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8C_85/2024 (d) du 03.02.2025 – Entretien avec des ravisseurs – Entreprise téméraire absolue justifiant le refus des prestations en espèces / 39 LAA – 50 al. 1 OLAA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_85/2024 (d) du 03.02.2025

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle, seul l’arrêt fait foi

 

Entretien avec des ravisseurs – Entreprise téméraire absolue justifiant le refus des prestations en espèces / 39 LAA – 50 al. 1 OLAA

 

Assuré, né en 1993, a annoncé, par déclaration d’accident du 07.07.2021 et ses réponses du 28.07. 2021, qu’il avait été attaqué au couteau le 22.05.2021, subissant sept blessures par arme blanche. L’assurance-accidents a pris en charge les frais médicaux mais a refusé le versement de prestations en espèces, invoquant les documents obtenus auprès du Ministère public et concluant à l’existence d’une entreprise téméraire absolue.

 

Procédure cantonale (arrêt UV.2023.00024 – consultable ici)

Par jugement du 13.12.2023, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3
Le tribunal cantonal a correctement exposé les dispositions et les principes relatifs à la réduction ou au refus des prestations en espèces pour les accidents non professionnels en cas d’entreprises téméraires absolues (art. 39 LAA, art. 50 al. 1 OLAA ; ATF 141 V 216 consid. 2 ; 141 V 37 consid. 2.3). Il y est fait référence.

Il convient de souligner que, dans la pratique, il existe deux cas de figure dans lesquels on peut parler d’entreprise téméraire absolue : d’une part, lorsqu’une action est associée à des dangers qui ne peuvent être réduits à un niveau raisonnable, indépendamment des circonstances concrètes, en raison de circonstances objectives. D’autre part, pour des raisons objectives, on peut également reconnaître une entreprise téméraire absolue s’il manque le caractère digne de protection d’une action (SVR 2007 UV n° 4 p. 10, U 122/06 consid. 2.1). Le caractère digne de protection peut généralement être reconnu dans le cadre d’activités sportives (par exemple l’alpinisme et l’escalade, ATF 97 V 72 consid. 3, ou le canyoning, ATF 125 V 312 consid. 3a), sous réserve toutefois des sports particulièrement dangereux (voir ATF 141 V 37 consid. 4 et les références : par exemple les compétitions de boxe [thaïlandaise], mais aussi les courses de côte en voiture et les courses de moto ou de motocross).

Une entreprise téméraire peut être qualifié de cas particulièrement grave, justifiant un refus total des prestations en espèces, en cas de faute grave ou de motifs subjectifs particuliers de l’assuré, ou encore en présence d’un danger particulièrement grave (SZS 2013 p. 172, 8C_504/2007 consid. 7.2 ; arrêt 8C_683/2010 du 5 novembre 2010 consid. 7).

Consid. 4.1
Selon le tribunal cantonal, un cousin d’une connaissance de l’assuré avait été enlevé et une rançon avait été exigée. Les ravisseurs avaient menacé de s’en prendre à l’otage si la rançon n’était pas remise ou si la police était contactée. Bien qu’il ait supposé que cela pourrait poser problème, l’assuré s’est rendu avec sa connaissance et un autre proche en véhicule à un lieu de rendez-vous pour parler aux ravisseurs et libérer la personne enlevée. Immédiatement après être sorti du véhicule, l’assuré avait été attaqué par plusieurs individus et gravement blessé par des coups de couteau. A l’instar de l’assurance-accidents, le tribunal cantonal a qualifié le comportement de l’assuré d’entreprise téméraire absolue dans un cas particulièrement grave.

Consid. 4.3
L’assuré n’est pas en mesure de démontrer que le tribunal cantonal a violé le droit fédéral en qualifiant l’incident d’entreprise téméraire absolue et, plus précisément, de cas particulièrement grave. La situation constatée par le tribunal cantonal, non contestée par l’assuré à cet égard, doit être considérée comme un danger incontrôlable pour sa propre vie. Le fait que le plaignant ait déclaré qu’il voulait simplement se proposer comme médiateur ne change rien à la situation. En effet, comme il ressort des documents du Ministère public et de la décision sur opposition, le véritable motif de l’enlèvement était un conflit portant sur 10 kg de marijuana ou une somme de CHF 50’000. Se placer dans une telle situation de danger ne peut en aucun cas être considéré comme digne de protection. La conclusion du tribunal cantonal qualifiant les faits d’entreprise téméraire n’est donc pas critiquable.

On ne voit pas non plus en quoi le tribunal cantonal a violé les principes à respecter ici, en partant d’un danger particulier et d’une faute particulière compte tenu des circonstances. Cela peut être évalué en détail indépendamment de la qualification pénale des délits de drogue en question, qui ont peut-être été commis en bande. En outre, le fait qu’une procédure pénale ait été ouverte ou non contre l’assuré lui-même n’est pas pertinent ici. Le tribunal cantonal a notamment considéré que dans le cas d’un enlèvement avec menaces et demande de rançon, il ne fallait en aucun cas chercher à discuter personnellement avec les ravisseurs, mais qu’il fallait alerter la police, d’autant plus que, contrairement à ce que l’assuré avait affirmé, il ne fallait pas partir du principe que les ravisseurs étaient des enfants et des adolescents inoffensifs, mais plutôt s’attendre à des criminels dotés d’une grande énergie criminelle et n’hésitant pas à recourir à la violence.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 8C_85/2024 consultable ici

 

Proposition de citation : 8C_85/2024 (d) du 03.02.2025, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2025/03/8c_85-2024)

8C_388/2017 (f) du 06.02.2018 – Refus des prestations LAA – Fausses informations données intentionnellement – 46 al. 2 LAA / Accident lors d’une course de moto tout-terrain (enduro) / Préférence donnée aux premières déclarations du témoin après modification ultérieure du témoignage

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_388/2017 (f) du 06.02.2018

 

Consultable ici

 

Refus des prestations LAA – Fausses informations données intentionnellement / 46 al. 2 LAA

Accident lors d’une course de moto tout-terrain (enduro)

Préférence donnée aux premières déclarations du témoin après modification ultérieure du témoignage

 

Assuré a participé le 12.04.2015 à une course de moto tout-terrain (enduro) en France. A cette occasion, il a fait une chute à moto. Son employeur a annoncé le cas à l’assurance-accidents en indiquant « Chute à moto (course de moto) ».

Par lettre du 22.04.2015, l’assurance-accidents a informé l’employeur qu’elle n’était pas encore en mesure de se prononcer sur le droit aux prestations d’assurance. Dans l’intervalle, elle verserait 50% de la pleine indemnité journalière à partir du 15.04.2015.

Répondant le 07.05.2015 à un questionnaire de l’assurance-accidents, l’assuré a déclaré que l’accident était survenu vers 13h00, après qu’il eut remis de l’essence et qu’il fut reparti ; il avait chuté sur un chemin blanc à cause d’un trou qui l’avait propulsé de la moto. Il a répondu par la négative à la question lui demandant si l’accident avait eu lieu lors d’une compétition de motocross (course ou entraînement). Le 11.06.2015, une employée de l’assurance-accidents s’est entretenue par téléphone avec le représentant de l’organisateur de la manifestation. Celui-ci a indiqué que l’assuré était tombé durant une « spéciale (circuit chronométré) ». Les samaritains, qui portaient secours à une autre personne dans les environs sont directement allés vers lui et l’ont ramené à son fourgon. Il se plaignait de mal de dos et de tête. Il était rentré par ses propres moyens. Il n’y avait pas eu de rapport d’accident. Le représentant de l’organisateur de la manifestation a indiqué qu’il allait confirmer par courriel les circonstances de l’accident. Le 24.07.2015, le représentant de l’organisateur de la manifestation a adressé à l’employée susmentionnée un courriel ainsi libellé :

« En tant qu’organisateur suisse de l’Enduro du 12.04.2015, j’atteste que [l’assuré] a bien fait une chute après le ravitaillement de carburant. Son assistance est venue me chercher pour constater son état à sa chute. Dès lors, je suis allé prendre des nouvelles à son bus et il s’est plaint de fortes douleurs à la tête et à la nuque. De ce fait, j’ai demandé à l’assistance médicale de venir apporter les premiers soins ».

Le 29.07.2015, l’assuré a été entendu par un inspecteur de l’assurance-accidents. Il a confirmé ses précédentes déclarations en insistant sur le fait qu’au moment de la chute, il ne se trouvait pas sur le circuit pour parcourir une épreuve spéciale chronométrée ni ne devait parcourir une distance en un temps donné. Un employé de l’assurance-accidents a alors repris contact par téléphone avec le représentant de l’organisateur de la manifestation le 26.08.2015 pour lui faire part de son étonnement quant au fait que la version décrite dans son courriel ne correspondait pas à ses déclarations du 11.06.2015. Le représentant de l’organisateur de la manifestation a répondu qu’il avait confondu l’assuré avec un autre coureur tombé dans la première spéciale. Quant à l’assuré il était bien tombé juste avant le départ d’une spéciale après avoir fait le plein. Le représentant de l’organisateur de la manifestation a enfin déclaré ne pas comprendre la raison pour laquelle l’assurance-accidents faisait une distinction entre les épreuves spéciales et les épreuves de transition, dès lors que celles-ci sont également chronométrées. En effet, lorsqu’il se déplace entre deux spéciales, le coureur ne doit pas dépasser un temps maximum.

Selon une information recueillie ultérieurement par l’assurance-accidents auprès de l’entreprise qui avait chronométré la course, l’assuré avait bien pris le départ de la spéciale SP2-T2 comme en attestaient les listes de classement qui faisaient état de son abandon. Il était précisé que l’assuré était entré dans la spéciale à 12h59’33 ». Il avait pris le départ entre le numéro 33 et le numéro 32. Lors d’un abandon entre deux spéciales, il n’en était pas fait mention dans le classement d’une spéciale, mais uniquement sous la rubrique « Total ».

Confronté à ces nouveaux éléments du dossier, l’assuré a maintenu sa version des faits au cours d’un entretien du 22.09.2015 avec un inspecteur de l’assurance-accidents. Ce dernier a attiré son attention sur les conséquences d’une fausse déclaration et lui a accordé un délai de réflexion jusqu’au 25.09.2015 pour éventuellement revenir sur sa déposition.

Par décision du 16.10.2015, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a refusé à l’assuré tout droit aux prestations d’assurance au motif qu’il avait à plusieurs reprises fait de fausses déclarations bien qu’il eût été rendu attentif aux art. 113 et 46 LAA. L’assurance-accidents lui demandait le remboursement des prestations versées à tort jusqu’alors, soit 8’010 fr. 25 au titre d’indemnités journalières et 31’559 fr. au titre de frais de traitement, soit au total 39’569 fr. 25.

 

Procédure cantonale

Les juges cantonaux ont retenu comme étant établi au degré de vraisemblance requis que l’accident en cause était survenu alors que l’assuré participait à une spéciale.

Par arrêt du 18.04.2017, le tribunal cantonal a modifié la décision attaquée en ce sens qu’il a réduit à 8’010 fr. 25 (indemnités journalières) le montant soumis à restitution. Suivant en cela une proposition de l’assurance-accidents, il a estimé qu’il était conforme au principe de proportionnalité de renoncer à exiger la restitution des prestations en nature déjà versées (soit 31’559 fr.).

 

TF

L’art. 46 al. 2 LAA permet à l’assureur de réduire ou de refuser les prestations à titre de sanction en cas de fausses informations données intentionnellement. Cette disposition vise à réprimer un comportement dolosif tendant à obtenir de l’assurance plus que ce à quoi l’on aurait droit (ALEXANDRA RUMO-JUNGO, Die Leistungskürzung oder -verweigerung gemäss Art. 37-39 UVG, 1993, p. 13; GHÉLEW/RAMELET/RITTER, Commentaire de la loi sur l’assurance-accidents [LAA], 1992, p. 176; ALFRED MAURER, Schweizerisches Unfallversicherungsrecht, 1989, pp. 239-240). L’assureur doit examiner une telle éventualité pour chaque prestation en particulier en respectant l’interdiction de l’arbitraire, ainsi que les principes de l’égalité de traitement et de proportionnalité. Une condamnation pénale, en particulier pour escroquerie, n’est pas une condition nécessaire pour faire usage de l’art. 46 al. 2 LAA (arrêt 8C_392/2017 du 26 octobre 2017 consid. 6.2 et 7.3, destiné à la publication ; arrêt 8C_68/2017 du 4 septembre 2017 consid. 4.3).

En l’occurrence, la question est de savoir si l’assuré a fait une fausse déclaration en prétendant que l’accident dont il a été victime est survenu alors qu’il se rendait au départ d’une course dite « spéciale » (soit une compétition chronométrée sur une portion du parcours) et non au cours de celle-ci. Le fait revêt une importance sous l’angle du droit aux prestations d’assurance. En effet, la participation à des courses motorisées est considérée comme une entreprise téméraire absolue qui motive dans l’assurance des accidents non professionnels le refus de toutes les prestations ou la réduction des prestations en espèces (art. 39 LAA en corrélation avec l’art. 50 OLAA). Il en est ainsi, par exemple, de la participation à une course automobile de côte ou en circuit (ATF 113 V 222 ; 112 V 44), à une compétition de moto-cross (RAMA 1991 n o U 127 p. 221, U 5/90) ou encore de la pratique dans certaines conditions de la moto sur circuit, même en dehors de toute compétition officielle (SVR 2012 UV n o 21 p. 77, 8C_472/2011).

 

Fausses déclarations

Selon le Tribunal fédéral, il n’y a pas de raison de mettre en doute la conclusion à laquelle est parvenue la cour cantonale, qui s’est fondée sur un faisceau d’éléments de preuve et d’indices concordants. Les premières déclarations du représentant de l’organisateur de la manifestation sont à cet égard dépourvues de toute ambiguïté. Dans son courriel du 24.07.2015, il était certes moins catégorique et a cherché à les relativiser pour finalement, dans un troisième temps, déclarer avoir confondu l’assuré et un autre coureur. Cette dernière version apparaît toutefois peu crédible eu égard aux modifications successives de la présentation des faits par ce témoin. De manière plus générale, indépendamment de ce manque de crédibilité, les premiers juges ont considéré à juste titre qu’il convenait d’accorder la préférence aux premières déclarations du représentant de l’organisateur de la manifestation, données alors qu’il en ignorait peut-être les conséquences juridiques, les explications nouvelles pouvant, consciemment ou non, être le fruit de réflexions ultérieures (voir ATF 142 V 590 consid. 5.2 p. 594 s.; 121 V 45 consid. 2a p. 47). De plus, la première version du représentant de l’organisateur de la manifestation est corroborée par les déclarations du chronométreur qui a confirmé que selon les listes de classement, l’assuré avait bel et bien abandonné lors de la spéciale. Les listes de classement déposées au dossier font d’ailleurs clairement état de l’abandon de l’assuré dans la spéciale SP2-T2.

L’assuré a déclaré à l’assurance-accidents – et confirmé après que son attention eut été attirée sur les conséquences légales – que l’accident était survenu en dehors d’une course chronométrée. On doit ainsi admettre qu’il a fait intentionnellement une fausse déclaration, justifiant l’application de l’art. 46 al. 2 LAA.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_388/2017 consultable ici