8C_156/2024 (f) du 06.08.2024 – Délai de recours – Envoi de la décision en courrier A Plus – 60 LPGA / Pas de changement de jurisprudence

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_156/2024 (f) du 06.08.2024

 

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Délai de recours – Envoi de la décision en courrier A Plus / 60 LPGA

Pas de changement de jurisprudence

 

Le 05.10.2022, l’assuré a adressé une demande d’indemnité journalière à la caisse de chômage (ci-après: la caisse). Par décision du 25.10.2022, confirmée sur opposition le 06.01.2023, la caisse a refusé le droit de l’assuré à l’indemnité de chômage, motif pris qu’il n’avait pas cotisé pendant 12 mois durant le délai-cadre de cotisation du 06.10.2020 au 05.10.2022.

 

Procédure cantonale

Le 07.02.2023, l’assuré a recouru contre la décision sur opposition susmentionnée.

Par arrêt du 08.02.2024, la cour cantonale a déclaré le recours irrecevable pour cause de tardiveté.

 

TF

Consid. 3.1
Selon l’art. 60 al. 1 LPGA, le recours doit être déposé dans les trente jours suivant la notification de la décision sujette à recours. L’art. 38 al. 1 LPGA, applicable par analogie en vertu de l’art. 60 al. 2 LPGA, dispose que si le délai, compté par jours ou par mois, doit être communiqué aux parties, il commence à courir le lendemain de la communication.

Consid. 3.2
En droit des assurances sociales, il n’existe pas de disposition légale obligeant les assureurs sociaux à notifier leurs décisions selon un mode particulier. Dès lors, la jurisprudence admet que les assureurs sont libres de décider de la manière dont ils souhaitent notifier leurs décisions. Ils peuvent en particulier choisir de les envoyer par courrier A Plus. Rien ne les empêche non plus d’envoyer leurs décisions un vendredi (ATF 142 III 599 consid. 2.4.1; arrêt 8C_124/2019 du 23 avril 2019 consid. 6.3 et l’arrêt cité). Selon le mode d’expédition A Plus, la lettre est numérotée et envoyée par courrier A de la même manière qu’une lettre recommandée. Toutefois, contrairement au courrier recommandé, le destinataire n’a pas à en accuser réception. En cas d’absence, celui-ci ne reçoit donc pas d’invitation à retirer le pli. La livraison est néanmoins enregistrée électroniquement au moment du dépôt de l’envoi dans la boîte aux lettres ou la case postale du destinataire. Grâce au système électronique « Track & Trace » de La Poste, il est ainsi possible de suivre l’envoi jusqu’à la zone de réception du destinataire (ATF 142 III 599 précité consid. 2.2; arrêts 9C_734/2023 du 21 février 2024 consid. 3.3.1; 8C_124/2019 précité consid. 8.2.1).

Le délai de recours est le même pour toutes les formes de notification. Il commence à courir lorsque l’envoi entre dans la sphère de puissance du destinataire et que ce dernier peut prendre connaissance du contenu de l’envoi. En présence d’un courrier sans signature (A Plus comme A), c’est le cas au moment du dépôt dans la boîte aux lettres ou la case postale. Si l’envoi est distribué un samedi, le délai de recours commence à courir le dimanche (arrêts 2C_117/2024 du 13 juin 2024 consid. 6.1; 8C_124/2019 précité consid. 8.2.2). Si une erreur de distribution ne peut pas d’emblée être exclue, elle ne doit cependant être retenue que si elle paraît plausible au vu des circonstances. L’exposé des faits par le destinataire qui se prévaut d’une erreur de distribution, et dont on peut partir du principe qu’il est de bonne foi, doit être clair et présenter une certaine vraisemblance (ATF 142 III 599 consid. 2.4.1).

Consid. 4
En l’espèce, les juges cantonaux ont constaté que selon le suivi « Track & Trace », la décision sur opposition du 06.01.2023 avait été envoyée le jour même, par courrier A Plus, et déposée dans la case postale du mandataire du recourant le samedi 07.01.2023 à 6h25. Le délai de recours de 30 jours avait donc débuté le dimanche 08.01.2023 – même si ce mandataire avait pris véritablement connaissance de la décision le lundi 09.01.2023 – et expiré le lundi 06.02.2023. Par conséquent, le recours envoyé le mardi 07.02.2023 était tardif. L’instance précédente a précisé qu’aucun élément ne permettait de supposer une erreur dans la notification par la voie postale, de sorte que l’on pouvait retenir les dates mentionnées sur le système électronique de La Poste.

Consid. 5.1 [résumé]
Le recourant critique la jurisprudence sur la notification par courrier A Plus, affirmant qu’elle crée une insécurité juridique et que des erreurs de La Poste sont fréquentes. Il souligne que ce mode de notification peut réduire le délai de recours, notamment si le courrier est déposé pendant les jours fériés. Il mentionne que le Conseil fédéral envisage une réforme pour harmoniser la computation des délais, proposant que les notifications le week-end soient réputées faites le jour ouvrable suivant (motion 22.3381 « De l’harmonisation de la computation des délais »). Le recourant estime que ces éléments justifient un changement de jurisprudence, ce qui permettrait de considérer la décision notifiée le 09.02.2023, respectant ainsi le délai de recours.

Consid. 5.2
Le recourant ne conteste pas que la décision sur opposition de la caisse de chômage lui a été remise – par l’intermédiaire de son mandataire – le samedi 07.01.2023. Il ne soutient notamment pas que cette décision ne lui aurait été distribuée que le lundi suivant en raison d’une erreur de La Poste. Comme les juges cantonaux l’ont souligné à juste titre, la date de distribution du courrier A Plus contenant la décision sur opposition était aisément déterminable, de surcroît pour un avocat, grâce au numéro d’envoi apposé sur l’enveloppe. La date de notification de la décision sur opposition du 06.01.2023 ne prêtait donc pas à confusion. Dans ces conditions, il n’y a aucune raison de s’écarter de la jurisprudence en matière de notification par courrier A Plus – qui doit être connue de tout mandataire professionnel – et de déplacer le dies a quo du délai de recours au lundi 09.01.2023. On ne voit pas non plus que les modifications légales envisagées par le législateur puissent motiver un changement de cette récente jurisprudence (s’agissant des conditions d’un changement de jurisprudence, cf. ATF 146 IV 126 consid. 3; 144 IV 265 consid. 2.2; 143 IV 1 consid. 5.2). En l’état, force est de constater qu’à l’inverse d’autres normes (cf. par exemple les art. 85 al. 2 CPP et art. 34 al. 1 LP), aucune disposition légale n’oblige les assureurs sociaux à notifier leurs décisions par lettre recommandée ou par tout autre procédé impliquant un accusé de réception. Un changement de jurisprudence ne peut pas non plus servir à pallier l’inattention ou l’erreur d’une partie.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

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