8C_115/2021 (d) du 10.08.2021 – Revenu d’invalide selon ESS – Abattement – 16 LPGA / Capacité de travail exigible à temps partiel (60%) pour un homme – Permis de séjour C – Appréciation globale

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_115/2021 (d) du 10.08.2021

 

Consultable ici

 

Revenu d’invalide selon ESS – Abattement / 16 LPGA

Capacité de travail exigible à temps partiel (60%) pour un homme – Permis de séjour C – Appréciation globale

 

Assuré, né en 1960, travaillant depuis 2011 comme aide poseur de sol. Dépôt de la demande AI en septembre 2016, après deux séjours à l’hôpital durant l’été 2016, en raison d’une insuffisance rénale et d’une incapacité de travail totale à partir du 15.06.2016.

Une expertise pluridisciplinaire a été mise en œuvre par l’office AI. Selon les médecins experts, il n’était plus exigible de la part de l’assuré de soulever, porter et transporter régulièrement des charges moyennes et lourdes. Il pouvait encore effectuer des activités physiques légères à moyennement lourdes par intermittence pendant cinq à six heures par jour, soit à l’heure, soit avec un besoin accru de pauses.

L’office AI a octroyé à l’assuré le droit à un quart de rente AI dès le 01.06.2017, en se fondant sur l’expertise pluridisciplinaire du 19.03.2018 et du rapport complémentaire du 02.05.2018.

 

Procédure cantonale (arrêt IV.2019.00649 – consultable ici)

Le tribunal cantonal s’est également référé à l’expertise pluridisciplinaire pour trancher la question de la capacité de travail exigible. Par conséquent, il n’est pas non contesté que l’on ne pouvait plus raisonnablement attendre de l’assuré qu’il effectue son activité habituelle lourde. Cependant, depuis mai 2017, l’assuré a une capacité résiduelle de travail de 60% dans une activité adaptée légère à moyennement lourde.

Alors que l’office AI a, dans sa décision litigieuse, déterminé le taux d’invalidité de 42% sur la base du salaire médian selon l’ESS 2014 en tenant compte d’un abattement de 10%, la cour cantonale est arrivée à un taux d’invalidité de 49,37%, en excluant une déduction sur le salaire de la table TA1 de l’ESS 2016, un besoin accru de pauses et une baisse de rendement ayant déjà été pris en compte dans le cadre de la capacité de travail. Le tribunal cantonal a constaté que, selon le tableau T18 de l’ESS 2016, les hommes sans fonction dirigeante avec un taux d’activité de 60% ont un salaire inférieur de 6% en comparaison avec le salaire médian pour un emploi à plein temps. Dans la pratique, toutefois, cette perte n’est pas suffisamment importante pour justifier une déduction du revenu d’invalide. Les autres critères ne sont par ailleurs pas remplis.

Par jugement du 22.12.2020, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Le revenu sans invalidité de CHF 79’527.46 n’est pas contesté.

La seule question litigieuse est celle de savoir si le revenu d’invalidité, qui en l’espèce a été correctement déterminé sur la base de l’ESS, doit tenir compte, en plus de la baisse de rendement de 40%, d’un abattement

Selon l’ATF 126 V 75, la mesure dans laquelle les salaires ressortant des statistiques doivent être réduits dépend de l’ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité/catégorie d’autorisation de séjour et taux d’occupation). Un abattement est effectué seulement lorsqu’il existe des indices qu’en raison d’un ou de plusieurs facteurs, l’intéressé ne peut mettre en valeur sa capacité résiduelle de travail sur le marché du travail (ATF 134 V 64 consid. 4.2.1) qu’avec un résultat économique inférieur à la moyenne (ATF 135 V 297 consid. 5.2). Une telle déduction ne doit pas être opérée automatiquement mais être estimée dans son ensemble, en tenant compte des circonstances du cas d’espèce, et ne peut dépasser 25% (ATF 135 V 297 consid. 5.2 ; 134 V 322 consid. 5.2 ; 126 V 75 consid. 5b/bb-cc). La jurisprudence accorde une déduction sur le revenu d’invalide notamment si l’assuré est limité dans sa capacité à travailler même dans le cadre d’activités légères non qualifiées (ATF 126 V 75 consid. 5a/bb). Toutefois, il convient de noter que toute limitation déjà prise en considération lors de l’appréciation médicale de la capacité de travail, elles ne sauraient l’être une seconde fois, dans le cadre de l’évaluation du revenu d’invalide, en tant que facteur de réduction du salaire statistique (ATF 146 V 16 consid. 4.1 et les références).

Les limitations fonctionnelles retenues par les médecins experts entraîneraient une restriction du choix des activités et donc un désavantage sur le marché du travail. En pratique, l’effet de ces atteintes à la santé doivent être pris en compte de manière adéquate dans le cadre de l’estimation globale en tenant compte de l’ensemble des facteurs personnels et professionnels du cas particulier (arrêt 9C_787/2018+9C_795/2018 du 19 juillet 2019 consid. 6.4 avec références).

Il en va de même du fait que le salaire brut médian standardisé des hommes sans fonction de cadre est inférieur de 6% pour une activité exercée à temps partiel de 50 à 74% par rapport à un pensum à temps plein (à partir de 90%) selon le tableau T18 de l’ESS 2016. La circonstance « taux d’occupation » est également à prendre en considération dans le cadre de l’estimation globale (arrêt 8C_729/2019 du 25 février 2020 consid. 5.3.3.1 et les références).

L’appréciation de la cour cantonale, selon laquelle l’assuré est en mesure de travailler en plein avec un besoin accru de pauses de 20%, est contredite par l’expertise pluridisciplinaire. Les différentes limitations de la capacité de travail, issues des diverses spécialités médicales, ne se complètent que partiellement, raison pour laquelle elles doivent être partiellement additionnée. Si, du seul point de vue rhumatologique, seule une présence de six heures par jour est possible, avec la prise en compte d’un besoin de pauses légèrement accru, il n’y a pas de caractère exigible à une activité exercée sur la base d’un temps complet.

L’assuré fait en outre valoir qu’étant sans formation professionnelle il n’a jusqu’à présent effectué que des travaux lourds en Suisse et n’a acquis que des connaissances rudimentaires de la langue allemande, raison pour laquelle il a fallu faire appel à un interprète lors de l’expertise. Ainsi, il ne peut utiliser sa capacité de travail résiduelle qu’avec un résultat économique inférieur à la moyenne sur le marché du travail équilibré dans le cadre d’un emploi non qualifié du niveau de compétences le plus bas, en raison des limitations. L’assuré rappelle – à juste titre selon le Tribunal fédéral – qu’en pratique il faut également en tenir compte dans l’estimation globale de l’ensemble des facteurs (arrêts 9C_787/2018+9C_795/2018 du 19 juillet 2019 consid. 6.4 et 8C_319/2017 du 6 septembre 2017 consid. 3.3.2.1).

L’assuré, en Suisse depuis 2002, est titulaire d’un permis de séjour C. Se référant au tableau T15 de l’ESS 2016, l’assuré estime que les étrangers titulaires d’un permis de séjour C gagnent des salaires inférieurs à ceux des Suisses. Cette affirmation ne s’applique pas aux différents secteurs économiques des salaires indiqués dans le tableau T15 de l’ESS. En effet, selon le tableau TA12 de l’ESS, les hommes sans fonction de cadre disposant d’un permis d’établissement de catégorie C ont tendance à gagner un revenu inférieur par rapport à la moyenne générale (cf. arrêt 9C_418/2017 du 30 octobre 2017 consid. 4.5.2 ; 9C_449/2015 du 21 octobre 2015 consid. 4.2.4 ; cf. également arrêt 9C_787/2018+9C_795/2018 du 19 juillet 2019 consid. 6.3 s.). Le tableau TA12 de l’ESS 2016 montre que le salaire des hommes sans fonction de cadre est inférieur d’environ 3% par rapport à la moyenne générale si – comme dans le cas de l’assuré – ils sont étrangers avec un permis d’établissement (catégorie C) (cf. arrêt 9C_418/2017 du 30 octobre 2017 consid. 4.5.2 avec référence).

Après avoir examiné les circonstances pertinentes isolément et n’en avoir identifié aucune justifiant un abattement, l’approche du tribunal cantonal est en contradiction avec la jurisprudence (ATF 126 V 75). En pratique, il n’y a pas lieu de procéder à des déductions distinctes pour chacun des facteurs entrant en considération. Au contraire, l’administration et – en cas de litige – le tribunal doivent procéder à une évaluation globale, dans les limites du pouvoir d’appréciation, des effets de ces facteurs sur le revenu d’invalide, compte tenu de l’ensemble des circonstances du cas concret.

Dans le cas d’espèce, un abattement de 10% est donc justifié et approprié (cf. les arrêts 9C_787/2018+9C_795/2018 du 19 juillet 2019 consid. 6.4 ainsi que 8C_319/2017 du 6 septembre 2017 consid. 3.3.2.2 et les références). Par conséquent, c’est à juste titre que l’office AI a retenu un abattement de 10% dans sa décision du 06.08.2019. Quant à l’instance cantonale, c’est à juste titre qu’elle a fondé son arrêt sur les chiffres pertinents de l’ESS 2016 (ATF 144 I 103 consid. 5.3.2.3 et la référence).

Compte tenu de l’abattement de 10%, le revenu d’invalide s’élève à CHF 36’234,95 (= CHF 40’261,06 x 0,9), de sorte que la comparaison avec le revenu sans invalidité non contesté aboutit à un degré d’invalidité de 54%. L’assuré a ainsi droit à une demi-rente AI.

 

Le TF admet le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_115/2021 consultable ici

 

 

Proposition de citation : 8C_115/2021 (d) du 10.08.2021 – Revenu d’invalide selon ESS – Abattement – Capacité de travail exigible à temps partiel (60%) pour un homme – Permis de séjour C – Appréciation globale, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2021/10/8c_115-2021)

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