9C_457/2022 (f) du 03.04.2023 – Conditions pour révision procédurale de décision entrée en force – 53 al. 1 LPGA / Délais applicables en matière de révision – Délai de péremption absolu de 10 ans – 55 al. 1 PA – 67 al. 1 PA

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_457/2022 (f) du 03.04.2023

 

Consultable ici

 

Conditions pour révision procédurale de décision entrée en force / 53 al. 1 LPGA

Délais applicables en matière de révision – Délai de péremption absolu de 10 ans / 55 al. 1 PA – 67 al. 1 PA

 

Assuré a déposé une première demande de prestations de l’assurance-invalidité le 12.10.2004. Dans le cadre de l’instruction de cette demande, l’office AI a notamment mis en œuvre une expertise psychiatrique. Le 15.11.2007, l’office AI a, en se fondant sur les conclusions de l’expertise psychiatrique, nié le droit de l’assuré à des prestations de l’assurance-invalidité.

Par décision du 29.08.2013, l’office AI a rejeté la deuxième demande de prestations déposée par l’assuré en date du 10.05.2012. Il a constaté qu’il n’existait aucun fait médical nouveau depuis la décision du 15.11.2007.

Le 05.01.2021, l’assuré a déposé une troisième demande de prestations. Par décision du 02.09.2021, l’office AI a rejeté cette nouvelle demande.

 

Procédure cantonale (arrêt AI 363/21 – 273/2022 – consultable ici)

Par jugement du 29.08.2022, admission du recours par le tribunal cantonal, annulant la décision du 02.09.2021 et renvoyant la cause à l’office AI pour qu’il complète l’instruction dans le sens des considérants puis rende une nouvelle décision.

 

TF

Consid. 3.1
Selon l’art. 53 al. 1 LPGA, les décisions et les décisions sur opposition formellement passées en force sont soumises à révision si l’assuré ou l’assureur découvre subséquemment des faits nouveaux importants ou trouve des nouveaux moyens de preuve qui ne pouvaient être produits auparavant.

Aussi, par analogie avec la révision des décisions rendues par les autorités judiciaires, l’administration est tenue de procéder à la révision (dite procédurale) d’une décision formellement passée en force lorsque sont découverts des faits nouveaux importants ou de nouveaux moyens de preuve qui ne pouvaient être produits avant et qui sont susceptibles de conduire à une appréciation juridique différente (ATF 148 V 277 consid. 4.3 et la référence). La notion de faits ou moyens de preuve nouveaux s’apprécie de la même manière en cas de révision (dite procédurale) d’une décision administrative (art. 53 al. 1 LPGA), de révision d’un jugement cantonal (art. 61 let. i LPGA) ou de révision d’un arrêt du Tribunal fédéral fondée sur l’art. 123 al. 2 let. a LTF (qui correspond à l’ancien art. 137 let. b OJ et auquel s’applique la jurisprudence rendue à propos de cette norme, cf. ATF 144 V 245 consid. 5.1). La révision suppose la réalisation de cinq conditions:

  1. le requérant invoque un ou des faits;
  2. ce ou ces faits sont « pertinents », dans le sens d’importants (« erhebliche »), c’est-à-dire qu’ils sont de nature à modifier l’état de fait qui est à la base du jugement et à conduire à un jugement différent en fonction d’une appréciation juridique correcte;
  3. ces faits existaient déjà lorsque le jugement a été rendu: il s’agit de pseudo-nova (« unechte Noven »), c’est-à-dire de faits antérieurs au jugement ou, plus précisément, de faits qui se sont produits jusqu’au moment où, dans la procédure principale, des allégations de faits étaient encore recevables;
  4. ces faits ont été découverts après coup (« nachträglich »), soit postérieurement au jugement, ou, plus précisément, après l’ultime moment auquel ils pouvaient encore être utilement invoqués dans la procédure principale;
  5. le requérant n’a pas pu, malgré toute sa diligence, invoquer ces faits dans la procédure précédente (ATF 143 III 272 consid. 2.2; arrêt 8C_562/2020 du 14 avril 2021 consid. 3.2).

Consid. 3.2
S’agissant des délais applicables en matière de révision, l’art. 53 al. 1 LPGA n’en prévoit pas. En vertu du renvoi prévu par l’art. 55 al. 1 PA, sont déterminants les délais applicables à la révision de décisions rendues sur recours par une autorité soumise à la PA (ATF 143 V 105 consid. 2.1). A cet égard, l’art. 67 al. 1 PA prévoit un délai (de péremption) absolu de dix ans dès la notification de la décision sur recours (soit la décision soumise à révision; ATF 148 V 277 consid. 4.3). La jurisprudence a précisé que ce délai absolu de dix ans était aussi applicable lorsque la révision procédurale porte sur une décision de l’administration (ATF 140 V 514 consid. 3.3; arrêt 8C_377/2017 du 28 février 2018 consid. 7.2 et la référence).

Après dix ans, la révision ne peut être demandée qu’en vertu de l’art. 66 al. 1 PA (art. 67 al. 2 PA; ATF 140 V 514 consid. 3.3). Aux termes de cette disposition, l’autorité de recours procède, d’office ou à la demande d’une partie, à la révision de sa décision lorsqu’un crime ou un délit l’a influencée.

Consid. 3.3
Sur le vu des éléments qui précèdent, la demande de révision procédurale de la décision du 15.11.2007 devait être adressée par écrit à l’autorité qui a rendu la décision dans les 90 jours qui suivaient la découverte du motif de révision, mais au plus tard dix ans après la notification de la décision (art. 67 al. 1 PA en corrélation avec l’art. 55 al. 1 LPGA; arrêt 8C_434/2011 du 8 août 2011 consid. 3, in SVR 2012 UV n° 17 p. 63). En agissant le 05.01.2021, soit plus de 13 ans après la notification de la décision du 15.11.2007, l’assuré a agi tardivement. Il ne prétend par ailleurs pas qu’un crime ou un délit a influencé cette décision (révision « propter falsa », au sens de l’art. 66 al. 1 PA).

Dans ces conditions, le droit de demander la révision procédurale de la décision du 15.11.2007, fondée sur les irrégularités alléguées de l’expertise psychiatrique du 25.11.2005, était périmé au moment où l’assuré s’en est prévalu le 05.01.2021. Les conditions d’une révision procédurale au sens de l’art. 53 al. 1 LPGA ne sont dès lors pas réalisées, sans qu’il y ait lieu de trancher les autres questions soulevées dans le recours.

Consid. 4
L’introduction du délai absolu de 10 ans de l’art. 67 al. 2 PA a pour double finalité de garantir la sécurité juridique et de faciliter le bon fonctionnement de l’administration, en stabilisant définitivement des rapports de droit après l’écoulement d’un certain temps, sans que cette durée ne puisse être prolongée. Aussi, après un délai de 10 ans, l’assuré ne saurait demander la révision procédurale de la décision du 15.11.2007 qui est entrée en force, ni la révision procédurale de la décision ultérieure du 29.08.2013 en raison d’éléments – l’expertise psychiatrique du 25.11.2005 – qui ont déjà fondé la décision du 15.11.2007.

A moins qu’il existe un motif de révision matérielle (art. 17 LPGA), l’autorité de la chose décidée interdit de recommencer la procédure qui a conduit à la décision du 15.11.2007 sur le même objet. Pour demander la révision procédurale de la décision du 29.08.2013, l’assuré devait invoquer, conformément aux exigences découlant de la sécurité du droit, des faits nouveaux importants ou des nouveaux moyens de preuve qui ne fondent pas déjà la décision du 15.11.2007. La répétition des moyens invoqués tardivement pour demander la révision de la décision du 15.11.2007 ne saurait par conséquent ouvrir la voie de la révision « propter nova » de la décision du 29.08.2013.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_457/2022 consultable ici

 

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.