8C_238/2018 (f) du 22.10.2018 – Participation à une rixe – Réduction des prestations en espèces – 39 LAA – 49 OLAA / Provocations verbales précédant la bagarre

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_238/2018 (f) du 22.10.2018

 

Consultable ici

 

Participation à une rixe – Réduction des prestations en espèces / 39 LAA – 49 OLAA

Provocations verbales précédant la bagarre

 

Assuré, né en 1978, aide menuisier, a fait annoncer par son employeur l’événement suivant : 03.09.2016, vers 23h50, à la sortie d’un bar, un individu impliqué dans une bagarre avait poussé l’assuré, de sorte que celui-ci était tombé et s’était fracturé la cheville droite.

Dans un formulaire rempli le 30.09.2016, l’assuré a expliqué qu’une bagarre avait éclaté alors qu’il était en train de rentrer chez lui; il avait tenté de séparer les protagonistes qui l’ont poussé, ce qui l’a fait tomber.

Le 16.11.2016, l’assuré a déposé une plainte pénale contre C.__ et D.__, lesquels avaient été interpellés par la police la nuit de l’altercation. Ces deux individus ont été condamnés pour rixe, par ordonnances pénales du 17.03.2017, sur la base de l’état de fait suivant: Le 03.09.2016, entre 2h00 et 2h30, à la suite de provocations verbales, une bagarre a débuté en face d’un établissement entre C.__, D.__, l’assuré et F.__. Des coups se sont échangés de part et d’autre. Alors que l’assuré tentait de venir en aide à son ami F.__, C.__ et D.__ leur ont asséné des coups de poing et des coups de pied.

Entendu à son domicile par un inspecteur de l’assurance-accidents le 14.02.2017, l’assuré a expliqué que dans la nuit du 03.09.2016, il se trouvait dans un bar avec son ami F.__. A un moment donné, les deux hommes sont sortis de l’établissement dans l’intention de rentrer chez eux. F.__ a commencé à se battre avec des personnes sans que l’assuré en connaisse la raison. Celui-ci est alors intervenu pour séparer les protagonistes. Ce faisant, il a été violemment poussé à terre, a perdu l’équilibre et s’est retrouvé au sol sur le dos. Un des protagonistes lui a donné un violent coup de pied sur la cheville, lui écrasant cette dernière. A l’issue de l’entretien, après avoir été informé que le fait d’intervenir dans une bagarre représentait une entreprise téméraire entraînant une réduction des indemnités journalières, l’assuré a déclaré qu’il n’était pas intervenu dans la bagarre mais que c’est l’individu en question qui était venu vers lui l’agresser. Cela étant, il a refusé de signer le procès-verbal d’entretien.

Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a réduit de 50% les prestations en espèces dues à l’assuré.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 22.02.2018, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

L’art. 49 al. 2 OLAA dispose que les prestations en espèces sont réduites au moins de moitié en cas d’accident non professionnel survenu notamment en cas de participation à une rixe ou à une bagarre, à moins que l’assuré ait été blessé par les protagonistes alors qu’il ne prenait aucune part à la rixe ou à la bagarre ou qu’il venait en aide à une personne sans défense (let. a). La notion de participation à une rixe ou à une bagarre est plus large que celle de l’art. 133 CP. Pour admettre l’existence d’une telle participation, il suffit que l’assuré entre dans la zone de danger, notamment en participant à une dispute. Peu importe qu’il ait effectivement pris part activement aux faits ou qu’il ait ou non commis une faute: il faut au moins qu’il se soit rendu compte ou ait pu se rendre compte du danger. En revanche, il n’y a pas matière à réduction en cas de légitime défense ou plus généralement lorsque l’assuré se fait agresser physiquement, sans qu’il y ait eu au préalable une dispute, et qu’il frappe à son tour l’agresseur dans un mouvement réflexe de défense (arrêt 8C_702/2017 du 17 septembre 2018 consid. 3.1 et les arrêts cités).

L’assuré fait valoir que, sur le plan pénal, lui et son ami F.__ n’ont pas été considérés comme des participants à la rixe, vu que seules deux ordonnances pénales ont été prononcées à l’encontre de D.__ et C.__. Aussi, le ministère public aurait admis que lui et son ami s’étaient limités à sa défendre. Plus précisément, l’assuré serait intervenu seulement dans un second temps pour séparer les protagonistes, afin de venir en aide à F.__ qui se trouvait sans défense sous les coups de deux agresseurs.

 

L’absence de condamnation pénale n’est pas décisive. En outre, on ne saurait retenir que l’assuré s’est limité à se défendre dans la mesure où il a lui-même admis être intervenu dans la bagarre. On rappellera à cet égard que, selon la jurisprudence, il faut accorder la préférence aux premières déclarations de l’assuré, données alors qu’il en ignorait peut-être les conséquences juridiques, les explications nouvelles pouvant être, consciemment ou non, le fruit de réflexions ultérieures (voir ATF 142 V 590 consid. 5.2 p. 594 s.; 121 V 45 consid. 2a p. 47).

En outre, si l’assuré et F.__ n’ont pas été en mesure d’expliquer de manière précise et/ou convaincante ce qui a causé l’altercation, il ressort des versions concordantes de C.__, D.__ et des deux témoins, que des provocations verbales ont précédé la bagarre, en particulier, que l’ami F.__ a crié « fuck Albanie » et « fuck Portugal », en référence aux pays d’origine de C.__ et D.__. Dans ces conditions, on ne saurait retenir que l’assuré n’a pas pu se rendre compte du danger et qu’il s’est contenté de venir en aide à une personne sans défense. On est fondé à considérer qu’il a plutôt voulu prêter main-forte à son ami. La cour cantonale n’a donc pas violé le droit fédéral en confirmant la réduction opérée par la CNA.

 

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_238/2018 consultable ici

 

 

Print Friendly, PDF & Email

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.