9C_392/2024 (f) du 14.03.2025 – Responsabilité de l’employeur – Connaissance du dommage – Dies a quo du délai de prescription au sens de l’art. 52 al. 3 LAVS

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_392/2024 (f) du 14.03.2025

 

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Responsabilité de l’employeur – Connaissance du dommage – Dies a quo du délai de prescription au sens de l’art. 52 al. 3 LAVS

 

La faillite de la société C.__ SA a été prononcée en janvier 2015, puis suspendue faute d’actifs en septembre 2019. La société a été radiée du registre du commerce en septembre 2019.

La caisse de compensation a réclamé à A.__, en sa qualité d’administrateur président, à D.__, en sa qualité d’administrateur, à feu E.__, en sa qualité d’administrateur, à F.__, en sa qualité d’administrateur, à B.__, en sa qualité d’administrateur, et à G.__, en sa qualité de directeur, la réparation du dommage qu’elle a subi dans la faillite de la société.

La caisse de compensation a rejeté l’opposition formée par A.__. Elle a fixé le dommage à 510’130 fr. 65, correspondant au solde des cotisations sociales dues sur les salaires versés par la société pour les années 2013 à 2015.

 

Procédure cantonale (arrêt AVS 34/22 ap. TF – 27/2024 – consultable ici)

La cour cantonale a invité la caisse de compensation à préciser l’issue des procédures en responsabilité ouvertes contre les tiers responsables. La caisse de compensation a indiqué que D.__, les héritiers de feu E.__, F.__ et G.__ avaient été libérés de toute responsabilité, soit au stade de leur opposition aux décisions du 11.05.2018, soit ultérieurement. Quant à B.__, sa responsabilité avait été confirmée par arrêt du 16.08.2021. La cour cantonale a invité B.__ à participer à la procédure.

Par jugement du 29.05.2024, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 5.2.1
Selon la jurisprudence, la caisse de compensation a connaissance du dommage (au sens de l’art. 52 al. 3 LAVS) dès le moment où, avec toute l’attention que l’on peut attendre d’elle, elle doit constater qu’elle ne peut plus recouvrer les cotisations. Lorsque le dommage résulte d’une faillite, le moment de la connaissance du dommage ne coïncide pas avec celui où la caisse connaît la répartition finale ou reçoit un acte de défaut de biens; la jurisprudence considère, en effet, que le créancier qui entend demander la réparation d’une perte qu’il subit dans une faillite connaît suffisamment son préjudice, en règle ordinaire, lorsqu’il est informé de sa collocation dans la liquidation; il connaît ou peut connaître à ce moment-là le montant de l’inventaire, sa propre collocation dans la liquidation, ainsi que le dividende prévisible. Ces principes s’appliquent aussi en cas de faillite liquidée par la procédure sommaire car le jugement ordonnant la liquidation sommaire ne permet pas à lui seul de connaître le dommage (ATF 134 V 257 consid. 3.3; 129 V 193 consid. 2.3 et les références; arrêt 9C_258/2022 du 14 novembre 2022 consid. 4.1.1). Il n’est donc en règle générale pas nécessaire que la caisse entame une procédure en réparation du dommage avant le dépôt de l’état de collocation (Directives de l’OFAS sur la perception des cotisations dans l’AVS, AI et APG [DP] du 1 er janvier 2021, n° 8053).

Consid. 5.2.2
La partie lésée peut toutefois, en raison de circonstances spéciales, acquérir la connaissance nécessaire du dommage avant la publication de l’état de collocation. Ainsi, on peut exiger d’une caisse de compensation qu’elle se fasse représenter à la première assemblée des créanciers, dès lors que son devoir de diligence lui commande de suivre l’évolution de la procédure de faillite (ATF 121 V 240 consid. 3c/aa et les références). S’il apparaît à ce moment-là déjà qu’elle subira un dommage, le délai de prescription relatif de l’art. 52 al. 3 LAVS commencera à courir (ATF 134 V 257 consid. 3.3.1; arrêts 9C_258/2022 du 14 novembre 2022 consid. 4.1.2; 9C_260/2021 du 6 décembre 2021 consid. 4.1.2 et les références).

Consid. 5.3
En l’occurrence, A.__ et B.__, recourants, se contentent de faire prévaloir leur propre interprétation des faits concernant le moment de la survenance du dommage et leur appréciation des preuves à celle de la juridiction cantonale, en s’appuyant sur des pièces qui, soit ne sont pas au dossier cantonal, soit, à tout le moins, n’ont pas été désignées d’une manière suffisante dans le recours pour permettre au Tribunal fédéral de les consulter.

Consid. 5.3.1
À ce sujet, les recourants se réfèrent tout d’abord à l’arrêt de la Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 9 mars 2015, mais n’établissent nullement avoir versé cette pièce au dossier. En particulier, en instance cantonale, A.__ a produit un extrait du registre du commerce au soutien de ses allégués, qui mentionne certes la date de l’arrêt, mais ne fournit aucune information sur son contenu. Quoi qu’il en soit, selon les faits constatés par la juridiction cantonale, de manière à lier le Tribunal fédéral, la faillite de la société a été prononcée car elle n’avait présenté aucun plan d’assainissement précis et crédible de nature à établir, même au stade de la vraisemblance, que sa situation aurait pu être redressée à court ou moyen terme. Ces considérations ne permettent nullement, à elles seules, de connaître l’étendue du dommage de la caisse de compensation. Dans ces circonstances, il n’y a pas lieu de s’écarter des considérations de la juridiction cantonale.

Consid. 5.3.2
Ensuite, en ce qui concerne l’affirmation selon laquelle la procédure de faillite de C.__ SA s’était « indéniablement » déroulée selon la procédure ordinaire, les recourants n’apportent aucun élément probant au soutien de leur affirmation. Au contraire, la pièce n° 17 du bordereau de A.__, soit la Circulaire n° 1 aux créanciers du 7 août 2018, indique que la procédure de faillite a été traitée « en la forme sommaire ». Quant à la caisse de compensation, quoiqu’en disent les recourants, elle a soutenu en instance cantonale que la procédure de faillite avait été traitée en la forme sommaire (et non pas ordinaire), et qu’il n’y avait pas eu d’assemblée de créanciers. Bien que la juridiction cantonale ne se soit pas expressément prononcée sur ce point, l’envoi d’une circulaire aux créanciers, tel que prévu par l’art. 231 al. 3 ch. 1 LP, suffit à justifier cette affirmation, écartant ainsi tout doute quant à la forme (sommaire) prise par la procédure de faillite. En conséquence, il ne saurait être reproché à la juridiction cantonale de n’avoir pas instruit cette question plus avant (s’agissant de l’appréciation anticipée des preuves en lien avec le droit d’être entendu, voir ATF 145 I 167 consid. 4.1 et la référence). Dans ces conditions, les recourants ne parviennent pas à démontrer l’existence d’une convocation à une assemblée des créanciers, leur argumentation ne reposant que sur des hypothèses non étayées par des éléments de preuve et contredites par les pièces versées au dossier.

Consid. 5.4
Ensuite des éléments qui précèdent, les recourants n’ont pas établi de circonstances spéciales qui auraient permis à la caisse de compensation d’acquérir la connaissance nécessaire du dommage avant la publication de l’état de collocation (art. 249 al. 2 LP). Le fait que la société présentait une situation financière difficile constituait certes un indice pour la caisse de compensation que sa créance ne serait probablement pas réglée à temps ou seulement dans une mesure insuffisante. Toutefois, ce n’est qu’à compter de la publication de l’état de collocation que la caisse a su qu’aucun dividende ne serait prévisible. C’est donc à ce moment-là que le délai de prescription de deux ans de l’ancien art. 52 al. 3 LAVS a commencé à courir, comme l’a retenu à juste titre l’autorité précédente.

 

Le TF rejette le recours de A.__ et B.__.

 

Arrêt 9C_392/2024 consultable ici

 

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