8C_226/2021 (d) du 04.10.2021 – Revenu d’invalide d’une infirmière diplômée – 19 LAA – 16 LPGA / Salaire d’invalide selon ESS – Niveau de compétences 2 vs 1

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_226/2021 (d) du 04.10.2021

 

Consultable ici

 

Revenu d’invalide d’une infirmière diplômée / 19 LAA – 16 LPGA

Salaire d’invalide selon ESS – Niveau de compétences 2 vs 1

 

Assurée, née en 1967, infirmière diplômée à l’hôpital B.________ depuis le 01.03.2006 au taux de 60%. Le 09.09.2007, elle est tombée sur son flanc gauche avec son vélo. Depuis lors, elle ressent une douleur constante à l’épaule gauche et dans la région de la nuque, principalement lors des mouvements de port de poids avec le bras gauche.

Par décision du 14.11.2017, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a nié le droit de l’assurée à une rente d’invalidité, le taux d’invalidité n’atteignant pas la valeur seuil de 10%.

 

Procédure cantonale

Sur la base du dossier et de l’expertise médicale, la cour cantonale a considéré que l’activité habituelle d’infirmière n’était plus raisonnablement exigible en raison des limitations fonctionnelles découlant de l’accident du 09.09.2007. L’assurée ne pouvait plus lever son bras gauche au-dessus de sa tête et ne pouvait pas porter des charges de plus de 3 kg même avec le bras le long du corps. Elle pouvait travailler sur l’ordinateur que pendant 15 à 20 minutes maximum à la fois, car elle ne pouvait pas s’asseoir droit devant la table avec le clavier en raison de la position de rotation interne de son bras gauche (positionnement répété contre son corps), mais ne pouvait le manipuler que dans une posture forcée. Dans une activité adaptée à son état de santé, l’assurée était capable de travailler à 80%, la baisse de rendement de 20% résultant du besoin accru de pauses.

Il ne semblait pas réaliste que l’assurée puisse mettre à profit les compétences professionnelles qu’elle avait acquises au fil des ans en tant qu’infirmière diplômée dans un autre domaine de travail. Contrairement à l’avis de l’assurance-accidents, l’assurée ne disposait pas de connaissances approfondies en tant que commerciale. En raison du peu de temps dont elle disposait pour travailler sur l’ordinateur, elle ne pourrait pas travailler comme secrétaire médicale ou comparable à une secrétaire sans restriction.

Par conséquent, le revenu d’invalide devait être déterminé sur la base de l’ESS, niveau de compétences 1, ligne Total, réduit de 20% (incapacité de travail). Après comparaison avec le revenu sans invalidité de CHF 85 484, le taux d’invalidité s’élevait à 49,66%.

Par jugement du 15.02.2021, admission du recours, octroyant à l’assurée une rente d’invalidité de l’assurance-accidents de 50% dès le 01.07.2014.

 

TF

L’assurance-accidents objecte que l’assurée a une formation tertiaire complète en tant qu’infirmier spécialisé. Elle avait travaillé dans cette profession pendant plusieurs années pour trois employeurs. En outre, selon ses propres déclarations, elle avait été directrice adjointe de service et avait donc une expérience de la gestion. À partir de 1995, elle a dirigé, à titre indépendant, une entreprise de commerce et de conseil en matière de matériel médical. De 1992 à 2006, elle avait travaillé dans une garderie, comme décoratrice de vitrine et au guichet téléphonique de Mobility. En outre, elle travaillait depuis plusieurs années en tant que curatrice privée pour la commune et recevait des mandats du KESB (autorités de protection de l’enfant et de l’adulte du canton de Lucerne). Elle a également travaillé comme répétitrice pour des élèves de l’école primaire. En juin 2001, elle avait suivi une formation d’un an en applications informatiques et obtenu un diplôme. Elle avait des connaissances en italien, en anglais et en français. Elle a également déclaré qu’elle privilégiait un emploi médico-commerciale. Après l’accident, elle avait travaillé comme secrétaire médicale et comme assistante de cabinet médical et avait reçu une offre d’emploi concrète. Dans l’ensemble, ces formations et activités ont montré que l’assurée disposait de compétences et de connaissances particulières qui lui permettaient d’effectuer, en dehors de sa profession habituelle, des travaux allant au-delà de simples travaux physiques et manuels non qualifiés au sens du niveau de compétences 1 de la LSE 2014. Selon l’assurance-accidents, il convient d’utiliser les salaires bruts standardisés du niveau de compétences 2.

 

Consid. 3.3.3.1

Le niveau de compétences 1 de l’ESS 2014 comprend des tâches physiques ou manuelles simples. Le niveau de compétences 2 comprend des tâches pratiques telles que la vente/ les soins/ le traitement de données et les tâches administratives/ l’utilisation de machines et d’appareils électroniques/ les services de sécurité/ la conduite de véhicules. Si la personne assurée ne peut plus exercer la profession habituelle en raison de l’invalidité, l’application du niveau de compétences 2 (ou jusqu’à la publication de l’ESS 2010 : niveau de qualification 3 ; cf. arrêt 8C_534/2019 du 18 décembre 2019 et les références) ne se justifie selon la jurisprudence du Tribunal fédéral que si elle dispose de compétences et de connaissances particulières (arrêt 8C_5/2020 du 22 avril 2020 consid. 5.3.2).

Tel a été le cas, par exemple, dans le cas d’un ancien sportif de haut niveau qui avait réussi son examen de fin d’études et n’avait que 30 ans au moment de l’accident (arrêt I 779/03 du 22 juin 2004 consid. 4.3.4), dans le cas d’un assuré qui avait déjà exercé diverses professions (chauffeur de camion et d’autobus, démarcheur publicitaire, éditeur indépendant d’un magazine) (arrêt I 822/04 du 21 avril 2005 consid. 5. 2), dans le cas d’un ancien plombier/installateur sanitaire aux compétences manuelles supérieures à la moyenne (arrêt 8C_192/2013 du 16 août 2013 consid. 7.3.2) et dans le cas d’un menuisier de formation qui a achevé une formation de contremaître et de chef de projet, a également exercé ces fonctions et a finalement fondé et dirigé sa propre entreprise dans le secteur de la construction (arrêt 8C_5/2020 du 22 avril 2020 E. 5.3.2).

Pour le reste, le Tribunal fédéral a utilisé la valeur centrale du niveau de compétences 1 (niveau de qualification 4 jusqu’à l’ESS 2010). Par exemple, dans le cas d’un chauffagiste qui avait travaillé entre-temps comme représentant commercial pour une compagnie d’assurance mais qui n’avait pas de formation commerciale (SVR 2010 IV n° 52 p. 160, 9C_125/2009 consid. 4.3 et 4. 4) ou dans le cas d’un employé âgé de 45 ans au service du même employeur depuis près de 20 ans, qui y avait occupé en dernier lieu un poste de direction, mais ne disposait dans cette profession que de l’expertise pertinente en tant que chef de la sécurité, qu’il ne pouvait plus exercer en raison de son handicap (arrêt 8C_386/2013 du 15 octobre 2013 consid. 6.2 et 6.3 ; cf. également arrêt 8C_131/2021 du 2 août 2021 consid. 7.4.1).

 

Consid. 3.3.3.2

L’assurance-accidents recourante n’explique pas – et il n’est pas clair non plus – dans quelle mesure l’assurée est capable de mettre à profit sur le marché du travail général les compétences et les connaissances qu’elle a acquises au fil des ans en tant qu’infirmière spécialisée. En outre, il faut souligner le fait que l’assurée n’a aucune formation commerciale et aucune expérience pertinente dans ce domaine. De ce point de vue également, le niveau de compétences 2 ne peut être pris en compte. Il en va de même pour le commerce et la distribution de matériel médical, avec lesquelles l’assurée n’a apparemment pas été en mesure de générer un revenu couvrant ses frais de subsistance. Ensuite, les nombreuses autres activités énumérées par l’assurance-accidents recourante indiquent une certaine flexibilité de la part de l’assurée. Toutefois, elles ne constituent pas des compétences et connaissances particulières au sens de la jurisprudence citée qui justifieraient l’application du niveau de compétences 2. En ce qui concerne l’expérience de management alléguée par l’assurance-accidents, il convient de noter que l’assurée n’a été cheffe adjointe du service que pendant 9 mois en 1990.

 

Le TF rejette le recours de l’assurance-accidents.

 

 

Arrêt 8C_226/2021 consultable ici

 

 

Proposition de citation : 8C_226/2021 (d) du 04.10.2021 – Salaire d’invalide selon ESS – Niveau de compétences 2 vs 1, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2021/11/8c_226-2021)

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