8C_812/2017 (f) du 23.08.2018 – Droit à l’indemnité de chômage – 8 LACI / Activité de remplaçant d’enseignement primaire – Calcul de la perte de travail en cas de travail sur appel

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_812/2017 (f) du 23.08.2018

 

Consultable ici

 

Droit à l’indemnité de chômage / 8 LACI

Activité de remplaçant d’enseignement primaire – Calcul de la perte de travail en cas de travail sur appel

 

Assurée, née en 1968, s’est inscrite le 22.08.2016 à l’Office régional de placement, après avoir effectué plusieurs remplacements en tant qu’enseignante primaire. Elle a indiqué, dans le formulaire de demande d’indemnité de chômage du 01.09.2016, être arrivée au terme de son contrat de durée déterminée.

Après avoir recueilli divers documents et attestations de l’employeur, la caisse de chômage a retenu que, durant le délai-cadre de cotisation, soit du 22.08.2014 au 21.08.2016, l’assurée avait travaillé un total de 11 mois et 18,3 jours. Cela étant, la caisse de chômage ne pouvait donner suite à la demande d’indemnité, motif pris que la prénommée ne justifiait pas d’une période de cotisation de douze mois et qu’elle n’invoquait aucun motif de libération.

L’assurée s’est opposée à cette décision, faisant notamment valoir qu’elle suivait une formation depuis septembre 2014 et qu’elle n’avait pas été en mesure de travailler en juin 2016 en raison d’un accident. Statuant le 13.12.2016, la caisse de chômage a admis l’opposition et reconnu le droit de l’assurée à l’indemnité de chômage dès le 22.08.2016. Elle a considéré, eu égard à la formation suivie par l’assurée de 2014 à 2016, que celle-ci était libérée des conditions relatives à la période de cotisation.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/907/2017 – consultable ici)

Les juges cantonaux ont constaté que l’assurée était inscrite au service des remplacements de l’enseignement primaire depuis janvier 2015. Elle a effectué des remplacements les 21 et 26 janvier 2015, les 2 et 3 février 2015, du 16 février au 26 juin 2015, les 23 et 24 septembre 2015 et du 26 octobre 2015 au 20 mai 2016. La juridiction cantonale ajoute avoir déjà eu l’occasion de préciser que l’activité de remplaçant d’enseignement auprès du Département est un travail sur appel, en référence à un arrêt ATAS/159/2014. Partant, tous les mois durant lesquels l’assurée avait travaillé, même quelques jours, devaient être comptés comme des mois entiers de cotisations, conformément au ch. B150a du bulletin LACI IC. En outre, l’accident du 23.05.2016 était survenu durant une période de cotisation et le Département n’avait pas mis un terme aux rapports de travail sur appel. En conclusion, la période d’arrêt pour cause d’accident, qui a duré jusqu’au 27.06.2016, devait être prise en compte dans le calcul de la période de cotisation, conformément à l’art. 13 al. 2 let. c LACI.

Par jugement du 17.10.2017, admission du recours par le tribunal cantonal et annulation de la décision sur opposition.

 

TF

Le droit à l’indemnité de chômage dépend de la réalisation d’un certain nombre de conditions. L’assuré doit notamment remplir les exigences relatives à la période de cotisation ou en être libéré (art. 8 al. 1 let. e LACI).

Aux termes de l’art. 13 al. 1 LACI, celui qui, dans les limites du délai-cadre prévu à cet effet (art. 9 al. 3 LACI), a exercé durant douze mois au moins une activité soumise à cotisation remplit les conditions relatives à la période de cotisation. Compte également comme période de cotisation le temps durant lequel l’assuré est partie à un rapport de travail mais ne touche pas de salaire notamment parce qu’il est victime d’un accident (art. 4 LPGA) et, partant, ne paie pas de cotisations (art. 13 al. 2 let. c LACI). Quant aux personnes qui, dans les limites du délai-cadre et pendant plus de douze mois au total, n’étaient pas parties à un rapport de travail, elles peuvent être libérées des conditions relatives à la période de cotisation pour les motifs évoqués à l’art. 14 al. 1 let. a à c LACI.

Le droit à l’indemnité de chômage suppose également que l’assuré subisse une perte de travail à prendre en considération (art. 8 al. 1 let. b LACI). La perte de travail doit être prise en considération lorsqu’elle se traduit par un manque à gagner et dure au moins deux journées de travail consécutives (art. 11 al. 1 LACI).

 

Lorsqu’il est amené à qualifier ou interpréter un contrat, le juge doit tout d’abord s’efforcer de déterminer la commune et réelle intention des parties, sans s’arrêter aux expressions ou dénominations inexactes dont elles ont pu se servir, soit par erreur, soit pour déguiser la nature véritable de la convention (art. 18 al. 1 CO). S’il y parvient, le juge procède à une constatation de fait qui ne peut être contestée, en instance fédérale, que dans la mesure restreinte permise par l’art. 97 al. 1 LTF. Déterminer ce que les parties savent ou veulent au moment de conclure relève en effet de la constatation des faits (ATF 140 III 86 consid. 4.1 p. 91). Au stade des déductions à opérer sur la base d’indices, lesquels relèvent eux aussi de la constatation des faits (ATF 139 II 316 consid. 8 p. 357; 136 III 486 consid. 5 p. 489; 128 III 390 consid. 4.3.3 p. 398), le comportement que les cocontractants ont adopté dans l’exécution de leur accord peut éventuellement dénoter de quelle manière ils l’ont eux-mêmes compris, et révéler par là leur réelle et commune intention (ATF 143 III 157 consid. 1.2.2. p. 159; 132 III 626 consid. 3.1 p. 632; 129 III 675 consid. 2.3 p. 680).

En l’espèce, l’arrêt cantonal mentionné par les premiers juges avait pour objet du litige la perte de travail à prendre en considération d’un remplaçant de l’enseignement primaire (arrêt A/2042/2013 – ATAS/159/2014 du 5 février 2014 consid. 4). La question de la nature des rapports de travail n’était pas contestée (cf. consid. 7 de l’arrêt cantonal précité) et n’a fait l’objet d’aucune appréciation par les juges cantonaux. Dans ces conditions, la juridiction cantonale ne pouvait se fonder sur l’arrêt en cause pour conclure que l’activité exercée par l’assurée constituait du travail sur appel. Cela dit, il n’est pas nécessaire d’analyser la nature de ces rapports de travail, ou de renvoyer la cause à cet effet, compte tenu des considérants qui suivent.

 

Selon la jurisprudence, la perte de travail est calculée en règle générale en fonction de l’horaire de travail habituel dans la profession ou le domaine d’activité concernés ou, le cas échéant, en fonction de l’horaire de travail prévu par une convention particulière. En cas de travail sur appel (proprement dit ou improprement dit [cf. à ce dernier propos arrêt 8C_318/2014 du 21 mai 2015 consid. 6.3]), le travailleur ne subit, en principe, pas de perte de travail, respectivement pas de perte de gain à prendre en considération lorsqu’il n’est pas appelé, car le nombre de jours où il est amené à travailler est considéré comme normal. Exceptionnellement, lorsque les appels diminuent après que l’assuré a été appelé de manière plus ou moins constante pendant une période prolongée (période de référence), une telle perte de travail et de gain peut être prise en considération. Plus les appels ont été réguliers, plus la période de référence sera courte (ATF 107 V 59 consid. 1 p. 61; arrêts 8C_318/2014 du 21 mai 2015 consid. 2.2, in SVR 2015 ALV n° 12 p. 36; 8C_379/2010 du 28 février 2011 consid. 1.2, in DTA 2011 p. 149).

Sous chiffres B95 ss concernant le contrat de travail sur appel du bulletin LACI IC, le SECO a établi des critères afin de trancher le point de savoir si l’activité exercée est suffisamment régulière au sens de la jurisprudence précitée. Pour établir le temps de travail normal, on prendra en principe pour période de référence les douze derniers mois ou toute la durée du rapport de travail s’il a duré moins de douze mois ; en dessous de six mois d’occupation, il est impossible de déterminer un temps de travail normal. Pour qu’un temps de travail puisse être présumé normal, il faut que ses fluctuations mensuelles ne dépassent pas 20%, en plus ou en moins, du nombre moyen des heures de travail fournies mensuellement pendant la période d’observation de douze mois ou 10% si cette période est de six mois seulement; si la période d’observation est inférieure à douze mois mais supérieure à six, le taux plafond des fluctuations admises sera proportionnellement ajusté; si les fluctuations dépassent ne serait-ce qu’un seul mois le plafond admis, il ne peut plus être question d’un temps de travail normal et, en conséquence, la perte de travail et la perte de gain ne peuvent pas être prises en considération.

Le Tribunal fédéral a admis que la méthode d’évaluation du SECO est appropriée en ce qui concerne les contrats de travail sur appel d’une relativement courte durée (cf. 8C_417/2013 du 30 décembre 2013 consid. 5.2.2). Pour une activité d’environ deux ans, une période de référence de douze mois a été jugée adéquate (cf. arrêt 8C_379/2010 précité consid. 2.2.3).

En l’espèce, sur une période de douze mois avant la perte de travail de l’assurée (de juin 2015 à mai 2016), il y a deux mois où celle-ci n’a pas travaillé (juillet et août 2015) et deux autres mois où elle n’a travaillé que deux et six jours (septembre et octobre 2015). Dans ces conditions, il y a d’emblée lieu de considérer que les fluctuations du temps de travail étaient trop importantes pour admettre que l’activité exercée était suffisamment régulière pour tenir compte d’une perte de travail à prendre en considération. Par conséquent, si l’on considérait l’activité exercée par l’assurée comme du travail sur appel, cette dernière n’aurait pas droit à l’indemnité de chômage.

 

Le TF admet le recours de la caisse de chômage, annule le jugement du tribunal cantonal et confirme la décision de la caisse de chômage.

 

 

Arrêt 8C_812/2017 consultable ici

 

 

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