8C_95/2021 (f) du 27.05.2021 – Rappel de la notion de stabilisation de l’état de santé – Clôture du cas – 19 al. 1 LAA / Capacité de travail exigible – 16 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_95/2021 (f) du 27.05.2021

 

Consultable ici

 

Rappel de la notion de stabilisation de l’état de santé – Clôture du cas / 19 al. 1 LAA

Capacité de travail exigible / 16 LPGA

 

Assurée, née en 1970, employée depuis le 09.10.2010 comme ouvrière polyvalente, a été victime d’une chute dans un escalier le 03.01.2017, entraînant une fracture-luxation trimalléolaire de la cheville gauche, traitée par voie chirurgicale. Depuis lors, elle a été en incapacité de travail à 100%.

Le 02.05.2018, 2 mai 2018, le médecin-conseil de l’assurance-accidents, spécialiste en chirurgie, a procédé à l’examen final et a retenu que malgré les deux séjours à la Clinique de réadaptation, il n’avait pas été possible d’infléchir un processus d’invalidité qui s’était rapidement installé après l’accident chez une patiente qui présentait une sorte d’exclusion fonctionnelle de son pied gauche. Dans ces conditions, la reprise d’un traitement de physiothérapie n’avait pas de sens. Dans une activité respectant les limitations qui avaient été décrites lors du deuxième séjour à la Clinique de réadaptation, la capacité de travail était entière, étant précisé que l’impossibilité de reprendre l’activité habituelle avait été mise essentiellement sur le compte de facteurs non médicaux. Il a en outre évalué le taux de l’IPAI de 10%.

Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents lui a reconnu le droit à une IPAI de 10%; en revanche, en l’absence d’une diminution notable de la capacité de gain, elle a nié le droit à une rente d’invalidité.

De son côté, l’office AI a rejeté la demande de prestations de l’assurée.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 150/18 – 187/2020 – consultable ici)

Sur la base des rapports jugés probants, la juridiction cantonale a considéré qu’au moment où l’assurance-accidents avait mis fin à la prise en charge du traitement médical et au versement des indemnités journalières, il n’y avait plus à attendre de la poursuite du traitement une amélioration notable de l’état de santé de l’assurée. Les rapports produits par celle-ci et par sa caisse-maladie ne permettaient pas de mettre sérieusement en doute les constatations de l’assurance-accidents. En ce qui concernait la capacité de travail, les rapports de la Clinique de réadaptation et du médecin-conseil permettaient également de constater qu’elle était de 100% dans une activité adaptée, c’est-à-dire une activité permettant d’éviter la marche prolongée, en particulier en terrain irrégulier, les montées et les descentes répétitives d’escaliers, la position accroupie prolongée et le port de charge supérieur à un port de charge léger entre 5 et 10 kg. Si l’assurée était dans l’impossibilité de maintenir une position assise statique sans tendre sa jambe et la poser sur un repose-pied, il convenait de constater que les plaintes et les limitations fonctionnelles observées chez elle dépassaient, selon les médecins de la Clinique de réadaptation, ce qui était objectivement explicable par les atteintes à la santé.

Par jugement du 10.12.2020, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Stabilisation de l’état de santé – Clôture du cas

Selon l’art. 19 al. 1 LAA, le droit à une rente d’invalidité prend naissance dès qu’il n’y a plus lieu d’attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l’état de santé de l’assuré et qu’aucune mesure de réadaptation de l’assurance-invalidité n’entre en considération; il appartient alors à l’assureur-accidents de clore le cas en mettant fin aux frais de traitement ainsi qu’aux indemnités journalières, en examinant le droit à une rente d’invalidité et à une indemnité pour atteinte à l’intégrité. L’amélioration de l’état de santé se détermine notamment en fonction de l’augmentation ou de la récupération probable de la capacité de travail réduite par l’accident (ATF 134 V 109 consid. 4.1). L’utilisation du terme « sensible » par le législateur montre que l’amélioration que doit amener une poursuite du traitement médical doit être significative. Ni la possibilité lointaine d’un résultat positif de la poursuite d’un traitement médical ni un progrès thérapeutique mineur à attendre de nouvelles mesures – comme une cure thermale – ne donnent droit à sa mise en œuvre (arrêt 8C_142/2017 du 7 septembre 2017 consid. 4 et la référence citée). Il ne suffit pas non plus qu’un traitement physiothérapeutique puisse éventuellement être bénéfique pour la personne assurée (arrêt 8C_736/2017 du 20 août 2018 consid. 4.1 et la référence citée). Dans ce contexte, l’état de santé doit être évalué de manière prospective (arrêt 8C_235/2020 du 15 février 2021 consid. 2.3).

Au moment où l’assurance-accidents a mis fin aux indemnités journalières, le 30.06.2018, il ressortait des pièces médicales versées au dossier, en particulier du rapport du médecin-conseil, qu’il n’y avait plus de traitement médical susceptible d’améliorer de manière notable l’état de santé de l’assurée. On ne saurait ainsi suivre l’assurée lorsqu’elle soutient que les autres médecins consultés avaient un avis divergent. Certes, le médecin-traitant, spécialiste FMH en médecine interne générale, a relevé que l’on pouvait avec le temps espérer encore une certaine amélioration ; toutefois, il n’a pas pu indiquer une thérapie spécifique qui puisse améliorer de manière sensible l’état de santé de l’assurée, dans la mesure où celle-ci connaissait les différents exercices à faire. Quant au rapport du 26 octobre 2018 de la médecin associée au Département de l’appareil locomoteur du Service d’orthopédie et traumatologie de l’Hôpital H.__, il confirme qu’au moment de la clôture du cas, il n’existait pas d’indication à une réintervention chirurgicale. S’agissant en outre des traitements suggérés par la spécialiste (séances de piscine, drainages, amélioration de la marche par des chaussures appropriées), il y a lieu de constater qu’il s’agit de traitements dont la pratique considère qu’ils sont tout au plus aptes à augmenter le bien-être de la personne assurée, mais ne sont pas de nature à améliorer de manière considérable son état de santé. Il en va de même de la détermination d’un spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur, dans laquelle il se réfère à un rapport d’une consœur faisant état d’une situation radiologique inchangée depuis octobre 2018 mais constate une légère amélioration grâce à la physiothérapie.

Dans ces conditions, l’arrêt attaqué n’est pas critiquable en tant qu’il confirme que l’assurance-accidents était fondée à clore le cas avec effet au 30.06.2018.

 

Capacité de travail exigible

L’assurée fait grief à la cour cantonale d’avoir retenu sur la base du rapport du médecin-conseil qu’elle était apte à exercer une activité adaptée à plein temps. Elle estime que cette appréciation est contredite par le rapport des ateliers professionnels de la Clinique de réadaptation, dans lequel il est indiqué que lors du maintien de la position assise statique, l’assurée tend sa jambe et la pose sur un repose-pieds.

Ce faisant, l’assurée semble perdre de vue qu’il s’agit-là d’un descriptif de son comportement lors du séjour à la Clinique de réadaptation, rendu par les spécialistes de la réadaptation professionnelle, et non pas d’une appréciation médicale de sa capacité de travail. Par ailleurs, à l’instar de la cour cantonale, il sied de relever que les médecins de la Clinique de réadaptation ont constaté l’existence de facteurs contextuels qui jouaient un rôle important dans les plaintes et les limitations fonctionnelles rapportées par la patiente et influençaient défavorablement le retour au travail ; la patiente était très focalisée sur ses douleurs et avait sous-estimé de manière importante ses propres capacités fonctionnelles.

Cela étant, en ce qui concerne l’évaluation de la capacité de travail résiduelle de l’assurée, il n’existe aucun motif de s’écarter de l’exigibilité fixée par le médecin-conseil, ni d’ordonner une expertise. En effet, le dossier ne contient aucun avis médical dont il faudrait inférer que les limitations fonctionnelles retenues par le médecin-conseil ne tiendraient pas suffisamment compte des atteintes objectives en lien avec l’accident du 03.01.2017.

Contrairement à ce que soutient l’assurée, le médecin-traitant n’a pas indiqué qu’une activité adaptée serait uniquement envisageable à temps partiel. Il a seulement relevé qu’une telle activité ne pouvait pas d’emblée être exercée à plein temps. Or, dans la mesure où ce praticien n’explique pas pour quel motif un temps d’adaptation serait indispensable pour que l’assurée puisse exercer une activité adaptée ne nécessitant pas de manière accrue la sollicitation de la cheville gauche, c’est à juste titre que la cour cantonale n’a pas tenu compte de cette remarque. Quant à la détermination de ce médecin, produite en cours de procédure cantonale, dans laquelle il atteste désormais une incapacité de travail totale dans toute activité, force est de constater que ses conclusions n’emportent pas la conviction. Outre le fait qu’il est admis de jurisprudence constante que le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l’unit à ce dernier (ATF 135 V 465 consid. 4.5; 125 V 351 consid. 3a/cc), on relèvera qu’il s’est essentiellement fondé sur les douleurs de l’assurée et n’a pas mis en évidence un élément objectif nouveau par rapport au rapport du médecin-conseil.

 

Par conséquent, c’est à raison que les juges cantonaux ont nié le droit de l’assurée à des indemnités journalières au-delà du 30.06.2018 et ont retenu qu’à partir de ce moment-là, celle-ci était apte à exercer à plein temps une activité adaptée aux limitations fonctionnelles de sa cheville gauche. Il n’y avait pas non plus lieu pour eux d’ordonner une expertise. L’arrêt attaqué ne prête ainsi pas le flanc à la critique en tant qu’il confirme le refus d’une rente d’invalidité à l’assurée, dès lors que celle-ci ne conteste pas, comme déjà au stade de la procédure cantonale, la comparaison des revenus avec et sans invalidité à laquelle l’assurance-accidents a procédé et dont il ne résulte pas de perte de gain.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 8C_95/2021 consultable ici

 

Cf. arrêt 8C_96/2021 du 27.05.2021 pour le volet AI du dossier.

 

 

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