8C_124/2019 (f) du 23.04.2019 – Dies a quo du délai de recours – 60 LPGA – 38 LPGA / Décision sur opposition envoyée en Courrier A Plus notifiée un samedi

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_124/2019 (f) du 23.04.2019

 

Consultable ici

 

Dies a quo du délai de recours / 60 LPGA – 38 LPGA

Décision sur opposition envoyée en Courrier A Plus notifiée un samedi

Samedi n’est pas un jour férié

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/10/2019 – consultable ici)

Le 17.10.2018, l’assuré a déposé un recours contre la décision sur opposition du 14.09.2018.

Se fondant sur l’attestation de suivi des envois de la poste (relevé « Track & Trace »), la cour cantonale a constaté que la décision sur opposition du 14.09.2018 avait été distribuée le samedi 15.09.2018, via la case postale de l’étude du mandataire de l’assuré. Aussi, le délai de recours avait-il commencé à courir le dimanche 16.09.2018 pour arriver à échéance le lundi 15.10.2018. Par conséquent, le recours, interjeté le 17.10.2018, ne l’avait pas été en temps utile.

Par jugement du 07.01.2019, recours jugé irrecevable pour cause de tardiveté par le tribunal cantonal.

 

TF

Aux termes de l’art. 60 al. 1 LPGA, le recours doit être déposé dans les trente jours suivant la notification de la décision sujette à recours. L’art. 38 al. 1 LPGA, applicable par analogie en vertu de l’art. 60 al. 2 LPGA, dispose que si le délai, compté par jours ou par mois, doit être communiqué aux parties, il commence à courir le lendemain de la communication.

 

Invoquant la violation du droit à la preuve (art. 29 al. 2 Cst.), l’assuré reproche aux premiers juges de n’avoir pas donné suite à sa requête tendant à la production par l’assurance-accidents des statistiques des envois de ses décisions sur opposition sur trois ans, en distinguant les jours et la méthode d’envoi. Il entendait ainsi démontrer que l’assurance-accidents envoie volontairement ses décisions par courrier A Plus le vendredi.

En droit des assurances sociales, il n’existe pas de disposition légale obligeant les assureurs sociaux à notifier leurs décisions selon un mode particulier. Dès lors, la jurisprudence admet que les assureurs sont libres de décider de la manière dont ils souhaitent notifier leurs décisions. Ils peuvent en particulier choisir de les envoyer par courrier A Plus (ATF 142 III 599 consid. 2.4.1 p. 603; voir également, parmi d’autres, arrêt 8C_559/2018 du 26 novembre 2018 consid. 4.3.1). Rien ne les empêche non plus d’envoyer leurs décisions un vendredi. Dans ces conditions, l’acte d’instruction sollicité par l’assuré n’apparaissait pas pertinent et les premiers juges pouvaient refuser d’y donner suite. Pour les mêmes raisons, il n’y a pas lieu d’accéder à la requête formulée une nouvelle fois devant le Tribunal fédéral.

 

Selon le mode d’expédition A Plus, la lettre est numérotée et envoyée par courrier A de la même manière qu’une lettre recommandée. Toutefois, contrairement au courrier recommandé, le destinataire n’a pas à en accuser réception. En cas d’absence, celui-ci ne reçoit donc pas d’invitation à retirer le pli. La livraison est néanmoins enregistrée électroniquement au moment du dépôt de l’envoi dans la boîte aux lettres ou la case postale du destinataire. Grâce au système électronique « Track & Trace » de la poste, il est ainsi possible de suivre l’envoi jusqu’à la zone de réception du destinataire (ATF 142 III 599 précité consid. 2.2 p. 601 s. et les arrêts cités; arrêts 8C_586/2018 du 6 décembre 2018 consid. 5; 8C_53/2017 du 2 mars 2017 consid. 4.1; 8C_573/2014 du 26 novembre 2014 consid. 2.2).

En outre, le délai de recours est le même pour toutes les formes de notification. Il commence à courir lorsque l’envoi entre dans la sphère de puissance du destinataire et que ce dernier peut prendre connaissance du contenu de l’envoi. En présence d’un courrier sans signature (A Plus comme A), c’est le cas au moment du dépôt dans la boîte aux lettres ou la case postale. Si l’envoi est distribué un samedi, le délai de recours commence à courir le dimanche. En présence d’un courrier recommandé, l’envoi entre dans la sphère de puissance du destinataire lorsqu’il est retiré au guichet. A cet égard, la notification par lettre recommandée n’offre pas un avantage significatif puisqu’au stade de l’avis de retrait, le destinataire ne connaît ni le contenu ni la motivation de la décision qui lui est adressée (arrêts 8C_754/2018 précité consid. 7.2.3; 2C_1126/2014 du 20 février 2015 consid. 2.4).

Par ailleurs, l’accès aux cases postales est en principe garanti en tout temps et le fait de ne pas vider la case postale le samedi relève de la responsabilité du destinataire (privé ou commercial). Celui-ci ne saurait s’en prévaloir pour reporter le dies a quo du délai de recours, alors que la date de distribution d’un courrier A Plus est facilement déterminable au moyen du numéro apposé sur l’enveloppe. Contrairement à ce que soutient l’assuré, un tel procédé ne présente aucune difficulté particulière, surtout pour un cabinet d’avocats, et permet précisément de lever les éventuelles incertitudes liées à l’envoi sans signature.

 

On ne saurait en effet reprocher à l’assurance-accidents un comportement déloyal et la mise en péril des droits des assurés pour avoir choisi un mode de notification expressément admis par le Tribunal fédéral. En outre, il n’y a pas lieu de remettre en cause le principe de la réception auquel sont soumises les communications des autorités et dont il ressort que la prise de connaissance effective de l’envoi ne joue pas de rôle sur la détermination du dies a quo du délai de recours (cf. ATF 144 IV 57 consid. 2.3.2 p. 62; 142 III 599 déjà cité consid. 2.4.1; 122 I 139 consid. 1 p. 143; 115 Ia 12 consid. 3b p. 17). On peut d’ailleurs attendre d’un avocat qu’il tienne compte de ce principe bien établi et recoure en temps utile.

 

Au risque de se répéter, dans le domaine des assurances sociales, le dépôt dans la boîte aux lettres ou la case postale d’un envoi, par courrier A Plus, constitue le point de départ pour le calcul du délai de recours, quand bien même la livraison a lieu un samedi et que le pli n’est récupéré qu’à une date ultérieure, comme le lundi suivant. Il n’y a pas lieu de revenir sur cette jurisprudence que le Tribunal fédéral a confirmée à maintes reprises (cf. notamment arrêts 8C_754/2018 consid. 7.2.3 déjà cité; 9C_655/2018 du 28 janvier 2019 consid. 4.4; 8C_559/2018 déjà cité consid. 3.4; 9C_90/2015 du 2 juin 2015 consid. 3.4; 8C_198/2015 du 30 avril 2015 consid. 3.2; 8C_573/2014 déjà cité consid. 3.1). L’assuré ne prétend d’ailleurs pas que les conditions d’un changement de jurisprudence seraient remplies (à ce sujet cf. ATF 144 IV 265 consid. 2.2 p. 269; 142 V 212 consid. 4.4 p. 117; 139 V 307 consid. 6.1 p. 313). Au demeurant, le fait que le samedi n’est pas mentionné comme jour « ouvrable et de dépôt » à l’art. 29 al. 7 de l’Ordonnance du 29 août 2012 sur la poste (OPO; RS 783.01) ne signifie pas pour autant que les envois ne peuvent pas être distribués ce jour-là. Quant au ch. 2.5.3 « Dimanche et jours fériés » des conditions générales de la poste (« Prestations du service postal » pour les clients commerciaux), il prévoit que « si la date de distribution (= échéance) tombe un dimanche ou un autre jour férié reconnu, au niveau étatique ou par l’usage local, au lieu de la prestation, le premier jour ouvrable qui suit ce dimanche ou jour férié est considéré date de distribution ». On ne peut pas en déduire que le samedi est un jour férié au sens de cette disposition, auquel cas il serait mentionné au même titre que le dimanche. Par ailleurs, la référence à l’art. 1 de la loi fédérale du 21 juin 1963 sur la supputation des délais (RS 73.110.3) n’est pas davantage pertinente, car cette disposition ne concerne que la fin du délai de recours et non son commencement. Enfin, la fermeture des bureaux de l’administration, et à plus forte raison des cabinets d’avocats, ne suffit pas en soi pour reconnaître au samedi le caractère de jour férié (cf. arrêts 6B_730/2013 du 10 décembre 2013 consid. 1.3.2 et les arrêts cités; 1P.322/2006 du 25 juillet 2006 consid. 2.5).

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_124/2019 consultable ici

 

 

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