9C_599/2019 (f) du 24.08.2020 – Valeur probante d’un rapport établi suite à un examen psychiatrique au SMR / Amélioration notable de l’état de santé psychique malgré des plaintes similaires – 17 LPGA / Effets d’une dysthymie sur la capacité de travail [et de gain] exigible – 16 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_599/2019 (f) du 24.08.2020

 

Consultable ici

 

Valeur probante d’un rapport établi suite à un examen psychiatrique au SMR

Amélioration notable de l’état de santé psychique malgré des plaintes similaires / 17 LPGA

Effets d’une dysthymie sur la capacité de travail [et de gain] exigible / 16 LPGA

 

Assurée, née en 1972, a travaillé pour la société B.__ du 01.01.2000 au 29.11.2011, en dernier lieu à 100% comme caissière. Après avoir bénéficié d’indemnités de l’assurance-chômage, elle a déposé une demande de prestations de l’assurance-invalidité le 03.12.2013.

L’office AI a procédé aux investigations auprès des médecins traitants, puis soumis l’assurée à une évaluation psychiatrique auprès de son SMR les 17.08.2016 et 30.11.2016. Dans un rapport établi le 05.12.2016, la spécialiste en psychiatrie et psychothérapie du SMR a diagnostiqué – avec répercussion sur la capacité de travail – un épisode dépressif moyen avec syndrome somatique en rémission complète, ainsi que – sans répercussion sur la capacité de travail – une dysthymie et des difficultés dans les rapports avec le conjoint. Selon la psychiatre du SMR, l’assurée disposait d’une capacité de travail complète dès le 17.08.2016, tant dans son activité habituelle que dans une activité adaptée.

L’assurée a déposé un avis complémentaire de la médecin traitante et de la psychiatre traitante. Les 31.03.2017 et 06.12.2017, la spécialiste en médecine interne générale et médecin auprès du SMR a recommandé à l’office AI de suivre en l’absence d’autres éléments les conclusions de la psychiatre traitante jusqu’au 17.08.2016, puis celles de la psychiatre du SMR à compter de cette date. Par décision, l’office AI a octroyé à l’assurée une rente entière d’invalidité du 01.10.2014 au 30.11.2016, soit trois mois après l’amélioration de l’état de santé constatée par la psychiatre du SMR.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/652/2019 – consultable ici)

La cour cantonale a constaté que l’assurée présentait selon le médecin du SMR des périodes où elle se sentait un peu mieux, mais la plupart du temps, elle se décrivait comme fatiguée et déprimée, tout lui coûtait et rien ne lui était agréable. Elle ruminait et se plaignait, dormait mal, perdait confiance en elle-même, pleurait sur son sort et se positionnait dans un rôle de victime. Si l’assurée ne souffrait pas de fatigue, elle se plaignait que tout la fatiguait. Les juges cantonaux se sont étonnés que ces constatations pussent conduire le médecin du SMR à conclure à une rémission de l’état de santé de l’assurée, sans même les commenter. Ils ont jugé que ces éléments étaient suffisants pour faire douter sérieusement des conclusions du médecin du SMR et, partant, de leur valeur probante. Aussi, ils ne pouvaient affirmer qu’il y avait eu amélioration de l’état de santé de l’assurée dès août 2016.

Au contraire, selon les juges cantonaux, les conclusions du médecin du SMR constituaient une nouvelle appréciation de la capacité de travail résiduelle de l’assurée, alors que l’état de fait était resté inchangé. En effet, l’état de l’assurée décrit par le médecin du SMR correspondait plus ou moins à celui figurant dans les rapports établis par la psychiatre traitante dès 2014. Une simple appréciation différente d’un état de fait, qui, pour l’essentiel, était demeuré inchangé ne permettait dès lors pas de réviser le droit de l’assurée à une rente d’invalidité. Pour le surplus, le médecin du SMR ne pouvait sérieusement considérer que la capacité de travail de l’assurée était pleine et entière au motif que sa famille lui apportait toute l’aide dont elle avait besoin. Les conclusions de l’évaluation psychiatrique du SMR ne pouvaient par conséquent pas motiver valablement une révision du droit de l’assurée à une rente entière d’invalidité.

Par jugement du 09.07.2019, admission du recours par le tribunal cantonal et maintien de la rente entière d’invalidité au-delà du 30.11.2016.

 

TF

En l’espèce, la juridiction cantonale a retenu que la psychiatre du SMR avait procédé à des examens cliniques approfondis les 17.08.2016 et 30.11.2016. L’évaluation de la psychiatre du SMR contient de plus une description détaillée de ses observations cliniques, une présentation des diagnostics retenus, ainsi qu’une discussion sur le fonctionnement de la personnalité et l’influence de celle-ci sur la capacité de travail de l’assurée. A l’inverse de ce que la juridiction cantonale a considéré, la psychiatre du SMR expose en outre de manière claire les motifs pour lesquels elle a retenu une rémission durable de l’épisode dépressif moyen avec syndrome somatique. Elle a tout d’abord recherché les symptômes dépressifs mentionnés dans les avis de la psychiatre traitante. Puis, au terme de son évaluation, elle a nié la persistance de troubles de la mémoire, de la concentration et de l’attention, d’un ralentissement psychomoteur, d’une anhédonie, d’une fatigue, d’une augmentation de la fatigabilité (durant les entretiens), de troubles cognitifs, d’idées de culpabilité ou de persécution, d’une agoraphobie ou d’une phobie sociale. Aussi, la psychiatre du SMR a exclu de manière convaincante que l’assurée souffrit encore de signes florides de la lignée dépressive au 17.08.2016.

Quant aux reproches formulés par l’assurée à l’encontre des conclusions du psychiatre du SMR, ils se fondent exclusivement sur la manière dont elle ressent et assume elle-même sa situation. En particulier, on ne saurait reprocher à la psychiatre du SMR d’avoir tout d’abord reproduit fidèlement les plaintes de l’assurée, qui sont pour l’essentiel demeurées les mêmes depuis la perte de son emploi, puis d’évaluer objectivement leur portée pour établir la mesure de ce qui était raisonnablement exigible au sens de l’art. 7 al. 2 LPGA. En se limitant à mentionner les différences entre ses plaintes (« rien ne lui est agréable », « se sent inutile », etc.) et les constatations objectives de l’évaluation psychiatrique (absence d’anhédonie, de dévalorisation, etc.), l’assurée n’établit dès lors nullement que la psychiatre du SMR aurait ignoré des éléments cliniques ou diagnostiques essentiels, ni n’explique en quoi le point de vue de sa psychiatre traitante justifierait la mise en œuvre d’une expertise psychiatrique indépendante.

Il s’ensuit que l’office AI a recueilli une évaluation psychique qui expose un changement clairement objectivé de la situation clinique de l’assurée sur le plan psychique (rémission) et, donc, une amélioration notable de sa capacité de travail dès le 17.08.2016 (au sens de l’art. 17 LPGA).

 

Il reste à examiner les effets d’une dysthymie sur la capacité de travail de l’assurée.

Selon la jurisprudence, une dysthymie est susceptible d’entraîner une diminution de la capacité de travail lorsqu’elle se présente avec d’autres affections, à l’instar d’un grave trouble de la personnalité (arrêt 9C_585/2019 du 3 juin 2020 consid. 4.1 et les références). Pour en évaluer les éventuels effets limitatifs, ces atteintes doivent en principe faire l’objet d’une procédure probatoire structurée selon l’ATF 141 V 281.

A l’issue des examens cliniques, la psychiatre du SMR a exclu l’existence d’une atteinte à la santé présentant une certaine gravité, notamment un trouble de la personnalité morbide. Elle a constaté que l’assurée disposait de plus de ressources personnelles d’adaptation au changement, de ressources mobilisables (notamment le soutien des membres de sa famille) et qu’elle adhérait à sa thérapie. Elle a retenu en outre à juste titre que l’assurée semblait tirer avantage de ses autolimitations (ménage réalisé par sa sœur ou sa fille, emplettes réalisées par sa sœur ou son mari, etc.). Contrairement à ce que la juridiction cantonale a retenu, la psychiatre du SMR n’a par ailleurs pas indiqué que l’assurée pouvait travailler parce que sa famille lui apportait de l’aide, mais qu’on pouvait attendre de l’assurée qu’elle mît à profit ses ressources personnelles afin de surmonter les autolimitations primaires et secondaires. Compte tenu de ces éléments, la juridiction cantonale s’est écartée de manière arbitraire des conclusions de l’évaluation psychiatrique du SMR. Dans la mesure où la psychiatre traitante s’est fondée dans ses différents avis médicaux sur les seules plaintes de l’assurée, sans aucune distanciation objective et sans apporter de critiques fondées quant aux constatations du SMR, l’office AI n’avait pour le surplus pas à mettre en œuvre une expertise psychiatrique indépendante (cf. ATF 143 V 409 consid. 4.5 p. 415). Aussi, avec l’aide des médecins de son SMR, l’office AI a tiré dans sa décision les conséquences qui s’imposaient des conclusions de l’évaluation psychiatrique du médecin du SMR.

Ensuite des éléments qui précèdent, il convient de retenir que l’assurée présentait une capacité de travail de 100% dans son activité habituelle à compter du 17.08.2016. La juridiction cantonale a dès lors violé le droit fédéral en maintenant le droit de l’assurée à une rente entière d’invalidité au-delà du 30.11.2016 (art. 17 LPGA et art. 88a al. 1 RAI).

 

Le TF admet le recours de l’office AI, annule le jugement cantonal et confirme la décision de l’office AI.

 

 

Arrêt 9C_599/2019 consultable ici

 

 

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