Statistique des prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI 2017

Statistique des prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI 2017

 

Consultable ici

 

Les prestations complémentaires (PC) constituent une tâche commune de la Confédération et des cantons. Elles sont allouées aux bénéficiaires d’une rente AVS ou AI domiciliés en Suisse dont le revenu ne suffit pas à couvrir les dépenses légalement reconnues, autrement dit ne leur garantit pas le minimum vital. Allouées sous condition de ressources, les PC constituent un droit légal.

La statistique annuelle des prestations complémentaires produit des données statistiques sur le nombre de bénéficiaires, les prestations et les dépenses, ainsi que sur les éléments qui servent de base au calcul des PC, tels que le loyer (ou le coût du séjour dans un home) et la fortune. La statistique est un outil important d’analyse de la situation économique des rentiers AVS /AI. Elle montre les effets des changements législatifs sur l’évolution des prestations et des dépenses. La statistique constituera en outre un instrument de pilotage important dans le cadre de la réforme prévue des PC. Des relevés directs complémentaires, effectués par l’OFAS auprès des services chargés des PC (par ex. perception de PC après le retrait du capital du 2e pilier) enrichissent les informations proposées aux décisionnaires.

En 2017, les dépenses pour les PC ont progressé de 0,8% pour atteindre 4,9 milliards de francs. Il s’agit de la progression la plus faible depuis le début du siècle. La Confédération supporte environ 30% de ces coûts, le reste étant assumé par les cantons. En décembre 2017, 204 800 personnes ont touché une prestation complémentaire (PC) à leur rente de vieillesse, soit 3 700 personnes ou 1,8% de plus qu’à fin 2016. La part des personnes au bénéfice d’une rente de vieillesse et tributaires de PC est de 12,5%. Ces dernières années, elle a légèrement augmenté. A fin 2017, 114 200 personnes ont touché une PC à leur rente AI, soit 500 personnes ou 0,4% de plus que l’année précédente. La part des rentiers AI bénéficiant de PC a progressé de 0,7 point de pourcentage pour atteindre 46,7%. Les PC jouent un rôle primordial dans le financement des séjours en home. Environ la moitié des résidents en sont tributaires. Fin 2017, 71 300 bénéficiaires de PC vivaient dans un home. Ils ont perçu en moyenne 3 300 francs par mois, soit plus de trois fois plus que les bénéficiaires de PC vivant à domicile.

 

 

Statistique des prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI 2017 consultable ici

Statistique des prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI 2017, Tableaux détaillés, consultable ici

 

 

Le Conseil fédéral lance la consultation sur la stabilisation de l’AVS (AVS 21)

Le Conseil fédéral lance la consultation sur la stabilisation de l’AVS (AVS 21)

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 28.06.2018 consultable ici

 

Le Conseil fédéral entend garantir les rentes AVS, les maintenir à leur niveau actuel et stabiliser la situation financière de l’AVS. Il souhaite, par la même occasion, flexibiliser l’âge de la retraite et créer des incitations pour prolonger la durée de l’activité professionnelle. Le Conseil fédéral a pris ces décisions lors de sa séance du 27 juin 2018 et ouvert la consultation sur l’avant-projet de stabilisation de l’AVS (AVS 21). La procédure prendra fin le 17 octobre 2018.

La situation financière de l’AVS est préoccupante. Depuis 2014, les recettes de l’assurance ne suffisent plus à couvrir les dépenses et la situation se dégrade progressivement. Le déficit cumulé du résultat de répartition de 2021 à 2030, hors produit des placements, se chiffrera à environ 43 milliards de francs. Afin que le niveau du Fonds de compensation de l’AVS ne tombe pas sous le montant des dépenses d’une année, comme l’exige la loi, l’AVS aura besoin, jusqu’en 2030, de ressources financières pour un montant de 53 milliards de francs. Ces dernières sont notamment nécessaires parce que la génération des baby-boomers atteindra peu à peu l’âge de la retraite. Si actuellement près de 2,6 millions de personnes perçoivent une rente de vieillesse de l’AVS, elles seront 3,6 millions en 2030.

Pour que l’AVS puisse continuer de verser ses prestations, il est impératif de prendre rapidement des mesures efficaces de stabilisation financière. Sans intervention, le Fonds de compensation de l’AVS devrait se départir, chaque mois, de placements d’un montant de 100 millions de francs pour disposer des liquidités nécessaires au versement des rentes.

 

Mesures envisagées pour stabiliser l’AVS

Sur la base des grandes lignes adoptées le 2 mars dernier, le Conseil fédéral propose plusieurs mesures pour stabiliser les finances de l’AVS et garantir les rentes.

  • Un âge de référence de 65 ans pour les femmes comme pour les hommes sera introduit dans l’AVS. À partir de l’année suivant celle de l’entrée en vigueur de la réforme, l’âge de la retraite des femmes sera progressivement relevé de trois mois chaque année.
  • L’analyse des résultats de la votation du 24 septembre 2017 montre que, pour être acceptée, l’augmentation de l’âge de référence des femmes doit s’accompagner de mesures de compensation. Jusqu’en 2030, le relèvement de l’âge de référence sera donc compensé par des mesures pour les femmes, en particulier pour celles avec un revenu bas ou moyen. Le Conseil fédéral met en consultation deux variantes de modèles de compensation qui concernent les femmes proches de la retraite, soit celles nées entre 1958 et 1966.

 

Variante 1 : modèle à 400 millions

  • En cas de retraite anticipée, les femmes se verront appliquer un taux de réduction plus favorable, c’est-à-dire que leur rente AVS sera réduite dans une moindre mesure. Celles dont le revenu annuel est inférieur ou égal à 56 400 francs pourront, par exemple, percevoir leur rente AVS sans aucune réduction dès l’âge de 64 ans.

On estime qu’environ 25% des femmes qui sont nées entre 1958 et 1966 feront usage de cette compensation.

 

Variante 2 : modèle à 800 millions

  • Au dispositif prévu dans la première variante s’ajoute une mesure qui augmente les rentes des femmes qui travaillent jusqu’à 65 ans ou plus. Leurs rentes AVS seront calculées avec une nouvelle formule, qui améliore le montant des rentes se situant entre la rente minimale et maximale. L’augmentation maximale sera de 214 francs par mois, pour un revenu annuel de 42 300 francs ; l’augmentation moyenne sera de 70 francs par mois.

On estime qu’environ 25% des femmes nées entre 1958 et 1966 feront usage des taux favorables tandis qu’environ 54% bénéficieront de la formule de rente plus avantageuse.

  • Les hommes et les femmes pourront choisir avec plus de flexibilité le moment du départ effectif à la retraite : entre 62 et 70 ans, il sera possible de percevoir la totalité ou une partie de la rente AVS, mais au minimum 20% et au maximum 80% de la rente.
  • L’âge de référence harmonisé à 65 ans et la possibilité de départ à la retraite entre 62 et 70 ans seront aussi inscrits dans la prévoyance professionnelle obligatoire.
  • La poursuite d’une activité professionnelle après l’âge de référence sera encouragée. Les petits revenus continueront à être exemptés de cotisation, grâce à la franchise mensuelle de 1400 francs. En outre, les cotisations versées après l’âge de référence permettront d’augmenter le montant de la rente AVS et de combler des lacunes de cotisations. La nouvelle formule de calcul des rentes pour les femmes, prévue à titre de compensation, pourra aussi être une incitation à travailler plus longtemps.
  • Pour que le niveau du Fonds AVS ne tombe pas sous les 100% des dépenses annuelles jusqu’en 2030, un financement additionnel s’impose. Sans réforme, les ressources financières nécessaires pour garantir le niveau du fonds s’élèveront à 53 milliards de francs. Grâce au relèvement de l’âge de référence, les femmes fourniront une contribution substantielle d’un montant de 10 milliards de francs, dont 3,8 milliards sont consacrés au financement des mesures de compensation, selon la variante 2. Le Conseil fédéral entend couvrir le besoin en financement restant au moyen d’un financement additionnel.

Il prévoit de relever la TVA de 1,5 point de pourcentage. Le taux normal devrait passer de 7,7 à 9,2%, le taux réduit pour les biens de consommation courante de 2,5 à 3,0% et le taux spécial du secteur de l’hébergement de 3,7 à 4,4%.

 

Calendrier de la réforme AVS 21

L’AVS est la plus importante institution de sécurité sociale de Suisse. Elle met toute la population à l’abri de la détresse financière pendant la vieillesse. C’est pourquoi il importe de maintenir le niveau des rentes actuelles et de garantir le financement des rentes futures. Le projet de stabilisation AVS 21 permet d’atteindre cet objectif.

Compte tenu de l’urgence du projet, le Conseil fédéral souhaite soumettre au Parlement le message sur la stabilisation de l’AVS d’ici au printemps 2019.

Considérant qu’il est nécessaire de retrouver une dynamique de réformes régulières de l’AVS afin de faire face aux constants défis de l’assurance, notamment en termes structurels, une nouvelle réforme déployant ses effets au-delà de 2030, à savoir l’horizon d’AVS 21, devra être mise en route au milieu de la prochaine décennie.

 

Influence de la décision concernant le Projet fiscal 17

Le 7 juin 2018, le Conseil des États a été la première chambre à se prononcer en faveur du Projet fiscal 17 (PF 17), qui prévoit une compensation dans l’AVS des pertes de recettes fiscales. Ainsi, l’AVS disposerait de près de 2,1 milliards de francs supplémentaires par an pour son financement. Ce supplément ferait passer le besoin en ressources supplémentaires à 23 milliards de francs environ. La hausse de la TVA serait moins forte, de 0,7 point au lieu de 1,5 point, grâce aux recettes supplémentaires en faveur de l’AVS prévues dans le PF 17. Ces recettes proviendraient d’une hausse des cotisations salariales et de la contribution de la Confédération, ainsi que de l’attribution à l’AVS de l’intégralité du pour-cent démographique de la TVA. Dans tous les cas, une réforme de l’AVS restera urgente et nécessaire.

 

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 28.06.2018 consultable ici

Fiche d’information du 28.06.2018 « L’avant-projet du Conseil fédéral – dans le cadre de la stabilisation de l’AVS (AVS 21) » consultable ici

Rapport explicatif pour la procédure de consultation consultable ici

Avant-projet de modification de la Loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants (LAVS) consultable ici

Avant-projet de l’Arrêté fédéral sur le financement additionnel de l’AVS par le biais d’un relèvement de la TVA consultable ici

 

 

Décharger les personnes actives qui s’occupent de proches malades

Décharger les personnes actives qui s’occupent de proches malades

 

Communiqué de presse de l’OFSP du 28.06.2018 consultable ici

 

Le Conseil fédéral entend améliorer la conciliation entre activité professionnelle et prise en charge de proches. Le travail des proches aidants constitue une part importante des soins et doit être mieux reconnu. Lors de sa séance du 27 juin 2018, le Conseil fédéral a mis en consultation trois mesures. Il s’agit de régler le maintien du salaire pour les absences de courte durée et de créer un congé pour la prise en charge d’un enfant gravement malade ou victime d’un accident. Par ailleurs, il est prévu d’étendre les bonifications pour tâches d’assistance. La consultation se terminera le 19 octobre 2018.

Le Conseil fédéral propose une obligation légale de maintien du salaire lorsqu’une personne doit s’absenter pour une courte durée afin de prendre en charge un parent ou un proche. Cette mesure vise à octroyer à toutes les personnes actives des conditions uniformes et une sécurité juridique dans le droit des obligations. Deux tiers environ des entreprises accordent aujourd’hui déjà de telles absences de courte durée et les rémunèrent aussi en partie. Cette nouvelle réglementation devrait générer des coûts supplémentaires pour l’économie de 90 à 150 millions de francs. Le Conseil fédéral n’estime par contre pas nécessaire d’adapter la loi sur le travail.

 

Prise en charge d’un enfant gravement malade

La deuxième mesure prévoit une allocation pour les parents qui s’occupent d’un enfant gravement atteint dans sa santé en raison d’une maladie ou d’un accident. Chaque année, environ 4000 familles sont concernées. À l’heure actuelle, les parents exerçant une activité professionnelle prennent un congé non payé, doivent se mettre en arrêt maladie ou arrêtent complètement de travailler pour une certaine période. À l’avenir, ils devront pouvoir prendre un congé de 14 semaines au plus en l’espace de 18 mois. La perte de salaire serait assurée par la loi sur les allocations pour perte de gain conformément au modèle du congé de maternité ou du service militaire. Le taux de cotisation des allocations pour perte de gain (actuellement de 0,45 %) serait relevé de 0,017 point de pourcentage au maximum pour couvrir les coûts de 77 millions de francs.

 

Bonifications pour tâches d’assistance en faveur de l’AVS

Le travail d’assistance des proches doit être mieux reconnu. À cette fin, le Conseil fédéral prévoit d’étendre le droit à des bonifications pour tâches d’assistance en faveur de l’AVS. Aujourd’hui, les proches aidants ont droit à une telle bonification pour compenser des pertes de revenus lorsque la personne nécessitant des soins touche une allocation pour une impotence moyenne ou grave. Afin d’aider les personnes impotentes à mener une existence indépendante chez elles, le droit à des bonifications pour tâches d’assistance sera déjà introduit en cas d’impotence légère. Par ailleurs, ces bonifications doivent être étendues aux concubins ; actuellement, elles ne s’appliquent qu’aux couples mariés. Cette mesure engendrerait des coûts supplémentaires pour l’AVS de 1 million de francs par année.

 

Le Conseil fédéral est d’avis que ces différentes mesures sont nécessaires pour que les proches aidants restent professionnellement actifs et pour combattre la pénurie de main-d’œuvre qualifiée.

 

 

Communiqué de presse de l’OFSP du 28.06.2018 consultable ici

Rapport explicatif du 27.06.2018 concernant l’avant-projet de la loi fédérale sur l’amélioration de la conciliation entre activité professionnelle et prise en charge de proches consultable ici

Avant-projet « Loi fédérale sur l’amélioration de la conciliation entre activité professionnelle et prise en charge de proches » consultable ici

Rapport final du 18.04.2018 de l’analyse d’impact de la réglementation relative à l’extension des absences professionnelles de courte durée dues à la prise en charge d’un proche et au congé pour tâches d’assistance destiné aux parents d’enfants gravement malades ou victimes d’un accident grave indemnisé par l’APG visant à améliorer la conciliation entre activité professionnelle et prise en charge de proches, consultable ici

 

 

1000ème article

Lorsque l’aventure de ce site a commencé en février 2015, je n’imaginai pas arriver un jour à publier 1000 articles sur ce site.

Les statistiques me surprennent également : 203’378 lectures ; 235 visiteurs par jour en moyenne ; 224 abonnés au site.

Je ne pensais pas qu’un site si spécialisé puisse intéresser, y compris sur la durée, autant de personnes. Il s’agit, à mes yeux, d’un succès qui donne un sens au temps passé dans la veille (lecture et tri des nouvelles) et la jurisprudence (lecture, tri et résumé).

Par ces quelques lignes, je tiens à vous remercier, visiteurs réguliers ou de passage, pour votre intérêt.

Je profite de l’occasion pour rappeler à celles et ceux qui désirent obtenir les articles dès leur publication de ne pas hésiter à s’abonner (en haut de la page, sous « Abonnez-vous à ce blog par e-mail ».

Avec mes meilleurs messages

 

8C_734/2017 (f) du 30.05.2018 – Entreprise téméraire – Assuré âgé de 17 ans – 39 LAA – 50 OLAA/ Donné un coup de pied dans un bidon d’essence incandescent

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_734/2017 (f) du 30.05.2018

 

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Entreprise téméraire – Assuré âgé de 17 ans / 39 LAA – 50 OLAA

Donné un coup de pied dans un bidon d’essence incandescent

 

Assuré, né en 1999, apprenti paysagiste, a participé le 28.05.2016 avec des amis à l’aménagement d’un foyer simple pour grillades puis à une fête improvisée à proximité d’une station d’arrivée de télécabines. Vers 23h00, il s’est introduit parmi d’autres dans un local de l’entreprise de remontées mécaniques pour y prendre du matériel, dont des bonbonnes de spray et des liquides inflammables. Il a lancé ces objets dans le foyer pour aviver le feu. Puis, vers 00h30 heures, il a bouté le feu à un bidon en plastique préalablement rempli d’un produit inflammable. Il s’est ensuite élancé pour frapper d’un grand coup de pied le bidon en vue de le projeter dans le foyer. L’assuré a alors été éclaboussé par une partie du liquide incandescent et s’est immédiatement embrasé.

L’assuré a été hospitalisé au service de médecine intensive et centre des brûlés jusqu’au 11.08.2016, puis au service de chirurgie plastique et reconstructive jusqu’au 29.08.2016. Il a ensuite été transféré à la Clinique romande de réadaptation (CRR) de Sion jusqu’au 29.11.2016. Il présente des brûlures sur 64% du visage, du tronc et des membres supérieurs et inférieurs, dont 60% de 2ème degré profond et de 3ème degré. La CNA a pris en charge les prestations en nature.

L’assurance-accidents a, par décision, confirmée sur opposition, a réduit les prestations en espèces de moitié au titre d’une participation à entreprise téméraire.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 25.09.2017, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

L’art. 50 OLAA, en relation avec l’art. 39 LAA, prévoit qu’en cas d’accidents non professionnels dus à une entreprise téméraire, les prestations en espèces sont réduites de moitié; elles sont refusées dans les cas particulièrement graves (al. 1); les entreprises téméraires sont celles par lesquelles l’assuré s’expose à un danger particulièrement grave sans prendre de mesures destinées à ramener celui-ci à des proportions raisonnables ou sans pouvoir prendre de telles mesures; toutefois, le sauvetage d’une personne est couvert par l’assurance même s’il peut être considéré comme une entreprise téméraire (al. 2).

La jurisprudence qualifie d’entreprises téméraires absolues celles qui, indépendamment de l’instruction, de la préparation, de l’équipement et des aptitudes de l’assuré, comportent des risques particulièrement importants, même si elles sont pratiquées dans les conditions les moins défavorables. Il en va de même des activités risquées dont la pratique ne répond à aucun intérêt digne de protection (ATF 141 V 216 consid. 2.2 p. 218; 138 V 522 consid. 3.1 p. 524 et les références). Ont par exemple été considérées comme des entreprises téméraires absolues un plongeon dans une rivière d’une hauteur de quatre mètres sans connaître la profondeur de l’eau (ATF 138 V 522), ou encore, faute de tout intérêt digne de protection, l’action de briser un verre en le serrant dans sa main (arrêt U 122/06 du 19 septembre 2006 consid. 2.1, in SVR 2007 UV n° 4 p. 10). En doctrine, la pyrobatie (soit le fait de marcher pieds nus sur des braises) est également qualifiée d’entreprise téméraire absolue (ALEXANDRA RUMO-JUNGO, Die Leistungskürzung oder -verweigerung gemäss Art. 37-39 UVG, 1993, p. 295).

En donnant un grand coup de pied à un récipient en plastique contenant un liquide incandescent, l’assuré a adopté en l’occurrence un comportement qui, en lui-même, est objectivement si dangereux que personne ne peut s’y engager sans courir un danger particulièrement grave et imminent. Cette action implique nécessairement un esprit d’audace, soit une intention de défier le danger, et ne répond à aucun intérêt digne de protection. Rien n’autorise par ailleurs à penser que l’assuré était totalement privé de la faculté d’apprécier le caractère téméraire de son acte et de celle de se déterminer selon cette appréciation (ATF 138 V 522 consid. 4.2 p. 525 et la référence). Il ne le prétend du reste pas. Les conditions d’application de l’art. 50 al. 2, 1 ère phrase, OLAA sont dès lors réalisées.

Pour déterminer les conséquences d’une entreprise téméraire, soit décider si les prestations en espèces doivent être réduites de moitié ou refusées en raison d’un acte particulièrement grave (art. 50 al. 1 OLAA), l’assureur-accidents – et, en cas de recours, le juge – dispose d’un large pouvoir d’appréciation (arrêt U 232/05 du 31 mai 2006 consid. 3.2.1). Lorsqu’il s’agit d’apprécier le comportement d’enfants, il peut ainsi prendre en considération leur âge. Plus un enfant est jeune, moins on peut en effet lui adresser le reproche d’un cas particulièrement grave selon les critères applicables aux adultes, dont il n’a ni l’expérience, ni la maturité. Dans le cas présent, l’autorité précédente pouvait cependant se dispenser d’examiner plus avant les conséquences du jeune âge de l’assuré. L’assurance-accidents avait en effet déjà procédé à la réduction minimale prévue par l’art. 50 OLAA en cas d’entreprise téméraire (voir arrêts U 325/05 du 5 janvier 2006 consid. 1.2, in SVR 2006 UV n° 13 p. 45, 8C_640/2012 du 11 janvier 2013 consid. 6, 8C_579/2010 du 10 mars 2011 consid. 4 et les références).

Il y a dès lors lieu d’admettre, avec les premiers juges, que l’assurance-accidents était fondée à réduire les prestations en espèces de l’assurance-accidents de moitié en raison d’une entreprise téméraire absolue. En tant que lex specialis, l’art. 39 LAA exclut par ailleurs l’examen des conditions d’application de l’art. 37 al. 2 LAA sur l’accident provoqué par une négligence grave (ATF 134 V 340 consid. 3.2.4 p. 345 et les références).

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_734/2017 consultable ici

 

 

8C_821/2017+8C_825/2017 (f) du 04.06.2018 – Indemnité de chômage après réadaptation AI / Gain assuré des handicapés – Taux d’invalidité de 10% – 23 al. 1 LACI – 40b OACI / Gain assuré déterminant calculé sur la base des indemnités journalières AI

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_821/2017+8C_825/2017 (f) du 04.06.2018

 

Consultable ici

 

Indemnité de chômage après réadaptation AI

Gain assuré des handicapés – Taux d’invalidité de 10% / 23 al. 1 LACI – 40b OACI

Gain assuré déterminant calculé sur la base des indemnités journalières AI

 

Assuré, né en 1976, a travaillé à plein temps en qualité de « senior accountant » au service de la société B.__ Sàrl (ci-après: B.__) jusqu’au 30.04.2015, date à laquelle il a été licencié par son employeur. Il a subi une incapacité de travail entière dès le 29.09.2014 et a bénéficié, à partir de cette date et jusqu’au 22.04.2015, d’une indemnité journalière de l’assurance-maladie perte de gain, dont le montant brut était de 191 fr. 50.

L’office AI a mis en œuvre des mesures de réadaptation d’ordre professionnel sous la forme d’un réentraînement au travail dans le domaine d’activité fiduciaire. Pendant l’exécution de ces mesures, du 23.04.2015 au 31.01.2016, l’assuré a perçu une indemnité journalière de l’assurance-invalidité dont le montant (170 fr. 40) a été calculé sur la base d’un salaire annuel déterminant de 77’662 fr. Le 11.04.2016, l’office AI a rendu une décision par laquelle il a constaté la réussite des mesures de réadaptation mises en œuvre et a nié le droit de l’intéressé à une rente d’invalidité, motif pris que le taux d’incapacité de gain (10,01%) était insuffisant pour ouvrir droit à une telle prestation.

L’assuré a requis l’octroi d’une indemnité de chômage à compter du 01.02.2016, en indiquant être apte et disposé à accepter un emploi à plein temps. Son médecin traitant a attesté une capacité de travail entière depuis cette date.

Par décision, la caisse de chômage a fixé le gain assuré à 5’699 fr. dès le 01.02.2016 et elle a réduit ce montant de 10% à compter du 01.05.2016 – soit 5’129 fr. – en se référant à la décision de l’office AI constatant un taux d’invalidité de 10,01%. Dans le détail : Pour la période du mois de février au mois d’avril 2015 durant laquelle l’assuré était partie au rapport de travail, la caisse de chômage a pris en compte, en se fondant sur l’art. 39 OACI, le salaire qu’aurait perçu normalement l’intéressé au service de B.__ s’il n’avait pas été incapable de travailler en raison de l’atteinte à sa santé, à savoir un revenu mensuel de 7’119 fr. (treizième salaire et bonus compris). Pour la période postérieure au 30.04.2015, elle a retenu, au titre du gain assuré, les indemnités journalières allouées par l’office AI durant la mise en œuvre des mesures de réadaptation, à savoir 170 fr. 40 par jour civil. Comparant ensuite le salaire moyen des six derniers mois de cotisation selon l’art. 37 al. 1 OACI (01.08.2015 au 31.01.2016: 5’225 fr. 60) à celui des douze derniers mois de cotisation d’après l’art. 37 al. 2 OACI (01.02.2015 au 31.01.2016: 5’699 fr.), elle s’est fondée sur le second montant plus élevé. En outre, en application de l’art. 40b OACI, la caisse de chômage a réduit de 10% le montant retenu et l’a fixé à 5’129 fr. à partir du 01.05.2016, compte tenu de la décision de l’office AI.

Procédure cantonale

Par arrêt du 17.10.2017, admission partielle du recours par le tribunal cantonal, fixant le gain assuré à 5’699 fr. dès le 01.02.2016 et ne le soumettant pas à une réduction de 10% à partir du 01.05.2016.

 

TF

Selon l’art. 8 al. 1 let. e LACI, l’assuré a droit à l’indemnité de chômage s’il remplit les conditions relatives à la période de cotisation ou en est libéré. Celui qui, dans les limites du délai-cadre prévu à cet effet (art. 9 al. 3 [LACI]), a exercé durant douze mois au moins une activité soumise à cotisation remplit les conditions relatives à la période de cotisation (art. 13 al. 1 LACI). D’après l’art. 13 al. 2 let. c LACI, compte également comme période de cotisation le temps durant lequel l’assuré est partie à un rapport de travail mais ne touche pas de salaire notamment parce qu’il est malade (art. 3 LPGA [RS 830.1]) ou victime d’un accident (art. 4 LPGA) et, partant, ne paie pas de cotisations.

Aux termes de l’art. 23 al. 1 LACI, est réputé gain assuré le salaire déterminant au sens de la législation sur l’AVS qui est obtenu normalement au cours d’un ou de plusieurs rapports de travail durant une période de référence, y compris les allocations régulièrement versées et convenues contractuellement, dans la mesure où elles ne sont pas des indemnités pour inconvénients liés à l’exécution du travail (première phrase). Le Conseil fédéral détermine la période de référence et fixe le montant minimum (quatrième phrase).

La période de référence pour le calcul du gain assuré est réglée à l’art. 37 OACI. Le gain assuré est calculé sur la base du salaire moyen des six derniers mois de cotisation (art. 11 OACI) qui précèdent le délai-cadre d’indemnisation (al. 1). Il est déterminé sur la base du salaire moyen des douze derniers mois de cotisation précédant le délai-cadre d’indemnisation si ce salaire est plus élevé que le salaire moyen visé à l’alinéa 1 (al. 2). La période de référence commence à courir le jour précédant le début de la perte de gain à prendre en considération quelle que soit la date de l’inscription au chômage (al. 3, première phrase).

En cas de prise en compte de périodes assimilées à des périodes de cotisation selon l’art. 13 al. 2 let. b à d LACI, le salaire déterminant est celui que l’intéressé aurait normalement obtenu (art. 39 OACI) et non pas d’éventuelles indemnités journalières qu’il obtiendrait en vertu des art. 324a al. 4 et art. 324b CO (SVR 2015 ALV n° 11 p. 33, 8C_218/2014, consid. 3.2; arrêts 8C_104/2011 du 2 décembre 2011, consid. 3.1; C 336/05 du 7 novembre 2006, consid. 4.1; C 112/02 du 23 juillet 2002, consid. 2.2).

Quant au gain assuré des handicapés, il est réglé à l’art. 40b OACI, aux termes duquel est déterminant pour le calcul du gain assuré des personnes qui, en raison de leur santé, subissent une atteinte dans leur capacité de travail durant le chômage ou immédiatement avant, le gain qu’elles pourraient obtenir, compte tenu de leur capacité effective de gagner leur vie.

 

Gain assuré déterminant calculé sur la base des indemnités journalières AI

La situation de l’assuré dont l’employeur n’a pas résilié le contrat de travail et qui est au bénéfice d’indemnités de l’assurance-maladie perte de gain ou de l’assurance-accidents n’est pas comparable à celle de l’assuré qui perçoit des indemnités journalières de l’assurance-invalidité. Une période assimilée entre en considération lorsque l’obligation de l’employeur de verser le salaire a pris fin (cf. art. 324a CO) ou qu’à la place du salaire, l’assuré bénéficie d’indemnités journalières de l’assurance-maladie ou de l’assurance-accidents (art. 324b CO). Cette prise en compte d’une période assimilée a une fonction de coordination en relation avec l’assurance-maladie et l’assurance-accidents (cf. THOMAS NUSSBAUMER, Arbeitslosenversicherung, in: Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Soziale Sicherheit, 3e édition, n° 222 p. 2330 s.). En effet, contrairement aux indemnités journalières de l’assurance-invalidité (art. 25 LAI) et de l’assurance militaire (art. 29 LAM), les indemnités journalières de l’assurance-maladie et de l’assurance-accidents ne sont pas soumises à cotisation (cf. art. 6 al. 2 let. b RAVS). C’est pourquoi le salaire déterminant pour le gain assuré est, dans ce cas, le salaire que l’assuré aurait normalement obtenu (cf. SVR 2015 ALV n° 11 p. 33, déjà cité, consid. 3.2; arrêt 8C_645/2014 du 3 juillet 2015 consid. 2; 8C_104/2011 du 2 décembre 2011 consid. 3.1; BORIS RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, n. 28 ad art. 23 LACI). En revanche lorsque, comme en l’occurrence, l’assuré obtient des indemnités journalières de l’assurance-invalidité, celles-ci sont soumises à cotisation de l’assurance-chômage (art. 25 al. 1 let. d LAI; art. 3 al. 1 LACI en liaison avec 6 al. 2 let. b RAVS; cf. SVR 2015 ALV n° 11 p. 33, déjà cité, consid. 5.1).

La cour cantonale n’a pas violé le droit fédéral en confirmant le point de vue de la caisse de chômage, selon lequel le gain assuré déterminant pour la période du 01.05.2015 au 31.01.2016 doit être calculé sur la base des indemnités journalières allouées par l’office AI, à savoir 170 fr. 40 par jour civil.

 

Gain assuré des handicapés – 40b OACI

L’élément déterminant pour justifier une réduction du gain assuré en vertu de l’art. 40 OACI est la diminution de la capacité de gain, indépendamment de la capacité de travail de l’assuré au moment de la perception des indemnités de chômage. Or, l’assuré ne fait valoir aucun élément objectif de nature à mettre en cause les constatations de l’office AI faisant état d’une incapacité de gain de 10%. En outre, dans la mesure où le revenu d’invalide déterminant pour la comparaison des revenus selon l’art. 16 LPGA doit être distingué du gain assuré déterminant pour le calcul de l’indemnité de chômage, on ne saurait partager le point de vue de la cour cantonale, selon lequel le gain assuré de 68’388 fr. par année (5’699 fr. x 12) correspond à la capacité actuelle de l’assuré au seul motif qu’il est inférieur au revenu d’invalide de 70’238 fr. 24 retenu par l’office AI.

Par ailleurs, il n’y a pas de motif de revenir sur la jurisprudence, selon laquelle la différence de 20% entre le revenu assuré et le montant de l’indemnité journalière de l’assurance-invalidité ne doit pas être prise en considération dans l’adaptation du gain assuré prescrite à l’art. 40b OACI (arrêt 8C_829/2016 du 30 juin 2017 consid. 6). Enfin, si un taux d’invalidité inférieur à 10% ne justifie pas une telle adaptation (ATF 140 V 89, déjà cité, consid. 5.4.2 p. 95), il en va différemment lorsque, comme en l’occurrence, le taux d’incapacité de gain fixé à 10% est suffisant pour ouvrir droit à une rente d’invalidité de l’assurance-accidents (art. 18 al. 1 LAA).

Vu ce qui précède, la cour cantonale s’est écartée à tort de la décision sur opposition litigieuse en ce qui concerne la réduction de 10% du gain assuré à compter du 01.05.2016.

 

 

Le TF rejette le recours de l’assuré (8C_825/2017) et admet le recours de la caisse de chômage (8C_821/2017). Le jugement cantonal est annulé et la décision sur opposition de ladite caisse est confirmée.

 

 

Arrêt 8C_821/2017+8C_825/2017 consultable ici

 

 

Le service public de l’emploi prêt au lancement de l’obligation d’annonce

Le service public de l’emploi prêt au lancement de l’obligation d’annonce

 

Communiqué de presse du SECO du 26.06.2018 consultable ici

 

Le 26 juin 2018, le SECO et l’Association des offices suisses du travail (AOST) ont, lors d’un point de presse, informé de l’avancement de la mise en œuvre de l’obligation d’annonce. Ainsi, les offres d’emploi dans les professions dont le taux de chômage est d’au moins 8 % en Suisse peuvent être annoncées aux offices régionaux de placement (ORP) à compter du 1er juillet.

Le portail en ligne travail.swiss sert de plateforme d’information et de services pour la mise en œuvre de l’obligation d’annoncer les postes vacants. Les personnes intéressées peuvent utiliser l’outil de check-up pour vérifier en quelques clics si un poste est soumis à l’obligation d’annonce. Le cas échéant, les employeurs sont tenus d’annoncer le poste aux ORP, soit en ligne sur le portail travail.swiss, par courriel, par téléphone ou en se rendant personnellement à l’ORP. Pendant cinq jours ouvrables, seuls les demandeurs d’emploi inscrits à l’ORP et les collaborateurs des ORP peuvent consulter les informations en question, qui sont enregistrées dans un domaine protégé.

Les instruments à disposition, qu’il s’agisse d’éléments entièrement nouveaux ou complémentaires, permettent aux employeurs de collaborer avec les ORP d’une manière moderne, numérique et efficace et d’accéder aux demandeurs d’emploi inscrits auprès des ORP. Les demandeurs d’emploi bénéficient non seulement d’un large éventail d’offres d’emploi, mais aussi d’un accès privilégié aux informations concernant les postes soumis à l’obligation d’annonce.

Le service public de l’emploi est prêt à mettre en œuvre l’obligation d’annoncer les postes vacants, décidée par le Parlement.

 

Obligation d’annoncer les postes vacants

Le 8 décembre 2017, le Conseil fédéral a décidé de la manière dont la loi concernant l’article constitutionnel sur la gestion de l’immigration (art. 121a Cst.) sera mise en œuvre à l’échelon de l’ordonnance. La loi prévoit notamment d’introduire l’obligation d’annoncer les postes vacants dans les types de profession pour lesquels le taux de chômage atteint ou dépasse un certain seuil. Un seuil de 8% s’appliquera à partir du 1er juillet 2018, lequel sera abaissé à cinq pour cent à partir du 1er janvier 2020. La phase transitoire permet aux employeurs et aux cantons d’ajuster leurs procédures et leurs ressources en vue du traitement des postes soumis à l’obligation d’annonce et d’adapter leur travail de collaboration pour se conformer à la nouvelle réglementation.

La liste des genres de professions (état au 26.06.2018) répertorie les genres de professions qui, parce que leur taux de chômage atteint ou dépasse la valeur seuil de 8%, seront soumis à l’obligation d’annonce du 1er juillet 2018 au 31 décembre 2019.

 

Déroulement de l’obligation d’annonce

Les employeurs sont tenus d’annoncer aux offices régionaux de placement (ORP) tous les postes à pourvoir dans les types de profession pour lesquels le taux de chômage atteint ou dépasse le seuil. Les ORP doivent alors indiquer aux employeurs concernés, dans un délai de trois jours ouvrables, si des dossiers potentiels sont identifiés parmi les demandeurs d’emploi inscrits. Les employeurs invitent ensuite les candidats qu’ils jugent appropriés à un entretien d’embauche ou à un test d’aptitude et communiquent ensuite aux ORP s’il y a engagement.

Les postes soumis à l’obligation d’annonce sont interdits de publication durant cinq jours ouvrables. Cette interdiction court à partir du jour ouvrable qui suit l’envoi de la confirmation qu’un poste a été saisi dans le système d’information de l’AC par les ORP et reste valable, que les ORP transmettent ou non des dossiers pertinents aux employeurs soumis à l’obligation d’annonce. Les demandeurs d’emploi sont ainsi informés avec un temps d’avance et peuvent en profiter pour postuler rapidement et de leur propre initiative pour un emploi. Ce temps d’avance ne peut pas être raccourci, même si les ORP ne trouvent pas de candidats adéquats.

 

 

Communiqué de presse du SECO du 26.06.2018 consultable ici

« Obligation d’annoncer les postes vacants », site du SECO consultable ici

Portail « L’obligation d’annoncer les postes vacants » sur le site travail.swiss consultable ici

Vidéo explicative « Obligation d’annoncer les postes vacants » consultable ici

 

 

9C_36/2018 (f) du 17.05.2018 – Revenu d’invalide exigible – 16 LPGA / Exigibilité d’un changement d’activité professionnelle d’un agriculteur dans le cadre de l’obligation de diminuer le dommage

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_36/2018 (f) du 17.05.2018

 

Consultable ici

 

Revenu d’invalide exigible / 16 LPGA

Exigibilité d’un changement d’activité professionnelle d’un agriculteur dans le cadre de l’obligation de diminuer le dommage

 

Assuré né en 1965, marié et père de quatre enfants (nés en 1989, 1991 et 2003), exploite une entreprise agricole. Sur instruction, il ressort que l’assuré souffre d’un status après rupture traumatique en 2008 de la coiffe des rotateurs de l’épaule gauche et non traumatique de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite en 2013. Le médecin du SMR a fixé le début de l’incapacité durable de travail dans l’activité habituelle au mois de septembre 2008, et indiqué que celle-ci n’était plus exigible, bien qu’elle fût toutefois encore pratiquée par l’assuré à plein temps, avec aménagements, mais avec une diminution de rendement de l’ordre de 70%; il a en revanche conclu à une capacité de travail entière dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles retenues, sans diminution de rendement.

Après une enquête économique pour les indépendants puis une enquête agricole, l’office AI a rejeté la demande de prestations. En bref, elle a considéré qu’en tenant compte des changements de production à opérer au sein de l’entreprise agricole, le taux d’invalidité de l’assuré s’élevait à 6% (5,56%; résultant de la comparaison d’un revenu d’invalide de 27’284 fr. avec un revenu sans invalidité de 28’893 fr., correspondant au revenu annuel moyen de l’exploitation pour les années 2008 à 2012 [soit 49’461 fr.], après répartition en fonction de l’aide apportée par les membres de la famille à l’entreprise). Par ailleurs, si l’intéressé subissait effectivement une incapacité de travail dans son activité habituelle d’agriculteur indépendant depuis le 19.04.2013, il présentait une pleine capacité de travail dans une activité adaptée à son état de santé, lui permettant au demeurant de réaliser un revenu plus élevé que son revenu de valide.

 

Procédure cantonale (arrêt 608 2016 245 – consultable ici)

La juridiction cantonale a examiné si un changement de profession pouvait effectivement être exigé de celui-ci, ce qu’elle a admis. En conséquence, les premiers juges ont confirmé le revenu d’invalide arrêté par l’administration en se fondant sur le tableau TA1 de l’ESS 2012, soit un revenu de 66’155 fr. 05 correspondant à l’exercice d’une activité dans l’industrie légère. Dans la mesure où ce revenu était plus élevé que le revenu annuel moyen généré par l’exploitation agricole avant la survenance de la première atteinte à la santé en 2008, ils ont nié la présence d’une invalidité. Ils ont finalement considéré que l’assuré ne pouvait pas se voir reconnaître le droit à une rente d’invalidité limitée dans le temps pour la période de transition nécessaire à la liquidation de son entreprise ou à la recherche d’un repreneur.

Par jugement du 20.11.2017, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Dans le domaine de l’assurance-invalidité, on applique de manière générale le principe selon lequel un invalide doit, avant de requérir des prestations, entreprendre de son propre chef tout ce qu’on peut raisonnablement attendre de lui, pour atténuer le mieux possible les conséquences de son invalidité; c’est pourquoi un assuré n’a pas droit à une rente lorsqu’il serait en mesure, au besoin en changeant de profession, d’obtenir un revenu excluant une invalidité ouvrant droit à une rente. La réadaptation par soi-même est un aspect de l’obligation de diminuer le dommage et prime aussi bien le droit à une rente que celui à des mesures de réadaptation. Le point de savoir si une mesure peut être exigée d’un assuré doit être examiné au regard de l’ensemble des circonstances objectives et subjectives du cas concret. Par circonstances subjectives, il faut entendre en premier lieu l’importance de la capacité résiduelle de travail ainsi que les facteurs personnels tels que l’âge, la situation professionnelle concrète ou encore l’attachement au lieu de domicile. Parmi les circonstances objectives doivent notamment être prises en compte l’existence d’un marché du travail équilibré et la durée prévisible des rapports de travail (ATF 138 I 205 consid. 3.2 p. 209 et les références ; cf. aussi arrêt 9C_644/2015 du 3 mai 2016 consid. 4.3.1).

Dans le cas d’un assuré de condition indépendante, on peut exiger, pour autant que la taille et l’organisation de son entreprise le permettent, qu’il réorganise son emploi du temps au sein de celle-ci en fonction de ses aptitudes résiduelles. Il ne faut toutefois pas perdre de vue que plus la taille de l’entreprise est petite, plus il sera difficile de parvenir à un résultat significatif sur le plan de la capacité de gain. Au regard du rôle secondaire des activités administratives et de direction au sein d’une entreprise artisanale, un transfert de tâches d’exploitation proprement dites vers des tâches de gestion ne permet en principe de compenser que de manière très limitée les répercussions économiques résultant de l’atteinte à la santé (arrêt 9C_580/2007 du 17 juin 2008 consid. 5.4). Aussi, lorsque l’activité exercée au sein de l’entreprise après la survenance de l’atteinte à la santé ne met pas pleinement en valeur la capacité de travail résiduelle de l’assuré, celui-ci peut être tenu, en fonction des circonstances objectives et subjectives du cas concret, de mettre fin à son activité indépendante au profit d’une activité salariée plus lucrative (cf. arrêts 9C_578/2009 du 29 décembre 2009 consid. 4.2.4; 9C_236/2009 du 7 octobre 2009 consid. 4.3 et les références; voir également arrêt 8C_748/2008 du 10 juin 2009 consid. 4; s’agissant de la situation d’un agriculteur, voir arrêt I 38/06 du 7 juin 2006 consid. 3.2 et les références). De jurisprudence constante, ce n’est qu’à des conditions strictes que l’on peut considérer qu’un changement d’activité professionnelle, singulièrement la cessation d’une activité agricole, ne constitue pas une mesure raisonnablement exigible de l’assuré; en particulier, l’activité exercée jusqu’alors ne doit pas être poursuivie aux coûts de l’assurance-invalidité, même si l’intéressé effectue un travail d’une certaine importance économique (arrêts 9C_644/2015 du 3 mai 2016 consid. 4.3.1; 8C_413/2015 du 3 novembre 2015 consid. 3.3.1; 9C_357/2014 du 7 avril 2015, consid. 2.3.1; 9C_624/2013 du 11 décembre 2013 consid. 3.1.1; 9C_834/2011 du 2 avril 2012 consid. 4 et les références).

Le point de savoir ce qui est exigible de l’assuré afin de satisfaire à l’obligation de diminuer le dommage est un élément qui doit être examiné sur la base des circonstances existant après la survenance de l’invalidité sans attendre de voir si le résultat escompté se réalise effectivement. L’analyse doit ainsi être effectuée de manière pronostique et non pas rétrospective (cf. arrêt 9C_156/2008 du 18 novembre 2008 consid. 3.1 ; ATF 124 V 108 consid. 3b p. 111 s.; 110 V 99 consid. 2 p. 102).

La juridiction cantonale a relevé que, d’un point de vue objectif, rien ne faisait obstacle à ce que l’assuré changeât d’activité professionnelle. Âgé de 51 ans au moment de la décision litigieuse, l’assuré n’avait pas atteint l’âge à partir duquel la jurisprudence considère généralement qu’il n’existe plus de possibilité réaliste de mise en valeur de la capacité résiduelle de travail sur un marché de l’emploi supposé équilibré (cf. ATF 143 V 431 consid. 4.5.2 p. 433 et les références). Il ne semble par ailleurs pas que le choix de postes de travail exigibles fût si limité qu’il rendît très incertaine la possibilité de trouver un emploi, malgré l’absence de réelle expérience professionnelle de l’assuré dans un domaine économique autre que celui dans lequel il a toujours œuvré. La juridiction cantonale a en effet relevé que les limitations fonctionnelles de l’assuré n’étaient « pas très restrictives » et qu’il bénéficiait d’un « très large panel d’activités à choix » ; elle a au demeurant souligné que le maintien de l’activité habituelle était « clairement contre-indiqué médicalement », ce que l’assuré ne conteste pas.

Quant à l’argumentation relative à l’attachement subjectif et personnel qui lie un agriculteur à son entreprise, elle ne suffit pas non plus pour conclure à l’absence d’exigibilité d’un changement d’occupation professionnelle. Si le Tribunal fédéral a déjà eu l’occasion de constater que le passage du statut d’agriculteur indépendant à celui de salarié constitue, dans les faits, une profonde remise en question socio-professionnelle, qui présuppose des facultés d’adaptation considérables d’un point de vue subjectif, elle a cependant aussi, dans la situation alors jugée, attaché de l’importance à la circonstance que les perspectives de revenus offertes par un changement d’activité n’étaient que légèrement plus élevées que celles liées au revenu obtenu dans l’activité agricole (cf. arrêt 9C_578/2009 du 29 décembre 2009 consid. 4.3.2), ce qui n’est précisément pas le cas en l’occurrence compte tenu du salaire d’invalide déterminé par la juridiction cantonale en fonction d’une activité adaptée dans l’industrie légère.

Le Tribunal fédéral a jugé, à plusieurs reprises, que l’attachement au domaine familial ne saurait avoir pour conséquence de nier le caractère exigible d’un changement de profession lorsque celui-ci induit une meilleure valorisation économique de la capacité de travail de l’assuré (arrêts 8C_413/2015 du 3 novembre 2015 consid. 3.3.2; 9C_834/2011 du 2 avril 2012, consid. 4 et les références). A cet égard, on relèvera au demeurant que l’exigibilité de la réinsertion dans une nouvelle activité n’oblige pas, en tant que telle, l’intéressé à quitter son domaine. Il demeure en effet libre de poursuivre son activité agricole ; dans ce cas, toutefois, il ne saurait prétendre des prestations à la charge de l’assurance-invalidité (cf. arrêt 8C_413/2015 du 3 novembre 2015 consid. 3.3.2).

Dans ces conditions, il faut admettre que c’est à bon droit que les premiers juges ont considéré qu’il était raisonnablement exigible de l’assuré qu’il abandonnât son activité d’agriculteur indépendant au profit d’un emploi adapté à ses limitations fonctionnelles, dans lequel il était susceptible de mettre en œuvre une capacité entière de travail. Dans la mesure où l’assuré invoque comme seule perspective à ce sujet l’inscription à l’assurance-chômage, il omet que l’exigibilité de l’exercice d’une certaine activité et le revenu hypothétique en résultant sont examinés au regard du marché du travail équilibré (cf. art. 16 LPGA).

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_36/2018 consultable ici

 

 

8C_657/2017 (f) du 14.05.2018 – Causalité naturelle – Valeur probante d’une expertise médicale réalisée par la Clinique Corela – 6 LAA – 44 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_657/2017 (f) du 14.05.2018

 

Consultable ici

 

Causalité naturelle – Valeur probante d’une expertise médicale réalisée par la Clinique Corela / 6 LAA – 44 LPGA

 

Assuré, né en 1964, a subi un œdème et un hématome à la main droite lors d’un déménagement, le 19.05.1992. Cet accident a été annoncé à l’assureur-accidents de l’époque. Le 17.08.1992 le prénommé a été engagé en qualité de garçon d’office dans un restaurant d’entreprise. A ce titre, il était assuré obligatoirement contre le risque d’accident auprès d’une autre assurance-accidents. Le 23.02.1996, il a chuté sur le sol et s’est blessé à la main droite alors qu’il portait une grille d’évacuation d’eau. Plusieurs interventions chirurgicales ont été réalisées en particulier une arthrodèse de l’articulation trapézo-métacarpienne droite (le 03.09.1996) et une reprise d’arthrodèse, ainsi qu’une greffe et l’ablation du matériel d’ostéosynthèse (le 26.07.2004). Le 08.05.2012, il a été procédé à une désarthrodèse de la main droite et à la mise en place d’une prothèse Pi2 à droite.

Le dossier a été la source de diverses péripéties judiciaires (dont les arrêts U 270/00 du 31.01.2001, 8C_738/2008 du 14.10.2008 et 8C_221/2012 du 04.04.2013).

L’assurance-accidents a confié une expertise à un spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur, de la Clinique Corela. Se fondant sur les conclusions de l’expert, elle a rendu une décision, confirmée sur opposition, par laquelle elle a nié le droit de l’assuré à des prestations d’assurance au motif que l’existence d’un lien de causalité naturelle entre les troubles et l’accident du 23.01.1996 n’était pas établi au degré de la vraisemblance prépondérante. Aussi a-t-elle supprimé le droit aux prestations avec effet ex nunc et pro futuro en renonçant à réclamer la restitution des prestations déjà allouées. L’assurance-accidents a retenu que l’intéressé n’était pas tombé sur sa main lors de sa chute et n’avait pas non plus reçu la grille d’évacuation d’eau sur cette partie du corps. En revanche il avait été victime de plusieurs accidents avant le 23.02.1996, à savoir une chute sur le poignet droit le 20.04.1992, ainsi qu’une atteinte résultant de la chute d’un objet lourd sur cette partie du corps le 19.05.1992. Les examens radiologiques effectués après ces accidents avaient révélé une fracture intra-articulaire ancienne à la base du premier métacarpien droit, consolidée en position vicieuse, ainsi qu’un remaniement arthrosique de la base du pouce droit.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/686/2017 – consultable ici)

La cour cantonale a considéré que la question du droit de l’assuré à des prestations d’assurance pour la période antérieure au 30.09.2007 était définitivement tranchée étant donné notamment les décisions de l’assurance-accidents de prise en charge de l’intervention de reprise d’arthrodèse du 26.07.2004 et d’octroi d’une indemnité journalière depuis cette date jusqu’au 30.09.2007, ainsi que les jugements de la cour cantonale, entrés en force, et les arrêts du Tribunal fédéral excluant que le statu quo sine vel ante fût atteint avant le 30.09.2007. Par ailleurs la juridiction précédente a nié toute valeur probante aux conclusions de l’expert mandaté. En premier lieu elle reproche à cet expert de s’être fondé sur une fausse prémisse en tant qu’il retient que l’assuré n’a pas subi de choc à la main droite lors de sa chute, le 23.02.1996. Au surplus l’expert mandaté ne reproduit pas les plaintes de l’assuré et ne s’est pas prononcé sur le lien de causalité entre l’accident du 23.02.1996 et l’état pathologique au moment de l’examen, ni sur le point de savoir si le statu quo sine vel ante était atteint.

Par jugement du 14.08.2017, admission du recours par le tribunal cantonal, retenant que l’avènement du statu quo sine vel ante n’était pas établi sur la base d’un avis d’expert ayant valeur probante, de sorte que l’assurance-accidents était tenue de poursuivre le versement de ses prestations.

 

TF

Valeur probante d’une expertise médicale réalisée par la Clinique Corela

Outre le fait que le rapport de l’expert ne répond pas à la question de savoir si, et le cas échéant, à quel moment le statu quo sine vel ante a été atteint, il n’est pas certain que l’on puisse accorder pleine confiance aux conclusions de cette expertise pratiquée au sein du « département expertise » de la Clinique Corela. En effet, par arrêté du 25.06.2015 le Département de l’emploi, des affaires sociales et de la santé de la République et canton de Genève a retiré à cet établissement l’autorisation d’exploiter une institution de santé pour une durée de trois mois. Ce retrait a été confirmé par le Tribunal fédéral en ce qui concerne du moins les départements « psychiatrie » et « expertise » de cet établissement. Le Tribunal fédéral a retenu que les expertises pratiquées auprès du département en question ont un poids déterminant pour de nombreux justiciables, de sorte que l’on peut attendre de ces expertises qu’elles soient rendues dans les règles de l’art. Il existe ainsi un intérêt public manifeste à ce que des acteurs intervenant dans des procédures administratives en tant qu’experts, et qui au demeurant facturent d’importants montants à la charge de la collectivité, rendent des expertises dans lesquelles l’administré et l’autorité peuvent avoir pleine confiance, ceux-ci n’étant le plus souvent pas des spécialistes des domaines en cause. Or de très importants manquements ont été constatés dans la gestion de l’institution de santé et en particulier des graves violations des devoirs professionnels incombant à une personne responsable d’un tel établissement. C’est pourquoi le Tribunal fédéral a jugé qu’une mesure de retrait de trois mois de l’autorisation d’exploiter le département « expertise » n’était pas contraire au droit (arrêt 2C_32/2017 du 22 décembre 2017).

A la suite de cet arrêt, la Cour de justice de la République et canton de Genève a publié un communiqué de presse aux termes duquel les assurés dont le droit à des prestations a été nié sur la base d’une expertise effectuée à la Clinique Corela ont la possibilité de demander la révision – devant l’autorité qui a statué en dernier lieu (Office cantonal de l’assurance-invalidité, CNA ou autre assurance, chambre des assurances sociales de la Cour de justice ou Tribunal fédéral) – de la décision les concernant – sans garantie quant au succès de cette démarche – dans un délai de 90 jours depuis la connaissance des faits susmentionnés. De son côté, répondant à la question de Madame la Conseillère nationale Rebecca Ruiz (question 18.5054; consultable sur le lien https://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft?AffairId=20185054), le Conseil fédéral a indiqué que les organes de l’assurance-invalidité avait renoncé à confier des mandats d’expertise à cette clinique depuis 2015 et qu’ils venaient de résilier la convention tarifaire conclue avec celle-ci.

Vu ce qui précède on ne saurait reprocher à la cour cantonale de s’être écartée – même si c’est pour d’autres motifs – des conclusions de l’expert mandaté par l’assurance-accidents et d’avoir renvoyé la cause à la recourante pour instruction complémentaire sur le point de savoir si le statu quo sine vel ante a été atteint, et le cas échéant, à quel moment.

 

Le TF rejette le recours de l’assurance-accidents.

 

 

Arrêt 8C_657/2017 consultable ici

 

 

Interpellation Häsler 18.3188 « Dépendance économique des établissements spécialisés dans l’expertise médicale »

Interpellation Häsler 18.3188 « Dépendance économique des établissements spécialisés dans l’expertise médicale »

 

Consultable ici

 

Texte déposé

Les médias romands se sont fait l’écho de l’affaire qui touche la clinique genevoise Corela (aujourd’hui Medlex), spécialisée dans l’expertise médicale pour le compte de différents assureurs (caisses-maladie, assurance-accidents, assurance-invalidité) et qui a été suspendue durant trois mois pour avoir modifié des rapports d’expertise. Le Tribunal fédéral a considéré comme établi que le responsable de l’établissement avait, de sa propre initiative, modifié au détriment des assurés plusieurs rapports d’expertise, notamment en ce qui concerne les diagnostics, ce qui a conduit à priver de rente des personnes qui auraient dû y avoir droit.

Cette affaire montre de manière caricaturale que les établissements spécialisés dans l’expertise médicale sont souvent économiquement trop dépendants des assurances. De fait, le marché de l’expertise médicale est un marché lucratif : il représentait ainsi 97% de l’activité de Corela. Or, lorsqu’un tel établissement dépend économiquement des mandats que lui confient des assureurs, il risque de se laisser aller à réaliser des rapports favorables aux assurances, ou même de simple complaisance. L’affaire de la clinique Corela n’est pas un cas isolé : le responsable du centre d’expertise ABI, qui travaille pour l’AI, a lui aussi modifié a posteriori des rapports d’expertise – ce qui n’empêche pas l’AI de continuer à confier des mandats à ABI.

Aussi prié-je le Conseil fédéral de bien vouloir répondre aux questions suivantes :

  1. Dans combien d’expertises monodisciplinaires, bidisciplinaires et pluridisciplinaires Corela était-elle impliquée ?
  2. Le Conseil fédéral a-t-il connaissance d’affaires similaires touchant d’autres experts ou d’autres établissements spécialisés dans l’expertise médicale ?
  3. Que peut-on faire pour assurer un meilleur contrôle qualitatif sur ces établissements et pour éviter que de telles affaires ne se reproduisent ?
  4. Que peut-on faire pour éviter que les établissements spécialisés dans l’expertise médicale ne deviennent financièrement dépendants des assureurs ?
  5. Serait-il envisageable que l’OFAS tienne également une liste pour les affaires monodisciplinaires et bidisciplinaires avec la possibilité de biffer les entreprises qui ont manqué à leurs obligations ?
  6. Le Conseil fédéral peut-il envisager qu’un principe aléatoire soit également mis en place pour le choix du centre lorsqu’il s’agit d’expertises monodisciplinaires ou bidisciplinaires ?
  7. Peut-il envisager que, comme c’est le cas dans d’autres domaines du droit, les centres chargés d’établir les expertises soient composés paritairement et que les assurés disposent d’un droit de regard sur leur choix ?
  8. Peut-il envisager que les conclusions des rapports d’experts fassent l’objet de relevés statistiques et qu’elles soient rendues publiques, de manière à renforcer la transparence dans le domaine de l’expertise médicale ?

 

Avis du Conseil fédéral du 23.05.2018

  1. D’après le rapport de SuisseMED@P, l’AI a confié à la clinique Corela 44 mandats d’expertise pluridisciplinaire en 2013 [rapport et annexe], 24 en 2014 [rapport et annexe] et 40 en 2015 [rapport et annexe]. Les autorités genevoises estiment que le responsable de la clinique a modifié onze expertises sans l’accord des experts qui les ont réalisées; toutefois, elles n’ont pas pu, pour des raisons de protection des données, répondre aux demandes de l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) qui souhaitait obtenir des renseignements et des documents sur la procédure suivie et les assurés de l’AI concernés. La clinique a indiqué avoir réalisé respectivement 982, 753 et 828 expertises pour des assureurs privés pendant ces trois années.
  2. Le Conseil fédéral n’a pas connaissance d’autres affaires dans lesquelles des expertises pluridisciplinaires ont été modifiées sans l’accord des experts, y compris dans des instituts d’expertises médicales ABI.
  3. Sur la base de l’uniformisation des mandats d’expertise et de la structure de l’expertise introduite dans l’AI en 2018, l’OFAS élabore actuellement une nouvelle convention tarifaire prévoyant des exigences accrues en matière de qualité processuelle et structurelle des centres d’expertise. Il vérifiera le respect de ces nouveaux critères et nouvelles exigences avant la conclusion du contrat. Le nouveau tarif s’appliquera dans un an environ. En outre, dans le cadre du développement continu de l’AI (FF 2017 2363), il est prévu d’introduire en droit fédéral des critères de qualité concernant l’admission des experts médicaux qui s’appliqueront pour toutes les assurances sociales. Par ailleurs, le Conseil fédéral doit se voir octroyer la possibilité de créer ou de mandater un service indépendant chargé de l’accréditation et du contrôle des centres d’expertise ainsi que de l’assurance qualité.
  4. Le Conseil fédéral estime que le système d’attribution aléatoire des mandats d’expertise utilisé actuellement constitue une bonne solution pour garantir l’indépendance des centres d’expertise (voir postulat Fridez 14.3816). C’est également le point de vue défendu par le Tribunal fédéral (voir ATF 139 V 349). En Suisse, l’offre d’experts médicaux qualifiés reste faible comparée à la forte demande d’expertises médicales dans l’AI (5800 pluridisciplinaires, 10 400 monodisciplinaires et bidisciplinaires en 2017). Malgré des interventions auprès des cantons, seuls quatre centres d’expertise de droit public continuent à travailler pour l’AI, les 27 centres d’expertise restants étant organisés selon le droit privé.
  5. En vertu de l’article 72bis du règlement sur l’assurance-invalidité (RAI), l’OFAS ne conclut des conventions tarifaires valables dans toute la Suisse que pour les expertises pluridisciplinaires complexes. Pour les expertises monodisciplinaires et bidisciplinaires, ce sont les offices AI qui choisissent les experts médicaux et leur attribuent un mandat, sans convention tarifaire spécifique. Cela permet de répartir les expertises de manière aussi rapide et équilibrée que possible dans les régions, et de contrôler directement la qualité des expertises réalisées. Les experts fautifs ou qui ne remplissent pas les critères de qualité requis peuvent être exclus rapidement et facilement de l’attribution d’autres expertises par les offices AI. Le Conseil fédéral ne voit donc aucune nécessité d’intervenir dans ce domaine.
  6. Le Conseil fédéral estime qu’il n’est pas nécessaire de recourir au principe aléatoire pour l’attribution des expertises monodisciplinaires et bidisciplinaires. Les experts ne sont confrontés ni à un conflit d’intérêts, ni à une dépendance financière, puisqu’il s’agit d’une activité accessoire en sus de leur activité en cabinet. C’est ce que montre une étude menée dans le cadre du programme de recherche sur l’AI (PR-AI) intitulée « Ärztliche Aus-, Weiter- und Fortbildung der medizinischen Gutachterinnen und Gutachter » (2018, rapport no 5/18). Par ailleurs, le nombre d’expertises monodisciplinaires et bidisciplinaires étant nettement plus élevé que celui des expertises pluridisciplinaires (voir ch. 4), une répartition aléatoire via une plateforme comme SuisseMED@P ne serait pas réalisable (voir postulat Fridez 14.3816).
  7. Dans les assurances sociales, les procédures se fondent sur la maxime d’office. Il incombe aux assureurs de prendre d’office les mesures d’instruction nécessaires. Les droits de participation de l’assuré dans les procédures de l’AI ont été fortement consolidés au cours des dernières années, ce dernier pouvant donner son avis quant au choix des experts. Si les objections et les motifs de récusation concrets de l’assuré à l’encontre des experts sont pertinents, un autre expert est mandaté. Dans le cas contraire, l’office AI rend une décision incidente, qui peut être examinée par un tribunal indépendant (voir ip. Heim 15.4093). Le développement continu de l’AI prévoit l’adaptation de l’article 44 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA) visant à introduire dans la loi les principes dégagés par la jurisprudence en matière d’expertise. La réalisation d’expertises pluridisciplinaires complexes dans un délai raisonnable nécessite une certaine infrastructure et un réseau de médecins habitués à établir des expertises dans le contexte d’une recherche de consensus entre les spécialistes impliqués. C’est la raison pour laquelle ces centres d’expertise doivent être agréés par l’OFAS (voir ch. 5). Avec plus de 5000 expertises pluridisciplinaires, il n’est en l’état pas possible d’instaurer la parité au sein de l’équipe des experts. Le Conseil fédéral est donc d’avis que les mesures actuelles et prévues suffisent pour garantir le droit de codécision des assurés.
  8. Le rapport annuel sur SuisseMED@P assure la transparence en matière de répartition des expertises pluridisciplinaires dans l’AI. En vue d’assurer une communication transparente des résultats, la qualité et le caractère concluant d’une expertise donnée ne peuvent toutefois être appréciés qu’en fonction du cas d’espèce concerné. L’expert doit pouvoir être évalué d’après chacune de ses expertises, lesquelles doivent souvent résister à l’examen d’un tribunal indépendant. Le Conseil fédéral estime qu’il n’est pas judicieux de recenser l’ensemble des résultats (incapacité de travail attestée) ni de les publier (voir ip. Heim 15.4093). Le Tribunal fédéral considère lui aussi que de telles statistiques ne sont pas déterminantes (voir ATF 8C_599/2014).

 

Chronologie

30.05.2018 : L’objet est repris.

15.06.2018 : Conseil national – Discussion reportée.

 

 

Interpellation Häsler 18.3188 « Dépendance économique des établissements spécialisés dans l’expertise médicale » consultable ici

 

 

Remarques

Nous nous permettons de sortir – pour une fois – de notre réserve pour partager quelques questions restées sans réponse.

Le 05.03.2018, le Conseil fédéral mentionnait que l’AI avait renoncé à confier des mandats d’expertise à cette clinique depuis 2015 déjà (réponse du Conseil fédéral du 05.03.2018 à la quesiton Ruiz 18.5054 « La clinique Corela a-t-elle encore la confiance de l’OFAS? »). La réponse était la même le 12.03.2018 (cf. communiqué de presse du 12.03.2018 et réponse du Conseil fédéral du 12.03.2018 à la question Bauer 18.5130 « Centre d’expertise Corela et AI. Et maintenant? »).

Or, le rapport 2015 de SuisseMED@P fait mention de 40 mandats attribués à la Clinique Corela, soit une augmentation de 166% par rapport à 2014. Ce n’est qu’à partir de 2016, que le nombre de mandats attribués tombe à zéro (cf. rapport 2016 de SuisseMED@P). L’OFAS et le Conseil fédéral ont-ils fait une erreur de date ?

La transparence, évoquée à la réponse 8 du Conseil fédéral, ne semble pas avoir été mise en pratique. Malgré nos recherches, nous n’avons pas trouvé le rapport 2017 de SuisseMED@P ; il n’est pas non plus sur la page de l’OFAS dédiée aux expertises médicales de l’AI.

Par ailleurs, si l’OFAS ne confiait plus de mandat d’expertise à cette clinique, pourquoi cette dernière était toujours un centre d’expertises pluridisciplinaires lié à l’OFAS par une convention au sens de l’art. 72bis RAI en février 2018 (cf. notre article du 26.02.2018) ? Ce n’est que le 15.03.2018 que la Clinique Corela (devenue MedLex) n’apparaît plus sur la liste des centres d’expertises pluridisciplinaires liés à l’OFAS, soit après les échos parus dans la presse.

Une autre question serait de savoir pourquoi l’OFAS ne leur confiait plus de mandat. Sauf erreur de notre part, l’OFAS ne s’est pas exprimé à ce sujet.

Cette affaire met à mal la confiance des assurés dans le système des assurances sociales. Cette affaire jette le discrédit sur les centres d’expertises et les experts médicaux. Les pistes évoquées dans le cadre du développement continu de l’AI seront-elles suffisantes pour retrouver la confiance des administrés ?

Un tel climat n’est pas non plus propice à faire naître des vocations d’expert chez les médecins. Il ne faut pas non plus perdre de vue qu’il est nécessaire de trouver une relève aux médecins experts actuellement en exercice et que la Suisse romande, en particulier, souffre d’un manque chronique de médecins experts. N’oublions pas qu’un bon médecin ne fait pas – forcément – un bon expert. Cela est d’autant plus vrai lorsque la causalité naturelle et le critère de la vraisemblance prépondérante sont au centre du mandat d’expertise.

Nous relevons encore que cela intervient dans une période où se discute également la mise en œuvre de la surveillance des assurés. Nous avons connu période plus sereine.

Nous espérons que ces quelques questions auront, un jour, une réponse de la part de l’OFAS.