est le cas, par exemple, de la participation à une course automobile de côte ou en circuit (ATF 113 V 222; 112 V 44), à une compétition de motocross (RAMA 1991 n° U 127 p. 221 [U 5/90]), à un combat de boxe ou de boxe thaï (RAMA 2005 n° U 552 p. 306 [U 336/04]), ou encore, faute de tout intérêt digne de protection, de l’action de briser un verre en le serrant dans sa main (SVR 2007 UV n° 4 p. 10 [U 122/06] consid. 2.1).

D’autres activités non dénuées d’intérêt comportent des risques élevés, qui peuvent être limités, toutefois, à un niveau admissible si l’assuré remplit certaines exigences sur le plan des aptitudes personnelles, du caractère et de la préparation. A défaut, l’activité est qualifiée de téméraire et l’assurance-accidents est en droit de réduire ses prestations conformément aux art. 39 LAA et 50 OLAA. On parle dans ce cas d’une entreprise téméraire relative, en ce sens que le refus ou la réduction des prestations dépend du point de savoir si l’assuré était apte à l’exercer et a pris les précautions nécessaires pour limiter les risques à un niveau admissible (ATF 138 V 522 consid. 3.1 p. 524). Peuvent constituer des entreprises téméraires relatives le canyoning (ATF 125 V 312), la plongée, y compris la plongée spéléologique dans une source (ATF 96 V 100), l’alpinisme et la varappe (ATF 97 V 72, 86), ou encore le vol delta (ATF 104 V 19). Selon le degré de difficulté et le niveau de risque dans un cas particulier, il n’est pas exclu de qualifier l’une ou l’autre de ces activités d’entreprise téméraire absolue (cf. SVR 2007 UV n° 4 p. 10 [U 122/06] consid. 2.2).

Les circonstances de la chute n’ont pas été clairement établies. Bien que l’assuré ne se souvienne plus du déroulement des faits au moment de l’accident, il a déclaré ne pas avoir été alcoolisé au point de ne plus savoir ce qu’il faisait ce soir-là. Il est par ailleurs établi qu’il a été retrouvé suspendu au parapet du balcon avec les deux pieds dans le vide juste avant de chuter. Cette circonstance plaide en défaveur d’un état d’inconscience au moment des faits. L’hypothèse selon laquelle il aurait eu un bref malaise en s’appuyant sur la rambarde du balcon, le faisant basculer dans le vide avant qu’il ne se raccroche au parapet, apparaît dès lors peu ou pas vraisemblable. Quoi qu’il en soit, pour admettre une telle éventualité, il aurait fallu que l’assuré fût déjà dans une position dangereuse, à savoir largement penché par-dessus la balustrade du balcon. En excluant toute perte de conscience de l’assuré avant la chute, on ne peut que conclure, en se conformant à la règle du degré de vraisemblance prépondérante appliquée généralement à l’appréciation des preuves dans l’assurance sociale (ATF 129 V 177 consid. 3.1 p. 181), que ce dernier a délibérément franchi la balustrade du balcon, s’exposant ainsi à un danger particulièrement important, de sorte que la chute est la conséquence d’un comportement téméraire.

Le TF rejette le recours de l’assuré, confirmant la réduction de 50% pour entreprise téméraire.

 

 

Arrêt 8C_317/2014 consultable ici : http://bit.ly/1BSrg4g

 

 

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