8C_517/2024 (f) du 28.08.2025 – Suicide, traitement médicamenteux (Citalopram et Dalmadorm) et capacité de discernement au moment de l’acte / 37 al. 1 LAA – 48 OLAA – 16 CC

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_517/2024 (f) du 28.08.2025

 

Consultable ici

 

Suicide, traitement médicamenteux (Citalopram et Dalmadorm) et capacité de discernement au moment de l’acte / 37 al. 1 LAA – 48 OLAA – 16 CC

Expertise judiciaire pharmacologique – Capacité de discernement ne peut être attestée que par un-e psychiatre

 

Résumé
Un assuré a été retrouvé pendu à son domicile peu après l’introduction d’un traitement antidépresseur au Citalopram. Son épouse et ses enfants soutenaient qu’il avait agi sans discernement en raison d’effets indésirables liés au médicament. Après avoir refusé ces prestations, l’assurance-accidents avait vu sa décision annulée par la juridiction cantonale, laquelle s’était fondée sur une expertise pharmacologique concluant à une altération significative du discernement de l’assuré.

Le Tribunal fédéral a jugé que cette expertise, d’ordre pharmacologique uniquement, ne suffisait pas à établir une incapacité totale de discernement au moment du passage à l’acte. Considérant que seul un psychiatre pouvait se prononcer sur ce point, il a estimé que l’instruction demeurait incomplète. L’arrêt cantonal a été annulé et la cause renvoyée pour mise en œuvre d’une expertise psychiatrique, puis nouvelle décision sur le droit éventuel aux prestations.

 

Faits
Assuré, né en 1974, marié et père de deux enfants nés en 2005 et 2010, travaillait comme délégué médical. Depuis 2015, il avait été suivi par un psychiatre pour une dépression, traitée par médicaments, avec une amélioration initiale suivie d’une rechute en novembre 2016. Le psychiatre traitant lui avait alors prescrit un traitement antidépresseur (Citalopram et Dalmadorm).

Le 25.11.2016, son épouse partie au travail et son fils aîné à l’école, l’assuré avait amené son fils cadet à l’école avant de rentrer à la maison pour travailler. À son retour du travail à 17h45, l’épouse avait découvert le corps de son époux, lequel s’était pendu dans un appentis de la cave de leur villa.

L’assurance-accidents avait mené des investigations, notamment en s’entretenant avec l’épouse du défunt, et recueilli les avis du psychiatre traitant et du psychiatre-conseil. Par décision du 13.07.2017, elle avait refusé toute prestation, hormis les frais funéraires, considérant que le décès résultait d’un acte volontaire.

La veuve et ses enfants, représentés par un avocat, avaient formé opposition, soutenant que l’assuré était dénué de discernement au moment de son suicide à la suite de la prise de l’antidépresseur Citalopram. Ils avaient en outre contesté la valeur du rapport du psychiatre-conseil, estimé incomplet, et requis une expertise psychiatrique externe. L’assurance-accidents avait rejeté l’opposition le 29.01.2018.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 44/18 – 84/2024 – consultable ici)

Saisi d’un recours, le tribunal cantonal avait ordonné une expertise pharmacologique confiée au Dr H.__, lequel avait conclu, dans son rapport du 29 décembre 2021, à une participation significative du Citalopram dans le geste suicidaire. Après la production des déterminations de l’assurance-accidents et du rapport de sa médecin-conseil, spécialiste en chirurgie générale et traumatologie, la juridiction cantonale avait, par arrêt du 18 juillet 2024, admis le recours, annulé la décision sur opposition et renvoyé la cause à l’assurance-accidents pour qu’elle fixe les prestations de survivants dues à la veuve et aux orphelins, tout en mettant les frais d’expertise, d’un montant de 3’000 francs, à la charge de l’assurance-accidents.

 

TF

Consid. 3.1
Il est établi que le décès de l’assuré était la conséquence d’un suicide. Est en revanche litigieuse la question de savoir si, au moment de l’acte, celui-ci était totalement incapable de se comporter raisonnablement, respectivement privé de sa capacité de discernement, sans faute de sa part.

Consid. 3.2
L’arrêt entrepris expose correctement les règles légales (art. 4 LPGA, 6 al. 1 et 37 al. 1 LAA, 48 OLAA) et la jurisprudence sur les conditions dans lesquelles les suites d’un suicide sont prises en charge par l’assurance-accidents; il suffit d’y renvoyer. Il rappelle à juste titre que le suicide comme tel n’est un accident assuré, conformément à l’art. 48 OLAA, que s’il a été commis dans un état d’incapacité de discernement au sens de l’art. 16 CC. Pour qu’un assureur-accident soit tenu de verser des prestations, il faut établir, au degré de la vraisemblance prépondérante, l’existence d’une maladie psychique ou d’un trouble sévère de la conscience. Cela implique la preuve de symptômes psychopathologiques tels que des idées délirantes, des hallucinations, un état de stupeur dépressif (état d’agitation aiguë avec tendance suicidaire), un raptus (état d’excitation soudaine en tant que symptôme d’un trouble psychique), ou autres manifestations similaires. Le motif de suicide ou de la tentative de suicide doit découler directement de cette symptomatologie psychiatrique. Autrement dit, l’acte ne doit pas seulement apparaître disproportionné mais insensé (arrêts 8C_791/2023 du 18 juin 2024 consid. 3.2; 8C_359/2021 du 7 juillet 2021 consid. 2.3; HANS KIND, Suizid oder « Unfall » ?, Die psychiatrischen Voraussetzungen für die Anwendung von Art. 48 UVV, RSAS 1993, p. 291). L’incapacité de discernement n’est donc pas appréciée dans l’abstrait, mais concrètement, par rapport à un acte déterminé, en fonction de sa nature et de son importance, les facultés requises devant exister au moment de l’acte (principe de la relativité du discernement; voir par exemple ATF 150 III 147 consid. 7.3).

Consid. 3.3
Pour établir l’absence de capacité de discernement, il ne suffit pas de considérer l’acte de suicide et, partant, d’examiner si cet acte est déraisonnable. Il convient bien plutôt d’examiner, compte tenu de l’ensemble des circonstances, en particulier du comportement et des conditions d’existence de l’assuré avant le suicide, s’il était raisonnablement en mesure d’éviter ou non de mettre fin ou de tenter de mettre fin à ses jours. Il n’y a pas lieu d’imposer des exigences strictes pour prouver l’incapacité de discernement; celle-ci est réputée établie lorsqu’un acte suicidaire motivé par des pulsions irrésistibles semble plus probable qu’un acte encore largement rationnel et volontaire (arrêt 8C_359/2021 du 7 juillet 2021 consid. 2.4 avec renvois).

Consid. 3.4
Celui qui prétend des prestations d’assurance doit, en cas de suicide ou de tentative de suicide, apporter la preuve de l’incapacité de discernement au moment de l’acte au sens de l’art. 16 CC (arrêts 8C_791/2023 du 18 juin 2024 consid. 3.4; 8C_359/2021 du 7 juillet 2021 consid. 2.5; 8C_662/2015 du 30 novembre 2015 consid. 3.2; RAMA 1996 n° U 247 p. 168 consid. 2a, 1988 n° U 55 p. 361 consid. 1b). Dans la procédure en matière d’assurance sociale, régie par le principe inquisitoire, les parties ne supportent pas le fardeau de l’administration des preuves. Les parties assument néanmoins le fardeau de la preuve en ce sens qu’elles supportent les conséquences de l’éventuelle absence de preuve des faits dont elles entendent déduire un droit. Cette règle de preuve ne s’applique toutefois que lorsqu’il est impossible, en se fondant sur l’appréciation des preuves recueillies conformément au principe inquisitoire, d’établir un état de fait qui apparaisse au moins vraisemblablement correspondre à la réalité (ATF 138 V 218 consid. 6; 117 V 261 consid. 3b).

Consid. 3.5
Les constatations relatives à l’état de santé mentale d’une personne, la nature et l’importance d’éventuels troubles de l’activité de l’esprit, le fait que la personne concernée pouvait se rendre compte des conséquences de ses actes et pouvait opposer sa propre volonté aux personnes cherchant à l’influencer, relèvent de l’établissement des faits. En revanche, la conclusion que le juge en a tirée quant à la capacité, ou non, d’agir raisonnablement relève du droit et le Tribunal fédéral la revoit librement (ATF 144 III 264 consid. 6.2.1; 124 III 5 consid. 4; 117 II 231 consid. 2c).

Consid. 3.6
On rappellera, s’agissant de la valeur probante d’une expertise judiciaire, que le juge ne s’écarte en principe pas sans motifs impérieux de ses conclusions (ATF 143 V 269 consid. 6.2.3.2; 125 V 351 consid. 3b/aa), la tâche de l’expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l’éclairer sur les aspects médicaux d’un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut notamment constituer une raison de s’écarter d’une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions ou qu’une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d’autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l’expert, on ne peut pas exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d’une nouvelle expertise médicale (ATF 135 V 465 consid. 4.4).

Consid. 4.1 [résumé]
La juridiction cantonale a constaté que l’assuré souffrait d’un trouble dépressif récurrent, dont les premiers signes remontaient à 2007. En avril 2015, devant l’aggravation des symptômes anxio-dépressifs, son médecin généraliste lui avait prescrit un traitement associant de la Paroxétine (Deroxat), du chlordiazepoxide (Tranxilium) et de l’oxazepam (Seresta). Ce traitement, ayant provoqué une aggravation de l’état et l’apparition d’une idéation suicidaire, avait été interrompu après deux semaines. L’assuré avait alors été adressé au Centre K.__ pour une décompensation anxieuse et dépressive avec idéation suicidaire; un traitement ambulatoire avait été instauré, posant les diagnostics de dysthymie et de trouble dépressif chronique de degré moyen. L’assuré avait bénéficié d’un arrêt de travail et du Tranxilium lui avait été prescrit, ce qui avait conduit à une amélioration de la symptomatologie.

À la suite de cet épisode, il avait été suivi par son psychiatre traitant, qui lui avait prescrit de l’agomélatine (Valdoxan) et de l’oxazepam (Seresta) en réserve, permettant une reprise de l’activité professionnelle. En novembre 2016, dans un contexte professionnel tendu et après l’aggravation progressive d’une humeur dépressive avec anxiété, insomnie et idées suicidaires, l’assuré avait consulté son psychiatre traitant le 21.11.2016. Celui-ci avait diagnostiqué un épisode dépressif moyen et prescrit du Citalopram et du Dalmadorm. Après avoir célébré sans incident l’anniversaire de son fils aîné le 23 novembre, l’assuré avait présenté dès le lendemain un état mélancolique marqué, associant mutisme, apathie, anorexie et retrait social. Le 25.11.2016, son épouse partie au travail, l’assuré avait accompagné son cadet à l’école comme convenu, étant prévu qu’il travaille ensuite depuis son domicile. Cependant, rentré à la maison, il avait mis fin à ses jours en se pendant avec une lanière en plastique dans un appentis de la cave de la maison familiale, sans laisser de message d’adieu.

Consid. 4.2.1 [résumé]
La juridiction cantonale a relevé que, selon l’expertise pharmacologique du docteur H.__, les antidépresseurs appartenant à la classe des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS), tels que le Citalopram, pouvaient provoquer chez certains patients dépressifs un passage à l’acte suicidaire. Ce risque survenait en particulier au début du traitement, lorsque l’activation psychique induite par le médicament apparaissait avant que ne s’améliorent l’humeur et les pensées dépressives, processus nécessitant plusieurs semaines. L’expert a expliqué que cette activation pouvait entraîner une tension intérieure, un sentiment d’inconfort, de l’anxiété, une agitation mentale, une impatience, des bouffées de panique ou de désespoir, voire une «envie impérieuse d’en finir à tout prix».

Il a ajouté que ce traitement induisait souvent une forme de détachement émotionnel, en dissociant les événements vécus et les idées des émotions qu’ils devraient susciter. Ce détachement pouvait aider un patient à prendre de la distance face à ses difficultés, mais aussi altérer sa prise de conscience des conséquences de ses actes et son empathie. Ces complications comportementales représentaient le versant psychique d’un « syndrome sérotoninergique », pouvant s’accompagner de signes neurologiques tels que tremblements, hypertonie musculaire, réflexes ostéo-tendineux hyper-vifs, agitation motrice, accélération du transit, nausées et perte d’appétit.

Consid. 4.2.2 [résumé]
Le docteur H.__, après avoir mentionné plusieurs études sur la suicidalité induite par les antidépresseurs, a indiqué que retenir un rôle causal d’un médicament psychotrope dans le déclenchement d’un comportement funeste revenait à se convaincre que ce comportement aurait été significativement moins susceptible de survenir en l’absence d’exposition à la substance incriminée. Selon les critères pharmacologiques, un doublement du risque basal est considéré comme indiquant un impact « significatif » d’un médicament sur l’occurrence d’un événement indésirable.

En l’espèce, les éléments cliniques et épidémiologiques réunis permettaient de retenir un lien causal entre la prise de Citalopram et le passage à l’acte suicidaire. L’expert a souligné la proximité temporelle entre le début du traitement et le suicide, les signes cliniques apparus la veille, l’absence de préméditation, de message d’adieu ou d’explications, ainsi que la contradiction entre l’estime exprimée par l’assuré envers sa famille et la gravité de son geste. Ces aspects correspondaient au tableau typique d’une toxicité comportementale induite par le traitement.

Il a également noté que des antécédents familiaux de dépression et de comportements suicidaires, la possibilité d’un trouble cyclique de l’humeur et une mauvaise tolérance antérieure à la Paroxétine constituaient des facteurs de risque supplémentaires. Enfin, l’expert a rappelé qu’un risque suicidaire préexiste chez tout patient dépressif, mais que ce risque augmente significativement dans les jours et semaines suivant l’introduction d’un antidépresseur sérotoninergique tel que le Citalopram. Sur cette base, l’expert a conclu qu’il était vraisemblable, à plus de 50 %, que l’assuré présentait une altération de sa capacité de discernement, au moment du passage à l’acte, et que son acte n’était ainsi pas volontaire.

Consid. 4.3 [résumé]
Les juges cantonaux ont procédé à une comparaison entre l’appréciation de la médecin-conseil et celle de l’expert H.__. Ils ont rappelé que la question de savoir si l’assuré s’était suicidé dans un état d’incapacité de discernement devait être tranchée selon le degré de la vraisemblance prépondérante, puisqu’il était impossible d’établir avec certitude les circonstances exactes du passage à l’acte. S’ils ont reconnu que certaines formulations de l’expert pouvaient prêter à confusion, notamment l’emploi des termes «possible» et «vraisemblable», ils ont retenu que ses conclusions demeuraient claires et cohérentes. Selon lui, le Citalopram avait provoqué, au degré de la vraisemblance prépondérante, le passage à l’acte de l’assuré.

La médecin-conseil, en revanche, s’était essentiellement fondée sur sa propre interprétation des faits, jugée peu convaincante. Elle avait minimisé la sensibilité antérieure de l’assuré aux antidépresseurs sérotoninergiques, alors même qu’en 2015, une telle médication avait aggravé les idées suicidaires au point de motiver l’arrêt du traitement et d’envisager une hospitalisation. Les juges cantonaux ont souligné que ces antécédents démontraient que l’assuré appartenait à la catégorie de patients réagissant mal à ce type de médicament, lequel accentuait son état dépressif et ses pensées suicidaires.

Ils ont également constaté que la médecin-conseil n’avait pas pris en compte le changement brutal d’attitude observé la veille du décès, son épouse l’ayant retrouvé le soir amorphe et sans appétit, élément qui plaidait également en faveur d’effets indésirables des antidépresseurs, comme en 2015. Ces éléments affaiblissaient les objections formulées par la médecin-conseil et confirmaient la pertinence des conclusions de l’expert H.__. En conséquence, l’instance cantonale a retenu, sur la base de cette expertise, que l’assuré était privé de sa capacité de discernement au moment du suicide.

Consid. 6.1
L’expert H.__ a certes indiqué que la prise de Citalopram avait considérablement augmenté le risque de suicide dans le cas de l’assuré (de l’ordre de 2 à 10 fois le risque de base lié au seul trouble psychiatrique et à la personnalité du patient). Toutefois, il ne suffit pas qu’il existe un lien de causalité entre la prise de Citalopram et le suicide. Pour qu’un accident soit reconnu, il faut que la personne soit totalement incapable de discernement au moment du passage à l’acte. À la question de savoir si le Citalopram était en mesure d’altérer la capacité de discernement, l’expert H.__ a répondu qu’il pouvait induire des modifications du fonctionnement psychique impactant la manière d’apprécier une situation et de prendre des décisions en conséquence. Même si l’on peut admettre que la prise de Citalopram ait pu altérer la capacité de discernement de l’assuré, il n’est pas possible d’en inférer que l’assuré ait été totalement privé de sa capacité de discernement au moment du passage à l’acte. À aucun moment l’expert n’a constaté que la capacité de discernement de l’assuré avait totalement disparu.

Comme le fait valoir l’assurance-accidents recourante, l’expert a conclu que l’incapacité de discernement n’était probablement pas « totale ». Il a également précisé que les antidépresseurs ne provoquaient pour ainsi dire pas de délire, de confusion ni d’état crépusculaire propres à abolir complètement la capacité de discernement. Cela étant, si d’un point de vue psychologique, la capacité de discernement présente tous les degrés possibles, allant de la pleine capacité à tous les niveaux de diminution, jusqu’à l’absence totale de discernement (HANS KIND, op. cit., p. 277), d’un point de vue juridique en revanche, il n’existe pas de gradation dans l’appréciation de la capacité de discernement: la capacité de discernement est suffisante ou non, elle existe ou n’existe pas au moment déterminant par rapport à un acte donné (YVES DONZALLAZ, Traité de droit médical, Vol. III, 2021, n° 7020 p. 3383). Par conséquent, on ne peut pas parler, en relation avec un acte déterminé, de divers niveaux de capacité de discernement (STEINAUER/FOUNTOULAKIS, Droit des personnes physiques et de la protection de l’adulte, Berne 2014, n° 90 p. 30).

Consid. 6.2
En l’occurrence, l’expert en pharmacologie a évoqué l’hypothèse d’un « raptus mélancolique » induit ou tout au moins facilité par la prise du Citalopram. En d’autres termes, il a constaté que la prise de Citalopram pouvait provoquer un raptus. Cela étant, seul un psychiatre pouvait attester que l’assuré ait été privé subitement de toute possibilité de se déterminer raisonnablement au moment où il s’est suicidé (cf. consid. 3.2 supra), un pharmacologue n’étant pas habilité à faire une telle constatation. Il résulte de ce qui précède que le rapport d’expertise pharmacologique ne permet pas à lui seul de retenir avec un degré de vraisemblance prépondérante une incapacité de discernement de l’assuré décédé au moment de son passage à l’acte.

On relèvera à ce propos que la veuve et ses enfants avaient demandé la mise en oeuvre d’une expertise psychiatrique au stade de la procédure d’opposition puis une expertise bidisciplinaire (psychiatrique et pharmacologique) au stade de la procédure de recours cantonale. La juridiction cantonale a fait droit à cette requête en désignant le professeur H.__, tout en lui laissant le choix, s’il l’estimait nécessaire, de s’adjoindre le concours d’un expert psychiatre, ce qu’il n’a pas fait. Il convient dès lors de constater que l’instruction est restée lacunaire, en l’absence d’un expert psychiatre.

 

Le TF admet le recours de l’assurance-accidents, annule le jugement cantonal et renvoie l’instance cantonale pour instruction complémentaire et nouvelle décision.

 

Arrêt 8C_517/2024 consultable ici

 

 

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.