9C_38/2020 (f) du 20.10.2020 – Prestations complémentaires – Délai de carence de 10 ans précédant la demande pour les étrangers – 5 al. 1 LPC (dans sa teneur en vigueur jusqu’au 30.06.2018) / Compte comme temps de résidence en Suisse la période durant laquelle l’étranger était au bénéfice d’un permis de séjour valable

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_38/2020 (f) du 20.10.2020

 

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Prestations complémentaires – Délai de carence de 10 ans précédant la demande pour les étrangers / 5 al. 1 LPC (dans sa teneur en vigueur jusqu’au 30.06.2018)

Compte comme temps de résidence en Suisse la période durant laquelle l’étranger était au bénéfice d’un permis de séjour valable

 

Par décision, confirmée sur opposition, le service cantonal des prestations complémentaires a rejeté la demande de prestations complémentaires à l’assurance-invalidité que l’assurée avait présentée le 29.06.2018, au motif que la prénommée, ressortissante du Brésil, ne remplissait pas la condition de la durée de séjour ininterrompu de dix ans en Suisse, ledit séjour ayant débuté le 24.06.2010.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/1053/2019 – consultable ici)

La juridiction cantonale a indiqué que selon l’art. 5 al. 1 LPC, dans sa teneur en vigueur jusqu’au 30 juin 2018, les étrangers doivent avoir résidé en Suisse de manière ininterrompue pendant les dix années précédant immédiatement la date à laquelle ils demandent la prestation complémentaire (délai de carence). A cet égard, en se référant à la jurisprudence (cf. arrêt 9C_423/2013 du 26 août 2014 consid. 4.2 et 4.3), la cour cantonale a aussi rappelé que ne pouvait compter comme temps de résidence en Suisse que la période durant laquelle l’étranger requérant des prestations complémentaires était au bénéfice d’un permis de séjour valable.

Pour les juges cantonaux, si l’assurée avait rendu vraisemblable sa résidence en Suisse depuis plus de dix ans au moment de sa demande de prestations complémentaires, il était toutefois établi qu’elle n’était pas au bénéfice d’un titre de séjour pendant toute la durée de carence de dix ans, de sorte que les conditions d’octroi des prestations complémentaires n’étaient pas remplies. La juridiction cantonale a aussi rappelé que la jurisprudence rendue en matière d’assurance-invalidité (cf. ATF 118 V 79), dans l’éventualité où une personne séjournant illégalement en Suisse avait cotisé en raison de l’exercice d’une activité lucrative, ne s’appliquait pas au cas d’espèce.

Par jugement du 13.11.2019, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

L’assurée ne conteste pas le bien-fondé des constatations de fait de l’autorité cantonale, singulièrement le fait qu’elle n’était pas au bénéfice d’un titre de séjour pendant toute la période de carence de dix ans précédant sa demande du 29.06.2018. L’assurée affirme qu’elle est néanmoins en mesure de prouver sa présence à Genève depuis 2005 et soutient derechef – en mentionnant les art. 4 al. 1 let. c et 5 al. 1 et 2 LPC (sous-entendu : dans leur teneur en vigueur jusqu’au 30 juin 2018) – que l’obligation d’un titre de séjour ne figure pas dans la loi. Elle fait valoir qu’elle devrait bénéficier du délai de cinq ans prévu à l’art. 5 al. 2 LPC, compte tenu de son permis F.

L’assurée n’est pas ressortissante d’un Etat partie à l’ALCP. Il s’ensuit que le délai de carence de dix ans prévu à l’art. 5 al. 1 LPC (dans sa teneur en vigueur jusqu’au 30 juin 2018) peut lui être opposé sans que cela constitue une discrimination directe prohibée par l’ALCP (cf. ATF 133 V 265 consid. 5.3 p. 272 avec les références ; arrêt 9C_885/2018 du 16 août 2019 consid. 4.3). Par ailleurs, ce délai ne saurait être réduit à cinq ans comme elle semble le penser en invoquant l’art. 5 al. 2 LPC, car elle n’est ni réfugiée ni apatride, mais a séjourné en Suisse au bénéfice d’une admission provisoire (permis F : art. 83 LEI, RS 142.20) à compter du 24.06.2010.

En ce qui concerne la condition de l’existence d’un séjour légal en Suisse pour fixer le début du délai de carence, il est vrai qu’elle ne figurait pas dans la législation en vigueur jusqu’au 30 juin 2018, applicable au cas d’espèce dès lors que la demande de prestations a été déposée le 29.06.2018 (ATF 130 V 445 consid. 1.2.1 p. 447 ; 129 V 1 consid. 1.2 p. 4). L’assurée oublie toutefois que cette exigence découlait de la jurisprudence rappelée par l’instance cantonale (cf. arrêt 9C_423/2013 du 26 août 2014 consid. 4.2 et 4.3, citant notamment les arrêts ATFA 1962 p. 26 et P 42/90 du 8 janvier 1992 ; voir aussi MICHEL VALTERIO, Commentaire de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI, ch. 2 ad art. 5 LPC). Elle n’invoque aucun motif qui pourrait conduire le Tribunal fédéral à revenir sur cette pratique, qui figure désormais dans la loi s’agissant des prestations complémentaires de droit fédéral (cf. art. 5 al. 1 LPC, dans sa teneur en vigueur à partir du 1er juillet 2018).

Si l’existence d’une résidence à Genève depuis plus de dix ans au moment du dépôt de la demande du 29.06.2018 a été reconnue par la juridiction cantonale (consid. 6 p. 7 du jugement attaqué), elle résultait à l’origine d’un séjour non autorisé et ne saurait donc être intégralement prise en considération. Comme un séjour légal n’a existé qu’à partir du 24.06.2010 (voir la date mentionnée comme jour d’entrée en Suisse sur le permis F), la condition de la durée de résidence de dix ans n’était pas remplie au moment de la décision sur opposition du 23.08.2018, dont la date fixe le pouvoir d’examen des autorités judiciaires (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 p. 213).

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 9C_38/2020 consultable ici

 

 

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