9C_384/2019 (f) du 01.10.2019 – Refus de prise en charge d’une abdominoplastie après perte pondérale importante post-pose d’un anneau gastrique – 24 LAMal – 32 LAMal / Rappel de la notion de défauts esthétiques / Trouble psychique pas prouvé

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_384/2019 (f) du 01.10.2019

 

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Refus de prise en charge d’une abdominoplastie après perte pondérale importante post-pose d’un anneau gastrique / 24 LAMal – 32 LAMal

Rappel de la notion de défauts esthétiques

Trouble psychique pas prouvé

 

Assurée, née en 1971, a adressé à sa caisse-maladie, par l’intermédiaire de son médecin traitant, une demande de prise en charge d’une abdominoplastie et d’une dermolipectomie aux bras et aux cuisses. Le médecin y indiquait que les interventions envisagées étaient justifiées par une perte pondérale d’environ 70 kg, survenue à la suite de la pose d’un anneau gastrique en décembre 2015. Il mentionnait également que cette perte de poids était responsable de la présence d’excès de peau qui occasionnaient des dermatites à répétition et posaient des problèmes à sa patiente pour s’habiller ; il s’agissait en outre de défauts esthétiques nécessitant un accompagnement psychologique de l’assurée.

Par décision du 8 juin 2018, confirmée sur opposition le 5 octobre suivant, la caisse-maladie a refusé la prise en charge requise. En bref, elle a considéré que les interventions chirurgicales en cause n’étaient pas justifiées par un état pathologique de l’assurée.

 

Procédure cantonale (arrêt 608 2018 287 – consultable ici)

L’avis du médecin traitant, selon lequel les excès de peau consécutifs à la perte pondérale de sa patiente constituaient un problème médical justifiant la prise en charge d’une abdominoplastie et d’une dermolipectomie aux bras et aux cuisses, avait été soumis au médecin-conseil de la caisse-maladie, qui l’avait écarté. Selon ce médecin, hormis les dermatites, pour lesquelles des traitements dermatologiques efficaces et reconnus par l’assurance-maladie obligatoire existaient, l’assurée ne présentait aucune pathologie ayant valeur de maladie. A cet égard, la cour cantonale a notamment considéré que le médecin traitant n’avait pas attesté que la mobilité de sa patiente fût réduite, de sorte qu’une telle limitation ne pouvait pas être retenue. Par ailleurs, aucun rapport concernant l’accompagnement psychologique dont avait bénéficié l’assurée n’avait été produit au dossier, si bien qu’un trouble psychique, en particulier une altération profonde de l’identité de l’assurée, ne pouvait pas être établi. En conséquence, les juges cantonaux ont confirmé le refus de la caisse-maladie de prendre en charge les coûts des interventions médicales dont l’assurée avait sollicité le remboursement.

Par jugement du 23.04.2019, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Les défauts esthétiques en tant que conséquence d’une maladie ou d’un accident n’ont en principe pas valeur de maladie. Sont cependant réservées, entre autres situations, celles où l’altération, sans être visible ou particulièrement sensible ou même sans être grave, provoque des douleurs ou des limitations fonctionnelles qui ont clairement valeur de maladie. Il en est ainsi, par exemple, de cicatrices qui provoquent d’importantes douleurs ou qui limitent sensiblement la mobilité, ou d’un trouble dépressif récurrent causé par le défaut esthétique (ATF 134 V 83 consid. 3.2 p. 85 et les références; arrêts 9C_255/2016 du 17 février 2017 consid. 3.2 et 9C_465/2010 du 6 décembre 2010 consid. 4.2).

 

La violation de la maxime inquisitoire, telle qu’invoquée par l’assurée, est une question qui se confond et qui n’a pas de portée propre par rapport au grief tiré d’une mauvaise appréciation des preuves (voir arrêt 8C_15/2009 du 11 janvier 2010 consid. 3.2, in SVR 2010 IV n° 42 p. 132). L’assureur ou le juge peut effectivement renoncer à accomplir certains actes d’instruction sans que cela n’entraîne une violation du devoir d’administrer les preuves nécessaires (art. 43 al. 1 et 61 let. c LPGA) s’il est convaincu, en se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a p. 352), que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d’autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation (sur l’appréciation anticipée des preuves en général, cf. ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 p. 298 s. et les références). L’appréciation (anticipée) des preuves doit être arbitraire non seulement en ce qui concerne les motifs évoqués par la juridiction cantonale, mais également dans son résultat (cf. ATF 140 I 201 consid. 6.1 p. 205; cf. aussi arrêt 9C_839/2017 du 24 avril 2018 consid. 5.2).

La maxime d’office doit par ailleurs être relativisée par son corollaire, le devoir de collaborer des parties, lequel comprend l’obligation d’apporter, dans la mesure où cela est raisonnablement exigible, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués. Si le principe inquisitoire dispense les parties de l’obligation de prouver, il ne les libère pas du fardeau de la preuve, dans la mesure où, en cas d’absence de preuve, c’est en principe à la partie qui voulait en déduire un droit d’en supporter les conséquences (ATF 139 V 176 consid. 5.2 et les références; cf. aussi arrêt 8C_747/2018 du 20 mars 2019 consid. 2.2).

En l’espèce, la caisse-maladie indique que si elle n’a pas requis de plus amples informations quant à une éventuelle atteinte à la santé psychique de l’assurée auprès du Centre métabolique C.__, c’est en raison du fait qu’elle n’avait « pas eu connaissance d’un quelconque suivi psychologique de la part d’un spécialiste en psychiatrie ou en psychologie ». On constate à cet égard que dans les courriers qu’il lui a adressés, le médecin traitant a indiqué que sa patiente bénéficiait d’un « accompagnement psychologique », respectivement d’une « prise en charge psychologique ». Dans la mesure où le médecin n’a fait aucune mention d’une possible pathologie psychique, la caisse-maladie ne pouvait déduire de ces correspondances que l’assurée était suivie en raison d’une atteinte psychiatrique. Les termes utilisés par le médecin traitant permettaient en effet de penser qu’il faisait référence à un suivi psychologique général pour faire face aux conséquences de l’intervention chirurgicale que sa patiente avait subie en décembre 2015.

Par ailleurs, l’assurée n’a produit aucun rapport médical établi par un spécialiste en psychiatrie ou en psychologie attestant d’une atteinte à la santé psychique. Dans ces conditions, on ne saurait reprocher une instruction défaillante à la caisse-maladie, respectivement à la juridiction cantonale, quant à l’existence d’un éventuel trouble psychique. Dans la mesure où la preuve annoncée – dont la pertinence éventuelle n’avait pas échappé à l’assurée – n’a pas été déposée, l’autorité judiciaire n’a pas fait preuve d’arbitraire en renonçant à demander des renseignements supplémentaires.

 

La juridiction cantonale était ainsi en droit de confirmer le refus de prise en charge des coûts en cause par l’assureur-maladie.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 9C_384/2019 consultable ici

 

 

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