8C_202/2017 (f) du 21.02.2018 – Fin du traitement médical – Notion de l’état de santé stabilisé – 10 LAA – 19 LAA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_202/2017 (f) du 21.02.2018

 

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Fin du traitement médical – Notion de l’état de santé stabilisé – 10 LAA – 19 LAA

 

Assuré victime d’un accident professionnel le 25.07.2008 : il a glissé et fait une chute en se réceptionnant sur les mains, ce qui lui a occasionné des douleurs au poignet et à l’épaule gauche (atteinte au niveau de la coiffe des rotateurs). L’assuré a subi de multiples interventions à l’épaule gauche, la dernière le 25.04.2014 (implantation d’une prothèse totale inversée). La persistance, chez l’assuré, de douleurs localisées au niveau de l’articulation acromio-claviculaire gauche a conduit le médecin-traitant à procéder à une infiltration dans cette articulation et, au vu du résultat de celle-ci, à envisager une nouvelle intervention sous la forme d’une résection acromio-claviculaire.

L’assureur-accidents a mandaté un chirurgien spécialiste des membres supérieurs pour qu’il se prononce sur le point de savoir si l’on pouvait attendre de la continuation du traitement médical une amélioration sensible de l’état de l’assuré. A l’issue de son examen du 02.02.2015, ce médecin a déclaré qu’une résection acromio-claviculaire pourrait éventuellement réduire le syndrome douloureux, mais n’aurait pas d’influence sur la mobilité et la force du membre supérieur gauche, ni sur la capacité de travail de l’assuré en tant que chauffeur de poids lourds qui était nulle ; d’autres thérapies n’étaient pas indiquées ; des activités légères ne sollicitant pas l’épaule gauche étaient envisageables. Le médecin-traitant, qui s’était dans un premier temps rallié à cet avis, a demandé à l’assureur-accidents de réévaluer la question de la prise en charge de l’intervention en cause dans un rapport subséquent.

L’assurance-accidents a retenu, par décision du 23.07.2015 confirmée sur opposition, que l’épaule gauche de l’assuré avait atteint un état définitif, et mis un terme aux indemnités journalières au 31.07.2015. Elle a alloué à l’assuré une rente d’invalidité fondée sur un degré d’invalidité à 53% à compter du 01.08.2015, considérant qu’il pourrait encore exercer une activité adaptée avec une diminution de rendement de 50%. L’assuré a formé opposition à cette décision.

 

Procédure cantonale

La cour cantonale a considéré que l’opinion du médecin-traitant n’était contredite par aucune pièce médicale au dossier, et en a retenu qu’une nouvelle intervention chirurgicale était susceptible d’apporter une amélioration sensible de l’état de santé de l’assuré au sens de l’art. 19 LAA.

Par jugement du 08.02.2017, admission du recours par le tribunal cantonal, annulation de la décision litigieuse et renvoi du dossier à l’assureur-accidents pour qu’il procède conformément aux considérants.

 

TF

Fin du traitement médical – Notion de l’état de santé stabilisé – 10 LAA – 19 LAA

Le traitement médical n’est alloué qu’aussi longtemps que sa continuation est susceptible d’apporter une amélioration sensible de l’état de l’assuré (art. 19 al. 1, seconde phrase, LAA a contrario). Une telle évaluation doit être évaluée au regard de l’augmentation ou du rétablissement de la capacité de travail à attendre du traitement médical, une amélioration insignifiante de celle-ci n’étant pas suffisante (FRÉSARD/MOSER-SZELESS, L’assurance-accidents obligatoire in: Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Soziale Sicherheit, 3ème éd., 2016, n. 200; voir aussi ATF 134 V 109 consid. 4.3 p. 115). Il n’y a pas d’amélioration sensible de l’état de santé quand la mesure thérapeutique (par exemple une cure annuelle) ne fait que soulager momentanément des douleurs occasionnées par un état par ailleurs stationnaire (RAMA 2005 n° U 557 p. 388, U 244/04 consid. 3.1). Si une amélioration n’est plus possible, le traitement prend fin et l’assuré peut prétendre une rente d’invalidité (pour autant qu’il présente une incapacité de gain de 10% au moins). L’art. 19 al. 1 LAA délimite ainsi du point de vue temporel le droit au traitement médical et le droit à la rente d’invalidité.

Selon la jurisprudence, il y a arbitraire dans l’appréciation des preuves et l’établissement des faits, lorsque l’autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu’elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (ATF 140 III 264 consid. 2.3 p. 266 et les références citées).

En l’occurrence, la cour cantonale ne pouvait valablement retenir que l’opinion du médecin mandaté par l’assurance-accidents n’allait pas à l’encontre de celle exprimée, dans un second temps, par le médecin-traitant. Tout en reconnaissant qu’une résection acromio-claviculaire pourrait éventuellement diminuer les douleurs ressenties par l’assuré, ce médecin a souligné que la force et la mobilité de l’épaule gauche ne s’en trouveraient toutefois pas améliorées, ni la capacité de travail en tant que chauffeur de poids lourds. Le seul fait qu’il n’a pas également affirmé qu’il en allait de même de la capacité de l’assuré dans une activité légère adaptée ne permet pas encore de faire la déduction inverse. On peut au demeurant écarter toute ambiguïté quant au sens à donner à ces considérations sur le vu du rapport établi par le médecin-traitant après un échange téléphonique avec le médecin-expert. Dans ce document, en effet, le chirurgien traitant s’était alors déclaré d’accord avec son confrère pour dire que de nouvelles interventions chirurgicales, en particulier une résection acromio-claviculaire, ne seraient pas de nature à augmenter de façon significative la fonction de l’épaule et la capacité de travail de l’assuré, ajoutant qu’il fallait désormais envisager des mesures de réadaptation, voire une rente d’invalidité.

Il s’ensuit que la cour cantonale s’est livrée à une appréciation arbitraire des preuves en reconnaissant, pour les motifs qu’elle a retenus, un caractère concluant au rapport du chirurgien traitant et en admettant, sur cette base, que la mesure médicale proposée pouvait à suffisance de preuve augmenter la capacité de travail de l’assuré. En l’espèce, il n’y avait pas de motif de s’écarter de l’avis du médecin-expert pour lequel la mesure médicale envisagée n’était pas susceptible d’améliorer les capacités fonctionnelles de l’épaule gauche de l’assuré et, en conséquence, non plus sa capacité de travail résiduelle. Devant l’expertise circonstanciée d’un médecin externe à l’assureur, le rapport du chirurgien traitant qui a exprimé deux opinions différentes et contradictoires à trois mois d’intervalle ne saurait emporter la conviction.

Eu égard à l’état de santé de l’assuré prévalant à la date – déterminante – de la décision sur opposition, le refus de l’assurance-accidents de prendre en charge la résection acromio-claviculaire n’était donc pas critiquable, ce que la cour cantonale aurait dû confirmer. La simple possibilité, hypothétique, d’une réduction des douleurs par le biais de cette mesure médicale – admise par les deux médecins – n’est en effet pas une condition suffisante pour retenir que la poursuite du traitement médical était susceptible d’apporter une amélioration sensible de l’état de l’assuré au sens de l’art. 19 al. 1 LAA.

 

Le TF admet le recours de l’assurance-accidents, annule le jugement cantonal et confirme la décision de l’assurance-accidents.

 

 

Arrêt 8C_202/2017 consultable ici : https://bit.ly/2rB3Mnx

 

 

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