8C_215/2018 (f) du 04.09.2018 – Maladie professionnelle – Traitement médical – 9 al. 1 LAA – 9 al. 2 LAA – 10 LAA / Amélioration sensible de l’état de santé en relation avec la maladie professionnelle reconnue

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_215/2018 (f) du 04.09.2018

 

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Maladie professionnelle – Traitement médical / 9 al. 1 LAA – 9 al. 2 LAA – 10 LAA

Amélioration sensible de l’état de santé en relation avec la maladie professionnelle reconnue

 

Assuré travaillant en qualité de journaliste. Dans son activité, l’assuré apparaît régulièrement sur les plateaux de télévision et doit se faire maquiller. Au cours de l’année 2013 il a ressenti des problèmes aux yeux, des démangeaisons, des maux de tête, une hypersensibilité à la lumière et au vent. Dans un rapport du 27.03.2014, le spécialiste en ophtalmologie a diagnostiqué une conjonctivite allergique aux deux yeux. Après avoir recueilli divers renseignements médicaux et requis l’avis d’un spécialiste en médecine du travail et en médecine interne, et médecin à la Division de médecine du travail de la CNA, l’assurance-accidents a reconnu comme maladie professionnelle la conjonctivite allergique bilatérale déclenchée par des composants de produits de maquillage.

Au cours de l’année 2015, l’assuré a consulté plusieurs médecins. Des spécialistes en ophtalmologie et ophtalmochirurgie ont diagnostiqué un Floppy Eyelid Syndrom et une blépharite chronique avec chalazions à répétition. Ces médecins ont préconisé la mise en œuvre d’une intervention chirurgicale des paupières, qui a été réalisée le 11.02.2016.

Par décision du 12.04.2016, l’assurance-accidents a nié le droit de l’assuré à la prise en charge des frais liés au Floppy Eyelid Syndrom et à la blépharite chronique, motif pris que ces troubles ne constituent pas des maladies professionnelles et que l’intervention chirurgicale n’était pas en relation de causalité avec la maladie professionnelle reconnue, à savoir la conjonctivite allergique bilatérale. Saisie d’oppositions de l’assuré et de la caisse-maladie de l’intéressé, l’assurance-accidents les a rejetées le 12.09.2016.

 

Procédure cantonale

La cour cantonale a retenu que le Floppy Eyelid Syndrom et la blépharite chronique ne pouvaient se voir reconnaître le caractère de maladies professionnelles selon l’art. 9 al. 1 LAA, ni sous l’angle de l’art. 9 al. 2 LAA. Par ailleurs, la juridiction cantonale a considéré que l’existence d’un lien entre la maladie professionnelle reconnue (conjonctivite allergique bilatérale) et l’opération subie n’apparaissait pas vraisemblable au degré requis par la jurisprudence et que cette intervention ne constituait pas un traitement médical approprié de cette affection au sens de l’art. 10 LAA.

Par jugement du 24.01.2018, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Les prestations d’assurance sont en principe allouées en cas d’accident professionnel, d’accident non professionnel et de maladie professionnelle (art. 6 al. 1 LAA).

Selon l’art. 9 al. 1 LAA, sont réputées maladies professionnelles les maladies (art. 3 LPGA) dues exclusivement ou de manière prépondérante, dans l’exercice de l’activité professionnelle, à des substances nocives ou à certains travaux. Ces substances et travaux, ainsi que les affections dues à ceux-ci, sont énumérés de manière exhaustive (RAMA 1988 n° U 61 p. 447, U 98/87, consid. 1a) à l’annexe 1 de l’OLAA.

Sont aussi réputées maladies professionnelles les autres maladies dont il est prouvé qu’elles ont été causées exclusivement ou de manière nettement prépondérante par l’exercice de l’activité professionnelle (art. 9 al. 2 LAA). La condition d’un lien exclusif ou nettement prépondérant n’est réalisée que si la maladie a été causée à 75% au moins par l’exercice de l’activité professionnelle (ATF 126 V 183 consid. 2b p. 186; 119 V 200 consid. 2b p. 201 et la référence). Cela signifie, pour certaines affections qui ne sont pas typiques d’une profession déterminée, que les cas d’atteinte pour un groupe professionnel particulier doivent être quatre fois plus nombreux que ceux que compte la population en général (ATF 116 V 136 consid. 5c p. 143; RAMA 2000 n° U 408 p. 407, U 235/99, consid. 1a).

Selon la jurisprudence, le point de savoir si une affection est une maladie professionnelle au sens de l’art. 9 al. 2 LAA est d’abord une question relevant de la preuve dans un cas concret. Cependant, s’il apparaît comme un fait démontré par la science médicale qu’en raison de la nature d’une affection particulière, il n’est pas possible de prouver que celle-ci est due à l’exercice d’une activité professionnelle, il est hors de question d’apporter la preuve, dans un cas concret, de la causalité qualifiée au sens de l’art. 9 al. 2 LAA (ATF 126 V 183 consid. 4c p. 190 et les références; arrêt 8C_415/2015 du 24 mars 2016 consid. 3.2; voir également arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 381/01 du 20 mars 2003 consid. 3.2-3.3).

Selon l’art. 10 LAA, l’assuré a droit au traitement médical approprié des lésions résultant de l’accident (ou de la maladie professionnelle; cf. art. 6 al. 1 LAA), à savoir notamment au traitement ambulatoire dispensé par le médecin, le dentiste ou, sur prescription de ces derniers, par le personnel paramédical ainsi que par le chiropraticien, de même qu’au traitement ambulatoire dispensé dans un hôpital (let. a). Ce droit s’étend à toutes les mesures qui visent une amélioration de l’état de santé ou à éviter une péjoration de cet état. La preuve que la mesure envisagée permettra d’atteindre cet objectif doit être établie avec une vraisemblance suffisante; elle est rapportée dès que l’on peut admettre que le traitement envisagé ne représente pas seulement une possibilité lointaine d’amélioration (SVR 2011 UV n° 1 p. 1, 8C_584/2009, consid. 2; arrêt 8C_112/2014 du 23 janvier 2015 consid. 2.1). Le traitement médical n’est alloué qu’aussi longtemps que sa continuation est susceptible d’apporter une amélioration sensible de l’état de l’assuré (art. 19 al. 1, seconde phrase, LAA a contrario), une amélioration insignifiante n’étant pas suffisante. Il n’y a pas d’amélioration sensible de l’état de santé quand la mesure thérapeutique (p. ex. une cure annuelle) ne fait que soulager momentanément des douleurs occasionnées par un état par ailleurs stationnaire (RAMA 2005 n° U 557 p. 388, U 244/04, consid. 3.1; arrêt 8C_103/2018 du 25 juillet 2018 consid. 6.3).

 

En l’espèce, l’ophtalmologue a indiqué que l’opération réalisée par lui le 11.02.2016 avait pour but de diminuer les symptômes de sécheresse oculaire dont souffre l’assuré dans son activité professionnelle. Cette intervention de correction latérale de la paupière inférieure ne corrigeait en rien le Floppy Eyelid Syndrom ni la blépharite chronique. Il s’agissait d’une intervention simple ayant pour but d’améliorer le confort et la productivité de l’intéressé en diminuant sa gêne, ainsi que le besoin de lubrifier en permanence ses yeux. Dans son bref rapport complémentaire du 10.05.2016, rédigé sur intervention de l’assuré, ce médecin a ajouté que l’opération permettait de diminuer les symptômes des trois diagnostics présents (conjonctivite allergique, Floppy Eyelid Syndrom et blépharite chronique) sans en corriger la cause, de sorte que l’assuré resterait toujours sensible à son travail, mais dans une moindre mesure.

Il ressort de ces indications médicales que, si elle était bien propre à diminuer les symptômes provoqués par la conjonctivite allergique, l’opération réalisée était toutefois sans influence sur l’état de santé, par ailleurs stationnaire, à l’origine de ces symptômes. Par ailleurs, dans son rapport intermédiaire du 14.01.2016, dans lequel il propose d’effectuer une intervention chirurgicale en vue d’une possible amélioration des symptômes et de la productivité, l’ophtalmologue ne mentionne que les diagnostics de Floppy Eyelid Syndrom et de blépharite chronique. C’est seulement dans ses rapports rédigés après le prononcé de la décision de refus du 12.04.2016 et sur intervention de l’assuré que ce médecin a mentionné le diagnostic de conjonctivite allergique en plus des diagnostics déjà cités.

Cela étant il n’apparaît pas établi au degré de vraisemblance requis que l’opération réalisée le 11.02.2016 visait une amélioration sensible de l’état de santé en relation avec la maladie professionnelle reconnue, à savoir la conjonctivite allergique.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_215/2018 consultable ici

 

 

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