8C_394/2025 (f) du 10.11.2025 – Aptitude au placement et autorisation de travail – Autorisation de séjour de courte durée (permis L) non renouvelée / 8 al. 1 LACI – 15 al. 1 LACI – 32 LEI – 38 al. 1 LEI

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_394/2025 (f) du 10.11.2025

 

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Aptitude au placement et autorisation de travail – Autorisation de séjour de courte durée (permis L) non renouvelée / 8 al. 1 LACI – 15 al. 1 LACI – 32 LEI – 38 al. 1 LEI – 54 OASA – 59 al. 2 OASA

 

Résumé
Le Tribunal fédéral a confirmé qu’en l’absence d’autorisation de séjour et de travail valable, et sans perspective concrète d’obtention d’un nouveau permis L, l’assuré ne pouvait être considéré comme apte au placement au sens de la LACI. Sa demande de prolongation de permis ne lui conférait aucun droit de séjour ni de travail, dès lors que l’art. 59 OASA ne s’applique pas aux titulaires d’un permis L.

 

Faits
Assuré, ressortissant étranger, titulaire d’un master en théologie obtenu à l’Université catholique de B.__, est arrivé en Suisse le 17.09.2017. Il y a obtenu en septembre 2021 un doctorat en théologie morale et science religieuse, avec une spécialisation en éthique et écologie. Après avoir travaillé de manière temporaire comme assistant pastoral de 2019 à 2021, il a été engagé dès le 01.12.2021 comme prêtre par la C.__ et a obtenu à ce titre une autorisation de séjour de courte durée (permis L) valable jusqu’au 19.12.2022. Le 26.09.2022, il a sollicité la prolongation de son permis auprès du Service de la population.

Le 25.01.2023, la C.__ a résilié son contrat de travail avec effet au 30.04.2023, le délai de congé ayant ensuite été prolongé jusqu’au 31.07.2023 en raison d’une incapacité de travail. L’assureur perte de gain de son employeur lui a versé des indemnités journalières jusqu’au 19.10.2023. Le 03.11.2023, il s’est inscrit à l’Office régional de placement (ORP) comme demandeur d’emploi et a demandé les indemnités de chômage à partir de cette date.

Le 04.12.2023, la Direction générale de l’emploi et du marché du travail (DGEM) a saisi la Direction de la surveillance du marché du travail (DISMAT) afin de déterminer si l’assuré disposait encore d’une autorisation de séjour et de travail en Suisse. La DISMAT a indiqué que le dossier était à l’examen, précisant qu’il n’avait plus le droit de travailler depuis le 20.12.2022, et a émis un préavis négatif à ce sujet.

Après avoir invité l’assuré à se déterminer, la DGEM a rendu une décision le 14.12.2023, le déclarant inapte au placement dès le 03.11.2023 en raison de l’absence d’autorisation de travail. L’assuré a formé opposition, considérant que son permis aurait dû être prolongé jusqu’au 19.12.2023 au moins, dès lors qu’il en remplissait les conditions et qu’une procédure restait pendante auprès du Service de la population. L’opposition a été rejetée le 15.03.2024.

 

Procédure cantonale (arrêt ACH 62/24 – 79/2025 – consultable ici)

Par jugement du 26.05.2025, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3
L’assuré n’a droit à l’indemnité de chômage que s’il est apte au placement (art. 8 al. 1 let. f LACI). Selon l’art. 15 al. 1 LACI, est réputé apte à être placé le chômeur qui est disposé à accepter un travail convenable et à participer à des mesures d’intégration et qui est en mesure et en droit de le faire.

L’aptitude au placement suppose, logiquement, que l’intéressé soit au bénéfice d’une autorisation de travail qui lui permette, le cas échéant, d’accepter l’offre d’un employeur potentiel. À défaut d’une telle autorisation, il s’agit de déterminer – de manière prospective, sur la base des faits tels qu’ils se sont déroulés jusqu’au moment de la décision sur opposition (ATF 143 V 168 consid. 2; 120 V 385 consid. 2) – si l’assuré, ressortissant étranger, pouvait ou non compter sur l’obtention d’une autorisation de travail eu égard à sa situation concrète (voir arrêt 8C_581/2018 du 25 janvier 2019 consid. 2.2; THOMAS NUSSBAUMER, Arbeitslosenversicherung, in Soziale Sicherheit, SBVR vol. XIV, 3e éd. 2016, p. 2347 n° 269; BORIS RUBIN, Assurance-chômage et service public de l’emploi, 2019, p. 51 n° 234).

Consid. 4 [résumé]
Les juges cantonaux ont examiné la situation de l’assuré à l’aune des dispositions de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration (RS 142.20; LEI), l’assuré n’étant ressortissant ni de l’UE ni de l’AELE et que son statut n’était pas réglé par d’autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 2 LEI).

Ils ont retenu que son autorisation de séjour de courte durée (permis L), valable jusqu’au 19.12.2022 et liée à son emploi de prêtre auprès de la C.__, avait perdu effet après la résiliation de son contrat, conformément à l’art. 38 al. 1 LEI. La C.__ avait d’ailleurs retiré la demande de prolongation du permis.

Compte tenu de sa situation personnelle et des conditions légales d’admission prévues par l’art. 21 al. 1 LEI, les juges cantonaux ont considéré que l’assuré ne pouvait raisonnablement compter sur l’octroi d’une nouvelle autorisation. La DISMAT avait en outre rendu un avis négatif quant à son droit de travailler, et le Service de la population avait refusé toute autorisation de séjour par décision du 08.01.2024, confirmée sur opposition.

Consid. 5 [résumé]
L’assuré invoque de l’art. 59 al. 2 de l’ordonnance relative à l’admission, au séjour et à l’exercice d’une activité lucrative (RS 142.201; OASA), selon lequel une personne ayant déposé une demande de prolongation de son autorisation de séjour est autorisée à demeurer en Suisse pendant la procédure, tant qu’aucune autre décision n’a été rendue. Selon l’assuré, qui se réfère également à la jurisprudence rendue en relation avec cette disposition (arrêts 9C_522/2020 du 15 janvier 2021 consid. 5.2.1 et 2C_1154/2016 du 25 août 2017 consid. 2.3), l’étranger dispose d’un « droit procédural » de demeurer en Suisse pendant l’examen de sa demande.

Ayant déposé sa demande de prolongation le 26.09.2022 alors qu’il disposait encore d’un permis valable jusqu’au 19.12.2022 et d’un contrat de travail en vigueur, il estime être dans la situation visée par l’art. 59 al. 2 OASA et avoir pu légalement séjourner et travailler jusqu’à la décision du Service de la population. Selon lui, si l’autorité avait statué dans un délai raisonnable, une prolongation jusqu’au 19.12.2023 lui aurait été accordée, de sorte que son aptitude au placement aurait dû être reconnue.

Consid. 6
En l’occurrence, l’assuré méconnaît le fait que selon le renvoi contenu dans l’art. 59 OASA, cette disposition concerne uniquement la demande de prolongation de l’autorisation de séjour selon l’art. 33 LEI (permis B) et non pas celle de l’autorisation de courte durée selon l’art. 32 LEI (permis L). Or, il est constant que l’assuré a été mis au bénéfice d’un permis L. Il ne saurait donc déduire un droit de séjourner et de travailler en Suisse sur la base l’art. 59 al. 2 OASA en relation avec sa demande de prolongation du 26.09.2022.

Cela étant, c’est sans violation du droit fédéral que les juges cantonaux ont considéré que l’assuré ne pouvait pas s’attendre à obtenir un titre de séjour lui permettant de travailler au moment de son inscription au chômage jusqu’à la décision sur opposition du 15.03.2024. L’autorisation de courte durée, prolongeable jusqu’à une durée totale de deux ans, est accordée pour un séjour dont le but est déterminé (art. 32 LEI). Une nouvelle autorisation est requise si le but du séjour change (cf. art. 54 OASA). En outre, si les ressortissants de l’UE et de l’AELE conservent la qualité de travailleur et un droit de séjour en cas de perte involontaire de leur emploi pendant un certain temps (cf. art. 61a LEI), tel n’est pas le cas pour les ressortissants d’un État tiers. Ceux-ci n’ont pas un droit d’exercer une activité en Suisse, mais peuvent bénéficier d’une autorisation de travail sur demande de l’employeur aux conditions des art. 18 ss LEI. Or l’assuré, qui avait perdu son emploi auprès de la C.__, n’avait aucune autre perspective concrète d’emploi pour lequel il aurait pu être admis à séjourner et travailler en Suisse, étant souligné qu’il ne remplit pas les conditions permettant de bénéficier de la dérogation à l’ordre de priorité prévue à l’art. 21 al. 1 LEI.

Il s’ensuit que les juges cantonaux étaient fondés à confirmer l’inaptitude au placement de l’assuré dès le 03.11.2023, ce qui conduit au rejet du recours.

Consid. 7 (assistance judiciaire gratuite)
Au regard des motifs avancés dans le mémoire de recours, celui-ci apparaissait d’emblée dénué de chances de succès et la requête d’assistance judiciaire doit dès lors être rejetée. Le recourant doit par conséquent payer les frais judiciaires (cf. art. 66 al. 1 LTF) et ne peut pas prétendre à la prise en charge des honoraires de son avocat.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 8C_394/2025 consultable ici

 

 

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