Arrêt du Tribunal fédéral 9C_528/2025 (f) du 08.10.2025
Demande d’anonymisation totale de l’arrêt du Tribunal fédéral refusée / 59 al. 3 LTF – 60 RTF
Notoriété d’une partie vs intérêt public de rendre accessible le rubrum et le dispositif de l’arrêt
Résumé
Les héritiers de feu l’assuré avaient demandé l’anonymisation complète de l’arrêt du Tribunal fédéral afin d’éviter une atteinte à la personnalité et à la mémoire du défunt en raison de sa notoriété et du contenu financier du dossier. Le Tribunal fédéral a rejeté cette requête, rappelant que le principe de publicité des jugements prime sur l’intérêt privé, sauf en cas d’atteinte particulièrement grave, ce qui n’était pas démontré en l’espèce.
Faits
Assuré affilié en tant qu’indépendant auprès de la caisse de compensation. À la suite de communications fiscales rectificatives, la caisse avait rendu, le 24 juillet 2020, des décisions rectificatives de cotisations personnelles pour les années 2007 à 2015, fondées sur les données transmises par l’autorité cantonale de taxation. Le même jour, elle avait aussi rendu des décisions séparées octroyant des intérêts rémunératoires à l’assuré. Celui-ci avait formé opposition à l’ensemble des décisions, tant pour les cotisations arriérées que pour les intérêts moratoires y afférents. Par décision du 25 juillet 2024, la caisse a rejeté son opposition. L’assuré est décédé en 2024.
Procédure cantonale (arrêt ATAS/593/2025 [non disponible sur le site du tribunal cantonal])
Par jugement du 14.08.2025, admission partielle du recours (interjeté par la succession, ses exécuteurs testamentaires, la fiduciaire D.__ et l’administrateur de cette dernière) par le tribunal cantonal.
TF
Consid. 5.1
Les recourants demandent l’anonymisation totale de l’arrêt qui sera rendu, notamment par la suppression de toute mention ou élément permettant une identification directe ou indirecte de feu C.__. Alléguant que le présent recours s’inscrit dans une procédure comportant des informations sur la vie privée du prénommé ainsi que des données précises et chiffrées sur ses revenus et sa fortune, ils soutiennent qu’il existe un intérêt à ce qu’ils ne soient pas divulgués. En effet, la mise à la disposition du public de l’arrêt pendant les 30 jours à compter de sa notification exposerait son contenu à une médiatisation plus importante, compte tenu de la notoriété publique de feu C.__. Ils ajoutent qu’il existe un risque accru et réel de diffusion médiatique ou d’exploitation publique de données qui ne présentent aucun intérêt général, d’autant que la succession n’est pas encore terminée, causant ainsi une atteinte extrêmement grave à la personnalité et à la mémoire du défunt.
Consid. 5.2
Selon l’art. 59 al. 3 LTF complété par l’art. 60 RTF, les arrêts voient leur rubrum et leur dispositif, avec les noms des parties, mis à la disposition du public pendant 30 jours ouvrables à compter de leur notification au siège du Tribunal fédéral pour autant que la loi n’exige pas qu’ils soient rendus anonymes. L’art. 59 al. 3 LTF, qui concrétise le principe du prononcé public du jugement, revêt un intérêt public important (cf. ATF 133 I 106 consid. 8.2; arrêt 2C_443/2019 du 23 mai 2019 consid. 6.2). D’autres exceptions ne peuvent être admises que de manière très restrictive, lorsque le dispositif non anonymisé serait de nature à porter une atteinte particulièrement grave au droit de la personnalité (arrêts 2C_682/2023 du 29 août 2024 consid. 8.1; 9C_654/2022 du 31 octobre 2023 consid. 6.2; 2C_443/2019 du 23 mai 2019 consid. 6.2). Il appartient à celui qui demande l’anonymisation de justifier et de motiver sa requête (arrêt 1B_176/2019 du 17 septembre 2019 consid. 3).
Consid. 5.3
En l’espèce, la notoriété de feu C.__ ne suffit pas à considérer que le droit au respect de la personnalité et de la sphère privée du prénommé serait prépondérant à l’intérêt public de rendre accessible le rubrum et le dispositif du présent arrêt. Par ailleurs, si on admettait un tel intérêt en l’espèce, cela reviendrait à devoir anonymiser systématiquement tous les rubrums et dispositifs mis à la disposition du public dès qu’une personne ferait l’objet d’une attention particulière de la part des médias. Or la médiatisation ou non d’une affaire ne constitue pas un motif suffisant pour justifier l’anonymisation du rubrum et du dispositif. Par conséquent, les recourants ne démontrent pas l’existence d’une telle atteinte à la personnalité du défunt.
Le TF rejette le recours.
Arrêt 9C_528/2025 consultable ici