9C_733/2023 (f) du 10.03.2025 – Examen du droit à un reclassement – Evaluation prospective / Aptitude objective et subjective au reclassement

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_733/2023 (f) du 10.03.2025

 

Consultable ici

 

Examen du droit à un reclassement – Evaluation prospective / 17 LAI

Aptitude objective et subjective au reclassement

 

Assuré, né en 1984, victime d’un accident de la circulation en 2004. Il a obtenu un CFC d’assistant en soins et santé communautaire le 01.07.2008. Dépôt de la demande AI le 13.04.2012. Les médecins (interniste et psychiatre) ont diagnostiqué – avec répercussion sur la capacité de travail – un status après accident avec polytraumatisme, traumatismes cranio-cérébral et coma le 04.04.2004. Les médecins ont retenu une capacité de travail de 100% comme assistant en soins et santé communautaire, mais avec une baisse de rendement de 25%, et une capacité de 100% sans baisse de rendement dans une activité adaptée depuis 2011. Par décision du 18.09.2017, l’office AI a refusé les prestations, décision confirmée par le tribunal cantonal le 27.06.2019.

L’assuré a déposé une nouvelle demande AI le 10.07.2019. L’office AI a pris en charge une mesure de réadaptation professionnelle auprès de la fondation D.__, à 50% dès août 2021, puis à 70% dès octobre 2021. En janvier et mars 2022, l’assuré a passé des tests psychométriques, qui ont révélé des aptitudes insuffisantes pour une formation CFC, mais compatibles avec une formation de type AFP (attestation fédérale de formation professionnelle) avec soutien spécialisé. En avril 2022, le médecin du Service médical régional AI a recommandé d’orienter l’assuré vers une formation adaptée à ses limitations neuropsychologiques et orthopédiques.

Après plusieurs échanges d’écriture, l’office AI a sommé l’assuré le 03.06.2022 de transmettre par écrit un choix professionnel adapté à ses problèmes de santé et limitations fonctionnelles et l’a averti des conséquences d’un manque de collaboration. Le 29.06.2022, l’assuré a informé l’office AI qu’il s’était inscrit à une formation d’assistant médical menant à un CFC auprès de l’École F.__. Par décision du 16.09.2022, l’office AI a rejeté la nouvelle demande de prestations.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 17.10.2023, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 2.2
Le sens et le but de la procédure de mise en demeure avec un délai de réflexion prescrite à l’art. 21 al. 4 LPGA est de rendre la personne assurée attentive aux conséquences négatives possibles d’une attitude rénitente à collaborer, afin qu’elle soit à même de prendre une décision en pleine connaissance de cause et, le cas échéant, de modifier sa conduite (arrêt I 552/06 du 13 juin 2007 consid. 4.1 et les références).

Consid. 3.1 [résumé]
La juridiction cantonale a retenu que les tests psychométriques révélaient chez l’assuré des aptitudes verbales comparables à un niveau CFC, mais des compétences spatiales et numériques correspondant au profil AFP, avec un raisonnement bien inférieur aux attentes de ce même niveau. Ces résultats ont conduit à la conclusion qu’il ne possédait pas les compétences nécessaires pour entreprendre une formation CFC d’assistant médical. L’office AI a donc sommé l’assuré de choisir une formation adaptée à ses aptitudes, sommation restée sans réponse, entravant ainsi sa réadaptation. Les juges ont estimé que, même en cas d’adaptation de la formation CFC, l’office AI aurait été en droit d’exiger un choix professionnel différent, les préférences personnelles de l’assuré n’étant pas déterminantes (ATF 130 V 488 consid. 4.2). Les conditions de l’article 21 alinéa 4 LPGA étant remplies, l’office AI a statué correctement sur le refus de mesures de reclassement en l’état du dossier.

Consid. 4.1
Toute mesure de réadaptation, y compris un reclassement (art. 17 LAI), doit être évaluée sur la base de toutes les circonstances du cas concret. La tâche des organes de l’assurance-invalidité consiste à pronostiquer – au degré de la vraisemblance prépondérante – le succès de la réadaptation en tenant compte de l’âge de l’assuré, de son niveau de développement, de ses aptitudes et de la durée probable de la vie active (art. 8 al. 1 bis let. a-d LAI). Il faut entendre par la « durée probable de la vie active » la période restante jusqu’à l’âge ordinaire de la retraite selon l’art. 21 al. 1 LAVS (ATF 143 V 190 consid. 7.4 et les références; arrêt 9C_71/2023 du 5 septembre 2023 consid. 3.3.1). En règle générale, l’assuré n’a droit qu’aux mesures nécessaires, propres à atteindre le but de réadaptation visé, mais non pas à celles qui seraient les meilleures dans son cas (ATF 139 V 399 consid. 5.4).

Consid. 4.2
En l’espèce, l’examen du droit à un reclassement doit faire l’objet d’une évaluation prospective (arrêt 9C_384/2023 du 11 janvier 2024 consid. 4.2). Dès lors, pour évaluer le pronostic des organes de l’assurance-invalidité, les juges cantonaux ont rappelé à juste titre que les faits survenus postérieurement à la décision du 16.09.2022 ne sont en principe pas pertinents (cf. ATF 148 V 21 consid. 5.3; 132 V 215 consid. 3.1.1 et les références). En se limitant à indiquer que la réussite de son premier trimestre à l’École F.__ démontrait qu’il avait les capacités de suivre une formation CFC d’assistant médical, l’assuré n’expose pas d’éléments suffisants pour s’écarter de ces principes.

Au demeurant, même à supposer que ces faits puissent être pris en considération, les juges cantonaux ont considéré sans arbitraire qu’ils ne changeraient en rien l’issue de la procédure. L’assuré détient déjà un CFC d’assistant en soins et santé communautaire, obtenu après son accident. Dès lors, l’autorité cantonale savait qu’il était en mesure, d’un point de vue formel, de réussir des examens menant à une certification professionnelle. Elle a relevé que la réussite de ce premier CFC avait toutefois nécessité de la part de l’assuré un « très grand effort sur soi-même et [une] lutte constante ». Or, selon les faits constatés par la juridiction cantonale, la situation médicale de l’assuré s’était encore dégradée depuis lors, celui-ci ne pouvant plus exercer l’activité d’assistant en soins et santé communautaire. Aussi, quoi qu’en dise l’assuré, la réussite de son premier trimestre à l’École F.__ ne constitue pas un élément de preuve suffisant pour remettre en cause l’appréciation de l’autorité cantonale. Comme l’ont mis en évidence les tests d’aptitude, ses limitations fonctionnelles cognitives, en particulier sa grande lenteur d’exécution, ses problèmes de mémoire et sa fatigabilité, compromettent grandement son aptitude à réussir une formation CFC et à exercer durablement une activité d’assistant médical de manière conforme aux exigences du marché du travail. Ces déficits, bien qu’ils ne l’ont pas empêché d’acquérir des connaissances théoriques et de les valoriser dans un cadre scolaire structuré lors de son premier trimestre à l’École F.__, constituent objectivement des obstacles importants à son reclassement professionnel dans une formation exigeante sur un plan physique et psychique. Il n’y a pas lieu de s’écarter de l’appréciation des juges cantonaux.

Consid. 4.3
Pour le surplus, les juges cantonaux ont confirmé sans arbitraire qu’en entreprenant – malgré une mise en demeure – une voie professionnelle trop exigeante pour lui, l’assuré avait démontré une absence d’aptitude subjective au reclassement. En particulier, on ne saurait reprocher à la juridiction cantonale d’avoir statué en l’état du dossier sur la demande de prestations, dès lors que les démarches entreprises pour favoriser le reclassement de l’assuré apparaissaient compromises par la volonté clairement exprimée de celui-ci de mener à terme une formation vraisemblablement trop exigeante sur un plan physique et psychique (supra consid. 4.2).

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 9C_733/2023 consultable ici

 

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.