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8C_846/2014 (f) du 23.04.2015 – Causalité naturelle en cas de lésion assimilée – 6 LAA – 9 al. 2 OLAA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_846/2014 (f) du 23.04.2015

 

Consultable ici : http://bit.ly/1IvgHJ7

 

Lésion assimilée / 9 al. 2 OLAA

Causalité naturelle en cas de lésion assimilée

 

Assuré, travaillant comme chef de cuisine dans un EMS, depuis 1984, est victime d’un accident de la circulation le 26.11.2011. Selon le rapport médical initial du 13.01.2012, il est retenu une « contusion en regard de la coiffe des rotateurs » de l’épaule droite. Une IRM de l’épaule droite est réalisée le 09.12.2011, objectivant une rupture complète avec rétraction du tendon du sus-épineux, subtotale du tendon du sous-scapulaire et au niveau de la jonction tendino-musculaire du sous-épineux avec ascension de la tête et conflit sous-acromial, un important œdème spongieux de la tête, en rapport avec une importante contusion osseuse considérant le traumatisme, un remaniement sévère de l’articulation acromio-claviculaire, probablement mixte sur ostéo-arthropathie dégénérative (amyloïde ?) préexistante décompensée par le traumatisme, un épanchement articulaire et de la bourse sous-acromio-sous-deltoïdienne et une amyotrophie musculaire touchant essentiellement le sus-épineux et le sous-épineux.

Le spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur et médecin traitant atteste, le 21.12.2011, un état dégénératif préexistant au membre supérieur droit. Sur le vu de l’entier du dossier, le médecin-conseil de l’assureur-accidents indique que l’incapacité de travail sera encore due à l’accident jusqu’à « fin mars – fin mai ». L’orthopédiste-traitant mentionne, sur demande du médecin-conseil, que sur le plan de la causalité naturelle, au vu de sa chute à moto, d’un état antérieur important, le cas peut être accepté comme suites de l’accident durant quatre mois. L’orthopédiste-traitant estime que l’on peut stopper la causalité au 31.03.2012, date du statu quo sine, date au-delà de laquelle, la persistance de la symptomatologie est en rapport de causalité avec l’état antérieur.

Décision du 06.12.2012, confirmée sur opposition le 29.01.2013 : le lien de causalité entre les troubles persistant et l’accident du 26 novembre 2011 n’est plus retenu au-delà du 31.03.2012.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 22/13 – 90/2014 – consultable ici : http://bit.ly/1JJUjgK)

Se fondant sur les résultats de l’IRM du 9 décembre 2011, ainsi que sur l’avis de l’orthopédiste-traitant, la Cour cantonale considère que la déchirure de la coiffe des rotateurs a une origine exclusivement dégénérative, de sorte qu’elle ne peut pas être considérée comme une lésion assimilée à un accident, l’événement du 26.11.2011 ayant simplement « déclenché les symptômes mais pas la lésion ».

Par arrêt du 01.09.2014, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Les lésions mentionnées à l’art. 9 al. 2 OLAA, dont font partie les ruptures de la coiffe des rotateurs (let. f), sont assimilées à un accident même si elles ont, pour l’essentiel, une origine vraisemblablement maladive ou dégénérative, pour autant qu’une cause extérieure ait, au moins, déclenché les symptômes dont souffre l’assuré (ATF 139 V 327 consid. 3.1 p. 328 et les références).

Le droit aux prestations pour une lésion assimilée à un accident prend fin lorsque le retour à un statu quo ante ou à un statu quo sine est établi, c’est-à-dire lorsque l’état de santé est similaire à celui qui existait immédiatement avant l’accident ou à celui qui serait survenu même sans l’accident par la suite d’un développement ordinaire. Toutefois, de telles lésions seront assimilées à un accident aussi longtemps que leur origine maladive ou dégénérative, à l’exclusion d’une origine accidentelle, n’est pas clairement établie. On ne se fondera donc pas simplement sur le degré de vraisemblance prépondérante pour admettre l’évolution d’une telle atteinte vers un statu quo sine (cf. arrêt 8C_578/2013 du 13 août 2014 consid. 2.2 et les références).

L’assuré soutient que son orthopédiste-traitant ne fait état d’aucun élément concret propre à démontrer que sans l’accident, l’atteinte préexistante aurait aussi entraîné une incapacité de travail dès le mois d’avril 2012. L’assuré est en outre d’avis que rien ne permet de retenir qu’au-delà du 31.03.2012, son incapacité de travail était due exclusivement à la prétendue atteinte dégénérative de l’épaule droite.

Le Tribunal fédéral rappelle que la rupture de la coiffe des rotateurs est assimilée à un accident même si elle a une origine maladive ou dégénérative, pour autant qu’une cause extérieure ait, au moins, déclenché les symptômes dont souffre l’assuré. Selon le TF, les rapports médicaux sur lesquels s’est fondée la Cour cantonale ne sont pas clairs et pas motivés en ce qui concerne le lien de causalité entre l’accident et les troubles de l’assuré. Les avis des médecins ne contiennent pas d’éléments suffisants permettant de considérer qu’à partir du 31.03.2012, les troubles n’avaient qu’une origine maladive.

Le TF admet le recours de l’assuré, annule le jugement cantonal et renvoie la cause à l’assureur-accidents pour mise en œuvre d’une expertise.

 

 

Arrêt 8C_846/2014 consultable ici : http://bit.ly/1IvgHJ7

 

 

8C_399/2014 (f) du 22.05.2015 – Lésion assimilée à un accident niée – mouvement de serrage d’un écrou

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_399/2014 (f) du 22.05.2015

 

Consultable ici : http://bit.ly/1HTV2I3

 

Lésion assimilée à un accident niée / 9 al. 2 OLAA

Mouvement de serrage d’un écrou réalisé par un agriculteur

 

Assuré, né en 1978, travaille comme chauffeur-livreur à 50%, le solde étant consacré à l’activité d’agriculteur au service de son père. Le 07.09.2012, l’assuré est victime d’une déchirure musculaire à l’épaule gauche en serrant un écrou avec une clef de 19 mm. Diagnostic posé par le premier médecin consulté : déchirure du muscle grand pectoral gauche. Par la suite, il est fait état d’une tendinopathie du long chef biceps gauche.

Questionnaire rempli et signé par l’assuré le 30.10.2012 : il a répondu affirmativement aux questions de savoir s’il s’agissait d’une activité habituelle (question n° 2) et si cette activité s’était déroulée dans des conditions normales (question n° 3). En outre, il a répondu négativement à la question (n° 4) de savoir s’il s’était produit quelque chose de particulier (chute, heurt, glissade, etc.).

Refus de l’assureur LAA d’intervenir, motif pris qu’il ne s’agissait ni d’un accident ni d’une lésion corporelle assimilée à un accident (décision du 20.11.2012, confirmée sur opposition le 10.01.2013).

 

Procédure cantonale

Dans le mémoire de recours, l’assuré a indiqué qu’il était occupé, en compagnie de son père, à changer une courroie sur un séchoir fixé sur le sol de la grange. L’écrou de 19 mm était situé à l’arrière de la machine, en bas, dans un endroit très difficile d’accès, parce que l’espace situé entre le mur de la grange et la machine était très réduit et que l’écrou se trouvait précisément du côté du mur. C’est donc dans une position singulière, avec un bras tendu vers le bas, dans un espace restreint, qu’il avait fourni un effort considérable, à l’origine d’un déboitement du bras, lequel avait dû être soulevé à l’aide du membre valide. La cour cantonale a considéré que cette description apparaît comme un complément aux premières informations consignées dans le questionnaire.

Par jugement du 07.05.2014, la Cour des affaires de langue française du Tribunal administratif du canton de Berne a annulé la décision sur opposition attaquée et a transmis le dossier à Generali pour qu’elle fixe les prestations dues à l’intéressé au titre de la prise en charge des lésions corporelles assimilées à un accident.

 

TF

La notion de lésion assimilée à un accident a pour but d’éviter, au profit de l’assuré, la distinction souvent difficile entre maladie et accident. Aussi, les assureurs-accidents LAA doivent-ils assumer un risque qui, en raison de la distinction précitée, devrait en principe être couvert par l’assurance-maladie. Les lésions mentionnées à l’art. 9 al. 2 OLAA sont assimilées à un accident même si elles ont, pour l’essentiel, une origine vraisemblablement maladive ou dégénérative, pour autant qu’une cause extérieure ait, au moins, déclenché les symptômes dont souffre l’assuré (ATF 129 V 466; 123 V 43 consid. 2b p. 44; 116 V 145 consid. 2c p. 147; 114 V 298 consid. 3c p. 301).

A l’exception du caractère extraordinaire de la cause extérieure, toutes les autres conditions constitutives de la notion d’accident mentionnées à l’art. 4 LPGA doivent être réalisées (ATF 129 V 466 consid. 2.2 p. 467). Le facteur doit être extérieur en ce sens qu’il doit s’agir d’une cause externe et non interne au corps humain. La notion de cause extérieure présuppose qu’un événement générant un risque de lésion accru survienne (cf. JEAN-MAURICE FRÉSARD/MARGIT MOSER-SZELESS, L’Assurance-accidents obligatoire, in: Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Soziale Sicherheit, 2 ème éd., p. 859 n. 66 et p. 875 n. 104), comme lorsqu’un geste quotidien entraîne une sollicitation du corps plus élevée que ce qui est physiologiquement normal et psychologiquement contrôlé. C’est le cas notamment lors de la survenance d’une circonstance qui rend incontrôlable un geste de la vie courante, comme un accès de colère au cours duquel une personne effectue un mouvement violent non maîtrisé (ATF 139 V 327 consid. 3.3.1 p. 329) ou lors de changements de position du corps, qui sont fréquemment de nature à provoquer des lésions corporelles selon les constatations de la médecine des accidents (brusque redressement du corps à partir de la position accroupie, le fait d’accomplir un mouvement violent ou en étant lourdement chargé, ou le changement de position corporelle de manière incontrôlée sous l’influence de phénomènes extérieurs; ATF 129 V 466 consid. 4.2.2 p. 470; arrêt 8C_949/2010 du 1 er décembre 2011 consid. 4.3.2.1).

En droit des assurances sociales, s’applique de manière générale la règle dite des « premières déclarations ou des déclarations de la première heure », selon laquelle, en présence de deux versions différentes et contradictoires d’un fait, la préférence doit être accordée à celle que l’assuré a donnée alors qu’il en ignorait peut-être les conséquences juridiques, les explications nouvelles pouvant être consciemment ou non le fruit de réflexions ultérieures (ATF 121 V 45 consid. 2a p. 47; arrêt 8C_873/2014 du 13 avril 2015 consid. 4.2.1).

Selon le Tribunal fédéral, même si les allégations contenues dans le recours doivent être considérées comme un simple complément aux premières informations consignées dans la déclaration d’accident et le questionnaire, le déroulement de l’événement en cause ne permet pas de conclure à l’existence d’une cause extérieure générant un risque de lésion accru. Même en considérant comme établi le fait que les conditions spatiales étaient peu adaptées à l’activité déployée, celle-ci n’a pas été influencée par la survenance d’une circonstance rendant incontrôlable un geste qu’un agriculteur est fréquemment appelé à accomplir dans le cadre de son activité. En particulier, il est constant en l’espèce que ce geste n’a pas été effectué dans une position instable susceptible d’entraîner un mouvement violent non maîtrisé. En outre, il n’est pas non plus question d’un changement de position du corps brusque ou incontrôlé, apte à provoquer une lésion corporelle selon les constatations de la médecine des accidents. Par ailleurs, si le geste de desserrer un écrou bloqué peut, en raison de la résistance présentée, entraîner une sollicitation générant une tension musculaire élevée, un mouvement de serrage n’excède en principe pas ce qui est physiologiquement normal et psychologiquement contrôlé dans les gestes de la vie courante. Or, en l’occurrence, la taille de l’écrou et de la clef utilisée ne suffisent pas pour admettre que le mouvement de serrage engendrait un risque accru de lésion.

Ainsi, l’existence d’un facteur extérieur doit être niée et l’assureur LAA était fondée à refuser d’allouer des prestations d’assurance pour les suites de l’événement du 07.09.2012.

Le TF admet le recours de l’assurance LAA, annule le jugement cantonal et confirme la décision sur opposition du 10.01.2013.

 

 

Arrêt 8C_399/2014 consultable ici : http://bit.ly/1HTV2I3