Arrêt du Tribunal fédéral 8C_632/2020 (f) du 08.06.2021
Droit à l’indemnité chômage
Résidence effective en Suisse niée / 8 al. 1 lit. c LACI
Assuré, né en 1984, s’est inscrit à l’Office cantonal de l’emploi (ci-après : OCE) et a requis l’octroi d’indemnités de chômage dès le 01.01.2019, en indiquant être domicilié à W.__ (GE). Un délai-cadre d’indemnisation lui a été ouvert à compter de cette date. Sur indication de la conseillère en personnel en charge de l’intéressé, l’OCE a ouvert une enquête destinée à déterminer le domicile de celui-ci. Dans son rapport d’enquête du 29.04.2019, l’inspecteur de l’OCE a conclu que l’assuré était domicilié à X.__ (à l’étranger) depuis le 30.01.2019.
Par décision du 07.06.2019, confirmée sur opposition, la Caisse cantonale genevoise de chômage a nié le droit de l’assuré aux indemnités de chômage avec effet au 01.02.2019 et, de ce fait, lui a réclamé la restitution d’un montant de 5671 fr. 20, correspondant aux indemnités versées pour les mois de février et mars 2019.
Procédure cantonale (arrêt ATAS/749/2020 – consultable ici)
En l’espèce, les juges cantonaux ont constaté que lors d’un entretien téléphonique du 28.03.2019 avec sa conseillère, l’assuré avait déclaré vivre à l’étranger depuis fin janvier 2019. Lors de son audition par l’inspecteur de l’OCE en avril 2019, ainsi que dans son opposition du 21.06.2019, il avait expliqué avoir emménagé dès le 01.02.2019 à Y.__ (GE), chez les parents de sa compagne. Dans son recours du 07.11.2019 et ses observations du 16.01.2020, il avait reconnu avoir résidé à l’étranger, mais tout au plus une vingtaine de jours. Enfin, lors de l’audience de comparution personnelle, il avait affirmé n’avoir jamais transféré sa résidence habituelle à l’étranger.
Selon la cour cantonale, il convenait d’accorder la préférence aux premières déclarations de l’assuré, faites alors qu’il ignorait les conséquences juridiques de son changement de domicile, et retenir qu’il vivait à l’étranger depuis février 2019.
Une résidence à l’étranger paraissait d’autant plus vraisemblable que l’assuré y avait acquis un appartement avec sa compagne et que cette dernière y avait effectivement emménagé. Bien que certains membres de sa famille résidassent en Suisse, force était de constater que sa compagne, dont il convenait de considérer qu’elle constituait le centre de ses intérêts personnels, avait quitté le territoire. Le fait que son fils habitait en Suisse était peu pertinent dans la mesure où il n’en avait la garde qu’un week-end sur deux et que le droit de visite s’exerçait régulièrement à l’étranger.
Par jugement du 03.09.2020, rejet du recours par le tribunal cantonal.
TF
Le droit à l’indemnité de chômage suppose, selon l’art. 8 al. 1 let. c LACI, la résidence effective en Suisse, ainsi que l’intention de conserver cette résidence pendant un certain temps et d’en faire, durant cette période, le centre de ses relations personnelles (ATF 125 V 465 consid. 2a; 115 V 448). Cette condition implique la présence physique de l’assuré en Suisse (dans le sens d’un séjour habituel), ainsi que l’intention de s’y établir et d’y créer son centre de vie (cf. BORIS RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, n° 8 ad art. 8 al. 1 let. c LACI). Selon la jurisprudence, le fait d’avoir une adresse officielle en Suisse et d’y payer ses impôts n’est pas déterminant si d’autres indices permettent de conclure à l’existence d’une résidence habituelle à l’étranger (cf. arrêt C 149/01 du 13 mars 2002 consid. 3).
L’argumentation de l’assuré ne permet pas de retenir une violation de l’art. 8 al. 1 (let. c) LACI par la juridiction cantonale. Les motifs exposés par celle-ci sont convaincants. En effet, il n’est pas contesté que l’assuré a acquis avec sa compagne un bien immobilier à X.__ (à l’étranger) avec l’intention de s’y établir exclusivement. A cet égard, on peine à saisir en quoi l’assuré aurait été contraint par son licenciement et par le fait de n’avoir pas immédiatement retrouvé un emploi de renoncer à son projet de déménagement, d’autant plus qu’il avait officiellement quitté le territoire suisse à la fin du mois de janvier 2019. Il faut admettre avec les juges cantonaux qu’il est bien plus vraisemblable que l’assuré a entrepris des démarches de réinscription en qualité de résident en Suisse afin d’y percevoir les indemnités de chômage. Il est vrai que l’assuré y a vécu et travaillé pendant de nombreuses années et qu’il y entretient des liens privilégiés dans la mesure où plusieurs membres de sa famille, en particulier son fils, y vivent. Ces circonstances ne suffisent toutefois pas à maintenir ou à fonder une résidence habituelle en Suisse alors qu’il n’y dispose que d’une chambre chez les parents de sa compagne. Le fait qu’il ne s’est écoulé que trois mois entre l’annonce de son départ de Suisse et sa réinscription n’y change rien. Par ses affirmations, l’assuré ne conteste d’ailleurs pas concrètement les motifs de l’arrêt entrepris, ni n’indique précisément en quoi l’autorité précédente aurait établi les faits déterminants de façon manifestement inexacte au sens de l’art. 97 al. 1 LTF.
Il s’ensuit que les juges cantonaux étaient fondés à conclure à l’absence de résidence habituelle en Suisse à compter du 01.02.2019.
Le TF rejette le recours de l’assuré.
Arrêt 8C_632/2020 consultable ici