8C_529/2024 (d) du 27.03.2025 – Frais d’expertise judiciaire à charge de l’administration – Absence de motivation du tribunal cantonal sur le montant retenu

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_529/2024 (d) du 27.03.2025

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi

 

Frais d’expertise judiciaire à charge de l’administration / 43 LPGA

Absence de motivation du tribunal cantonal sur le montant retenu / 61 LPGA

 

Résumé
Dans l’arrêt 8C_529/2024, le Tribunal fédéral s’est prononcé sur la question de savoir si c’est à juste titre que le tribunal cantonal avait mis à la charge de l’office AI les frais d’une expertise judiciaire s’élevant à 14’200 francs. Il a jugé que, si la mise à charge en soi n’était pas contestée, l’instance cantonale avait omis de motiver de manière suffisante le montant retenu, notamment au regard des honoraires facturés et de la jurisprudence relative aux tarifs applicables. Le Tribunal fédéral a rappelé que le tarif MEDAS [COMAI] pouvait servir de référence, sans toutefois lier les tribunaux, et que toute dérogation devait être dûment justifiée. En l’absence d’une telle motivation, le Tribunal fédéral a renvoyé la cause au tribunal cantonal afin qu’il examine plus précisément les notes d’honoraires des experts et rende une nouvelle décision sur le montant devant être supporté par l’office AI.

 

Faits

Assuré, né en 1993, a déposé une demande AI le 05.07.2019. L’office a notamment ordonné des mesures d’intervention précoce, ainsi qu’une expertise pluridisciplinaire (neurologie, rhumatologie, médecine interne et psychiatrie). Par décision du 4 juillet 2022, l’office AI a nié le droit de l’assuré à des mesures de réadaptation et à une rente d’invalidité.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 25.07.2024, admission partielle du recours par le tribunal cantonal, annulant la décision et reconnaissant le droit de l’assuré à une rente entière dès le 01.02.2020, à une rente de 68% dès le 01.06.2022 et une rente de 59% dès le 01.11.2022. La cour cantonale a en outre mis à la charge de l’office AI les frais des expertises judiciaires ordonnées, réalisées en neuropsychologie et en psychiatrie, pour un montant total de 14’200 francs.

 

TF

Consid. 2.1
Est uniquement litigieuse la question de savoir si l’autorité cantonale a violé le droit fédéral en imposant l’office AI la prise en charge des frais de l’expertise judiciaire à hauteur de 14’200 francs. Il n’est pas contesté que les conditions pour une mise à charge des frais sont remplies en l’espèce (voir à ce sujet ATF 143 V 269 consid. 3.3 ; 140 V 70 consid. 6.1 ; 139 V 496 consid. 4.4 ; arrêt 9C_325/2024 du 24 octobre 2024 consid. 6.1.1, destiné à la publication). Il peut donc être renoncé à des développements à ce sujet.

Consid. 2.2
S’agissant de la mise à charge aux offices AI des frais d’expertises judiciaires pluridisciplinaires, il manquait une base légale fédérale permettant à l’OFAS de conclure avec les MEDAS [COMAI] des conventions tarifaires applicables également aux procédures de recours de première instance (ATF 143 V 269 consid. 6.2.2). Les offices AI doivent assumer, dans le cadre des principes définis par l’ATF 139 V 496, l’intégralité des frais de l’expertise judiciaire. Le tarif convenu par l’OFAS avec les MEDAS peut toutefois servir de ligne directrice à laquelle les parties doivent se référer. Cela à l’instar d’une directive ou d’une ordonnance administrative, qui ne lie pas le tribunal, mais doit néanmoins être prise en considération, pour autant qu’elle permette une solution adaptée au cas d’espèce (cf. ATF 141 III 401 consid. 4.2.2). Cela signifie qu’il convient d’exposer les raisons pour lesquelles, dans le cas concret, les forfaits prévus par le tarif en question ne suffiraient pas, et qu’on ne saurait non plus recourir simplement à la catégorie Tarmed D (« expertise présentant un degré de difficulté supérieur à la moyenne ») ou même E (« cas exceptionnellement difficiles ») (ATF 143 V 269 consid. 7.3).

Consid. 3.1
L’office AI recourant fait valoir que l’autorité cantonale a conclu qu’au cours de la procédure administrative, l’état de fait n’avait pas été suffisamment clarifié et que cette lacune dans les investigations devait être comblée dans le cadre de la procédure judiciaire. C’est pour cette raison que les frais d’expertise de 14’200 francs devaient être supportés par l’office AI. L’instance cantonale aurait, d’une part, omis d’examiner les honoraires du psychiatre et du neuropsychologue et, d’autre part, elle n’aurait pas exposé, en violation de son devoir de motivation au sens de l’art. 61 al. 1 let. h LPGA, quelles instructions de l’OFAS pourraient servir de ligne directrice pour ces investigations conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral. Entre-temps, un accord a été conclu avec l’OFAS concernant l’établissement d’expertises bidisciplinaires, qui pourrait servir de référence. Cet accord contient également des dispositions sur la rémunération, avec en annexe des tarifs supplémentaires et des explications relatives à la rémunération des expertises bidisciplinaires, selon lesquelles un examen neuropsychologique est considéré uniquement comme une investigation complémentaire. Il s’agirait donc d’une expertise psychiatrique monodisciplinaire avec un examen neuropsychologique complémentaire.

Consid. 3.2
L’office AI recourant fait valoir à juste titre que le montant de 14’200 francs dépasse ce à quoi l’on peut s’attendre habituellement, l’investigation complémentaire neuropsychologique ayant à elle seule été estimée à 5’200 francs. Dans l’arrêt 9C_573/2023 du 23 juillet 2024 consid. 8.4, le Tribunal fédéral est parvenu à une conclusion similaire pour une expertise psychiatrique dont les frais allégués s’élevaient à 16’560 francs (voir également les autres exemples cités dans l’arrêt précité : arrêts 8C_98/2023 du 10 août 2023 : 10’000 francs [publié partiellement in : SVR 2023 UV n° 52 p. 184] ; 8C_60/2023 du 14 juillet 2023 : 11’352.50 francs ; arrêt 9C_13/2012 du 20 août 2012 : 6’774 francs ainsi que l’arrêt 9C_492/2021 du 23 août 2022, état de fait let. B et consid. 7 : 5’500 francs).

Consid. 4.1
Comme le fait valoir à juste titre l’office AI, l’instance cantonale a constaté, en ce qui concerne la mise à charge des frais d’expertise d’un montant de 14’200 francs, uniquement que ceux-ci devaient être supportés par l’administration en raison de l’établissement incomplet des faits dans la procédure administrative.

Consid. 4.2
Eu égard aux frais d’expertise s’élevant au total à 14’200 francs, l’instance cantonale aurait été tenue, au vu de ce qui précède, de motiver la mise à charge d’un tel montant (cf. consid. 2.2 supra). Même s’il faut admettre qu’elle s’est appuyée pour ce faire sur la note d’honoraires figurant dans le dossier cantonal, établie par le neuropsychologue pour un montant de 5’200 francs, ainsi que sur la note d’honoraires non détaillée du psychiatre s’élevant à 9’000 francs, cela ne ressort pas de l’arrêt attaqué. Aucune discussion concernant les honoraires facturés n’a eu lieu, ce qui aurait pourtant été indiqué, ne serait-ce qu’en raison de leur montant (cf. consid. 2.2 et 3.2 supra).

Dans ces circonstances, il se justifie de renvoyer la cause à l’instance précédente afin qu’elle examine les notes d’honoraires et qu’elle rende une nouvelle décision sur le montant des honoraires d’expertise devant être pris en charge par l’office AI. Aucun motif n’est exposé dans le recours pour justifier une réduction de moitié laissée à l’appréciation du Tribunal fédéral ; il n’y a donc pas lieu d’entrer en matière sur ce point. Le recours est fondé sur le point principal.

 

Le TF admet le recours de l’office AI.

 

Arrêt 8C_529/2024 consultable ici

 

 

Proposition de citation : 8C_529/2024 (d) du 27.03.2025, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2025/06/8c_529-2024)

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