8C_199/2017 (f) du 06.02.2018 – Revenu d’invalide – 16 LPGA / DPT vs ESS en instance cantonale – Violation du droit d’être entendu (de l’assurance-accidents) / Abattement sur le salaire statistique

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_199/2017 (f) du 06.02.2018

 

Consultable ici : http://bit.ly/2FAlQa2

 

Revenu d’invalide / 16 LPGA

DPT vs ESS en instance cantonale – Violation du droit d’être entendu (de l’assurance-accidents)

Abattement sur le salaire statistique

 

Le 30.06.2011, assuré, né en 1975, victime d’un accident de la circulation : alors qu’il roulait en scooter, il a été heurté par une voiture qui n’a pas respecté la priorité, et a chuté sur le côté droit après un freinage d’urgence. Il en est résulté une contusion au genou droit avec une rupture du ligament croisé antérieur et du ménisque interne, un arrachement osseux au niveau de 3ème cunéiforme du pied droit, une entorse à l’arrière-pied et des cervico-brachialgies. Il a subi plusieurs interventions au genou droit.

Lors du bilan médical final du 04.12.2014, le médecin d’arrondissement, spécialiste en chirurgie orthopédique, a retenu que l’assuré ne pouvait plus reprendre son ancien emploi (chauffeur de poids lourds) mais était en mesure d’exercer une activité assise ou debout, avec un port de charges limité à 5 kg et sans déplacements dans des escaliers ou sur des échelles.

L’assureur-accidents a alloué à l’assuré, avec effet au 01.05.2015, une rente LAA fondée sur un degré d’invalidité de 12%. Pour déterminer le revenu d’invalide de l’assuré, qu’elle a fixé à 62’131 fr., elle s’est basée sur cinq descriptions de postes de travail (DPT).

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/83/2017 – consultable ici : http://bit.ly/2tizhXy)

Par jugement du 07.02.2017, admission du recours par le tribunal cantonal et taux d’invalidité fixé à 15% sur la base de l’ESS.

 

TF

Violation du droit d’être entendu (de l’assurance-accidents)

Le droit d’être entendu implique, lorsqu’une autorité envisage de fonder sa décision sur une norme ou un motif juridique non évoqué dans la procédure antérieure et dont aucune des parties en présence ne s’est prévalue et ne pouvait supputer la pertinence in casu, de donner au justiciable la possibilité de se déterminer à ce sujet (ATF 130 III 35 consid. 5 p. 39; 128 V 272 consid. 5b/bb p. 278; arrêt 8C_520/2016 consid. 2.2).

De jurisprudence constante, en l’absence d’un revenu effectivement réalisé – soit lorsque la personne assurée, après la survenance de l’atteinte à la santé, n’a pas repris d’activité lucrative ou alors aucune activité normalement exigible -, le revenu d’invalide peut être évalué sur la base des données salariales résultant des DPT ou sur les données statistiques issues de l’ESS (ATF 139 V 592 consid. 2.3 p. 593; 135 V 297 consid. 5.2 p. 301; 129 V 472 consid. 4.2.1 p. 475 et les références).

En l’espèce, si, devant les premiers juges, l’assuré n’a pas spécifiquement critiqué le caractère exigible des activités décrites dans les DPT produites par la CNA, il n’en a pas moins contesté pouvoir réaliser le salaire moyen correspondant à ces postes de travail. La détermination du revenu d’invalide faisait donc partie de l’objet du litige soumis aux juges cantonaux. Dans ces conditions, l’assurance-accidents pouvait s’attendre à qu’ils recourent aux données salariales statistiques s’ils n’étaient pas convaincus par le revenu d’invalide établi au moyen des DPT. Au demeurant, l’assurance-accidents semble oublier qu’elle a elle-même invoqué, dans une argumentation subsidiaire, qu’une application des valeurs statistiques ne changerait pas le résultat auquel elle était parvenue dans sa décision sur opposition. Elle est ainsi mal venue de se prévaloir d’une argumentation imprévisible ou surprenante de l’instance précédente. Le grief d’une violation de son droit d’être entendue doit par conséquent être rejeté.

 

DPT vs ESS en instance cantonale

Contrairement à ce que voudrait l’assurance-accidents, on ne saurait déduire de l’arrêt qu’elle cite (arrêt 8C_443/2016 du 11 août 2016) ni de la jurisprudence publiée, une obligation pour les juges cantonaux d’interpeller la CNA pour qu’elle produise d’autres DPT lorsqu’ils considèrent ne pas pouvoir se rallier à ceux initialement sélectionnés par elle et envisagent de faire usage des salaires statistiques pour déterminer le revenu d’invalide.

Encore récemment, le Tribunal fédéral a rappelé que c’est à la juridiction cantonale qu’il revient d’examiner si les DPT produites par la CNA satisfont aux conditions posées par jurisprudence ou, sinon, soit de renvoyer la cause à celle-ci pour compléter son enquête économique, soit de procéder elle-même à la détermination du revenu d’invalide sur la base des données statistiques issues de l’ESS (voir l’arrêt 8C_898/2015 du 13 juin 2016 consid. 3.3). Il s’agit là d’une faculté laissée à l’appréciation du juge.

Par ailleurs, il est également de jurisprudence constante que les activités décrites dans les DPT ayant servi de référence dans la décision initiale doivent être compatibles avec l’état de santé de l’assuré pour qu’il soit admissible de s’y référer (voir l’arrêt 8C_430/2014 in SVR 2016 UV n° 14 p. 43 consid. 4.4. et les références). Cet arrêt, dont se prévaut l’assurance-accidents, ne dit pas autre chose. Pour le surplus, on n’examinera pas si les juges cantonaux étaient fondés à retenir l’incompatibilité de trois DPT avec les limitations fonctionnelles de l’assuré.

Enfin, il n’y a pas lieu de prendre considération les cinq nouvelles DPT produites par l’assurance-accidents à l’appui de son recours. Dans la mesure où le jugement attaqué ne repose pas sur une argumentation juridique imprévisible les conditions d’une exception à l’interdiction de présenter des moyens de preuve nouveaux ne sont pas remplies (cf. art. 99 al. 1 LTF; BERNARD CORBOZ, Commentaire de la LTF, 2e éd. 2014, n° 25b ad art. 99 LTF).

 

Abattement sur le salaire statistique

L’étendue de l’abattement du salaire statistique dans un cas concret constitue une question typique relevant du pouvoir d’appréciation, qui est soumise à l’examen du juge de dernière instance uniquement si la juridiction cantonale a exercé son pouvoir d’appréciation de manière contraire au droit, soit a commis un excès positif ou négatif de son pouvoir d’appréciation ou a abusé de celui-ci, notamment en retenant des critères inappropriés, en ne tenant pas compte de circonstances pertinentes, en ne procédant pas à un examen complet des circonstances pertinentes ou en n’usant pas de critères objectifs (ATF 137 V 71 consid. 5.1 p. 72 s.; 132 V 393 consid. 3.3 p. 399).

La juridiction cantonale a opéré un abattement de 10% eu égard à la nature des limitations fonctionnelles de l’assuré (port de charges limité à 5 kg, pas de longues marches ou de déplacements dans des escaliers ou sur des échelles, alternance des positions assis/debout), citant à l’appui l’arrêt 8C_800/2015 du 7 juillet 2016 pour un cas comparable (voir le consid. 3.4). Or l’assurance-accidents ne prétend pas que ce critère serait non pertinent mais se contente d’affirmer qu’un abattement de 5% serait plus approprié à la situation qu’un abattement de 10%. Ce faisant, elle ne démontre toutefois pas en quoi les juges cantonaux auraient commis un excès positif ou négatif de leur pouvoir d’appréciation ou abusé de celui-ci en considérant que les limitations en cause justifient un taux d’abattement à 10%. Elle ne s’en prend qu’à l’opportunité de la décision, ce qui ne lui est d’aucun secours.

 

Le TF rejette le recours de l’assurance-accidents.

 

 

Arrêt 8C_199/2017 consultable ici : http://bit.ly/2FAlQa2

 

 

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